Pas loin de chez moi, des voisins refont leur maison, c'est-à-dire qu'ils la surélèvent. Je craignais le pire. Ce ne sera pas affreux , à condition que le toit ne soit pas rouge pétard ou bleu électrique, je prie pour que cela me soit épargné...
Le fils de ma voisine Violetta, qui avait promis de faire la clôture qui va nous séparer, m'a monté un vrai mur de Berlin, c'est une manie, maintenant, chez les Russes, s'ils pouvaient les faire monter jusqu'au ciel... Ce matin, j'ai timidement suggéré de raccourcir les poteaux, j'ai vu que je lui faisais beaucoup de peine.
Après mûre réflexion, je pense que je mettrai du grillage, pas en plastique vert, comme le propose le voisin, mais en métal, parce que le plastique vert, c'est trop moche, surtout que je n'arriverai pas à le cacher sur une clôture aussi haute. Le grillage est plus discret et je ferai grimper des lianes dessus. Le bois me reviendrait plus cher, et sur une pareille hauteur, couperait trop la lumière et me donnerait une impression d'enfermement.
Cette clôture sera un coup dur pour Rosie qui adorait cavaler à travers le grand terrain de Violetta, mais justement, ce qui a décidé son fils à agir, c'est qu'elle leur fauche des tas de choses.
Hier, j'ai vu Olga et Oleg, rencontrés cet hiver, deux intellectuels orthodoxes sympathiques. Ils m'avaient préparé de l'okrochka, soupe froide au kvas que j'avais toujours trouvée dégueulasse, la leur est très bonne, il faut dire que leur kvas aussi. Oleg m'a donné du ferment pour obtenir cette boisson au pain fermenté, très rafraîchissante. Ils m'ont aussi emmenée chez leur médecin (à la retraite) qui soigne à sa manière, avec des aiguilles d'acupuncture, mais ce n'est pas de l'acupuncture. Je voyais qu'Oleg avait l'air de souffrir, avec ses aiguilles enfoncées jusqu'à la garde, et je n'étais pas trop partante. Le médecin m'a dit que mon arthrose venait d'un déséquilibre traumatique de ma colonne vertébrale, qui faisait que mon côté gauche était déficient, et qu'il me fallait beaucoup marcher. "Je croyais que c'était déconseillé, qu'il fallait faire du vélo?
- Les hommes des cavernes ne faisaient pas de vélo, nous sommes faits pour marcher sur des kilomètres, quand vous marchez, vos articulations sont irriguées et lubrifiées, si vous ne marchez pas, tout se bloque..."
J'ai fait un peu de marche à pied avec eux le long de la rivière Troubej, jusqu'à l'embouchure, et nous avons regardé le lac de plus en plus envasé, parce que la municipalité a créé un problème écologique qui enlève du débit à la rivière, enfin comme d'habitude... Oleg et Olga sont aussi en deuil du joli Pereslavl dont il subsistait encore de beaux restes il y a vingt ans. La plus ancienne maison du quartier a été remplacée par un machin revêtu de plastique façon fausse pierre. La fausse pierre en plastoque fait fureur à Pereslavl. La seule consolation que nous ayons, c'est que la verdure l'été, et la neige l'hiver, cachent ces horreurs à la vue des gens encore normaux que ce spectacle déprime.
Cela sent déjà un peu l'automne. Chez Oleg et Olga, quelques feuilles de vignes vierge rougissent et chez moi quelques unes deviennent violacées, sur le poirier. En Fance, je voyais venir l'automne fin août, à quelque chose de doré et d'épuisé dans la lumière, après un été surchauffé. .
