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samedi 24 octobre 2020

L'esprit du lac

De temps en temps, je me trouve confrontée avec mes divers correspondants sur les réseaux sociaux, à la nécessité de répondre à quelqu'un, tout en sachant que c'est parfaitement inutile, et que si je le fais comme il convient, je risque de blesser ou effrayer la personne, La plupart du temps, je m'en sors en esquivant la réplique, je laisse courir. Mais quand je dis "necessité", c'est que l'individu insiste, il me contacte en message privé, il veut me convaincre. J'en ressens à la fois de la lassitude et de la colère. Comment dire? Je ne fais pas la même chose. Je ne vais pas chez quelqu'un pour le convaincre. J'expose publiquement mes convictions, je peux les discuter; je pense pouvoir me tromper, j'espère souvent me tromper, tant ce que je pressens est sinistre, j'estime même avoir le droit à l'erreur. En même temps, il y a des choses dont je suis sûre, je dirais instinctivement; mais en réalité, cette certitude s'établit à la suite de divers signaux, d'éclairs dans la nuit qui donnent une orientation en révélant certains aspects du paysage. Je pense que je n'ai pas à convertir les gens à mes points de vue, même religieux. J'ai à en témoigner.

Il y a quelques temps, j'ai vu un jeune médecin se comporter d'une façon frénétiquement haineuse et insultante avec l'un des professeurs "covidissidents", comme on dit en Russie, largement aussi compétent que lui, et j'ai vu ensuite que le freluquet avait fait machine arrière. J'ai publié les deux épisodes, ce qui m'a valu le reproche de jeter le discrédit sur la profession médicale et ses héroïques représentants qui nous défendent contre un affreux virus sur lequel on ne sait rien. Si c'était le professeur insulté, qui avait fait machine arrière, aurais-je eu droit aux mêmes reproches? Est-il exact qu'on ne sache rien sur ce virus, n'est-ce pas plutôt qu'on incendie et discrédite ceux qui savent, en les empêchant de soigner? Qui a intérêt à nous raconter des craques, d'éminents professeurs qui jouent leur carrière et sont l'objet de quolibets immondes, d'accusations fantasmagoriques; ou bien les médecins de plateaux qui émargent tous chez les labos mafieux, ou soutiennent une idéologie transhumaniste impliquant la destruction des humains surnuméraires, jusqu'à l'obtention d'un nombre raisonnable d'abrutis au service des surhommes? Le discours des "covidissidents" français, je l'ai entendu dans la bouche d'un honnête épidémiologiste russe qui ne comprend rien aux mesures totalement disproportionnées adoptées par Sobianine, désormais en charge de toute la Russie pour la gestion de la crise. Pas plus que ces divers professeurs que je choisis de croire, je ne nie l'existence de la maladie. En revanche, ce qui m'inquiète encore beaucoup plus que celle-ci, c'est la panique et la confusion délibérément entretenues, conduisant à l'impossibilité d'en parler sereinement, à des mesures absurdes et contradictoires, à l'interdiction de traitements appliqués avec succès, et à l'évidente installation d'une dictature électronique par des gens à qui je n'ai aucune envie de confier ma vie.

Je dirais aussi: qui a intérêt à croire les bonimenteurs et les oppresseurs, qui a intérêt à se rallier aux versions officielles? Un intérêt pas forcément matériel, un intérêt moral, intellectuel. Ceux qui croient à toutes les calembredaines depuis des décennies et dont le programme cérébral exploserait si on leur prouvait que ce conditionnement fait leur malheur et celui de tout ce qui les entoure. Ils sont tellement persuadés d'être dans le camp de l'intelligence et du bien que si brusquement ils ouvraient les yeux, ce serait l'effondrement psychique; la découverte de leur participation à l'abîme d'horreur où l'on nous précipite. Exterminer le contradicteur, ou simplement celui qui pense différemment, est pour eux le moyen de conserver l'illusion d'une santé mentale qu'ils ont perdue depuis longtemps. Ils ont leurs succédanés de livres saints, de prêtres et de mages qui leur répètent des incantations à longueur de journée, et ils suivent avec zèle, morts de trouille à l'idée de remettre en question l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes et de leurs causes pourries . Par contrecoup, ceux qui par leur profession, servent ces causes pourries, dans l'enseignement, la culture, ont naturellement tout intérêt à suivre le mouvement, sinon, outre les difficultés financières subséquentes, ils seront l'objet d'un ostracisme social très difficile à vivre, j'en sais quelque chose. Je connais pas mal de gens que j'aime bien, autour de moi, qui ont adhéré aux idées "de gauche" pour ne pas rester tous seuls, parce que leurs pairs, les trouvant sympas, pensaient automatiquement qu'ils faisaient aussi partie de la secte, puisque aux yeux de cette secte, les hétérodoxes, c'est satan. Ce réflexe continue a fonctionner avec le covid: la secte adhère, les mages aussi, ils suivent.

