Zakhar Prilepine a
écrit ses : « 12 points sur la Révolution et la Guerre Civile »,
avec le pathos d’un propagandiste du parti convaincu qui sait que son enseignement
est vrai simplement parce qu’il est vrai.
C’est avec la même assurance , libre de toute autre connaissance
extérieure au parti, que nous lisaient à
l’université l’Histoire du PCUS les militants à la retraite des organes
soviétiques.
Pendant que j’écrivais mes réponses à Prilepine, leur
faisait écho Kholmogorov et il reçut la
brillante réponse, de la part de l’écrivain de gauche, que dans la mesure où
les thèses de Yégor étaient faciles à réfuter, « il le ferait une autre
fois ». Il est probable que cette autre fois, pour Prilepine, n’est pas
près d’arriver, et le thème de la révolution est trop important pour la
conception politique du monde pour laisser passer une telle occasion.
Il semble à notre écrivain de gauche qu’il a posé des
questions irréfutables. En fait il se trouve dans certains cas dans une
ignorance simplement banale, mais compréhensible en l’absence de formation
historique, et en d’autres, pourvu des œillères de ses convictions de gauche.
Le camarade Prilepine commence par l’affirmation la plus
répandue des gauchistes d’aujourd’hui, selon laquelle « les bolcheviques
n’ont pas renversé le Tsar ». C’est-à-dire qu’au moment de la révolution
de février, Lénine et autres leaders bolcheviques étaient à l’étranger, et
c’étaient d’autres gens qui avaient obtenu l’abdication du souverain.
Oui, c’est vrai. Lénine et les autres leaders bolcheviques,
ayant consacré leur vie à la cause de la révolution en Russie, ont dormi, comme
« les vierges folles » de l’évangile, pendant l’arrivée de leur « fiancé »,
c’est-à-dire de la vraie révolution. Tous ces journalistes-propagandistes et
idéologues marxistes regardaient leur pays à travers des lentilles marxistes
déformantes et ont raté leur « entrée ». Et ensuite, ils se sont
justifiés en disant qu’il fallait d’abor une révolution
« bourgeoise » avant la révolution « prolétarienne ».
Néanmoins, on peut toujours affirmer que les bolcheviques
ont renversé le tsar, ils l’ont renversé en ce sens qu’ils le voulaient,
l’avaient planifié, le parti avait pris les mesures correspondantes, ils
avaient essayé de le renverser, ils avaient participé aux événements de février
par l’intermédiaire de leur clandestinité, sous la direction de Molotov, de
Chliapnikov. Mais le fait même du renversement, la primauté dans cette sombre
affaire n’appartient pas aux bolcheviques. A ce propos, j’estime que pour les
adorateurs des bolcheviques il n’y a pas de quoi »être fier ». Ici s’était
manifestée l’impuissance révolutionnaire et intellectuelle des bolcheviques.
Leur caractère révolutionnaire, ils le révélèrent avec
retard et éclat quand le Souverain et sa Famille tombèrent entre leurs mains.
C’est là que se révéla toute la substance spirituelle des
bolcheviques, ils tuèrent férocement le Souverain et la Souveraine, et leurs
enfants, et leurs parents, et leurs amis, et leurs serviteurs. A ce propos, ils
trouvèrent même ensuite la nourrice du souverain, qui l’avait nourrie de son
lait, et la fusillèrent avec son mari et sa fille. Voilà quelle
« philanthropie » rare parmi les hommes était la leur.
Peut-on se rappeler quelque chose de semblable de l’autre
côté ? Volodia Oulianov fut-il fusillé pour l’attentat de son frère contre
l’Empereur Alexandre III ? Sa mère, son frère et ses sœurs, qui avaient
reçu, un avant le crime, la noblesse héréditaire de la part de ce même Empereur
furent-ils fusillés ? Ou bien peut-être, après l’assassinat de l’Empereur
Alexandre II, les monarchistes avaient-ils pris de nombreux otages dans le
milieu des révolutionnaires et de leurs familles, leurs amis, leurs enfants,
pour les fusiller, comme ce fut le cas après l’assassinat d’Ouritski ?
Le camarade Prilepine a absolument raison de ne pas toucher le thème des saints
Martyrs. Ce n’est pas utile à quelqu’un qui joue à la fois sur le plan de
l’Orthodoxie et celui du soutien au bolchevisme. Car c’est vraiment là que se
situe avec le plus de précision le choix entre le bien et le mal.
