Le pâtissier Didier m'attendrit par ses côtés bien français, râleur, bourru, très professionnel, très consciencieux, je contemple son savoir-faire, ses gestes adroits et amoureux de la pâte feuilletée ou du biscuit à la pistache. J'ai beaucoup plus traduit que la dernière fois, et parfois, avec le bruit des machines et la tendance de certains à chuchoter ou marmonner, ce n'était pas si facile. "Vous êtes notre salut! me dit une ouvrière, il ne comprend rien et nous non plus, et cela introduit toutes sortes de tensions!" Didier a beaucoup de raisons d'être tendu, sur lesquelles je ne m'étendrai pas telle la pâte sur le marbre, mais il est particulièrement irrité par le manque d'initiative de ses employés quand il s'agit de prendre des responsabilités, leur manque d'autonomie dans le travail. "Faut que je les materne! Font rien sans moi!" Alors qu'ils en prennent de malheureuses par rapport aux instructions qu'il leur donne et qu'ils adaptent à leur façon. Je lui ai dit que j'avais eu une aide maternelle qui m'avait désespérée les premiers mois de notre collaboration, et avec laquelle j'avais eu ensuite une relation de totale confiance et d'amitié. La vieille tsigane qui fait la vaisselle m'a glissé: "Il est bien, cet homme quand même, ça se voit tout de suite!" Mis au courant, Didier a fait la moue: "Ouais, c'est pas ce qu'elle a l'air de penser quand je lui dis de se magner pour laver les plats!"
A l'issue de notre boulot, Didier m'a accompagnée chez un marchand de cycles. Je voulais faire l'acquisition d'un vélo. Il n'y avait pas un grand choix, ce qui simplifiait les choses. A part les machins sportifs, il ne m'était proposé que deux vélos praticables, un sans vitesses, l'autre avec, j'ai pris le deuxième. Didier aurait acheté le même, mais il n'y en avait qu'un. Pour les sacoches et l'antivol, c'était dans un autre magasin, et j'y suis allée ensuite, avec Didier à qui je détaillais toutes les enseignes, car il ne lit pas encore le cyrillique, il ne savait pas qu'il avait à deux minutes une épicerie où se dépanner s'il manquait tout à coup quelque chose à la fabrication, car il n'y avait pas de vitrine extérieure et la pancarte lui restait hermétique. Curieusement, plusieurs personnes que j'ai croisées m'ont regardée en se marrant: je n'ai pas une tête à faire du vélo? Mon vélo est comique? Mystère. Voici donc le vélo, comme disait un ami autrefois, mon beau vélo de Ravel, qui me permet d'aller vite fait faire mes courses au "Magnit", et sur lequel je volerai demain vers mon lieu de travail.
Didier m'a dit que lorsqu'il était arrivé en France, la police l'avait retenu une heure au contrôle des passeports: on prétendait qu'il était recherché au niveau international. "Et pendant ce temps-là, tu crois qu'ils se seraient occupés de tous ceux qui attendaient derrière? Non, ils étaient je ne sais combien à rien foutre, mais personne ne se dérangeait. Ca ne va pas du tout, le monde ne tourne vraiment pas rond, je t'assure, ça fait peur. Ils recherchaient un banquier, je leur ai dit: moi je suis pâtissier. Quand j'ai fini par sortir, ah c'était plus Paris, je ne reconnaissais plus rien. Un bordel pas possible, le tiers-monde, et dans le métro, les quatre escalators en panne... Ah pas question d'y retourner, ah n'importe où mais pas là bas, je t'assure, ça sent pas bon... Et puis c'est cher, ce n'est pas possible! Le problème de notre monde, c'est qu'il n'y a plus que le fric qui compte, et ça c'est pas normal!"
A l'issue de notre boulot, Didier m'a accompagnée chez un marchand de cycles. Je voulais faire l'acquisition d'un vélo. Il n'y avait pas un grand choix, ce qui simplifiait les choses. A part les machins sportifs, il ne m'était proposé que deux vélos praticables, un sans vitesses, l'autre avec, j'ai pris le deuxième. Didier aurait acheté le même, mais il n'y en avait qu'un. Pour les sacoches et l'antivol, c'était dans un autre magasin, et j'y suis allée ensuite, avec Didier à qui je détaillais toutes les enseignes, car il ne lit pas encore le cyrillique, il ne savait pas qu'il avait à deux minutes une épicerie où se dépanner s'il manquait tout à coup quelque chose à la fabrication, car il n'y avait pas de vitrine extérieure et la pancarte lui restait hermétique. Curieusement, plusieurs personnes que j'ai croisées m'ont regardée en se marrant: je n'ai pas une tête à faire du vélo? Mon vélo est comique? Mystère. Voici donc le vélo, comme disait un ami autrefois, mon beau vélo de Ravel, qui me permet d'aller vite fait faire mes courses au "Magnit", et sur lequel je volerai demain vers mon lieu de travail.
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Didier m'a dit que lorsqu'il était arrivé en France, la police l'avait retenu une heure au contrôle des passeports: on prétendait qu'il était recherché au niveau international. "Et pendant ce temps-là, tu crois qu'ils se seraient occupés de tous ceux qui attendaient derrière? Non, ils étaient je ne sais combien à rien foutre, mais personne ne se dérangeait. Ca ne va pas du tout, le monde ne tourne vraiment pas rond, je t'assure, ça fait peur. Ils recherchaient un banquier, je leur ai dit: moi je suis pâtissier. Quand j'ai fini par sortir, ah c'était plus Paris, je ne reconnaissais plus rien. Un bordel pas possible, le tiers-monde, et dans le métro, les quatre escalators en panne... Ah pas question d'y retourner, ah n'importe où mais pas là bas, je t'assure, ça sent pas bon... Et puis c'est cher, ce n'est pas possible! Le problème de notre monde, c'est qu'il n'y a plus que le fric qui compte, et ça c'est pas normal!"
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