Il y a ceux dits de droite qui ne suivent pas les idées de la gauche; mais ils sont persuadés que l'ordre établi a raison. Ils se pensent rationnels. Ils savent que des dérives totalitaires ont eu lieu dans le monde, mais ah ah ah, pas chez nous. Chez les Chinois, ces extraterrestres, chez les Russes, ces barbares un peu dingos. Chez les Allemands aussi, qui ne sont ni barbares ni dingos, mais on nous l'explique sans arrêt, ils avaient le gène intrinsèque du nazisme. Aussi chez nous, la démocratie est garantie, ainsi que l'incorruptibilité de la république, nous n'avons au sommet, dans le pire des cas, que des incompétents. Et si l'on fait partie de l'armée, par exemple, on ne défend pas, par l'intermédiaire de l'OTAN, les menées fourbes d'une oligarchie mafieuse devenue complètement folle, on défend la démocratie et la république; car sait-on jamais, avec les barbares de Russes et l'idéologie communiste, elle bouge certainement encore au delà de la frontière truffée de missiles le long de laquelle, à titre préventif, on fomente sans arrêt des révolutions de couleurs. Ceux-là naturellement, ont un autre programme dans la cervelle: ne plus croire en l'ordre établi, c'est la panique absolue. C'est beaucoup plus flippant que le virus, donnez-moi vite un masque que je continue à me bercer de l'illusion que le gouvernement veut mon bien et qu'il dépend de ma voix aux élections. Nous allons être bien sages, et tout va s'arranger. Pour eux, évidemment, les voix dissidentes des professeurs rebelles sont extrêmement déstabilisantes; car d'une certaine manière, ce sont des professeurs éminents, on devrait les croire. Oui, mais l'ordre établi nous dit le contraire, et même il présente, au cours de ses jeux du cirque, ces distingués spécialistes comme des charlots, des charlatans et des gâteux. Bon, alors, s'ils sont rebelles à l'ordre établi, c'est qu'ils ont tort. Parce que quand même, on ne va pas commencer à douter de l'ordre établi? Cela voudrait dire que toute notre façon de vivre s'écroule? Cela voudrait dire que nous ne savons pas à qui nous confions notre santé, notre économie, notre avenir et celui de nos gosses? Cela voudrait dire qu'on pourrait exercer sur nous Dieu sait quelles expériences sociales et sanitaires? Mieux vaut avoir peur du virus que d'une telle hypothèse, et honnêtement, je le comprends, moi aussi, je préfèrerais avoir peur du virus et de rien d'autre.

La trouille des uns et des autres va donc bien au delà de celle du virus. C'est celle de la remise en cause d'idées reçues rassurantes qui leur sont devenues une sorte d'exosquelette. Je redoute naturellement de toucher à cette carapace si facile à télécommander, parce que dessous se trouve un tel avec un psychisme fragile ou un tel qui est par ailleurs bien gentil ou qui a beaucoup de problèmes. Parfois, j'ai affaire à un vrai connard sans fragilité, la bêtise à front de taureau, alors là c'est plus facile, encore que j'ai autre chose à faire de ma vie qu'à briser des exosquelettes.