Il n’y a pas de chrétiens bolcheviques ni de bolcheviques
chrétiens, l’un ou l’autre doit forcément tôt ou tard triompher en nous de
l’autre. Ici, personne n’arrivera à rester à la fois avec les bolcheviques et
le saint Souverain. Il faut choisir entre le bien et le mal et non entre le bon
mal et le mauvais bien. C’est seulement dans notre absurde réalité terrestre
qu’il peut exister des stalinistes orthodoxes, des bolcheviques blancs, des
slavophiles de gauche et autres personnes syncrétiques.
Dans le monde de la détermination spirituelle ou on soutient
les bolcheviques et l’on prend sur soi le sang de l’Oint du Seigneur, c’est-à-dire
aussi de tous les autres Nouveaux Martyrs, glorifiés par l’Eglise, et celui des
millions de simples chrétiens tourmentés par les léninistes et les stalinistes,
ou on rejette la révolution et on manifeste le désir de s’unir avec tous les
saints martyrs, sans exception, dans le Royaume de Dieu.
Le Christ n’a pas apporté la paix dans le monde, mais le
glaive. Et cette division spirituelle ne passe pas seulement par les
convictions politiques, ou la vie terrestre, mais dans l’au-delà éternel. Ce
qui devrait inquiéter plus que tout les chrétiens lucides.
Le camarade Prilepine accorde beaucoup d’attention aux
blancs. Les cadets, tous les progressistes possibles, les SR de droite, bien
sûr, n’éveillent pas chez moi d’émotions positives et j’aurais préféré qu’ils
ne se fussent jamais trouvé sur la scène politique russe. Mais il y a en eux un
trait positif hypothétique, ils n’ont pas gouverné la Russie pendant
soixante-dix ans, ils peuvent compter sur la présomption d’innocence dans les nombreuses années de répression
de masse, ce qu’ont déjà réalisé d’une façon absolument libre les bolcheviques
sur la terre russe.
Les dilemmes sur qui auraient été les meilleurs vainqueurs, les
« généraux-févralistes » (à ce propos, dans le mouvement blanc, il y
avait beaucoup de généraux non févralistes
qui n’avaient même pas prêté serment au gouvernement provisoire) n’ont
pas lieu d’être pour un croyant. Dans l’histoire agit parallèlement à la
volonté humaine et avant elle, celle de Dieu, qui se fait jour jusque dans
l’absence d’action. Si les gens avaient décidé de s’enivrer de
« communisme méthylique » jusqu’à la perte de conscience, c’est là le
châtiment divin qu’ils s’étaient eux-mêmes attiré. Mais faut-il, après un verre
pleinement rempli de « communisme méthylique » qui a aveuglé notre
société pendant soixante-dix ans tendre la main vers un second… C’est là une
occupation pour les amateurs de sensations fortes à issue léthale.
Je ne peux pas non plus imaginer que les
« généraux-févralistes », en cas de victoire, eussent recherché les
nourrices des nobles, devenus par la suite des leaders bolcheviques, pour les
fusiller avec leurs maris et leurs enfants ? Je ne peux pas imaginer cette
haine d’un autre monde. C’est pourquoi je considère que leur victoire nous
aurait coûté beaucoup moins cher en vies humaines.
Et encore un détail sur les généraux blancs. Alexeïev
(autrefois simple soldat) aussi bien que Kornilov (cosaque) ou Dénikine (dont
le grand-père était paysan serf) ou encore Kaledine (cosaque) ont bien sûr
violé le serment prêté à l’empereur à divers degrés, mais la question se
pose : pourquoi doit-on moins estimer ces gens (de simple origine) que ces
officiers (nobles) qui ont combattu avec les rouges après avoir violé leur
serment au Tsar, à leur classe sociale, souvent à leur famille et ensuite celui
prêté au gouvernement provisoire ? Pourquoi ceux qui ont trahi une fois,
et s’en sont repentis, seraient-ils pires que ceux qui ont trahi plusieurs
fois, et en s’en sont pas repentis ?
Le camarade Prilepine ne comprend pas l’intérêt des « subventionneurs »
des révolutionnaires, ou fait mine de ne pas le comprendre. J’expliquerai avec
plaisir. Les Allemands avaient besoin comme de l’air qu’on respire d’une
« paix séparée » avec l’une des parties qui combattaient avec les pays
de la Coalition centrale (de la Quadruple Alliance). Les forces de l’Allemagne
et de ses alliés étaient à bout en 1917 pour résister sur deux fronts. Le
souverain russe et ensuite ke gouvernement provisoire, ne désiraient pas trahir
leurs alliés et conclure une paix séparée.
