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mercredi 14 novembre 2018

D’Issoudun à Pereslavl à cheval.




Mon amie Sophie caresse le projet de venir me retrouver à Pereslavl sur une jument de race cosaque kabarde, pour prouver l’endurance de ces chevaux, dont on voudrait développer l’élevage. Son voyage a aussi des aspects spirituels, car elle compte aller, sur le trajet, de lieu orthodoxe en lieu orthodoxe, mémoriels, car elle le fait en hommage au corps expéditionnaire russe de 1914 et aux soldats de l’armée russe qui ont péri pendant la seconde guerre mondiale. Et écologiques, car elle compte en chemin collecter des graines anciennes et en échanger. Elle compte aussi témoigner de ce qu'elle verra en chemin, au moyen de récits, photos et dessins.  Le but ultime étant de s’installer éventuellement en Russie, après cette prise de contact pour le moins inhabituelle, pour s’occuper de chevaux et de permaculture. Elle compte partir avec une bannière à l’effigie de la Mère de Dieu, afin d'annoncer la couleur. Et elle cherche des coéquipiers, assez fous pour faire cela avec elle, car par les temps qui courent, la traversée de l’Europe n’est plus une promenade et il vaut mieux être plusieurs… 
Elle en a semble-t-il trouvé au moins un, en la personne d’Alexeï, qui vit pas loin d’ici, et qui est un cavalier épris d’aventure.
Ce qui sera peut-être encore plus difficile à trouver, c’est l’argent pour acheter la jument. Un crow founding est ouvert.
Elle a pris contact avec un écrivain, Jean-Louis Gouraud qui a déjà accompli cet exploit et lui a donné des conseils utiles. Voici son livre, pour ceux que l’expérience intéresse. Il reprend en hommage le titre d'un récit du grand écrivain russe Leskov: le pèlerin enchanté.
 A noter qu’une douzaine de cosaques a fait le voyage inverse, sur la trace de leurs ancêtres de 1812, en 2012, pour le bicentenaire de l’événement. Leur expédition a pratiquement été complètement passée sous silence par les médias français. Pourtant, c’était un hommage, car les cosaques adorent leur ennemi Napoléon,  et me chantent invariablement « le tombeau de Napoléon » pour mon anniversaire, supposant que je partage leur enthousiasme pour le conquérant de la République, devenue Empire éphémère. Le voyage de Sophie sera une réponse au leur, puisqu'elle le fera dans l'autre sens sur une jument cosaque.
  



