J’ai
organisé un concert de folklore en face du café français, dans la succursale « japonaise »
du tadjik Bekhrouz, qui cuisine remarquablement bien. Sont venus Dima et Sergueï, et quelques autres, des jeunes
femmes. Ils ont essentiellement chanté a capella un répertoire très
ethnographique en expliquant tout cela à l’assistance. J’ai été émue par l’évocation
du village de l’Oural où Dima a grandi et pu entendre ce qui a disparu de tous
les environs de Pereslavl : des chants qui s’élevaient ça et là, par les
rues et les prés. J’aimais beaucoup ma datcha, et tous les sons que j’y
entendais, les oiseaux, le vent, le spectacle des nuages russes fantastiques et
de cette étrange église de la même couleur que le ciel qui semblait toujours
prête à s’envoler, mais aucun chant humain ne s’élevait plus à Krasnoïé, à part
la radio du voisin le week-end, qui bétonnait tout sous une musique de
merde.
Il
nous a expliqué que les chants s’étaient formés et fixés entre le XVI° et le
XVIII° siècle, bien qu’ils soient souvent beaucoup plus anciens. Chose que j’ignorais,
les poèmes littéraires de Pouchkine ou Lermontov passaient dans le répertoire
populaire, car les paysans recevaient les journaux et très naturellement,
prenaient ces poèmes dans leur répertoire en les chantant sur leurs mélodies
traditionnelles, dans la lignée de tout ce qui avait précédé. De sorte que ce « peuple
obscur » bénéficiait non seulement de son héritage oral ancestral mais s’appropriait
la production littéraire de Saint-Pétersbourg…
Le
matin, à l’église, exhortée par le père Constantin, j’ai arrêté l’évêque qui
voguait majestueusement vers la sortie, en distribuant des bénédictions, pour
lui parler de mon désir de favoriser des manifestations folkloriques et l’apprentissage
du folklore, et il a demandé à sa secrétaire de prendre mes coordonnées. Il est
très majestueux, mais d’une grande douceur, quand on s’adresse à lui. Il n'y a plus que dans l'Eglise que l'on peut voir des princes.
La
secrétaire s’appelle Nathalia, elle vient de Sibérie, elle a six enfants, des
chèvres, des poules, un potager et nous avons sympathisé.
A la
fin du concert, j’ai chanté un vers spirituel et les marins de Groix, du coup
Dima envisage de faire une séance chants de marins russes, chants de marins
français. J’ai été très touchée par une jolie serveuse du café français
qui m’avait d’abord déclaré, à ma grande et agréable surprise, quand j’étais
venue acheter un gâteau : «Que vous êtes belle, aujourd’hui, je ne peux
détacher mes yeux de vous ! » et qui est venue me complimenter sur
mes chants avec la même ferveur ! Qui plus est, le jeune serveur du restaurant
japonais m’a demandé la permission de m’embrasser !
Dima
m’a appris qu’il y avait un centre de folklore à Serguiev Posad, à 50 km d’ici,
et que je pouvais venir pratiquer et apprendre là bas, la jeune femme qui s’en
occupe, Nastia, m’a donné ses coordonnées. Cela a lieu le dimanche soir. C’est
quand même plus proche et plus simple que d’aller à Moscou, et rien ne m’empêche
d’aller prendre un cours particulier avec Skountsev de temps en temps. D’ailleurs,
quand je recevrai ma vielle « sophistiquée », celle qui est dans mon
déménagement, j’irai quelques jours en Carélie, où son fabricant, Vassia
Ekhimov, doit faire quelque chose dessus, et j’en profiterai pour lui demander
un stage, afin de maîtriser complètement l’entretien de cet instrument
capricieux.
Ilya Mouromets vogue sur son navire-faucon vers
les rivages turcs. Byline chantée par Dima Paramonov
Les marins de Groix, enregistrés dans ma cuisine,
à Moscou, par Sérioja
Il
y a un centre aussi au village de
Davydovo, c’est plus loin. Mais cela me donne l’espoir de lancer quelque chose
ici. Avec des intervenants qui viendraient régulièrement et d’autres de façon
occasionnelle. Tout l’été, il y a la famille Joukovski, à 40km d’ici, qui
pourrait venir faire des stages, ils ont une grande habitude du travail avec
les enfants. Dima pourrait venir faire
des soirées chant épique et des stages, et aussi Skountsev et son fils…
Dernièrement, une collaboratrice du musée local a posté des photos de jouets traditionnels du musée du jouet de Serguiev Posad. Ces jouets fabriqués sur place, sans doute par des membres de la famille, des sifflets en terre, sont de petites oeuvres d'art, pleines de tendresse et d'émotion. Comment peut-on prétendre que les enfants d'alors, qui avaient de tels jouets, qui entendaient de tels chants, pratiquaient de telles danses, vivaient dans la beauté, en lien avec la nature, n'étaient pas beaucoup plus et mieux développés que leurs descendants maussades et braillards accros aux écrans, abrutis dès le ventre de leur mère par des sons techniques agressifs et des musiques vulgaires fabriquées en série, entourés de jouets en plastique affreux, parqués dans le béton?
Vassili
Tomachinski était venu, avec sa femme Liéna, de Borissoglebsk, et nous avons dîné
ensemble avec des poissons du nord apportés par le père Constantin. Il est
amateur de poissons du nord comme certains méridionaux le sont de truffes ou
les pêcheurs de Sète de daurade. Il a grandi dans le nord, le grand nord, nuits
polaires et aurores boréales.
La révolte des gilets jaunes est tardive et violente : l’histoire de la taxe sur le carburant a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et les yeux s’ouvrent aussi, sur la malfaisance d’un pouvoir insaisissable, tentaculaire, sur la haine et le mépris qu’avec ses courtisans des médias et du spectacle, il nourrit et exprime pour le peuple français, ce peuple qu’il rêve de remplacer par ses clients allogènes. Renaud Camus compare l’Europe à un vieil appartement qui garde des restes d’élégance, et dans lequel on commence à installer n’importe qui, un appartement communautaire. Cette comparaison m’était déjà venue à l’esprit. Ce qui se passait au niveau de l’empire russe se produit au niveau de toute l’Europe, et sous le signe du capitalisme libéral à la place du capitalisme d’état, mais c’est dans la droite ligne. J'ai le cœur fendu, quand je vois de braves gens qu'on n'aurait jamais imaginé voir descendre dans la rue, ils n'ont habituellement ni le temps, ni la mentalité, se prendre dans la figure des jets de gaz et des projectiles en caoutchouc qui leur font des plaies terribles. On voit à leur regard qu'eux-mêmes n'en reviennent pas, ils découvrent l'étendue du mal et de la duplicité dont ils sont victimes.... Et toujours les mêmes calomnies, les mêmes coups fourrés organisés par cette caste ignoble qui mène la France et le monde à leur perte...
Il me semble que c'est sur des membres de ma famille que s'exerce cette brutalité, que se déversent cette haine, ce mépris, ces mensonges.
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