Lénine et son parti étaient la force idéale pour conclure
une telle paix. Lénine haïssait l’Empire
russe, pas seulement comme un républicain déteste la monarchie ou un socialiste
la bourgeoisie, mais avec une nuance de haine personnelle et de mépris européen
hautain.
Au début de la première guerre mondiale, Lénine avait
écrit : « Il ne fait aucun doute, absolument aucun doute que le
moindre mal à présent serait la défaite du tsarisme dans la guerre actuelle.
Car le tsarisme est cent fois pire que le kayserisme. »
Lénine cherchait
précisément la défaite de notre « tsarisme », car il était
persuadé, comme « Smerdiakov », qu’une « nation intelligente en
dominerait aisément une stupide », car le « kayserisme »
étranger était loin d’éveiller chez lui une haine aussi violente que la
monarchie russe. Pour Lénine, la Russie
n’était pas seulement le « tsarisme » maudit mais une civilisation
haïssable au plan émotionnel.
Parvus et autres, qui connaissaient bien cette position
politique et psychologico-émotionnelle de Lénine, attirèrent l’attention de
l’Allemagne sur ce « vlassoviste » de la première guerre mondiale.
Les intérêts des révolutionnaires de Lénine et des impérialistes de l’Allemagne
coïncidèrent dans la cause de l’effondrement de la Russie en tant que
participante à la guerre mondiale. Lénine était un agent de l’Allemagne non en
tant qu’espion banal, mais en tant que co-actionnaire de l’Allemagne dans la
destruction de la puissance militaire et étatique russe.
Pour ce qui est des « subventionneurs »
britanniques de la révolution de Février, ayant essuyé une rebuffade dans leurs
pressions sur le Souverain pour le faire abdiquer, ils trouvèrent leurs
co-actionnaires chez les libéraux et les cercles de gauche. Leur tâche était
très difficile : éloigner le souverain Nicolas Alexandrovitch du trône, le
remplacer par celui de leur choix (un Romanov ou un autre membre de la société)
mais conserver parallèlement la Russie comme membre actif de la guerre
mondiale. Eloigner le Souverain du pouvoir fut un objectif réussi, mais la
deuxième partie du plan fut gâchée par les bolcheviques financés par les
allemands.
Et maintenant au sujet de la conduite des différents
actionnaires de la révolution en Russie au moment de la guerre civile. Les
pourparlers avec l’Allemagne commencèrent le 20 novembre (3 décembre) 1917,
établissant le bilan des efforts allemands, le secrétaire d'État (ministre) des
Affaires étrangères de l'Empire allemand Kühlmann a déclaré dans une lettre au
Kaiser: «C’est seulement quand les bolcheviques commencèrent à recevoir de
nous un afflux permanent de fonds par différents canaux et sous différentes
étiquettes, qu’ils furent en situation de redresser leur principal organe
« la Pravda », de mener une propagande énergique et d’élargir significativement
la base au départ étroite de leur parti ».
Les pourparlers avec les bolcheviques traînaient, pour des
raisons bien compréhensibles. Les Allemands avaient aidé les bolcheviques à
arriver au pouvoir et maintenant, il fallait réaliser déjà leur principal
désir, la sortie de la Russie de la guerre. Lénine et particulièrement
Trotski (avec l’argent cette fois des
cercles juifs américains) essayèrent de gagner du temps, dissolvèrent le 11
février les restes de l'armée russe, expliquant cela, tout comme nos libéraux
dans les années 1990, que soi-disant en
Allemagne et en Autriche-Hongrie on ne voulait pas la guerre. Mais déjà le 18 février l’Allemagne
mit fin à la trêve et reprit l’assaut militaire, occupant Dvinsk, Loutsk,
Minsk, Rovno, Polotsk, Jitomir, et s’avançant plus loin. Le 21 février, le
pouvoir soviétique s’occupa de la fondation de l’Armée Rouge. Ensuite les
Allemands, pour réveiller complètement la conscience de leurs co-actionnaires,
occupèrent encore Pskov, Iouriev et Revel. Et déjà le 24 février Lénine
télégraphia (intéressant, n’est-ce pas, ce lien télégraphique avec
« l’ennemi » ?) à Berlin qu’il était d’accord avec les
conditions de la paix de Brest-Litovsk. Et aussi avec l’indépendance de la Courlande,
de la Livonie, de l’Estonie, de l’Ukraine, de la Finlande, l'Empire ottoman d'Anatolie et le paiement
d'énormes réparations de 6 milliards de marks.