lundi 12 novembre 2018

A la rencontre de la sainte Russie

Le magnifique portail du monastère
J'étais conviée hier matin à la liturgie dominicale du monastère saint Boris et saint Gleb, à Borissoglebsk. C'est à une heure de chez moi, pas loin de Rostov. Mais je n'accepterai plus de me déplacer le matin. Je mets des heures à émerger, je suis complètement au ralenti, me presser la matin, je ne peux plus, je commence même à comprendre ma tante Jackie qui ne prenait aucun rendez-vous le matin. Je suis devenue physiquement incapable de me presser. Déjà rien que pour me déplier et sortir de mon lit, ça me prend dix minutes. Et puis bien sûr, au moment de partir, je cherche mes clés, mes gants et la serrure du cadenas du portail est bloquée par le gel...
Par dessus le marché, j'ai loupé l'embranchement de la route de Borissoglebsk, qui se prend, comme on dit ici, "à travers l'oreille gauche", il faut vraiment deviner qu'on doit tout à coup tourner à gauche sur une espèce de poche, et ensuite revenir en arrière prendre le passage à niveau et la route peu engageante qui le traverse.
Pourtant, par la suite, cette route s'avère très jolie, et elle était inondée de soleil, un soleil froid et pur d'hiver provençal, par jour de mistral.
Le monastère est absolument magnifique, la bourgade autour encore assez intacte, avec de jolies maisons typiques. Le monastère... pratiquement rien de postérieur au XVII° siècle, une architecture russe sans mélange, féerique comme à Rostov, qui, du temps de l'union soviétique, avait été complètement profanée, ce qui a laissé des traces regrettables, et deux bâtiments sont irrécupérables. Un tel joyau aurait dû être choyé par le gouvernement, par le peuple tout entier. C'est une architecture unique, qui n'a rien à voir avec la répétition idiote des modèles gréco-latins ni avec le béton-verre universel à qui on sacrifie tant de fric.
J'étais tellement en retard que je craignais de ne plus trouver personne, mais les offices monastiques sont tellement longs, que j'ai eu droit à un bonus de trois quarts d'heure. Je suis entrée dans cette église (du temps de Vassili III, père d'Ivan le Terrible, début XVI° siècle) et je suis tombée dans un état second: tout était beau, délabré, mais beau, aucun détail de mauvais goût, des restes de fresques académiques, mais si passées, sombres et malmenées qu'elles en prenaient un mystère brumeux et tragique, bien que paisible, et cette iconostase de bois clair et chaud, récupérée quelque part, ces icônes disparates, mais toutes VRAIES, sincères et simples. Et non seulement cette merveilleuse église restait noble et authentique, mais le chœur chantait des chants très anciens, sans fioritures, avec des voix naturelles, et non cette affectation académique pompeuse qui me crispe. Au dessus de l'higoumène en vêtements dorés, deux bannières détachaient leurs dentelles métalliques sur ce bois doucement ardent, et si usé, si maltraité lui aussi, et pourtant plus splendide, dans son héroïque, rustique et simple résistance, que tous les cacas boursouflés et dorés que j'ai vu défigurer jusqu'alors nombre d"églises "restaurées". Tétanisée, j'ai dit à Vassili Tomachinski, qui m'avait invitée et accueillie: "Ici, c'est la Russie, c'est vraiment la Russie, c'est la sainte Russie. En haillons, et couverte de cicatrices, mais vraiment elle-même".
Après l'office, je suis allée m'incliner sur les reliques des fondateurs du monastère, et sur celles de saint Irinarque, dont la célèbre procession de cinq jours a lieu de tous les étés. Pour vénérer la châsse de saint Irinarque, il faut enfiler les deux croix de fer reliées par d'énormes chaînes qu'il portait en permanence. Une fois prosternée avec ça, j'ai bien cru que je n'allais plus jamais pouvoir me relever.
L'higoumène Jean m'a ensuite signifié qu'il voulait me faire un cadeau. Je l'ai suivi jusqu'à sa résidence, et en l'attendant, j'ai écouté Vassili Tomachinski me faire l'historique du monastère. Je m'emplissais de toute cette grâce, de ces dentelles de briques, de ces arches, de ces imbrications de formes légères et si simples, si originales, de ces coupoles inégales, aux floraisons inaltérables, et les cloches sonnaient dans la lumière. Le père Jean est revenu avec un sac bourré de livres, il m'a fait Noël avant l'heure. Il y a là deux livres d'art sur le monastère et la procession, un gros livre intitulé "Sainte Russie, garde la foi orthodoxe", des brochures diverses sur le même genre de thème, des DVD, et deux paquets d'infusion d'épilobe ramassée sur le trajet de la procession, naturellement. "Vous n'avez pas encore participé à la procession?
- Non, père, car j'ai beaucoup de mal à marcher... je voulais venir cet été, mais j'ai reculé à cause de cela, et je suis allée aux Solovki.
- Mais voyons, voyons! Il suffit d'y aller, les gens y vont tous, à n'importe quel âge et dans n'importe quel état, en patinette, en fauteuil roulant! J'ai connu un sportif qui avait eu un accident et tirait la jambe, quand il a bu l'eau de la source, il a oublié ses douleurs!
- Ah, alors... j'avais pensé la suivre à vélo, mais mon père spirituel m'a dit que ce ne serait peut-être pas très traditionnel...
- Venez en vélo, aucun problème, vous avez ma bénédiction..."
avec Vassili Tomachinski
Cet higoumène m'a beaucoup plu, il semble très bon, plein d'humour, d'une sorte de tendresse malicieuse. Mais je n'ai rien compris à son sermon. Il marmonne et il est inaudible. Quand ses paroissiens le lui font observer, il répond qu'ils n'ont qu'à se nettoyer les oreilles.
Je suis allée ensuite avec Vassili chez Alexeï. La fille d'Alexeï vit à Paris, elle est mariée avec un journaliste français du Point (je n'ai pas fait de commentaires...) Il vit dans une isba bleue aux fenêtres sculptées. Nous avons discuté des problèmes avec le patriarche Bartholomée, des paroisses françaises, et j'ai raconté la visite d'Henri et Patricia et leurs impressions. "En réalité, a observé Vassili Tomachinski, malgré tout, il reste quelque chose de nous, de notre foi, et quand j'entends ce genre de témoignages, je me dis que nous avons sans doute encore quelque chose à apporter, un rôle à jouer...
- J'en suis convaincue. Un rôle eschatologique."
  Puis nous avons rejoint Lioudmila,Pavlovna, que j'avais connue cet été et qui voulait déjà m'embarquer dans la procession (à laquelle je n'échapperai pas l'année prochaine...) C'est une femme intelligente et fine, elle fait partie des ces dames qui, avec l'âge, prennent un air de vieilles fées, comme l'artiste peintre Elena Vassilieva, et elle aussi y est allée de son cadeau: une icône ancienne, assez abîmée, que je n'oserais pas restaurer moi-même, mais je vais essayer de trouver quelqu'un...
Lioudmila Pavlovna a un poêle russe ancien couvert de céramiques. Chaque carreau est orné d'un losange bleu, mais ces losanges étant faits à main levée sont tous différents, sous leur apparente unité, ce qui leur donne une vie extraordinaire.
Après quoi, j'ai fait la connaissance d'Elena, qui est belge et vit sur place. Une petite dame toute ronde avec une canne, et l'air d'une moniale. En fait elle a la nationalité belge, mais ses parents sont des émigrés russes.
Elle m'a fait faire le tour de son domaine, un ancien monastère où quelques novices s'efforcent de restaurer les ruines qui subsistent. Elle prend cela très à cœur. Les églises étaient entourées d'un  cimetière, dont il ne subsiste que deux pierres tombales, et où reposaient les gens du coin. Pour faire un château d'eau, ce qui, si j'ai bien compris n'était pas autorisé, on a profité de son absence pour creuser dans ce qui était le cimetière, et revenant de Belgique, elle a trouvé devant chez elle des caisses d'ossements. Avec les paroissiens, elle a enfoui tous ces restes chrétiennement, et refermé la fosse avant le retour des ouvriers. "Ces maisons, par ici, me dit-elle, sont construites sur des ossements et beaucoup de pierres tombales ont été utilisées pour les fondations." Cette façon de traiter ses ancêtres comme un tas d'ordures semblent l'émouvoir tout particulièrement.
Il y avait beaucoup d'étoiles, dans le ciel de Borissoglebsk quand je me suis décidée à rentrer, et un croissant orange au ras des forêts, comme sur un tableau de Vroubel, ou une illustration de Bilibine.
Aujourd'hui, j'ai reçu la visite de Sacha Joukovski et de son fils Timocha, en route pour leur datcha, à 40 km d'ici. Sacha est folkloriste, sa femme également, les enfants ont grandi là dedans, ils ont un ensemble familial et se produisent tous ensemble. Élevés sévèrement, dans la religion orthodoxe, la musique traditionnelle et le respect du pater familias, les enfants de Sacha sont très attachants, équilibrés, et toujours avenants.
Sacha m'a raconté que dans la région de Borissoglebsk, il y avait un village qui se mourait autour de son église délabrée, et un homme riche qui y avait ses racines, a commandé la restauration de l'église à un entrepreneur local. A l'issue de la restauration, il a posé un autre paquet de fric sur la table: "Bon, maintenant, il faut un prêtre pour cette église, pars étudier au séminaire.
- Qui ça, moi?
- Et qui d'autre? Tu feras très bien l'affaire."
Devenu prêtre, l'entrepreneur a commencé à restaurer des maisons et avec l'homme riche, à remonter l'agriculture locale: bétail et même chevaux, ils ont à présent un centre d'hippothérapie et toutes sortes d'activités artisanales. Quand quelqu'un veut acheter dans ce village, l'administration locale dit: "allez voir le père Vladimir, et vous achèterez s'il vous le permet!"
J'avais acheté des gâteaux du café français, et Timocha n'osait pas les goûter. Il en avait très envie mais semblait voir dans ce produit raffiné de la civilisation occidentale quelque chose de décidément trop recherché, trop sybarite. "Prend-en la moitié, je mangerai l'autre", lui dit son père.
Le garçon a mangé sa moitié avec délices. "Alors Timocha, ça te plaît quand même?
- C'est... c'est indescriptible! Mais justement, c'est trop! C'est trop!"
Un ascète!

c'est là que vit le père higoumène

Ici, c'est le XVII° siècle, plus orné. Chaque carré est orné d'un carreau de céramique central.

Au fond de l'allée, la cellule de saint Irinarque.



Sortie de l'église




Les boutiques collées contre l'enceinte du monastère se sont conservées.
On y vendait autrefois des produits du monastère ou des objets de piété.

j'ai remarqué partout que pour installer un mas de téléphonie mobile, on choisissait obligatoirement
les parages immédiats d'un monastère ou d'une église. C'est quasiment un réflexe. Celui-ci se voit de
l'intérieur, où on voudrait pouvoir l'oublier.