Amenée à rédiger tout ceci, je suis d'autant plus fumasse que j'essaie de prendre du champ . Je me suis fait exclure de facebook pour avoir publié la lettre de remerciements rédigée par Hervé Ryssen à ceux qui lui ont écrit en prison, il y donne de ses nouvelles et parle de ses interrogations religieuses. Je me suis retrouvée sur vkontakte, nettement moins malsain, nettement moins répressif, avec tous mes amis folkloristes russes. Malheureusement, des gens auxquels je tiens restent sur le réseau de l'extraterreste cireux aux yeux de poisson mort, qui rappelle de plus en plus le Gollum, mais je suis résolue à opérer un repli progressif. J'y serai sans doute aidée par les exclusions successives qui m'attendent, ainsi qu'un grand nombre de personnes de ma connaissance, frappées à leur tour en rafale. J'écoute et je fais de la musique, je dessine. Il est vrai que d'après un texte de Martynov, le compositeur, sur les derniers temps qui sont les nôtres, ces activités-là n'ont plus de sens, on est en train de détruire la culture et ce qui permet de la transmettre. Eh bien curieusement, c'est ce qui me permet de tenir pyschologiquement et même peut-être spirituellement. Ecrire, dessiner, faire de la musique, au jour le jour, comme les oies migrent. La question est de savoir comment transmettre, c'est un défi. Peut-être lire mes livres chapitre par chapitre et les publier sous forme de vidéos. Le folklore par internet, c'est plus dur, c'est comme les câlins virtuels. Justement, j'ai vu un dispositif permettant, tenez-vous bien, d'embrasser quelqu'un à distance; un pavé à léchouiller devant l'image virtuelle de l'objet de ses désirs. Assorti, comme disait avec poésie feu mon cousin Patrick, d'un gratte-moule? Et les gens ont peur du virus....

En réalité, je suis très armée pour les confinements, je ne m'ennuie jamais, mais c'est dans la mesure où j'ai de quoi vivre et où je peux encore communiquer, car si l'on en vient à déperir chez soi de faim et de froid dans la solitude totale, cela va devenir difficile à supporter, et cela pourrait venir, bonnes gens, je crains même que cela fasse partie du programme. Peut-être en Russie les choses seront-elles un peu différentes, mais pas radicalement. Nous aurons peut-être une dictature numérique tempérée et nationale sans disparition des Russes dans un métissage africain général. Mais quand je vois la gueule de Gref, le patron de la Sberbank, qui ressemble tellement au bon docteur Alexandre, le suppôt du transhumanisme, et celle de Sobianine, l'apparatchik borné et astucieux, j'ai quelques inquiétudes. Il est vrai que le président ne va pas tout à fait aussi loin. Mais quand même, le problème, c'est qu'à partir du moment où l'occident s'est lancé dans la course du progrès technologique, avec une rapacité implacable, tout le monde a été condamné à la surenchère ou à l'extinction. C'est d'ailleurs la seule excuse que je trouve à cette brute épaisse de Pierre le Grand. Alors nous aurons peut-être une version russe de la dictature électronique; mais nous l'aurons.

Les peintres de Pereslavl sont allés, en guise de protestation contre les promoteurs qui veulent intégralement bâtir les rives de notre lac, avec la complicité de la mairie, dessiner ces paysages uniques et menacés. J'étais pendant ce temps à Oulianovsk, mais je publie mes propres dessins sur vkontakte, pour m'inscrire dans le mouvement. Dessiner me fait du bien, me met en contact avec le Cosmos et son, Souffle, tant qu'on ne nous en a pas bloqué l'accès avec les écrans, les masques, les éoliennes et autres tours 5G. Je plains ceux qui grandiront au sein de cette horreur, de ce monde bâti à la triste image de ceux qui l'ont voulu ainsi, idéologues psychopathes, bandits, pervers, prédateurs divers, il sera de plus en plus difficile d'y glaner une vision, une révélation, une vérité qui sauvent, et ouvrent soudain des perspectives inconnues et libératrices.