Pour ce qui concerne les difficultés ultérieures avec
l’Allemagne, elles sont naturelles, les objectifs sont atteints des deux côtés,
les bolcheviques sont au pouvoir, l’Allemagne a sorti la Russie de la guerre.
Mais l’Allemagne jusqu’à sa propre chute promettait son soutien au gouvernement
bolchevique. Mais voilà que Trotski proposait périodiquement des pourparlers
avec l’Entente.
La soi-disant intervention contre les bolcheviques, c’est un
mythe. Il y eut une intervention, qui fut une opération de pillage de la part
de nos anciens alliés, mais il n’y eut pas de confrontation militaire avec les
bolcheviques. Ils se contentèrent de piller, dans la situation où il n’y avait
plus de gouvernement sur tout le territoire de la Russie. Il n’y a aucune trace
de la lutte à mort, dont parle le camarade Prilepine. Peut-être le camarade
Prilepine a-t-il connaissance d’au moins une bataille au moment de la guerre
civile entre les bolcheviques et l’un des interventionnistes ? Ne fut-ce
qu’au niveau des connexions divisionnaires ?
Il faut dire que les représentations des gens de gauche sur
l’histoire de leur parti offre traditionnellement un caractère très brumeux. Le
camarade Prilepine ne fiat ici pas exception. Dans son zèle à démontrer que les
bolcheviques sont le prolongement de la tradition gouvernementale russe, il en
vient même à évoquer que « dans la composition du premier gouvernement
soviétique, il n’y eut qu’un seul juif, Trotski. »
Il est instructif que le camarade ne comprenne pas que dans
le gouvernement du parti, la principale institution, qui détient le pouvoir,
est le Politburo du Comité Central du Parti, et pas du tout le gouvernement,
qui est un organe purement exécutif. Les commissaires du peuple étaient nommés
par le Politburo du Comité central du RSDLP dirigé par Lénine qui fut fondé le
10 octobre 1917 pour la direction politique de la révolte armée. Il comportait
un Russe d’une famille de marchands,
A.S. Boubnov (fusillé avec sa femme en 1938, sa fille unique condamnée à
sept ans de camp et à l’exil à vie), G.E.Zinoviev (Radomyslski Evseï Gerch
Aronovitch, fusillé en 1936, sa première femme fut arrêtée en 1934, 1937, 1946,
1951, libérée en 1954, gravement malade, elle mourut bientôt, le fils de sa
seconde femme (24 ans) fut fusillé en 1937 ; la femme de son fils fut
emprisonnée, et déportée, sa troisième femme fut emprisonnée et déportée de
1936 à 1954). L.B. Kamenev (Rosenfeld, fusillé en 1936, sa première femme le fut
en 1941, ses deux fils en 1937, sa seconde femme fut fusillée en 1937, son fils
placé en orphelinat, plus tard réprimé, son frère, la femme et le fils de
celui-ci furent également fusillés), le sang très mêlé et en partie juif V.I Lénine (tombé psychiquement
malade), G.I Sokolnikov (Brilliant
Girch Iankelevitch) (tué dans un isolateur politique sur ordre de Staline en
1939, on ne sait comment ont fini ses deux premières femmes, la troisième passa
dix-huit ans dans les camps et en déportation, sa fille unique fut exilée avec
sa mère.) I.V. Staline (sa femme s’est suicidée, son fils fut emprisonné de
1953 à 1961, fut libéré pour quatre mois) et L.D. Trotski (Bronstein Leïba
Davidovitch) (tué sur ordre de Staline en 1940, sa femme fusillée en 1938, sa
fille s’est suicidée, une de ses filles fut réprimée, un autre petit-fils
fusillé (19 ans), encore une autre petite-fille a disparu sans laisser de
traces, le fils de sa concubine fut fusillé en 1937, la femme d’un autre fils
en 1938, un petit-fils disparut sans laisser de traces ne 1937).