                            

samedi 10 novembre 2018

L’EGLISE ORTHODOXE RUSSE HORS FRONTIÈRES : LE PATRIARCHE BARTHOLOMEE N’EST PAS LIBRE DE SES ACTES, DERRIERE LUI SE TIENNENT DES FORCES PARTICULIÈRES, ÉLOIGNÉES DE L’EGLISE DU CHRIST ;

Je publie en complément du précédent article et en intégral, cet article traduit pour orthomonde:
http://www.orthomonde.fr/index.php/journal/86-le-patriarche-bartholomee-nest-pas-libre-de-ses-actes?fbclid=IwAR1e1H4YspyMmwGCQ7j4uTNnl4YMkzVNbFdNypRRQX3Li3Na8Lsfr36MTzc


Sur la demande de la rédaction, l’archiprêtre Seraphim Gan, en charge des affaires de la chancellerie du Synode épiscopal, secrétaire du Premier hiérarque de l’Eglise Russe Hors Frontières, a commenté les décisions du patriarche Bartholomée et donné son appréciation des actes du Phanar.
- Nos pensées, nos profondes inquiétudes et nos prières brûlantes accompagnent sa Béatitude le métropolite Onuphre,  les archipasteurs, les pasteurs, les habitants et les pèlerins des laures des Grottes de Kiev, de Potchaïev et Sviatogorsk, les moines et les laïcs et de toute l’Eglise Orthodoxe Ukrainienne, cœur de l’Orthodoxie de la sainte Russie. Notre Eglise Orthodoxe Ukrainienne n’est pas seulement le cœur de toute l’Eglise Russe mais aussi de chacune de ses parties autonomes, y compris l’Eglise Russe Hors Frontières.
Sur une fresque de l’église commémorative saint Séraphin de Sea Cliff  (New-York USA), où j’ai la divine grâce d’accomplir mon ministère, est représentée toute l’histoire de la sainteté et de la piété de notre peuple qui a toujours conservé Dieu, de nos ancêtres, depuis le baptistère de Kiev jusqu’à la restauration de la plénitude de la communion fraternelle à l’intérieur d’une Eglise Orthodoxe Russe unie : le Premier Primat de l'Église Russe à l'étranger, le métropolite Antoine (Khrapovitski), qui a créé et consacré la cathédrale de la Sainte Trinité de la Dormition de la laure de Pochaïev, et qui, après l'assassinat du prêtre martyr Vladimir (Bogoïavlenski),  lui a succédé à la chaire  métropolitaine de Kiev ; l’archevêque Vitali (Maximenko) qui, quelques jours avant le meurtre du métropolite Vladimir, en 1918, avait célébré avec le futur nouveau martyr un acathiste dans la grande église de la laure des Grottes de Kiev et avait dirigé pendant de nombreuses années la fraternité typographique de la laure de Potchaïev. L’archevêque Vitali, alors archimandrite,  avait réussi, avec l’aide de Dieu, à faire passer la frontière à la fraternité typographique de la laure de Potchaïev, qui avait continué à remplir son office écclésial, social et missionnaire dans la diaspora.
La fraternité typographique de Potchaïev imprimait, au début dans la Russie de Priachev, puis en Allemagne et aux Etats-Unis,  une littérature spirituelle et morale, théologique et liturgique non seulement pour les enfants de l’Eglise dispersés après la révolution et la guerre civile, mais aussi pour ceux qui aspiraient à une instruction spirituelle dans leur pays. Cette oeuvre véritablement sainte fut ensuite poursuivie par le métropolite Laur, recteur de bienheureuse mémoire du monastère de la sainte Trinité à Jordanville (New-York), ami spirituel de sa Béatitude le métropolite Onuphre, avec lequel il communiait aux mêmes sacrements. Comme on le sait, saint Jean (Maximovitch), grand archipasteur et thaumaturge de lEglise Russe Hors Frontières, naquit, étudia et acquit sa formation spirituelle sur le territoire de l’actuelle Eglise Orthodoxe Ukrainienne. De sorte que nous gardons très proches de nos cœurs  l’Eglise Orthodoxe sur la sainte terre ukrainienne, et tout ce qui lui est lié.
C’est pourquoi, quand sa Sainteté le patriarche Bartholomée a déclaré pas plus tard qu’hier, et qui plus est à plusieurs reprises, qu’il reconnaissait comme chef canonique de tous les orthodoxes d’Ukraine le seul métropolite Onuphre, et a solennellement promis, devant la haute assemblée  des primats et des représentants des Eglises Locales Orthodoxes, de ne pas se mêler des affaires de l’Eglise Orthodoxe sœur d’Ukraine, cela fit éclore en nous la joie du Seigneur et la paix spirituelle au sujet du destin des croyants orthodoxes d’Ukraine, du respect pour le patriarche Bartholomée qui, comme il le semblait alors, avait profondément compris la situation et gardait et défendait avec amour l’Eglise canonique.
Or aujourd’hui, il ignore sa Béatitude le métropolite Onuphre, respecté de tous, archipasteur, pasteur et toute l’assemblée de plusieurs millions de fidèles enfants de l’Eglise, ainsi que de nombreux saints et bienheureux primats-confrères des saintes Eglises de Dieu. Et cela éveille dans notre milieu, pour le moins, le désarroi et des sentiments anxieux.
Il convient de remarquer que le patriarcat de Constantinople a, tout à fait récemment, entièrement soutenu et même confirmé notre position à l’égard de Mikhaïl Denissenko et de ses activités.
C’est pourquoi les actions actuelles de Constantinople nous obligent à soupçonner que sa Sainteté n’est pas libre de ses actes, que derrière ces derniers se tiennent des forces particulières, très éloignées de l’Eglise du Christ,  et qui poursuivent leurs buts maléfiques. Et cela est si amer !
Quand nous voyons dans les églises du « patriarcat de Kiev » des icônes du saint grand martyr Georges le Victorieux  terrassant l’aigle à deux têtes, et autres représentations du même genre, quand nous entendons proférer depuis l’ambon des déclarations politiques et toutes sortes d’autres discours destinés à alimenter les passions et le conflit national, il devient clair que le prédicateur du schisme Philarète et ses sectateurs ne cherchent pas la paix, ni l’unité des orthodoxes dans le Christ, mais le pouvoir, l’influence, la vaine gloire de ce monde et l’accomplissement de quelques buts qui sont les leurs et n’ont rien à voir avec l’Eglise. A l’observation de la conduite et du ministère de sa Béatitude le métropolite Onuphre, à l’écoute de ses homélies et à la lecture de ses interviews, nous voyons qu’il appelle à la prière continuelle, à l’amour fraternel, à la paix de l’âme et au véritable patriotisme, exprimé dans une vie selon l'évangile et l’amour du prochain. A mon avis, c’est le signe que sa Béatitude se trouve du côté de la Vérité de Dieu, vers qui il guide par son exemple son troupeau empli de l’amour divin de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine. Et si dans les conditions actuelles difficiles  de la vie ecclésiale d’Ukraine quelqu’un veut garder la vérité ou la cherche, alors qu’il s’accroche à la mante de sa Béatitude, et tout sera parfait !
Cependant, nous ne perdons pas courage et avec la foi du cœur et l’humilité nous prions pour que la situation créée soit révélatrice de la vérité de Dieu et des vrais ascètes et gardiens de la Sainte Orthodoxie sur la terre ukrainienne, qui font et portent dignement l’œuvre du Christ. La principale affaire de tous les orthodoxes est de ne pas exacerber les passions, mais de prier, de se confier à Dieu, en prenant l’épreuve actuelle comme donnée par Lui et comme la possibilité de servir l’Eglise, et de dire la vérité d’une façon absolument paisible, comme le fit le Précurseur du Seigneur Jean envers Hérode qui, comme on le  sait, n’agissait pas justement. Si nous essayons d’agir précisément comme cela, alors je crois que le Seigneur, selon l’expression du Psalmiste, « donnera Sa forteresse aux hommes et la bénédiction de la paix »,  ce que je souhaite de tout mon cœur à nos frères et nos sœurs par le sang.
Agréez l'assurance de mon indéfectible amour dans le Seigneur, avec l'accolade des confesseurs de la foi dans l'Église orthodoxe ukrainienne.
l’archiprêtre Séraphim Gan, chef  du bureau du Synode des Evêques, secrétaire du Premier Hiérarque de l’Eglise Russe Hors-Frontières.