Parmi ces dessins, et ces compte-rendus de réunions, quelqu'un a mis l'image du "roi Plechtcheï", courroucé de ce que subit son lac, et en effet, ce roi, cet esprit du lac, je l'ai vu, photographié et dessiné; le lac est un être vivant, un organisme, avec ses poissons, ses algues et ses roseaux, tout ce qui existe en lui et de lui, tout ce qui le nourrit, tout ce qui l'abreuve, un être qui contemple et réflechit la beauté du ciel, et dont les nuages sont les songes, tour à tour blancs, légers, grandioses et tourmentés, les peintres le voient bien. Les tristes prédateurs en costars ne voient rien, au nom de Mammon, ils salissent et exterminent toute vie sur terre. Et face à eux, nous ne pouvons que continuer à remplir notre fonction inverse qui est de vénérer, d'aimer, de sauver, de créer, jusqu'à la dernière minute, jusqu'au rouleau compresseur qui nous passera dessus. Je suis convaincue qu'en aimant la vie nous aurons malgré tout notre récompense, et qu'ils auront la leur, comme le roi Midas, mort de faim sur ses trésors.

  






 

 



mercredi 21 octobre 2020

Retour au bercail

Nous n'avons pas eu le temps de visiter Nijni Novgorod. Je l'avais fait en ce qui concerne le centre il y a des années, au cours d'une croisière, quand toute la Russie était figée dans un post-sovietisme misérable et hagard, depuis le libéralisme s'acharne à éliminer ce qui restait encore alors de beauté et de charme. Nijni-Novgorod est un centre urbain énorme, ce fut une ville de marchands et de marchés au carrefour de l'Europe et de l'Asie. Tout centre urbain énorme me fait maintenant l'effet d'un cancer qui dessèche le tissu organique dont il est issu. Le matin, dans le salon de l'hôtel où je prenais le petit déjeuner, j'ai vu arriver un grand prêtre barbu et chevelu. Très souriant, très aimable, il me parlait en m'appelant "ma colombe" et me promettait la résurrection imminente de saint Séraphin de Sarov et le retour du tsar. A Vladimir, nous sommes tombées dans une tempête de neige, à laquelle la verdure et la dorure encore présentes sous et sur les arbres donnait une magie phosphorescente, comme si un voile de dentelles s'était abattu sur un défilé de chasubles de brocart. Mais cela n'a pas duré et les deux cents derniers kilomètres ont été un enchantement. Des forêts vibrantes et lumineuses, de lourds nuages neigeux, irisés qui ont une autre densité, quelque chose de chatoyant. En revanche, l'arrivée à été plutôt dure. Les chats ont pris l'habitude de se soulager dans la maison, j'en ai pris un sur le fait que j'ai agoni d'injures en le poursuivant jusqu'à la porte. J'ai récupéré un des ordinateurs, mais on n'a pas retrouvé ma traduction perdue, et comme d'habitude, il y a des tas de mises au point à faire. Le chauffage a décidé de s'arrêter et je n'arrivais pas à le remettre en route. Le plombier est venu à mon secours et m'a dit que mon lave-linge devait être confié à un réparateur. Tout ce que j'ai acheté dans un certain magasin ici, à mon arrivée, c'est, comme dirait le pâtissier Didier, de la merde. Néanmoins, ce voyage à Oulianovsk, outre le bonheur de revoir de jeunes amis très chers, me semble providentiel et plein d'enseignements. Que pouvons-nous faire dans le raz de marée des ténèbres qui s' annonce ? Ce que font les balalaikers, ce qui est à notre portée, dans l'affection, la chaleur humaine et la bonne humeur. En gardant et rétablissant les contacts et en en établissant de nouveaux. Pendant mon absence, différentes manifestations ont eu lieu ici pour défendre le lac contre les promoteurs et les fonctionnaires véreux. Les gens s'avèrent plus conscients et solidaires qu'on ne pourrait le croire. Les artistes peintres locaux se sont tous réunis pour peindre le lac en plein air avec des pancartes affichant leurs protestations. Je profiterai de mon exposition pour afficher les miennes. J'ai vu que ma clématite avait réussi à épanouir sa dernière fleur inattendue, malgré la première chute de neige, cela est aussi un signe.


mardi 20 octobre 2020

Balalaika

 


Oulianovsk est une ville agréable et l'on sent qu'elle a un climat sain, venteux, lumineux. Elle garde quelques vieux quartiers, des maisons de marchands, mais le fait d'avoir donné naissance à Lenine lui a valu d'être épurée de toutes ses églises qui étaient nombreuses, la Sainte Russie ne devant pas faire concurrence au Meilleur des Mondes dont il était le gourou implacable. La ville marchande de Simbirsk, qui l'a précédée, devait avoir un charme infini. 

