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mardi 25 décembre 2018

Noël au café

un de mes pensionnaires

Les cathos, une partie des orthodoxes et ma famille fêtent Noël. Le père Constantin m’a invitée à venir à l’église à cette occasion, bien que je suive, comme lui, le calendrier julien.  Comme son sermon de dimanche portait sur la parabole des dix lépreux et la reconnaissance que nous ne manifestons pas à Dieu, en négligeant les offices et en ne communiant pas à Son Corps et à Son Sang, je me suis poussée, on peut le dire, je me suis traînée à la cathédrale. J’ai communié. Pendant la nuit, j’avais rêvé que j’allais à l’église, mais que j’étais si distraite et somnolente que je  laissais passer le moment de l’eucharistie, je ne le remarquais même pas et me disais tout à coup : « Quelle honte ! Tu as loupé la communion ! »
D’où me vient cette espèce d’épuisement, ce manque d’élan ? L’âge, la fatigue ? Les discours ascétiques me fichent le cafard. J’ai toujours aimé la vie, avec le sentiment qu’elle avait des prolongements métaphysiques, l’au-delà des choses de la poésie de Rilke. J’en ai aimé toutes les merveilleuses sensations, toutes les visions, toutes les symphonies. Je suis très reconnaissante à Dieu de m’avoir donné tout cela, même si la façon dont nous vivons, la société telle que nous l’avons organisée, ou laissé organiser, nous prive de ce qui était naturel à nos ancêtres, et qui était encore pratiqué par mon beau-père, rester au bord d’un champ à regarder le ciel en gardant les moutons, se manger un bon fromage avec du bon pain et un coup de rouge, et allumer une clope quand on aime le tabac. Je lui suis reconnaissante de mes émerveillements et de mes bonheurs plus que de mes souffrances, mais la souffrance est pleine d’enseignements, et comme elle fait partie de la vie au même titre que le bonheur, il faut savoir la supporter dignement et avec profit.
Cette même nuit, j’ai rêvé aussi de mon grand-père. Moi qui ne me souviens plus jamais de mes rêves, j’ai fait fort... Je le rencontrais avec joie, et lui aussi avait l’air joyeux. Oui, cet homme sinistre avait l’air très joyeux. «Papi, que je suis contente de te voir ! Et tu es toujours aussi élégant ! » Il avait un costume d’une matière brillante, glissante, un peu gaufrée, son visage était très précis, et le tissu aussi, je pourrais le sentir au bout  de mes doigts.
Après l’église, je suis allée au café français. Et là, j’ai ressenti une honte de plus, celle de me laisser aller sur les délices de Didier en plein carême. Mais enfin, c’était ma façon de m’associer au Noël de tous ceux qui me le souhaitent sur Facebook… Rita a fait du scandale pendant que je commandais. Je l’avais laissée dans son sac sur une chaise et de me voir m’éloigner de trois mètres, elle a poussé une lamentation si déchirante que tous les clients se sont émus. Il y avait deux charmantes jeunes filles orthodoxes, jupes longues et foulards, jolies comme des cœurs, avec des sourires frais et gentils. « Ne seriez-vous pas Laurence ? Me demande l’une d’elles, Katia. Je vous vois sur Facebook mais je n’osais pas vous écrire, et je voulais vous rencontrer… »
Katia et Nadia ont quitté Moscou pour Pereslavl, Nadia il y a deux ans, Katia il y a deux mois. Elles ne veulent plus vivre dans la capitale. Elles fréquentent le monastère saint Daniel, dont les abords ont été saccagés, mais du côté de l’étang qui le jouxte, il semble avoir gardé son environnement d’origine. Elles aiment le chant d’église znamenié, le chant ancien, sans fioritures académiques ni rossignols énamourés. Encore que je suis injuste envers les rossignols, dont le chant m’a toujours paru si mystérieux, à la fois abondant, virtuose et retenu. Une de leurs amies dirige le chœur d’une église de village où ce chant est pratiqué. Elles m’ont parlé d’un Français orthodoxe marié à une Russe, il travaille à Moscou mais il a une datcha près de Rostov et il a définitivement émigré.





1 commentaire:

  1. Laurence, amitiés d'une catholique mais dans la Tradition et pas dans le folklore apostat de Vatican II . Soyez heureuse dans votre magnifique pays.

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