vendredi 9 novembre 2018

Le choix du père Mark Tyson



le père Mark Tyson
Récemment, j’ai publié sur la page Facebook que j’ai ouverte en soutien au métropolite de Kiev Onuphre l’interview du père Mark Tyson, prêtre américain converti à l’orthodoxie,  qui a décidé de passer de l’omophore du patriarche Bartholomée, à l’issue des décisions de celui-ci concernant l’Ukraine,  à l’Eglise Russe Hors Frontières. 

Dans cet article, une phrase m’a particulièrement frappée :
Malheureusement, le relativisme a pénétré toute notre société occidentale. – votre vérité est ce que vous croyez, mais le pat. Bartholomée a une vérité différente, et c’est tout aussi valable. C’est le genre de raisonnement qu’on entend tout le temps chez les gens de l’ouest. Leur saint patron est Pilate avec sa célèbre question : « Qu’est-ce que la vérité ? »
A la suite de mes prises de position, j’ai reçu une lettre d’une paroissienne du monastère de Solan, sous l’omophore du patriarche Bartholomée, qui, me reprochant de prendre parti, m’annonçait qu’elle se désabonnait de mon blog .
Une autre paroissienne, avec laquelle j’ai de très bonnes relations, m’exprimait un peu la même chose d’une manière beaucoup moins radicale, et je comprends que la situation ne soit pas facile à vivre, quand on est près d’un monastère auquel on est attaché et qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à l’horizon immédiat. Donc, ainsi que je l’ai répondu à la première paroissienne, chacun son choix. Je serais restée sur place qu’il n’aurait pas été pour moi très simple.
Cependant, une des raisons de mon  départ se trouve dans la phrase du père Tyson. Je ne suis pas en phase avec la mentalité de Ponce Pilate. Tout le monde il est gentil, tout le monde il a raison, il ne faut faire de peine à personne, et surtout ne pas savoir, et ne pas prendre parti, ne pas « sombrer dans l’extrémisme », où l’on vous met très vite dès lors qu’on dit simplement les choses telles qu’elles sont.
Comme j’expliquais cela au père Antoni, qui m’a demandé de traduire des articles sur ce thème et de les publier aussi dans mon blog, il m’a répondu : » Laurence, la question est simple : ou l’orthodoxie est une niche psychologique confortable, une sorte de produit complexe recherché dans le supermarché religieux, ou l’orthodoxie est la voie authentique de la vie en Christ, de la joie dans la tristesse, du port de la croix, de la vérité, des douleurs et des consolations. Qu’en pensent les lecteurs de votre blog ? »
Personnellement, j’ai horreur des conflits, je déteste l’inconfort et je suis un excellent exemple de petite nature européenne, incapable d’ailleurs des jeunes et des séances de prières que respectent mes anciens coreligionnaires du Gard, et à plus forte raison les Russes, mais je sais qu’en cela, je n’ai pas raison, et que devant le choix Onuphre et ses fidèles d’un côté, Porochenko, Philarète et leurs églises à folklore nazi, soutenus par le trio patriarche Bartholomée, archevêque Job et métropolite Emmanuel, de l’autre, il convient de faire comme le père Tyson. Dire oui ou non. Pas oui mais, et pas non mais, ni les uns ont raison mais les autres n’ont pas tort.
D’autant plus que les choses sont très visibles, quand on veut bien les regarder telles qu’elles sont et non pas au travers des prismes d’interprétation proposés par une propagande unanime qui n’a rien d’orthodoxe.
Le père Tyson n’a pas pu s’empêcher de les voir : 
C’est sûr. J’ai un peu suivi l’affaire ukrainienne, sur votre site, en fait. Je me souviens d’une vidéo que vous avez postée sur un pauvre prêtre ukrainien qui officiait à l’extérieur, en vêtements rouges, et ce type en colère est venu l’inonder de peinture rouge. C’était supposé symboliser tout le sang ukrainien répandu par les « Moskals ». Cela m’a vraiment dérangé, mais c’était quelque chose qui était placé bas sur mon radar. Je n’avais pas de conception, pas d’idée, jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé que le pat. Bartholomée allait reconnaître un renégat aussi absolu que Philarète, et ceux de ce genre.

Et aussi: - Il y a une quinzaine de jours, dans la région d’Ivano-Frantovsk, des gens du groupe radical Secteur Droit ont pris une église d’assaut, brisé un certain nombre de bras et de jambes, tapé un homme sur le crâne, lui causant un traumatisme, et ont physiquement jeté le prêtre à la rue. Ils ont changé les serrures et dit que maintenant, c’était une église du patriarcat de Kiev. Est-ce que c’est de la propagande russe ? Cela a été attesté par des douzaines de gens qui ont tous rapporté cela. On a posté une vidéo. Cela n’est pas vraiment arrivé ? Et j’adore quand les Ukrainiens disent que les provocateurs sont des agents du FSB. Eh bien alors capturez-en quelques uns et interrogez-les, et trouvez qui ils sont et d’où ils viennent. Laissez-moi rire. C’est une plaisanterie.

