Les cadeaux du potier |
Ma
tête et mon cœur sont restés aux Solovki. Il y a quelque chose de profondément
envoûtant dans cette île, envoûtant n’est peut-être pas le mot, à cause de sa
connotation magique, disons absorbant, captivant. Il me semble que je pourrais errer sans
me lasser autour de ce monastère, parmi ces baraques, et le long de cette
grève. Et j’ai ressenti une grâce permanente, qui ne me quitte pas vraiment.
Elle me quitte quand je vais sur Facebook, et que je vois ce qui se passe
partout : la magnifique église en bois de Kondologa réduite en cendres,
cette quintessence du style authentiquement russe du nord, dont il reste si peu
de témoins architecturaux, entre le communisme d’hier et l’incurie actuelle, de
la part de fonctionnaires qui n’ont aucun respect du patrimoine et surtout pas
de ce qui est authentiquement russe.
Cette nouvelle m’a profondément affectée. Les envahisseurs africains
continuent à déferler sur l’Europe en flot ininterrompu, débarquant avec des
grimaces et des doigts d’honneur, tandis que les gouvernements félons et le
pape lui-même nous invitent à nous attendrir et à nous croiser gentiment avec leurs
taureaux noirs en rut. La loi scélérate de la mère Schiappa va
bousiller l’enfance et le psychisme, ou disons franchement le mot, l’âme de la
plupart des enfants français, livrés aux élucubrations d’une bande de pervers
et de pédophiles internationaux. On viole chez nous, là bas, l’on assassine et
l’on brutalise à tous les coins de rue, sans que les autorités réagissent. Mais
je suis restée spirituellement, comme Fédia, abritée sous la mante du métropolite Philippe, et
quand je me retire dans cette espace, j’y trouve un profond et bienveillant
silence, une certitude, une promesse.
Satan est déchaîné, nos plus chers trésors culturels brûlent et sont
détruits, ou dénaturés. Des
requins sans conscience s’apprêtent à défigurer les environs du lac et du
monastère saint Nicétas, à Pereslavl. On détruit à Moscou tout ce qui n’est pas
devenu trop connu pour le faire sans scandale international. L’Europe est en train de disparaître. La vie
même de la planète est déjà profondément compromise, souillée, menacée par les
activités fébriles et cupides des serviteurs du démon, mais au bout du monde,
entre les vestiges du Goulag et ceux du fervent monachisme médiéval russe,
entre l’eau grise du ciel et les ténèbres de la mer que les mouettes traversent
comme des astres, j’ai ressenti une paix qui n’a pas de nom et pas de limites.
C’est elle qu’il faut rechercher, car autour de moi, il y en aura de moins en
moins, et j’aurai toujours plus de raison de m’indigner et de souffrir. Comme
le dit le père Costa de Beauregard, les temps sont courts, il faut se
concentrer sur l’essentiel, et ne pas lâcher prise.
Au
cours de mon périple, j’ai trouvé de la documentation intéressante, dont une
vie de saint Philippe. Là, j’ai eu la main vraiment heureuse, car il ne s’agit
pas d’une hagiographie sans nuances, mais d’un travail historique, qui est
suivi de la vie du saint, telle qu’on l’a écrite autrefois. Saint Philippe
semble avoir été un homme sensible, non dépourvu de faiblesse, qui avait envie
d’avoir la paix, et qui n’était pas porté sur l’ascétisme extrême, malgré la
période qu’il a passée dans un ermitage. Il était attiré par le monachisme, et
n’était pas encore marié à trente ans, ce qui était exceptionnel à l’époque. Il
avait sûrement de la suite dans les idées, car ses débuts n’ont pas été
faciles, d’autant plus qu’il avait soigneusement caché sa véritable identité.
Il a donc débuté comme simple moine corvéable à merci. Mais son départ au
monastère a coïncidé avec des remous politiques dans lesquels sa famille était
impliquée, ce qui a pu précipiter sa décision. Elu higoumène des Solovki, pour
remplacer l’higoumène précédent, accablé de vieillesse, il avait, au bout de
quelques temps, renoncé à sa charge sans qu’on sût pourquoi. Soit il s’est
heurté à une coterie hostile à l’intérieur du monastère, coterie qui se
manifestera en l’accablant lors du procès inique que le tsar lui fit ensuite, soit
il a reculé devant les responsabilités de sa position, dans les deux cas, il s’est
débiné, le vieil higoumène a repris du service, des allées et venues,
épuisantes à l’époque, ont eu lieu entre le monastère et l’éparchie de Novgorod
dont il dépendait. Puis il est revenu sur sa décision et a pris les choses en
main. Il s’est montré alors un administrateur, un bâtisseur et même un agronome
de grand talent, et un père spirituel attentif.
L’héroïque résistance à la pression d’Ivan le Terrible dont il fit
preuve par la suite n’en est que plus touchante et admirable. Cet homme n’était
pas une personnalité indomptable et rigide, il n’avait pas le goût du pouvoir, la
foi, l’amour et la fidélité à Dieu lui tenaient lieu de volonté, et c’est ce
qui me le rend cher. Je pense avoir cela en commun avec lui, une certaine faiblesse, l'horreur des responsabilités et des conflits, mais quand faut y aller, faut y aller...
Mes
animaux étaient gardés par une famille russe très sympathique, Varia, Sérioja
et leurs enfants qui ont beaucoup apprécié leur séjour ici, et beaucoup joué
avec Rosie, qui doit les regretter, car elle m’apporte son ballon, et comme je
me lasse vite et elle, jamais… Mes chats en revanche étaient contents de me
voir rentrer, Rom et Blackos avaient presque disparu, ils sont nerveux et
trouillards, ils ont eu de mauvaises expériences.
Le
pot que m’a offert Sergueï le potier est vraiment bien pour faire cuire les
flocons d’avoine matinaux avec des fruits variés. Je mets cela au four, cela
n’attrape pas, et par-dessus le marché, le résultat est aromatique et presque
confit. Cela n’a pas du tout le même goût que lorsque je cuis cela dans une
casserole, sur le feu. Plus je me sers de ce pot et plus il se patine.
J’ai
appris que les choses se compliquaient pour mon déménagement. Il leur faut une
présentation détaillée de chaque objet de plus de cent ans, photo de face et de
dos, or je ne peux pas faire cela, car tout est en France et moi ici, et
d’ailleurs, les quelques antiquités que j’ai gardées, je ne sais même pas d’où
elles viennent, et elles ne valent pas grand-chose. Non content de faire payer
une taxe de 4€ par kilo, les Russes m’en feraient encore payer une sur ces
objets. Bref c’est du racket et de la torture mentale.
Il faut savoir que partir en Russie signifie laisser pratiquement tout ce qu'on a derrière soi.
Cette céramique vient de Férapontovo. Il y avait là un magasin où l'on trouvait de l'artisanat de qualité, ce qui est rare. |
C'est ma récolte de choux: je crois qu'elle n'ira pas plus loin cette année, et je ne m'en suis pas trop occupée. Mais j'aurai des courges, dont je ne me suis pas occupée non plus. |
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