Avant de la quitter, je suis allée visiter la fabrique des Balalaikers. Elle est assez importante et il y règne une très bonne atmosphère de collectif amical et uni, quelque chose comme un "artel" d'autrefois. À ma grande confusion, je me suis vu offrir une balalaika du modèle "muguet bleu" conçu par Genia, d'une couleur maritime qui ira bien avec les murs de mon atelier. Genia à caractérisé mon intérieur comme de style provençal de Pereslavl.

Me voilà désormais obligée d'apprendre aussi à jouer de la balalaika, en plus de la vielle, des gousli et de l'accordéon diatonique du père Dupont, on peut dire que j'ai du pain sur la planche. Du reste, Dania m'a instantanément donné un cours, avec le café. Nous avons conçu le projet de proposer au café français de fêter Noël grégorien avec un petit concert franco-russe.

Sans doute est-ce la volonté de Dieu que je me consacre à la promotion de la musique traditionnelle au milieu de la débâcle de tout le reste, c'est ce que font, sans se stresser, nos joyeux balalaikers. Avec même des incursions dans des utilisations contemporaines des instruments ancestraux.

Je suis profondément heureuse d'avoir retrouvé ceux que je connaissais et rencontré ceux que je ne connaissais pas. Car c'est une excellente compagnie de gens jeunes, motivés, sains qui font œuvre utile et j'appelle sur eux la bénédiction de Dieu.

J'ai d'ailleurs observé que le folklore était à l'honneur dans la ville d'Oulianovsk, où on fait la publicité d'ensembles locaux, d'ateliers d'artisanat traditionnels. 

Nous avons ensuite fait route vers Nijni-Novgorod à travers les steppes de la Volga, des terres noires dont la profondeur veloutée mettait en valeur la transparence dorée des bois de bouleaux et de feuillus. Nous traversions d'immenses espaces très ouverts, avec du vent et des nuages, des ombres bleues, des giclees de lumière, et je savais que ces couleurs étaient les dernières de l'année car il a déjà neigé à Pereslavl. Les agglomérations étaient clairsemées et terriblement laides et banales, débarrassées probablement de leurs maisons traditionnelles et toutes les églises que j'ai vues étaient neuves, c'est déjà bien qu'on les reconstruise....


Ici la vidéo de l'ouverture du musée de la balalaika :https://m.vk.com/wall-55702591_2313

les balalaïkers

 

mes retrouvailles avec Sérioja


samedi 17 octobre 2020

Balalaikers

 Au moment de quitter Gorokhovets, un chat que j'avais vu la veille et le matin à la porte du café ou nous avons pris nos repas, et où manifestement on ne le laissait pas rentrer, s'est jeté en miaulant désespérément à notre rencontre. Il serait même monté dans la voiture. Je suis sûre qu'on l'a abandonné et cela m'a tellement affectée que j'y ai pensé pendant tout le voyage. Je ne peux pourtant pas recueillir tous les animaux que je vois, et les miens sont manifestement trop nombreux, ils en souffrent, et moi aussi. Cependant, je me souviens de cas où j'ai passé outre, dans ma vie, et qui me poursuivent encore.

J'ai fait les 200 derniers kilomètres avant Oulianovsk de nuit sous la pluie battante. Plein de travaux, des circulations alternées à répétition, je n'en pouvais plus. Je me disais que tout de même la Russie est un pays spécial, me serais-je lancée en France, depuis Avignon jusqu'à Dunkerke pour assister à l'ouverture d'un musée ?

Je me suis retrouvée dans un super hôtel, avec un restaurant délicieux. La ville semble agréable, le climat aussi, plus lumineux que chez nous. Tout est propre, calme et ne respire pas du tout le délabrement ni la misère. Le musée de la balalaika est situé dans une rue ancienne, une maison de briques, il consiste en deux grandes pièces que mes copains ont très bien arrangées, c'est fait avec goût et simplicité, c'est clair et gai. Avec quelle émotion je les ai retrouvés.... Combien ils m'ont manqué. Cela valait le coup de faire 850 km. 