Et encore: Elle est venue baiser la croix et je lui ai dit: “Christos Voskres,” [“le Christ est ressuscité”]  et elle a dit : “Як наш Патриарх Филарет сказал, Украина воскреснет, як Христос воскресил [“comme le dit notre patriarche Philarète, l’Ukraine va ressusciter comme le Christ l’a fait ”]. Je suis resté sans voix. Je suis juste resté là, la bouche ouverte. Même alors, je savais qui était le patriarche Philarète et j’ai pensé : « Cette femme met l’Ukraine avant le Christ". C’était une sorte de préfiguration de ce qui allait venir.

Dans ce contexte, la déclaration de l’archevêque Job prend un caractère particulièrement odieux : Il est aussi très important que par la décision du Synode du 11 octobre, l’acte de 1686 ait été aboli. D’un point de vue canonique, cela veut dire que le patriarcat de Moscou n’existe plus en Ukraine aujourd’hui. Tous les hiérarques sont de facto des hiérarques du trône oecuménique, en accord avec cette decision du synode, et maintenant, ils doivent attendre les directives du Patriarcat oecuménique concernant leur fonctionnement ultérieur et leur existence dans la perspective de l’octroi de l’autocéphalie à l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine.

Ces paroles sont vraiment très appréciées des fidèles de l’Eglise Ukrainienne implantés depuis des siècles et qu’un prélat étranger efface d’un trait de plume, alors que le clergé unanime, avec son troupeau, se resserre autour du Pasteur exemplaire qu’est le métropolite Onuphre, je le lis tous les jours dans les fils de commentaires des réseaux sociaux. Il est à noter que lorsque, dans les années 90, Philarète avait soumis cette question de l’autocéphalie au concile des évêques russes, elle avait été suspendue du fait du refus massif des hiérarques ukrainiens eux-mêmes de l'envisager, car ils se souvenaient de ce qui était arrivé à leur Eglise, lorsqu’une pareille autonomie l’avait mise au pouvoir des Polonais et de l’Eglise de Rome. Avec une pareille bénédiction, le « Secteur Droit », (« Pravy Sektor »), peut maintenant s’en donner à cœur joie et Porochenko, qui n’est ukrainien que de faux nom, comme toute son équipe, et sert des intérêts qui ne sont absolument pas ukrainiens, peut décréter que les « représentants de l’Eglise Ukrainienne du Patriarcat de Moscou » doivent quitter l’Ukraine. Où cette Eglise se trouve depuis l’aube du christianisme en Russie. Où ses fidèles, y compris dans les parties russes incorporées arbitrairement dans l’Ukraine par les soviétiques, y ont leurs ancêtres depuis des siècles.

Je m’associe à ce que dit le père Tyson pour expliquer son choix qui est aussi le mien:
Je ne me flatte pas de la sensibilité de ma conscience et je ne juge personne de ceux qui restent avec le patriarche œcuménique. J’aime beaucoup de prêtres dans le PE, dont certain sont mes proches en Dieu, qui ont baptisé mes enfants, ou j’ai baptisé les leurs, de sorte que là n’est pas la question. Je ne me suis pas éloigné pour regarder de haut ceux qui sont restés avec Constantinople. C’était ma décision particulière et il y avait une ligne que je ne pouvais franchir.  
J’ai pensé à ceci, si je reste, combien de temps vais-je tenir? Peut-être jusqu’à ce que le sang coule entre les bâtiments de la laure des Grottes de Kiev ou de celle de Potchaïev ? Peut-être jusqu’à ce que quelqu’un tire sur le métropolite Onuphre pendant une procession ? Quelle est la ligne réelle que je me serais tracée si je n’avais pas franchi cette ligne particulière? Je voulais quitter l’ascenseur au sol, avant qu’il ne s’élevât,  quand j’aurais peut-être eu à me dire, « Bon, quarante-sept personnes ont été tuées, mais je vais attendre jusqu’à ce qu’il y en ait cinquante » Vraiment, où est la ligne si vous ne reculez pas immédiatement ? Personnellement, je ne sais pas. Je ne sais pas ce que le cœur des autres personnes leur dicte et je ne les juge pas, mais je sais ce que mon cœur m’a dit.

Et je partage sa vision du développement ultérieur des choses:
Cette histoire avec l’Ukraine, c’est le premier pas. Je pense que nous allons voir ce patriarcat devenir le porte-drapeau des valeurs et des idéaux occidentaux. L’environnementalisme du patriarche en est déjà un exemple. De même que la nouvelle règle exclusive au PE sur les prêtres qui peuvent divorcer et se remarier… tout en restant prêtres ! Qui sait où cela va nous mener ? Mettons les choses ainsi: nous pourrions très bien voir le patriarcat s’aligner sur bon nombre des choses que nous avons vues dans les Eglises Episcopales et Catholiques romaines, ce qui sera très acceptable pour les élites occidentales d’une manière qui ne peut correspondre à la mentalité traditionnelle orthodoxe.  
Ce qui va dans le sens des prédictions du père Séraphim Rose, également américain, dans son livre “l’Orthodoxie et la Religion du Futur”.
Et ce choix étant ferme, je ne m’abstiendrai pas de témoigner, car je ne crois pas que la présence du métropolite Onuphre en Ukraine soit un hasard. Elle est providentielle, il a été placé là comme une bannière, pour orienter les gens dans la confusion : ici est l’homme du Seigneur, celui qui accomplit Ses œuvres.
« Quand je regarde mon iconostase domestique, je n’y vois pas un seul homme qui aurait vécu une vie pieuse « stagnante » et qui serait entré dans le Royaume de la lumière. Sur chaque icône, c’est un martyr qui me regarde, sanglant ou non. Nous connaissons bien l’algorithme de l’« oeuvre » du diable contre l’Eglise. Il est simple jusqu’à la naïveté, et par là-même, extrêmement efficace. Dans les premiers temps de la chrétienté, satan criait dans les médias de l’époque, que «les chrétiens sont des pervers et des cannibales», que « durant leurs assemblées, ils sacrifient de jeunes enfants, boivent leur sang et ensuite commettent la luxure ».
Assurément, comment, après cela, ne pas livrer les chrétiens aux lions de l’amphithéâtre ? Il y a cent ans, satan enseignait de nouveau que les chrétiens ont «un clergé réactionnaire», que ce sont des «complices de l’impérialisme» et «des ennemis de la révolution». D’après le témoignage de ses contemporains, la seule mention de l’Eglise et du Christ rendait Lénine furieux. Vingt ans plus tard, on fusillait le clergé pour les motifs suivants : «liens avec les contre-révolutionnaires», «collaboration avec l’espionnage étranger», «organisation de rassemblements ayant pour objet le renversement du pouvoir soviétique», «complicité avec les services spéciaux occidentaux». Au seuil du XXIème siècle, les arguments de satan sont toujours les mêmes : «agents du Kremlin», «membres du KGB», «complices de l’agresseur». Le disque n’a pas changé et on reconnaît l’écriture. » écrit le métropolite Onuphre dans un article intitulé : 
dans la vie de l’Eglise, les meilleurs moments sont les temps de persécution

