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samedi 15 juillet 2023

Monde libre

 


Le briefing de Slobodan Despot, cette semaine, est particulièrement pénétrant. Il m'a appris la mort de Milan Kundera, un écrivain que j'estimais beaucoup et qui avait une densité des pays de l'est, sur le fond de la vanité intellectuelle française. Je me souviens d'une de ses réflexions, disant à peu près que notre vision des choses est obscurcie par l'habitude, mais que si nous pouvions voir le monde d'aujourd'hui tel qu'il était avant qu'on nous l'enlaidisse à ce point, nous pleurerions de désespoir. Il avait écrit aussi tout un développement sur le sourire dans la photographie. Il observait qu'il ne venait à personne, dans l'antiquité, ni par la suite, de représenter un personnage officiel en train de se fendre la gueule. César, Adrien, plus tard les différents rois d'Europe, sont on ne peut plus sérieux sur leurs portraits. Au début de la photographie, les gens posaient avec le même sérieux. Puis on a commencé à prendre des instantanés, où les gens souriaient, et à présent, tous les portraits officiels nous offrent un masque ricanant qui déforme les traits et dissimule la personnalité. Et en effet. Le portrait ancien représentait la personne, la concentrait tout entière dans l'oeuvre du sculpteur, du peintre ou du photographe, cela tenait encore du portrait du Fayoum, cela avait donné naissance à l'icône, ce n'était pas rien... Alors que la photo actuelle de gens connus est un argument publicitaire, et l'on voit les grands méchants loups exhiber, sous leurs brushings, des sourires à quarante-huit dents qui me paraissent plus menaçants que séduisants, et, en tous cas, tout à fait dépourvus de sincérité. Le sourire est un instant, si on le fige, il devient souvent étrange, il est fait pour passer, comme un rayon de soleil, j'ai des photos souriantes de mon père mais je préfère celles où il est grave, où ses traits sont au repos.

Slobodan enchaîne sur une réflexion d'Alexandre Douguine à propos de la France, qui aurait "déjà connu son apocalypse". Cela me paraît aussi extrêmement pénétrant, et dans le fond, pourquoi l'Apocalypse ne se ferait-elle pas, à la surface de la terre, de façon progressive? Quand j'ai vu "Nécron", selon le surnom donné par Slobodan à cette créature des ténèbres, et qui lui va si bien, j'ai vraiment su qu'il nous apportait la mort, je n'ai pas compris comment il avait pu avoir assez de votes pour arriver au pouvoir, même en tenant compte de la fraude très possible. Et quand Notre-Dame a brûlé, il m'est apparu clairement que c'était la fin. Jusqu'à Nécron, c'était la dégénerescence bourgeoise et la destruction sournoise, après son élection, c'est la course à l'abîme de la Damnation de Faust.

https://www.youtube.com/live/bY_MVvsKUFc?feature=share

Je suis la proie d'un grand surmenage, tout le monde veut me voir ou me faire participer à des manifestations, et je me sens vidée. Hier, j'avais une rencontre prévue de longue date avec des pèlerins venus d'une paroisse de Moscou, où les offices sont célébrés en russe et non en slavon d'église. On m'a demandé mon avis à ce sujet. J'ai répondu que j'avais assisté pendant plusieurs années à des offices en français, quand j'étais à Solan, et comme c'était fait avec beaucoup de rigueur, cela ne me dérangeait pas du tout, et même, j'appréciais de tout comprendre, car si je me retrouvais dans les prières habituelles, les longues lectures bibliques des offices de fête ou du grand Carême me passaient loin au dessus du bonnet, et que je préférais parfois lire tout cela en français chez moi. Mais que je craignais les réformes, souvent la porte ouverte à n'importe quoi, comme ce fut le cas en France avec l'abolition du latin. En réalité, je ne vois pas où est le problème, dans la mesure où les offices en russe sont autorisés par le patriarche, comme du reste les offices des vieux-croyants, dont on a levé l'anathème, et qui pour une partie d'entre eux, ont rejoint le patriarcat.

Ces gens étaient tous extrêmement gentils, cultivés, ils m'ont posé des questions intelligentes et difficiles. Tout cela a duré trois heures, et j'ai aussi un peu chanté. J'ai vendu des livres. J'étais crevée.

D'après mon éditeur, tout le stock de livres qu'il avait est parti, le mien arrive à sa fin, ce n'est pas encore le best-seller, mais ça s'écoule, je vends toujours plus qu'en France!

Ensuite, à peine rentrée, j'ai eu la visite de deux amies, Iana et Olga, toutes deux veuves de fraîche date, les malheureuses. Iana nous a raconté que des amis dissidents, partis aux USA dans les années 90, revenaient à présent à Moscou, à cause de l'atmosphère irrespirable, le covid, le wokisme, la théorie du genre, la russophobie. C'est un choc pour elles deux de constater que la tendance s'est complètement inversée, et que le monde libre, pour l'instant, c'est ici. Cependant, la jeunesse libérale fout le camp. Mais, dit Iana, ils ont la cervelle lavée, ne croient plus en rien, n'ont plus de patrie, ni de considération pour leurs aînés qu'ils prennent pour des imbéciles, avec des idéaux dépassés, incapables de gagner de l'argent, des loosers. Iana me semblait elle-même plutôt libérale, cela lui a visiblement passé, bien que beaucoup de choses la choquent ou l'inquiètent, mais c'est compréhensible, moi aussi. Sans doute existe-t-il un tel public, eh bien qu'ils s'en aillent. Les jeunes gens que j'ai vus l'autre jour ne s'en vont pas, eux, et ne méprisent ni leurs aînés ni leur pays, ni leur tradition, ni leur culture, ni leur foi.

Elles m'ont fait part de leur grande déception, car l'Europe les fascinait, elles gardent un souvenir ému de leurs voyages, le naufrage culturel et spirituel actuel les laisse sans voix. Mais elles sont obligées d'admettre ce qu'elles constatent.

L'opinion pittoresque d'un soldat russe sur cette question: https://vk.com/video317834478_456239246


2 commentaires:

  1. Je suis convaincue que Macron va nous faire les poches avant de nous faire la peau en nous envoyant au front en Ukraine. Le totalitarisme numérique arrive à grand pas en France et dans l'UE. Qu'allons nous devenir ?

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