De sorte qu’ainsi que l’exprime Prilepine, des
« descendants d’artisans et de boutiquiers » on avait un choix
complet dans la première composition du Politburo, et même sans compter Lénine,
une pure majorité. Je rappellerai que les juifs constituaient environ 4% de la
population de l’Empire russe.
Au sujet de la première composition du gouvernement
soviétique, je dirai que sur ces 15 personnes, dix furent fusillées, quatre
moururent avant la grande terreur, et
seul Staline survécut à tous. Question : qui est coupable de l’exécution
de ces dix ? Et peut-on considérer comme un homme normal celui qui fusille
presque tous ses camarades, et pas seulement de la première composition du
gouvernement ? tous ceux qui furent fusillés étaient-ils des
« ennemis du peuple » ? Et s’ils ne l’étaient pas tous, peut-on
dire que Staline les a fusillés simplement parce qu’ils gênaient son
pouvoir ?
Et je répondrai aussitôt à la question du camarade Prilepine
que bien meilleur que le pouvoir de ces quinze et surtout celui de Staline qui
les a tous conduits dans l’autre monde, était celui du seul Empereur de toutes
les Russie, et même au pire, celui des « généraux-févralistes » aurait
été mieux.
Je donnerai aux questions sur les nobles dans les rangs des
bolcheviques et les experts militaires de l’Armée rouge une seule réponse pour
des raisons pratiques.
La participation des nobles dans la révolution est
particulièrement déplorable, en tant que violation de leur serment au tsar
« de le servir fidèlement, sans épargner leur vie jusqu’à la dernière
goutte de sang », sur l’Evangile et la Croix, mais le service dans les
rangs des bolcheviques, c’est le summum de la bassesse, digne seulement de
vauriens finis ou de lansquenets d’une grande légèreté.
La caractéristique « lansquenets d’une grande
légèreté » convient particulièrement à la majorité des conseillers
militaires soviétiques. J’illustrerai le mot « légèreté » par le
destin des nobles et officiers cités par Prilepine, qui démontre avec éclat et
mieux que n’importe quelles paroles combien la violation de leur serment ne
leur a pas réussi, même à l’époque soviétique.
Krestinski N.N.
(fut fusillé en 1938, sa femme condamnée à 8 ans de camp, sa fille déportée), Kouïbychev V.V. (version officielle :
mort subitement en 1936, sa seconde femme fusillée, son frère Kouïbychev
N.V également, et lui-même est mort d’une façon très étrange, bien qu’il fût un
alcoolique fini). Ordjonikidzé G.K. (version
officielle, mort d’un infarctus en 1937, mais selon son épouse, il s’est tiré
une balle, selon une autre version, on
l’a assassiné, fut arrêté puis fusillé l’un de ses frères, deux autres
furent victimes des répressions) ; Blok A.A. (mort de faim à Petrograd en
1921 ! Il avait demandé à quitter l’Union Soviétique. Ayant reçu un refus,
il brûla ses notes, cessa de se nourrir et mourut. Lounatcharski
remarqua : « Nous avons tourmenté le poète au sens littéral, en
ne le laissant pas partir et en ne lui
laissant pas d’autre part de conditions de vie décentes ») ; Brioussov était d’une famille de
marchands, Maïakovski s’est tiré une
balle dans la tête dans le pays soviétique en 1930 ; S.S Kamenev (il eut le temps de mourir
en 1936, avant l’épuration dans l’armée. Mais juste après sa mort, sur la vague
de l’épuration, il fut accusé de participation à un « complot
militaro-fasciste ». S’il avait vécu jusque là, il aurait été
obligatoirement fusillé) ; P.P.
Lebedev (eut de même la chance
de mourir en 1933).
La thèse de Prilepine selon laquelle « ce sont les
blancs qui ont provoqué la guerre civile » est particulièrement absurde.
Elle n’éveille que des questions, par exemple : y aurait-il eu une guerre
civile, si les bolcheviques n’avaient pas fait la révolution d’octobre et
n’avaient pas interdit les autres partis et les autres moyens d’information de masse ?
Qu’allons-nous faire du slogan léniniste « transformation de la guerre impérialiste en guerre civile »
du temps de la guerre mondiale, n’est-il pas le vrai point de départ de la
guerre civile, sa préméditation criminelle ?
L’article de Lénine « la défaite de notre gouvernement
dans la guerre impérialiste » est consacré à l’élucidation de la
signification de ce slogan. Et dans son œuvre « le socialisme et la
guerre » (juillet-août 1915) cette pensée s’exprime ainsi : « La
guerre a engendré sans aucun doute la crise la plus brutale et a aggravé
incroyablement les malheurs des masses… Notre devoir est d’aider à la prise de
conscience de ces états d’esprit, à les approfondir et à les mettre en forme.