Je pense pour finir que le métropolite du Monténégro Amphiloque a une juste vision des choses. Je suis personnellement monarchiste, le meurtre de notre roi de France et du tsar de Russie nous ont livrés aux mafias toutes puissantes et aux serviteurs du démon, mais cela s’est produit parce que la fin des temps est proche, et dans cette situation de fin des temps, l’Eglise doit s’adapter, pour ne pas prêter le flanc aux mains mises, infiltrations douteuses, intimidations, chantages, corruptions et tentations diverse :
…l’Église orthodoxe contemporaine doit revenir au modèle de fonctionnement des temps du christianisme primitif : « Par la chute de Constantinople en 1453 et la mort en martyr du tsar Nicolas et de sa famille en 1918, la période constantinienne de l’histoire de l’Église est achevée. La première Rome est tombée dans l’hérésie en proclamant le dogme de la fusion des concepts impérial et apostolique, la période de la seconde et de la troisième Rome en tant qu’empires est passée, la ‘strate impériale’ est terminée, selon l’expression du célèbre théologien Alexandre Schmemann ». « À mon sens, l’Église doit revenir aujourd’hui à la période précédant l’empereur Constantin, avant le IVème siècle, et, comme le déclare absolument à juste titre le Patriarcat de Moscou, l’Église doit résoudre toutes les questions au concile panorthodoxe, de la même façon qu’on les a résolues au premier concile apostolique. C’est la seule façon de résoudre à l’avenir les problèmes dans l’Église orthodoxe, et cela, le patriarche de Constantinople doit en prendre conscience : le temps est passé, l’Église doit fonctionner indépendamment et librement, comme cela était le cas du temps des premiers siècles de l’Église apostolique, de façon panorthodoxe », a déclaré le métropolite. À la question posée par Tass, qui demande si la révision de la décision du Patriarcat de Constantinople au sujet de l’Ukraine serait possible dans le cadre du concile œcuménique, le métropolite a répondu : « Bien sûr, c’est possible, pourquoi pas ?




jeudi 8 novembre 2018

Belsatzar


Le père Constantin m’a donné à lire un numéro de la revue épiscopale consacré à la famille impériale, à son chemin de croix, celui du tsar, celui de sa famille, de son petit garçon intelligent, délicat et sensible qui est mort de si affreuse façon.
Sur le mur de la maison Ipatiev, les traces sanglantes du massacre étaient restées indélébiles, elles ressortaient toujours, quelles que soient les couches de badigeon dont on les recouvrait. Est-ce cet étrange miracle, ou la fameuse inscription "Belsatzar fut la même nuit tué par ses esclaves", ou encore quelque autre secret qui a motivé la destruction de la maison du crime juste avant l’ouverture de la Russie au capitalisme mondialiste et le démembrement de l’URSS par ses propres apparatchiks ? D'après une conférence à laquelle je viens d'assister, en plus de l'inscription cabalistique, les murs de la cave où l'on a massacré ces pauvres gens étaient couverts de graffitis injurieux et obscènes.
Les gens se demandaient si on pourrait restaurer une monarchie, je suis profondément monarchiste, mais je vois cela assez mal parti, d’ailleurs tout est mal parti, le prochain roi ou tsar dont nous verrons peut-être l’avènement, c’est le Christ...

J’ai vu d’anciens parents d’élèves, Luc et sa femme Victoria, parents de Pola, que j’avais eue en moyenne et grande section, dans ma classe préférée. Nous avons déjeuné au restaurant japonais du tadjik Berkhrouz, en face du café français, qui fournit les desserts. Luc  pense que s’il y a des contradictions entre ce que dit le gouvernement russe et ce qu’il fait, c’est que l’opposition ne s’exprime pas dans les partis, mais à l’intérieur du gouvernement lui-même. Il pense que la France s'enfonce et que la Russie remonte, et que les niveaux de vie vont devenir équivalents puis se croiser.
Luc et Victoria sont orthodoxes et vont régulièrement consulter un starets à la laure de la Trinité saint Serge.
Rien ne me déprime plus que les commentaires enragés des néostaliniens qui  justifient tous les crimes de leurs affreuses idoles, des bourreaux de leur propre peuple. Enfin, quand je dis leur peuple... les bourreaux du peuple. Maintenant, je n’arrive plus à les lire. Nous sommes entrés dans l’ère de la folie et de l’infâmie déchainées. L'un d'eux, par exemple, déclare que tous ceux qui n'aiment pas Staline sont des ennemis de la Russie. Mais ce qu'il appelle la Russie, c'est l'Union Soviétique, fondée dans l'horreur de la Russie et sa destruction systématique en vue de construire un pays nouveau qui n'aurait plus rien de commun avec elle. Sa mentalité idéologique, la plaie de notre époque, quelle que soit l'idéologie, le conduit forcément à estimer que tout contradicteur est un ennemi à abattre. Et de ces "ennemis", on en a abattu beaucoup, énormément. De toutes sortes. Savants, artistes, ecclésiastiques, simples croyants, paysans, cosaques... En fait, tout ce qui constituait la Russie, qui n'était pas l'Union Soviétique.
J'ai rencontré un autre soviétique nostalgique en allant faire encadrer un tableau qu'on m'a offert. Celui-ci parle sans arrêt de "l'esprit russe" et trouve que les monastères de Pereslavl, ceux qui sont restaurés, n'ont plus l'esprit russe. "Ils ne sont pas toujours bien restaurés, ai-je objecté mais la plupart tombaient complètement en ruines, je m'en souviens très bien, avant que l'Eglise ne les reprenne." Il prétend que l'URSS conservait pieusement tous les monuments du passé, parce qu'il y avait quelques  restaurateurs d'icônes au fond des musées. L'existence de quelques musées justifiait la destruction massive de tout ce qui n'y entrait pas. Mais ces destructions ne dérangent mon interlocuteur que lorsqu'elles sont libérales, lorsqu'elles ont eu lieu après la perestroïka, avant c'était légitime. Et il préfère les monastères abandonnés et en ruines que rendus à leur destination première. Je ne vois pas bien ce que tout cela a à voir avec l'esprit russe. L'esprit russe tel qu'il apparaît pendant les mille ans d'existence de la Russie, et non les 100 ans de démolition culturelle et spirituelle qui ont suivi, avec des survivances académiques: ballets, concerts, bibliothèques...
J'ai observé qu'un certain nombre de gens ont dans la tête une sorte de paradis fantasmé qui ne correspond ni à ce que j'ai vu et ressenti, ni aux textes et aux photos que j'ai lus, ni aux nombreux témoignages que j'ai entendus de mes oreilles, et directement, de vive-voix. Je crois que l'homme pourvu d'une mentalité idéologique aime la grille d'interprétation de la vie qu'on lui a fournie plus que la vie elle-même. Si le discours est séduisant, et la réalité en complète et affreuse contradiction avec ces belles paroles, tout ce qui compte pour lui, c'est le discours, c'est l'incantation et l'hypnose. Si le discours est sentimental, le pouvoir est bon, en dépit des injustices et des  atrocités. Et souvent d'ailleurs, ce discours est double, et l'on n'en entend qu'un seul, celui qui nous rassure dans notre aveuglement, et pas celui, beaucoup plus cynique, qui pourrait nous ouvrir les yeux. L'illusion masque les cadavres, les réduit à des statistiques, ils ne sont plus qu'un détail. On a réhabilité les victimes dans les années 50, ceux-là sont prêts à les déshonorer de nouveau, parce qu'ils ont de l'affection pour leurs bourreaux. Ils en arrivent même à justifier l'assassinat d'un grand-père prêtre ou "koulak", c'est le complexe de Pavlik Morozov. A l'époque, ils seraient peut-être allés les dénoncer. Cette mentalité rejoint celle du gauchiste français, sans doute parce qu'elle sort de la même matrice. Ainsi j'ai vu la vidéo d'un monstre ordinaire de la modernité bien de chez nous qui, pour faire l'émancipée, ne voulait pas emmener son enfant malade d'une otite chez le médecin, parce que c'était à son père de le faire et qu'elle ne voulait pas céder. On a dû crever le tympan de l'enfant. Mais sa mère n'a pas cédé. Elle a préféré ses idées mortes à l'enfant vivant. Et elle se donne en exemple de féministe réussie. Elle est très fière de n'avoir plus de coeur.
Joseph Roth fait dire, dans la "Marche de Radetzky", un vieux médecin juif à son fils révolutionnaire: "l'embêtant avec toi, c'est que tu n'as pas de coeur".
Le soir, levant le nez de l’ordinateur, j’ai vu un ciel si extraordinaire, si tendre, un passage de légers embryons angéliques, de rêves innocents et calmes, comme on en a dans la petite enfance. Tout cela se déroule au dessus de notre planète qui meurt, dans de hideuses convulsions, comme si de rien n’était, en toute sérénité... Ou peut-être comme un rappel, que nous ne sommes pas seuls, et que plus nous sommes menacés et calomniés par les créatures des ténèbres, avec tout ce qui nous est cher, plus nous nous approchons de Celui qui a enduré tout cela pour nous attirer jusqu’à lui.