Serioja est toujours aussi drôle mais plus serein, plus mûr, il a trouvé sa voie, il est dans son élément. Il est entouré de toute une équipe de musiciens et d'artisans qui s'entendent bien, qui sont pleins d'enthousiasme. Aucune prétention, aucune affectation, tout dans la sincérité. Serioja et Genia, transportés par le bonheur d'avoir atteint leur but, se sont embrassés et Genia en a même pleuré d'émotion. À la fin des congratulations et des discours d'inauguration, Serioja a commencé à parler de moi, de l'extraordinaire Française Laurence Guillon qui jouait pour eux le rôle d' inspiratrice et m'a donné le micro. J'ai évoqué la période 3D de ma vie, quelquefois fatigante mais si joyeuse, de mon engouement pour le folklore et de l'importance qu'on devait lui accorder dans l'éducation des enfants et les politiques culturelles. "Si vous souhaitez restaurer et entretenir l'esprit et l'âme russe, pratiquez votre musique, sous sa forme authentique, le musée de la balalaika peut vous en fournir l'occasion. Ceux qui pratiquent leur folklore sont plus heureux que les autres, ils n'ont plus besoin de drogue, ni d'alcool, encore que pour l'alcool, je ne suis pas trop sûre, pour ce qui est de la vodka, elle s'y associe souvent, ça je l'ai vu, mais bon, au moins, la vodka, c'est russe ! "J'ai expliqué comment j'étais venue à tout cela, comment j'avais rencontré la fine équipe. Serioja a raconté ensuite:" Sans cette Française, je serais mort, car imaginez-vous que je me suis retrouvé un jour, dans la rue, on m'avait cassé la gueule et dévalisé, je ne savais plus où j'étais et tout à coup, je vois un immeuble qui m'est vaguement familier, je me rends compte que c'est celui de Laura, j'envoie des cailloux sur sa fenêtre et elle me recueille au milieu de la nuit....

- Ah ça, je m'en souviens ! me suis-je exclamée. Mais je n'ai pas osé en parler ! "

À Oulianovsk, au musée de la balalaika, on se sent loin des jeunes beautés assassinées par des brutes vicieuse, des professeurs d'histoire décapités par des tchetchenes, des politiciens pourris, français et russes, et des torchons qu'ils nous collent sur la gueule pendant qu'ils nous font les poches, ravagent nos pays et nous privent de nos derniers droits et de nos dernières joies. Il y a bien quelques masques qui traînent, mais nous sommes tombés dans les bras les uns des autres sans peur ni complexes. J'espère que rien ne viendra compromettre la saine et utile petite affaire de mes balalaikers, dans le "meilleur des mondes" que tentent de nous imposer mafieux et psychopathes. 



jeudi 15 octobre 2020

Gorokhovets


 


Nous sommes parties ce matin, Katia et moi, pour Gorokhovets, notre étape sur la route d'Oulianovsk, anciennement Simbirsk, vers l'est et le sud. En chemin, nous sentons partout la pression des masques, Sobianine s'en donne à cœur joie maintenant dans tout le pays. Katia a refusé d'en mettre un dans la station d'essence, en expliquant pourquoi au personnel, qui porte le sien sous le nez. "vous avez décidé que c'était nous qui devions commencer la révolution ?

- non, répond-elle, mais on se sert de chacun de nous pour surveiller le voisin et faire pression sur lui."

Nous avons ensuite, dans la voiture, discuté le fait, évoqué du reste par Karine Bechet Golovko dans son dernier article, que résister contre sa propre administration était bien difficile, dans cette guerre qu'elle mène partout à son propre peuple, d'autant plus dans le contexte où les forces mondialistes peuvent en profiter pour organiser une révolution de couleurs qui plongera le pays dans le chaos.

