Hier, Katia faisait bénir la maison qu'elle a achetée, à Filimonovo. Je l'ai d'abord rejointe à l'église, que le monastère saint Nicétas avait commencé à restaurer il y a plusieurs années, sur l'impulsion de l'higoumène Boris, dont on vénère le souvenir, et qui était le frère de l'archimandrite Dmitri. Le monastère a restauré plusieurs églises de village. Mais les gens du pays n'y vont pas volontiers, au contraire des siècles passés, à présent, l'orthodoxie est plus vivante dans les villes que dans les campagnes. Il y a plusieurs années, j'avais fait une photo des trois jolies isbas qui faisaient face à l'église. Il n'en reste qu'une de vivante, les deux autres sont devenus des mausolées en plastique.
La maison de Katia a été très bien restaurée, elle est claire, paisible, il s'en dégage quelque chose de profondément bénéfique, et la vue, depuis la terrasse, n'est gâchée par aucun cottage ni isba défigurée. Une maison idéale pour vivre avec Fiodor et élever un petit. Elle accueillait un ami, avec qui elle a fait ses études, et qui est lui-même un ami du prêtre, Ivan. Ivan a un beau visage russe, ouvert, noble et intelligent, et il aime rire. Il s'est marié à dix-neuf ans, et il a sept enfants. Nous avons tous participé à la cérémonie de la bénédiction.
Vers cinq heures sont arrivées toutes les copines de Katia, je connaissais beaucoup d'entre elles, notemment Anna Panikhina, qui a lancé à Pereslavl l'opération annuelle 'Tom Sawyer Feast" qui consiste à mobiliser des volontaires pour repeindre les vieilles maisons et attirer l'attention du public sur leur charme et la nécessité de les conserver. Filimonovo est devenu son village pilote. Elle y a fait transporter en pièces détachées une isba de Pereslalv menacée de destruction. Dans ce quartier, il n'y en a pratiquement plus, c'est devenu une sorte de zone industrielle défoncée avec des bâtisses de moellons nus et gris, des maisons chaotiques; disparates, des barrières métalliques d'usine, quelque chose de totalement affreux que je traverse pour aller chez moi en essayant de ne pas regarder.
Anna Panikhina est derrière l'achat de la maison de Katia, car elle redoutait que d'autres acheteurs en fissent une horreur plastifiée, et elle a expliqué les circonstances de l'affaire, tandis qu'Ivan nous faisait un barbecue de saumon, et que son mari tondait leur terrain. Katia a raconté que lorsqu'elle avait pris possession de sa maison, un calendrier sur le mur était ouvert à la date de son anniversaire, et que quelqu'un y avait tracé le mot "papa". Elle l'a pris comme un signe et un cadeau de son père, ce qui a tiré des larmes d'émotion à Anna Panikhina. Celle-ci médite de racheter l'ancienne maison de la culture, pour faire revivre le village, et dès qu'une maison se vend, elle cherche des copains pour l'acheter. Elle est persuadée qu'on peut mobiliser les gens, leur rendre la mémoire, le goût des belles choses et de leur propre culture, et elle n'est pas la seule à tenter l'aventure.
Notre expédition au Donbass a fait de nous des vedettes locales, une jeune femme m'a dit que lorsqu'elle m'avait entendu chanter au café, elle essuyait ses larmes avec son bonnet, tant je mettais d'âme dans mes interprétations, et qu'aller là-bas avait été si courageux, et si inspirant pour tout le monde. "Ce n'était pas si courageux, maintenant, il y a les Russes, là-bas, c'était beaucoup plus sportif il y a quelques années. Je craignais surtout de tomber malade!"
Même à Filimonovo, on entend les débroussailleuses et les motos. Un petit nuisible nous a gâché une partie de ce moment de paix idyllique, devant les défilés de montgolfières qui glissaient à l'horizon, au fil des nuages. Je me suis souvenue de ce que m'avait dit le père Nikita, dans un cas semblable, lorsque nous étions assis dans son jardin de Dokoutchaievsk: "Ces motos sont un fléau. Je les déteste tellement que je pourrais leur jeter des briques, mais figurez-vous qu'en passant devant l'église, ils font tous leur signe de croix, alors qu'est-ce que je peux faire?"
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