J'ai traduit cet article de l'Union des Journalistes Orthodoxes, parce qu'il exprime exactement ce que je ressens, depuis que j'ai suivi sur facebook, travers les récits, témoignages et commentaires des participants, les processions panukrainiennes du métropolite Onuphre, qui m'ont convaincue de sa grande élévation d'âme, de son immense amour, de son rôle providentiel et de l'élan spirituel extraordinaire de l'Eglise d'Ukraine, dans un pays par ailleurs entièrement livré aux démons.
Son actuelle fermeté, en dépit de toutes les persécutions, des
tentatives d’intimidation, de corruption, lui ont définitivement donné la place de point de rassemblement de tout ce que Ukraine a de meilleur.
On peut entendre : « Nous
ne nous attendions pas à ce que l’Eglise Ukrainienne se conduisît avec autant de
dignité ! » Mais il n’y a là rien d’inattendu, en réalité. Elle a
derrière elle, en plus de la vie difficile de l’époque soviétique, sa lutte avec
la bande de Philarète, les persécutions du côté des gréco-catholiques uniates,
le glissement dans le schisme d’une partie importante de ministres du culte
indignes et de laïcs indifférents.
L’avenir de l’EOU a été définitivement déterminé au moment où
monseigneur Onuphre a été élu métropolite de Kiev. Les pères, bien sûr,
comprenaient ce qu’ils faisaient et où ils allaient. Je rêvais moi-même, en
2009, que monseigneur Onuphre deviendrait notre patriarche, car je ne connais
pas, parmi tous les hiérarques de l’Eglise Russe, d’homme plus solide, plus courageux
et respectueux de la tradition patristique. Je me souviens d’un moment
anecdotique de cette période. L’un des activistes moscovites de l’Eglise a
brusquement déclaré que monseigneur Onuphre ne pouvait être patriarche parce qu’il
était indifférent à Internet. Le plus remarquable est qu’on ne trouva pas d’autres
arguments. Il se passa cinq ans et il devint clair qu’une toute autre place
avait été préparée à monseigneur.
A partir des processions panukrainiennes, l’Eglise Ukrainienne se
révéla la seule force saine et adéquate dans le pays qu’on n’ait pas réussi à
faire passer dans la clandestinité. Sa fermeté actuelle, en dépit de toutes les
persécutions, des tentatives d’intimidation, de corruption, lui ont
définitivement donné la place de point de rassemblement de tout ce que Ukraine a de meilleur.
Bien sûr, nos frères et sœurs aimeraient tant voir passer cette
coupe loin d’eux. Je me souviens d’un prêtre de Ternopol qui me racontait en
2015 comment les orthodoxes s’apprêtaient à défendre leurs églises. Il n’y
avait dans ses paroles aucun pathos, il ne se répandait pas en slogans
politiques, il partageait les petites scènes de la vie dans la piété de sa
communauté. A un moment, il s’est enquis si je ne l’enregistrais pas sur un
dictaphone.
- Non, dis-je dans un sourire, père, je n’enregistre pas, je
comprends tout.
Il avait très peur, mais c’était
la peur d’un homme qui prépare son arme pour le combat avec des mains
tremblantes, ne pensant pas à fuir. Quand j’entends « ukrainien », je
ne vois pas la foule de salauds qui par avidité, vanité, haine ou bêtise ont
trahi leur patrie. Je vois devant moi le magnifique visage des chrétiens
ukrainiens que j’observe depuis très longtemps, depuis l’aube des années 90.
Vladimir Grigorian
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