La route était magnifique, un voyage au pays doré des bouleaux blancs, élancés, évanescents, pétris de frémissante lumière sous des nuages miroitants, irisés, de larges morceaux d'azur et ces envols tourbillonants de feuilles scintillantes, pareilles à d'innombrables et précieux papillons. Je me suis longuement promenée à travers Gorokhovets, cette ville encore féerique, étagée sur l'escarpement qui surplombe la Kliazma. Les églises et les monastères semblent dater du XVI et du XVII siècle, les quelques palais de marchands également. On trouve quelques isbas plastifiées et d'horribles barrieres métalliques mais cela reste encore très joli, avec ces coupoles d'or qui apparaissent comme d'énormes fleurs du paradis au dessus des toits, au détour de palissades encore naturelles, mais pour combien de temps ? Évidemment, l'administration à fourré le long de la rivière une promenade bien rectiligne, bien pavée, bien bétonnée, avec d'affreux lampadaires, et planté des thuyas complètement déplacés près des palais du XVII siècle, parce que le thuya, c'est chic, c'est exotique. J'ai eu une pensée pleine de ressentiment envers Pierre le Grand et son goût de plouc parvenu, premier Russe à avoir fait du reniement de sa culture une loi autoritaire pour tout le reste de ce malheureux pays. Mais malgré ces regrettables détails, quel repos pour mon âme que cette promenade dans ce lieu de beauté et de poésie et dire que Pereslavl était comme cela il n'y a pas si longtemps et que maintenant, il n'y a plus rien à regarder, à part le lac que les promoteurs veulent définitivement défigurer et polluer... Oui, je sentais à quel point la beauté m'était vitale et que j'en étais finalement bien privée. 

Arrivée tout au sommet de la ville, près du monastere, j'ai été accueillie par un sonore carillon, et je contemplai cet océan d'or qui se déployait à l'infini sous les nuages, les églises semblaient des bateaux prêts à appareiller, de grands bâtiments blancs aux voiles luisantes et gonflées pleines d'oiseaux et de feuilles derivantes. Je suis redescendue lentement, puis je suis revenue par la berge derrière les palais, le couchant sur la rivière était pareil à de la braise rose couvant sous la cendre. Je me suis promis de revenir passer quelques jours dans cet endroit merveilleux pour dessiner, si l'ordre mondial ne nous enferme la ou nous habitons, avec un torchon sur la gueule pour le restant de nos jours. Mais sans doute le Christ ne le permettra pas et nous prendra avant dans son Royaume des coupoles d'or éternelles, des carillons inextinguibles et des séraphins chanteurs.














mercredi 14 octobre 2020

Protection

 


C'était aujourd'hui la fête de la Protection de la Mère de Dieu. Je suis allée à l'église qui lui est consacrée et qui n'a jamais fermé. Elle n'est pas loin de chez moi, je pourrais y aller à pied, et elle est très jolie, au bord de la rivière, avec de grands  bouleaux aux longs cheveux d'or, mais il y a très peu de places assises, beaucoup de vieilles, peu d'espace. C'était l'évêque qui officiait, et il a ordonné quelqu'un, il y a beaucoup d'ordinations. Katia était sur place, elle suit l'évêque de paroisse en paroisse, et elle a raison, car rien que de le voir nous remonte le moral. Le peintre qui va exposer avec moi nous a prises subrepticement en photo!


Nous sommes allées ensuite au café français, discuter de notre long voyage demain. Je vais rencontrer là bas, outre Sérioja, un riche mécène francophile et orthodoxe. A un moment, il voulait m'embaucher comme professeur de français particulier mais maman était encore de ce monde. C'est un paroissien et un ami du père Antoni à Cannes, où il se rend régulièrement.

Mon amie Liouba m'a souhaité une bonne fête depuis la cour de l'église du père Valentin, dont c'était la fête votive. Tout le monde masqué et parqué sous peine de fermeture. L'apparatchik sinistre se déchaîne à nouveau, et avec la bénédiction de Poutine, qui l'a nommé responsable de la gestion du Covid pour toute la fédération, je l'ai appris par Karine Bechet-Golovko. C'est-à-dire que s'effondre mon dernier espoir en une résistance secrète du président rusé. Soit il est tellement rusé que depuis le début il marche avec les mondialistes, soit il a été circonvenu, et à vrai dire, je trouve qu'on ne le reconnait plus.