Le slogan de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile
exprime correctement cet objectif, et toute lutte des classes subséquente
pendant la guerre, toute tactique d’actions de masse sérieusement menée conduit
inévitablement à cela ». ainsi Lénine conduisit consciemment le parti (dès
1915) à la guerre civile en Russie.
Ou bien l’ont-ils préméditée quand même les blancs quand ils
se battaient alors sur le front pour leur patrie ? si le parti bolchevique
dès 1915 avait formulé le début de la guerre civile comme son objectif de
parti, alors que viennent faire là des épisodes attribués aux blancs en 1918 et
caractérisés comme le début de la guerre civile ? Vous nous citerez quelque document de 1914 appartenant à
l’idéologie blanche ou à un général blanc où l’on se donnerait pour objectif le
déclenchement d’une guerre civile en Russie ?
Au sujet des premières lois des bolcheviques qui ne
portaient « aucun caractère répressif », je dirai seulement que la
Tchéka fut formée dès le 20 décembre 1917. Et sans aucun idéalisme. C’était la
famine, la terreur et beaucoup de sang écarlate, surtout du sang russe.
Au sujet du « rassemblement accéléré de l’Empire »
par les bolcheviques. Le premier souci des bolcheviques après leur prise de
pouvoir fut de proclamer la déclaration des droits des peuples de Russie. Après
quoi commença la parade des souverainetés, sur la base des doits proclamés dans
cette déclaration à la libre autodétermination, jusqu’à la séparation et à la
création d’états indépendants.
Cette déclaration devint fatale non seulement pour les
premières années du gouvernement bolchevique mais pour celles de la fin,
détruisant l’Union Soviétique. Une autre idée bolchevique joua un rôle qui
n’était pas moins destructeur, celle de l’union fédérative. D’un état unique du peuple russe, l’Empire
Russe, les communistes firent artificiellement une Fédération de formations
nationales comme base de départ pour le lancement d’une révolution mondiale.
Devinrent des états indépendants le grand-duché de Finlande
aussi bien que le royaume de Pologne, les territoires baltes, les gouvernements
biélorusses et petits-russiens, les peuples du Caucase et d’Asie Centrale.
Mais il apparut bientôt que les bolcheviques, en parlant de
liberté, cherchaient seulement la révolution mondiale et la destruction de tous
les gouvernements nationaux. Toutes les libertés données aux peuples, Lénine
s’efforça pratiquement tout de suite de les leur enlever. On conduisit deux guerres avec la Finlande
(défaites), une avec la Pologne (défaite), avec l’Estonie (défaite), avec
chaque république caucasienne, l’Armée rouge se battit de nombreuses années au
Turkestan.
Au sujet de l’effondrement de l’URSS une question se pose
qui de ceux qui se trouvaient à Foros et dans la célèbre forêt de Biélorussie
ne faisait pas partie du PCUS ? Ils étaient tous la chair de la chair du
parti communiste, ils en avaient tous fait partie plus d’une décennie. Il est
très possible qu’il y eut une espèce de dérive libérale ou de tendance dans
leur rangs. Mais que nous importent à nous, gens sans parti, les nouveaux
« boukharinistes », « zinovievistes » ou trotskistes, ils
étaient de toutes façons communistes. Que nous importent les querelles communistes
internes au parti ?
Ce sont les communistes, c’est vous, gens de gauche, qui
avez perdu contre l’Occident la guerre froide, parce que vous étiez vous-mêmes
un Occident de second choix. La contrefaçon avec des dogmes marxistes fut
vaincue par l’Occident véritable et authentique. L’original est toujours mieux
que la copie.
Et où étaient les détachements rouges pour la lutte contre
les libéraux, qui nous avaient soi-disant pris le pouvoir soviétique ? Où
eut lieu au moins une révolte communiste (et ne me parlez pas de 1993, quand
pas un seul député communiste ne périt), où sont vos idéaux, pour lesquels il
fallait alors donner sa vie ?
Bien sûr, les communistes n’ont pas « posé une bombe
sous l’empire », pour mettre quelque chose sous l’empire, ils n’avaient
pas la moelle, ces révolutionnaires professionnels, qui avaient consacré leur
vie à leur lutte avec l’empire… Ils ont laissé passer même la révolution de
février et sont arrivés en retard.
