un de mes pensionnaires |
Les
cathos, une partie des orthodoxes et ma famille fêtent Noël. Le père Constantin
m’a invitée à venir à l’église à cette occasion, bien que je suive, comme lui,
le calendrier julien. Comme son sermon
de dimanche portait sur la parabole des dix lépreux et la reconnaissance que
nous ne manifestons pas à Dieu, en négligeant les offices et en ne communiant
pas à Son Corps et à Son Sang, je me suis poussée, on peut le dire, je me suis
traînée à la cathédrale. J’ai communié. Pendant la nuit, j’avais rêvé que j’allais à
l’église, mais que j’étais si distraite et somnolente que je laissais passer le moment de l’eucharistie,
je ne le remarquais même pas et me disais tout à coup : « Quelle
honte ! Tu as loupé la communion ! »
D’où me vient cette espèce d’épuisement, ce manque d’élan ? L’âge, la fatigue ?
Les discours ascétiques me fichent le cafard. J’ai toujours aimé la vie, avec
le sentiment qu’elle avait des prolongements métaphysiques, l’au-delà des
choses de la poésie de Rilke. J’en ai aimé toutes les merveilleuses sensations,
toutes les visions, toutes les symphonies. Je suis très reconnaissante à Dieu
de m’avoir donné tout cela, même si la façon dont nous vivons, la société telle
que nous l’avons organisée, ou laissé organiser, nous prive de ce qui était
naturel à nos ancêtres, et qui était encore pratiqué par mon beau-père, rester
au bord d’un champ à regarder le ciel en gardant les moutons, se manger un bon
fromage avec du bon pain et un coup de rouge, et allumer une clope quand on
aime le tabac. Je lui suis reconnaissante de mes émerveillements et de mes
bonheurs plus que de mes souffrances, mais la souffrance est pleine d’enseignements,
et comme elle fait partie de la vie au même titre que le bonheur, il faut savoir
la supporter dignement et avec profit.
Cette
même nuit, j’ai rêvé aussi de mon grand-père. Moi qui ne me souviens plus
jamais de mes rêves, j’ai fait fort... Je le rencontrais avec joie, et lui aussi
avait l’air joyeux. Oui, cet homme sinistre avait l’air très joyeux. «Papi, que
je suis contente de te voir ! Et tu es toujours aussi élégant ! »
Il avait un costume d’une matière brillante, glissante, un peu gaufrée, son
visage était très précis, et le tissu aussi, je pourrais le sentir au bout de mes doigts.
Après
l’église, je suis allée au café français. Et là, j’ai ressenti une honte de plus,
celle de me laisser aller sur les délices de Didier en plein carême. Mais
enfin, c’était ma façon de m’associer au Noël de tous ceux qui me le souhaitent
sur Facebook… Rita a fait du scandale pendant que je commandais. Je l’avais
laissée dans son sac sur une chaise et de me voir m’éloigner de trois mètres, elle
a poussé une lamentation si déchirante que tous les clients se sont émus. Il y
avait deux charmantes jeunes filles orthodoxes, jupes longues et foulards,
jolies comme des cœurs, avec des sourires frais et gentils. « Ne seriez-vous
pas Laurence ? Me demande l’une d’elles, Katia. Je vous vois sur Facebook
mais je n’osais pas vous écrire, et je voulais vous rencontrer… »
Katia
et Nadia ont quitté Moscou pour Pereslavl, Nadia il y a deux ans, Katia il y a
deux mois. Elles ne veulent plus vivre dans la capitale. Elles fréquentent le
monastère saint Daniel, dont les abords ont été saccagés, mais du côté de l’étang
qui le jouxte, il semble avoir gardé son environnement d’origine. Elles aiment
le chant d’église znamenié, le chant
ancien, sans fioritures académiques ni rossignols énamourés. Encore que je suis
injuste envers les rossignols, dont le chant m’a toujours paru si mystérieux, à
la fois abondant, virtuose et retenu. Une de leurs amies dirige le chœur d’une
église de village où ce chant est pratiqué. Elles m’ont parlé d’un Français
orthodoxe marié à une Russe, il travaille à Moscou mais il a une datcha près de
Rostov et il a définitivement émigré.
Laurence, amitiés d'une catholique mais dans la Tradition et pas dans le folklore apostat de Vatican II . Soyez heureuse dans votre magnifique pays.
RépondreSupprimer