dimanche 4 novembre 2018

Notre Dame de Kazan

C’est la fête de l’unité russe, c’est-à-dire celle de Notre Dame de Kazan, et du triomphe des Russes
Le premier et le dernier Romanov en un seul
monument
réunis dans un soulèvement général contre les Polonais qui occupaient Moscou et avaient emprisonné le patriarche Hermogène. A l'issue de tout cela, Michel Romanov, jeune homme de 16 ans que l'on était allé chercher en procession à Kostroma pour le faire tsar, monta sur le trône. Le prêtre a rappelé tout ça dans son sermon, et il y avait du monde, à l’office. Je sens que l’Eglise se mobilise. Le prêtre, le père Jean, je crois, a évoqué le fait que chacune de nos âmes est pareille à l’univers entier, ce qui permet à la plus humble prière d’arriver à destination.
J’avais eu du mal à venir, comme d’habitude, et j’ai du mal à prier, parce que sans doute je travaille trop. Je traîne trop sur internet également, mais cela rejoint mon travail. J’ai ouvert un groupe de soutien au métropolite Onuphre qui, dit-on, savait qu’il prenait le risque du martyr quand il a accepté la métropole de Kiev. Comme dit l’un de ses fidèles dans un post, je suis fière d’appartenir à la même Eglise que lui. Un tel métropolite, à Kiev, en un tel moment, est pour moi un signe, comme une bannière plantée dans la confusion et les ténèbres : être de son côté, c’est être du bon côté, celui des persécutés, et non des persécuteurs. Cela m’apporte une certaine sérénité, dans cette affaire. Oui, tout est infâme et terrible, oui, le diable se déchaîne contre la Russie en particulier et la chrétienté en général, mais il y a le métropolite Onuphre, que rien n’ébranle dans la tempête.
Le métropolite Onuphre: "Mieux vaut être serviteur chez le Christ
que tsar chez le diable.
Comme pour la grande procession panukrainienne, je suis amenée à collecter des témoignages sur lui à travers les divers posts sur les pages et les groupes des réseaux sociaux.
Parallèlement, je termine une traduction ingrate et ennuyeuse.
Donc après l’office, j’ai vu que le vent emportait de formidables nuages russes et qu’à travers leurs énormes ténèbres, apparaissait le soleil qui frappait de ses flèches, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et j’ai décidé d’aller à pied jusqu’au lac, le beau temps, au mois de novembre, il ne faut pas le laisser filer, ici. Ce fut difficile, marcher me fait mal, décidément, la petite sirène d’Andersen m’aura poursuivie toute ma vie. Rita m’a suivie volontiers, allègrement. Rosie était avec des copains en ville, je l’ai vue de loin, mais me suis bien gardée de me manifester, parce qu’elle m’aurait suivie dans le magasin où j’allais entrer, et après j’ai perdu sa trace.
Le lac était agité par un vent violent mais pas très froid, presque un vent de printemps, enfin de printemps russe, naturellement. Il était d’un vert sourd, un vert de reptile ou de poisson, et traversé de frissons blancs et de reflets bleus, ses berges violacées s’illuminaient et s’assombrissaient tour à tour, étendant, parmi ces sombres couleurs, de soudaines et éphémères bannières de brocart, dorées et brillantes : la berge du côté du monastère saint Nicétas, ou bien un banc de roseaux, tout à coup illuminé, un bouquet d’arbres. Cela valait le coup de souffrir, et de supporter le spectacle des maisons moches, pour voir toute cette beauté. Et comme bien souvent, j’aurais éperdument souhaité revenir mille ans en arrière, quand cette beauté était si intacte et si puissante que toute l’existence des gens en était imprégnée et transfigurée, leurs vêtements, leurs maisons, leurs chants, leurs danses, la beauté les habitait et rayonnait d’eux, alors que de nous n’émane plus que la laideur et la banalité, en un mot, la mort. D'ailleurs, cela sentait l’égout, près du lac, et j'ai vu sur la berge des ordures échouées, du plastique, comme d'habitude, ce poison secrété par une humanité complètement déchue.
Au retour, une vieille s’est extasiée sur Rita et nous avons un peu discuté. J’étais près de cet hôtel qu’avait construit à prix d’or la femme de Loujkov, dans ce style caractéristique, résultat des amours incongrues de Staline avec Walt Disney. Le machin n’a jamais été exploité, il a été pillé, et maintenant tombe en ruines.
Rita me vaut de grands sourires, alors que Rosie m’attire des cris et des reproches la plupart du temps.
La vieille habitait à côté, mais elle a absolument tenu à m’accompagner un bout de chemin, car elle ne comprenait pas comment je pouvais me promener seule avec un chien : il me fallait de la compagnie.  Sur le trajet, nous avons longé de grosses maisons particulièrement épouvantables, elle les trouvait très belles. « Ah bon ? me suis-je insurgée. Moi je les trouve affreuses. Elles sont riches, oui, elles ont dû coûter cher, mais elles sont affreuses. » Le problème, c’est que riche égale beau. Après 70 ans de communisme, quelle ironie, mais le style communiste ne se caractérisait ni par son harmonie, ni par sa fantaisie, c’est le moins qu’on puisse dire. Passer du moche pauvre au moche riche n’est pas un grand pas à faire.
Après la vieille, j'ai rencontré deux ivrognes, assis sur un tronc d'arbre, avec un pique-nique et une bouteille, et une chanson de Vissotski en fond sonore, bien éraillée. "Bonne fête! m'ont-ils lancé.
- Bonne fête!
- Portez-vous bien!
- Et vous aussi!"
Ils semblaient un peu surpris, je me demande pourquoi.



