J'ai publié une photo de la floraison remontante inattendue d'une des dauphinelles qui m'avaient émerveillée en juillet, le 1° septembre, début officiel de l'automne et de l'année scolaire en Russie. Des commentaires sur l'état de mon jardin m'ont poussée à procéder à une toilette de fin d'été, ce qui m'a pris deux jours. Je le fais le moins possible, c'est pénible, et je n'aime pas violer la nature et transformer un espace vivant en désert vert. Mais parfois il le faut, à cause de la berce du Caucase, ou pour retrouver la structure du jardin, dégager certaines plantes que l'on privilégie.
Mon potager me donne des courgettes, au début, je ne les avais pas vues, car je croyais avoir planté des courges, j'attendais de gros fruits oranges et n'ai pas repéré les gros fruits verts. Les grosses courgettes sont difficiles à cuisiner, mais elles ont beaucoup de goût, de même que les tomates qui sont arrivées à mûrir, il me faudrait garder des graines pour l'été prochain et faire une serre, car elles sont vraiment très bonnes.
Pour ce qui est des choux, le voisin d'en face m'a dit qu'il fallait couper les feuilles extérieures si on voulait obtenir la tête de chou classique, ce que j'ignorais totalement. Maintenant, ça commence à se produire, mais l'année prochaine, je m'y prendrai plus tôt.
Mes "boules d'or", cette année, forment une écume jaune qui retombe sur les asters et les "octiabrines" dont la vitalité et la taille leur permettent de soutenir leur assaut et de servir de tuteur, mais tout cela semble étouffer un peu les roses trémières, moins jolies que l'an dernier, mais il se peut aussi qu'elles atteignent la nappe, ce qui leur serait fatal. Cependant, elles se ressèment.
La journée était si belle que je suis allée m'installer dans mon hamac, dont je n'ai pas tellement profité, cette année. Le soleil était chaud, le vent déjà frais, l'air transparent et léger, pas de moustiques, des floraisons dorées, des corolles qui tremblaient dans la lumière et accueillaient papillons et bourdons, je contemplais ce mouvement hypnotique de la vie, et ces transparences éclatantes et subtiles qui m'enchantent profondément. Il est vrai que de pareilles journées sont rares en Russie, et en fin d'été, ou début d'automne, on sait qu'elles nous sont vraiment comptées, mais elles nous donnent un avant-goût du paradis.J'en ai profité pour appeler mon amie Liouba. Elle m'a raconté que sa fille et son gendre, installés en Angleterre, n'arrivaient pas à quitter la France, pour revenir chez eux. A l'aéroport, des flics partout pour guetter les contrevenants au port de la muselière bien étanche, et comme l'un de leurs fils sortait le nez pour respirer, un pandore est venu agiter sa matraque avec un air menaçant.
Après, je suis allée faire des courses, et je suis tombée sur Gilles et Maxime, devant le café la Forêt, escale obligatoire! Ils étaient avec le comptable Ilya qui m'a bien aidée pour établir mon permis de séjour. J'ai eu de la chance de l'avoir fin janvier, car Maxime a toutes sortes de complications dues au Covid qui a tout arrêté. Et maintenant, la loi a encore changé, on lui demande un casier judiciaire, alors que moi, je n'ai pas eu à le fournir une deuxième fois. Or en France, cela a changé aussi, ils sont fournis uniquement sous forme électronique, il ne sait pas comment ça va passer au service d'immigration. Quand on n'a pas de conjoint russe, mieux vaut ne pas bouger d'ici, on ne sait pas trop si on ne resterait pas coincé entre deux pays. J'ai dit que j'avais la nostalgie de la France, des sortes de diapositives ou de films intérieurs, je vois des endroits, Pierrelatte, Cavillargues, la maison de mon oncle et ma tante à Marseille, les promenades que je faisais avec mon petit chien. "Oui, me dit Gilles, moi aussi, et avant, je partais tous les deux mois, mais là ça fait presque un an que cela ne m'est pas arrivé." C'est curieux ce phénomène des images intérieures qui surgissent avec insistance. Et pourtant, j'aime la Russie, et je m'y intéresse depuis mon plus jeune âge.
Nous avons échangé des anecdotes sur l'invasion et la décadence, l'insécurité, la dictature sanitaire des satrapes haïssables qui ont pris le pouvoir et font tout pour le garder, les Ukrainiens et Biélorusses hagards qui se ruent vers une Europe que tous ses habitants indigènes commencent à fuir épouvantés. Intéressant chassé-croisé. Gilles et Maxime connaissent beaucoup de Français qui veulent partir.
J'ai mis deux jours à monter un fauteuil-lit IKEA que je trouve un peu gros, j'aurais préféré un fauteuil à bascule en osier, mais me voilà à nouveau pourvue de locataires, et je veux pouvoir éventuellement recevoir. J'héberge Nadia qui a trouvé l'amour sur un site de rencontre orthodoxe, déménagé un temps à Serguiev Posad, et qui veut maintenant revenir ici. Elle veut construire une maison avec une hypothèque et l'aide de sa mère. Je n'avais aucune envie de loger encore quelqu'un, et j'ai émis toutes sortes de réserves. Mais je dois dire que la cohabitation se passe bien. Je pensais à tort que son jules serait une espèce de bigot, parce qu'elle est une jeune femme orthodoxe sérieuse à jupe longue et fichu, mais pas du tout, c'est le prince Charmant. Grand, beau, intelligent, profond, avec une sorte de force tranquille virile. Il ne lui manque que d'être riche, mais on ne peut pas tout avoir. Discuter avec lui est un vrai bonheur.
J'ai trouvé aussi sur IKEA un tapis en solde pour une vingtaine d'euros, un tapis qui imite le vieux persan usagé, dans tons verts, gris et bleus en complète harmonie avec tout le reste et dans une matière qui n'est pas noble mais me permettra sans doute de le nettoyer plus facilement. Les animaux adorent ce tapis, j'espère qu'ils ne pisseront pas dessus et ne feront pas leurs griffes sur le fauteuil. Mon atelier salon est presque complètement aménagé, cela m'aura pris presque quatre ans.
Les chats sont toujours très excités par les livraisons et les déplacements de meubles. Et j'ai toujours l'impression de les avoir achetés pour eux, d'ailleurs, ils en prennent immédiatement possession.