J'ai des coups de cafard en pensant à ma famille disparue et à mes petits chiens également disparus, surtout le pauvre Doggie, mort si jeune et se croyant trahi pat moi qui avais du le laisser dans la cage du vétérinaire... Parfois, lorsque je prie en français, j'ai comme un diaporama dans la tête, je revois les rues de Cavillargues, le chemin de saint Pons-la-Calm, celui de la Condamine, celui du docteur Henri qui montait à la chapelle, le côté de Mas Carrière, et mon petit Doggie qui me suivait, car c'était en me promenant que je disais ces mêmes prières. Je vois aussi des coins de Montélimar ou de Pierrelatte, et le monastère de Solan. Oleg et Olga connaissent un Français orthodoxe qui cherche à s'installer en Russie, il leur a dit que les points orthodoxes étaient en France isolés dans un ensemble incroyant, sinon hostile, et qu'ici, l'orthodoxie était partout dans l'atmosphère. Pour moi, après les années où je m'étais habituée à Solan, j'ai eu un peu de mal à revenir à l'orthodoxie russe, au slavon, et mon livre a aussi joué un rôle, dans la mesure où il m'a profondément perturbée. Je devais le faire, mais il m'a perturbée et comme ramenée en arrière, par rapport au moment où, pendant et après la maladie de ma mère, je m'étais comme dévitalisée et me raccrochais à la prière. Mais il s'est passé quelque chose au cours de l'office en la mémoire de la famille impériale et je suis sortie de cette torpeur spirituelle. Pourquoi? Mystère, ce genre de choses ne se commande pas, et c'est pourquoi je suis persuadée de leur profonde authenticité. Je pense que j'en discernerai plus tard tout le sens.
J'en discutai avec Oleg et Olga, être partie me conduit principalement à rassembler mes forces, à les concentrer, à ne pas me laisser aller et surtout à compter essentiellement sur Dieu et le soutien mystérieux de ces saints Russes que je côtoie ici, et auxquels je m'adresse, ceux de mon livre, ceux de Pereslavl, les nouveaux martyrs... J'aurais pu vieillir tranquillement à Cavillargues, et je vois bien que ce n'est pas au repos que Dieu m'a ici conviée. Parfois, j'en éprouve une grande crainte. Je suis amenée à parler, à m'engager, à triompher de ma négligence et de ma lâcheté. Je suis lâche par désir d'avoir la paix, mais je suis lâche surtout devant les gens que j'aime bien et que je redoute de blesser. Ceux qui m'enrôlent d'office, et à qui je voudrais faire plaisir en leur disant que je pense comme eux. Mais ce n'est pas le cas... Or il faut dire les choses telles qu'elles sont et ne pas suivre un mouvement dont on sait que la direction n'est pas la bonne, et la bonne direction est unique, il n'y en a pas trente-six quelque plus ou moins semblable ou parallèle à l'originale elles puissent nous apparaître.
PS: je réponds à tous ceux qui m'écrivent, n'ayant pas encore un courrier de vedette, et je signale à MARIAM que son mail ne m'est jamais parvenu!
Il est vraiment souhaitable que ce toit en construction reste discret... |
Après mûre réflexion, je pense que je mettrai du grillage, pas en plastique vert, comme le propose le voisin, mais en métal, parce que le plastique vert, c'est trop moche, surtout que je n'arriverai pas à le cacher sur une clôture aussi haute. Le grillage est plus discret et je ferai grimper des lianes dessus. Le bois me reviendrait plus cher, et sur une pareille hauteur, couperait trop la lumière et me donnerait une impression d'enfermement.
Cette clôture sera un coup dur pour Rosie qui adorait cavaler à travers le grand terrain de Violetta, mais justement, ce qui a décidé son fils à agir, c'est qu'elle leur fauche des tas de choses.
Hier, j'ai vu Olga et Oleg, rencontrés cet hiver, deux intellectuels orthodoxes sympathiques. Ils m'avaient préparé de l'okrochka, soupe froide au kvas que j'avais toujours trouvée dégueulasse, la leur est très bonne, il faut dire que leur kvas aussi. Oleg m'a donné du ferment pour obtenir cette boisson au pain fermenté, très rafraîchissante. Ils m'ont aussi emmenée chez leur médecin (à la retraite) qui soigne à sa manière, avec des aiguilles d'acupuncture, mais ce n'est pas de l'acupuncture. Je voyais qu'Oleg avait l'air de souffrir, avec ses aiguilles enfoncées jusqu'à la garde, et je n'étais pas trop partante. Le médecin m'a dit que mon arthrose venait d'un déséquilibre traumatique de ma colonne vertébrale, qui faisait que mon côté gauche était déficient, et qu'il me fallait beaucoup marcher. "Je croyais que c'était déconseillé, qu'il fallait faire du vélo?
- Les hommes des cavernes ne faisaient pas de vélo, nous sommes faits pour marcher sur des kilomètres, quand vous marchez, vos articulations sont irriguées et lubrifiées, si vous ne marchez pas, tout se bloque..."