 
le kiosque bleu

Presque comme si j'étais retournée aux Solovki, sur la mer Blanche...

L'église des 40 martyrs de Sébaste


Le côté de saint Nicétas

Tiens?

Que me veut cette grosse chose?

Le mieux est de l'ignorer...


mercredi 31 octobre 2018

Propagande de guerre


Pour une personne atteinte de procrastination chronique, arriver à faire trois corvées le même jour est plutôt satisfaisant. Donc, j’ai fait les courses (en oubliant plein de trucs, quand même…), je suis allée à la banque, et j’ai changé les pneus de la bagnole.
Il souffle une bise glaciale, les flaques sont gelées, hier, il y avait du soleil, je suis allée acheter des légumes chez Aladin (cela ne s’invente pas !). Avec Rita dans son sac et Rosie qui nous gardait. Tous ses copains chiens venaient à sa rencontre, avec sa sœur Eva, mais elle leur montrait les dents : il ne fallait surtout pas nous approcher. Rita, depuis son sac, grognait pour l’encourager.
Au matin, quand j’ai sorti Rita, car elle ne sortirait pas seule, j’avais un ciel pur comme une eau profonde, et des étoiles glacées autour d’une demi-lune resplendissante. A l’horizon, l’aube pointait, l’escalier givré étincelait.
J’ai sorti la doudoune longue. On attend la neige. Il nous faut de la neige, il fait trop froid sans manteau blanc.
Puis j’ai bricolé un peu, j’ai horreur de bricoler, mais bien obligée… Je vais m’attaquer cette année à la partie que je n’occupe pas, celle où je mets les amis. J’espère qu’on ne salopera pas complètement Pereslavl, car lorsque je vois le temps qu’il faut pour arranger une maison et son jardin, je n’ai plus trop de forces ni d’années devant moi pour recommencer encore cela ailleurs.
Je n’arrive pas à aller à Moscou, reprendre mes cours avec Skountsev, car Rita n’est pas propre et je ne peux pas la laisser, Rosie vit sa vie et peut se défendre, mais Rita tombe dans la panique quand je la laisse et bien que teigneuse, à certains égards, chipie, elle est complètement désarmée. J’essaie de l’éduquer mais c’est peut-être trop tard. A Moscou, je ne suis pas aussi vite sortie qu’ici, et elle peut s’oublier dans les appartements…
Je suis tombée sur ce qu’écrit dans son blog un ancien collègue du lycée. Je ne l’ouvre jamais, je ne sais par quelle curiosité j’y ai mis le nez. J’aurais mieux fait de m’abstenir. Le gars est depuis 20 ans à Moscou avec une femme russe, mais il ne peut se faire une idée sans la grille d’interprétation de Libération ou le Nouvel Obs, de toute façon, tous nos journaux sont pareils. Alors il est parti faire à travers Moscou des photos dénonçant la « propagande de guerre », je veux dire la russe, évidemment, pas la nôtre ! Il voit une peinture patriotique sur un mur avec des héros de l’ancienne Russie : propagande de guerre ! Il voit une affiche où des ecclésiastiques participent à une commémoration patriotique : propagande de guerre ! Saloperie d’Eglise russe belliciste ! De toute manière, pour ce gars-là, rien que le mot « patriotique » ou «héros », « prince », « roi » ou « chevalier », c’est de la propagande de guerre. A la limite, je pourrais aussi aller photographier des statues de Jeanne d’Arc, de Du Guesclin, de Turenne, le défilé du 14 juillet, et dire que les Français sont revanchards, militaristes et avides d’en découdre ; il est vrai que cela devient difficile, car nos symboles historiques et culturels sont systématiquement profanés et vilipendés, c’est sans doute beaucoup mieux, beaucoup plus civilisé. Les Russes sont patriotes, et cela se voit, et même leur clergé est bêtement patriote, il prie à chaque liturgie pour ce pays, son gouvernement et ses armées, par principe, quel que soit le gouvernement, car ainsi que me l’avait expliqué le père Barsanuphe, plus il est mauvais et plus il est nécessaire de prier pour lui ! Bon, toute une frange d’intellectuels et de journalistes libéraux s’efforce de battre ce patriotisme en brèche, et je suppose que mon collègue les soutient de toute son âme qui n’a jamais connu l’eucharistie… Et du reste, ils y arrivent dans une certaine mesure, avec les ados destructurés élevés aux écrans et au rap.
Plutôt que de chercher à prouver que ses journaux favoris ont raison de dire des conneries, il pourrait critiquer la Russie sur les plans où elle est critiquable, malheureusement, il y en a. Le mépris du patrimoine, l’impunité des riches, les « rénovations » et leur cortège d’expulsions arbitraires et de spoliations. La pollution, les ravages des Chinois sur la forêt sibérienne. Les abus des fonctionnaires.
Car j’en suis de plus en plus convaincue, le patriotisme russe est avant tout défensif, et si la Russie va à la guerre à présent, c’est on ne peut plus à reculons, parce qu’on l’y accule, et en cherchant à se donner le temps de s’y préparer. C’est vraiment méconnaître la mentalité russe et la situation réelle du pays que de penser le contraire.
Rosie et ses potes

Ma voiture sur le point d'être chaussée pour l'hiver

ça sent la neige, mais elle ne vient pas

Les dernières fleurs se cramponnent...

Le restau des oiseaux