Tout le message de Zkhar Prilepine sur la bombe placée sous
l’Empire, c’est juste une thèse commode pour le débat. On a toujours discuté
sur le fait que Lénine et ses camarades, en construisant le globalisme
soviétique, avaient posé une « bombe à retardement » en le bâtissant
sur l’idée de l’autodétermination des peuples jusqu’à la séparation et celles
de la structure fédérative de l’état.
Le fédéralisme et les républiques nationales au sein de
l’Union Soviétique ont aidé les leaders soviétiques eux-mêmes de ces
républiques soviétiques à renverser le pouvoir soviétique unique.
A la question de Prilepine « A qui faites-vous le plus
confiance ? Au grand duc Romanov ou aux démocrates des années
1990 » ? je répondrais que je me fie davantage à Bounine qui écrivit
que Lénine est « un dégénéré, un idiot moral de naissance. Il a ruiné le plus grand pays du monde et a
tué quelques millions de personnes… Et pourtant, le monde a à ce point déjà
perdu l’esprit qu’ouvertement il débat pour savoir si c’était ou non un
bienfaiteur de l’humanité ? »
La question de l’anathème je l’adresserai au certain degré
d’honnêteté du camarade orthodoxe Prilepine. L’anathème du concile local de
1918 s’étend réellement à toutes les personnes de confession orthodoxe (Lénine
aussi bien que Staline, en tant que baptisés dans l’Orthodoxie), qui ont
participé aux persécutions contre l’Orthodoxie et aux massacres de gens
innocents. Sous cet anathème tombent tous les bolcheviques, baptisés dans
l’Orthodoxie, c’est-à-dire tous les bolcheviques d’origine russe.
Le patriarche Tikhon a-t-il ou non donné sa bénédiction à
telles ou telles forces blanches n’a en fonction de l’anathème aucune
importance. Si même on considère que les blancs n’avaient pas la bénédiction de
l’Eglise pour leur combat (bien qu’ils eussent dans leurs rangs des évêques et
des prêtres), les bolcheviques d’origine orthodoxe étaient incontestablement
sous le coup d’un anathème, c’est-à-dire se trouvaient en dehors de l’Eglise et
en dehors du salut. Rien que cela, pour n’importe quel Russe orthodoxe fidèle
est suffisant pour ne pas être communiste et ne jamais soutenir cette
idéologie antichristique et antirusse.
L’anathème des communistes pour la persécution de
l’Orthodoxie et le meurtre de gens innocents, comme un héros de cinéma le dira à
propos de son pistolet, l’emportera sur des centaines d’autres arguments. Il est
vrai qu’il n’en sera ainsi qu’avec les orthodoxes…
Je dirai honnêtement que dans toute la diversité des
questions liées à la révolution, aux bolcheviques et à la période soviétique la
plus importante est celle-ci : peut-on être à la fois révolutionnaire,
communiste et orthodoxe ?
Je désirerais définitivement élucider et ce faisant
définitivement différencier dans la conscience de nos compatriotes de
confession orthodoxe la voie du salut à travers l’Orthodoxie et la voie de la
transformation révolutionnaire de notre société, la construction du
« paradis » terrestre communiste.
La révolution de février, le coup d’état d’octobre et les
soixante dix années soviétiques qui suivirent ont coûté excessivement cher, en
premier lieu au peuple russe, mises à part les pertes humaines grandioses, les communistes
ont presque anéanti l’Orthodoxie dans notre peuple, ont détruit l’énorme couche
sociale fertile de la paysannerie (grâce à laquelle la population russe
augmentait chaque siècle plusieurs fois) et le temps de leur règne, ont
désappris aux gens à travailler, engendrer et élever des enfants, respecter les
aînés et aimer leur Patrie, toute leur histoire millénaire.
Nous ne devons pas être fiers de nos chutes spirituelles et
de nos erreurs sociales, mais en prendre conscience avec repentir et retourner
dans le monde orthodoxe de la civilisation russe. Il est nécessaire de
distinguer l’ivraie communiste et, avec l’aide de Dieu, de la séparer du bon
grain orthodoxe de la Russie historique.
Mikhaïl Smoline
https://tsargrad.tv/articles/o-nezdeshnej-nenavisti-bolshevikov-ili-otvet-pisatelju-prilepinu_95280