J'ai fait un peu de marche à pied avec eux le long de la rivière Troubej, jusqu'à l'embouchure, et nous avons regardé le lac de plus en plus envasé, parce que la municipalité a créé un problème écologique qui enlève du débit à la rivière, enfin comme d'habitude... Oleg et Olga sont aussi en deuil du joli Pereslavl dont il subsistait encore de beaux restes il y a vingt ans. La plus ancienne maison du quartier a été remplacée par un machin revêtu de plastique façon fausse pierre. La fausse pierre en plastoque fait fureur à Pereslavl. La seule consolation que nous ayons, c'est que la verdure l'été, et la neige l'hiver, cachent ces horreurs à la vue des gens encore normaux que ce spectacle déprime.
Cela sent déjà un peu l'automne. Chez Oleg et Olga, quelques feuilles de vignes vierge rougissent et chez moi quelques unes deviennent violacées, sur le poirier. En Fance, je voyais venir l'automne fin août, à quelque chose de doré et d'épuisé dans la lumière, après un été surchauffé. .
Le lac déjà bien gris et son atmosphère de mer froide et lointaine |
J'ai des coups de cafard en pensant à ma famille disparue et à mes petits chiens également disparus, surtout le pauvre Doggie, mort si jeune et se croyant trahi pat moi qui avais du le laisser dans la cage du vétérinaire... Parfois, lorsque je prie en français, j'ai comme un diaporama dans la tête, je revois les rues de Cavillargues, le chemin de saint Pons-la-Calm, celui de la Condamine, celui du docteur Henri qui montait à la chapelle, le côté de Mas Carrière, et mon petit Doggie qui me suivait, car c'était en me promenant que je disais ces mêmes prières. Je vois aussi des coins de Montélimar ou de Pierrelatte, et le monastère de Solan. Oleg et Olga connaissent un Français orthodoxe qui cherche à s'installer en Russie, il leur a dit que les points orthodoxes étaient en France isolés dans un ensemble incroyant, sinon hostile, et qu'ici, l'orthodoxie était partout dans l'atmosphère. Pour moi, après les années où je m'étais habituée à Solan, j'ai eu un peu de mal à revenir à l'orthodoxie russe, au slavon, et mon livre a aussi joué un rôle, dans la mesure où il m'a profondément perturbée. Je devais le faire, mais il m'a perturbée et comme ramenée en arrière, par rapport au moment où, pendant et après la maladie de ma mère, je m'étais comme dévitalisée et me raccrochais à la prière. Mais il s'est passé quelque chose au cours de l'office en la mémoire de la famille impériale et je suis sortie de cette torpeur spirituelle. Pourquoi? Mystère, ce genre de choses ne se commande pas, et c'est pourquoi je suis persuadée de leur profonde authenticité. Je pense que j'en discernerai plus tard tout le sens.
J'en discutai avec Oleg et Olga, être partie me conduit principalement à rassembler mes forces, à les concentrer, à ne pas me laisser aller et surtout à compter essentiellement sur Dieu et le soutien mystérieux de ces saints Russes que je côtoie ici, et auxquels je m'adresse, ceux de mon livre, ceux de Pereslavl, les nouveaux martyrs... J'aurais pu vieillir tranquillement à Cavillargues, et je vois bien que ce n'est pas au repos que Dieu m'a ici conviée. Parfois, j'en éprouve une grande crainte. Je suis amenée à parler, à m'engager, à triompher de ma négligence et de ma lâcheté. Je suis lâche par désir d'avoir la paix, mais je suis lâche surtout devant les gens que j'aime bien et que je redoute de blesser. Ceux qui m'enrôlent d'office, et à qui je voudrais faire plaisir en leur disant que je pense comme eux. Mais ce n'est pas le cas... Or il faut dire les choses telles qu'elles sont et ne pas suivre un mouvement dont on sait que la direction n'est pas la bonne, et la bonne direction est unique, il n'y en a pas trente-six quelque plus ou moins semblable ou parallèle à l'originale elles puissent nous apparaître.
PS: je réponds à tous ceux qui m'écrivent, n'ayant pas encore un courrier de vedette, et je signale à MARIAM que son mail ne m'est jamais parvenu!