Sobianine ayant déclenché la chasse aux vieux, Liouba a dû éviter le métro pour venir, elle est passée par le tramway. Elle et son mari vivent dans un appartement minuscule, qui a un grand balcon, mais en hiver... Eh bien les voilà consignés chez eux par le mafieux en chef de l'agglomération moscovite, qui pourra s'en donner à coeur joie dans la "reconstruction" arménienne de la capitale défigurée. 

Du coup, tout cela n'est pas près de s'arranger. La Protection de la Mère de Dieu, nous en aurons tous bien besoin. Un type me persécute en messages privés d'insultes, de chiffres et de données sur la pandémie exponentielle, mais on m'en poduit tout autant en sens inverse, et dans cette confusion, je pense qu'on peut se poser trois questions de bon sens: ui a intérêt à nous mentir? Qui a largement les moyens de le faire en grand? A qui donne-t-on largement la parole? Et enfin qui a une bonne gueule et qui une tête de faux témoin? Je pense que beaucoup de gens seront bientôt malades à cause du masque et du stress et l'on dira que c'est le covid. Ce serait même la peste bubonique que je ne voudrais pas vivre comme cela ni l'imposer à mes descendants. D'après Benvenuto Cellini, pendant la peste à Florence tout le monde faisait la bringue. C'est drôle, devant le délire des mesures sécuritaires en maternelle, je me disais que l'on ferait bientôt venir les enfants avec un casque intégral et des genouillères. Cela peut encore se produire!

mardi 13 octobre 2020

L'étoile de l'espérance

 


Notre automne inhabituel, de plus en plus doré et évanescent, s'épuise au fur et à mesure que raccourcissent les jours. On annonce un brutal refroidissment pour la fin de la semaine. Je me demandais si le miraculeux bouton tardif de ma clématite aurait le temps de fleurir. Il a fait ce qu'il a pu, et j'ai trouvé une timide et courageuse étoile, bien pâle, mais épanouie. Normalement, en été, la fleur est bleue et plus complexe. Je prends ce petit astre végétal obstiné comme un gage d'espérance.

Hier, je suis allée voir l'artiste peintre Olga Klioutchnikova et son mari Sacha, ils voulaient me remettre des plants de "boules d'or". J'en ai déjà, mais j'ai de la place, les boules d'or sont très typiques, très gracieuses et agrémentent bien les palissades. Olga, passionnée par l'expédition du général russe Souvorov à travers les Alpes à la fin du XVIII° siècle,  s'est lancée dans une oeuvre étonnante, une reconstruction des paysages traversés par les soldats et des soldats eux-mêmes par des procédés d'impressions photographiques qui donnent l'impression de voir de vieux clichés d'une époque où la photographie n'existait pas! C'est saisissant, on croirait y être. Les portraits sont très beaux, très vivants, très intenses. Elle m'a dit qu'elle avait pris des connaissances, des gens de Pereslavl, habillés ensuite de costumes historiques, le résultat est très émouvant, mais c'est un excellent peintre, avec une technique en béton armé, et elle travaille énormément. Elle a rassemblé tout cela dans un livre et prépare une exposition. 

Elle et son mari sont communistes, mais du genre communisme russifié, impérial, patriote, le problème est qu'ils font un négationnisme total par rapport aux dégâts humains (et culturels) causés par l'expérience. Sacha a été écoeuré par l'Amérique où il avait fait l'erreur de s'exiler, en tant que scientifique, dans les années 90, il trouve que c'est une société complètement déshumanisée et finalement très oppressive. Il a perdu son passeport soviétique sans avoir eu le temps, à quinze jours près, de le convertir en passeport russe, et il ne parvient pas à récupérer sa nationalité ni même un permis de séjour permanent, en dépit de sa femme sur place, et se trouve dans une situation complètement absurde et inextricable.  Tous deux considèrent comme moi l'opération Covid comme un moyen de détruire les nations et d'instaurer une dictature répugnante, transhumaniste. Mais ils pensent que cela ne prendra pas en Russie, que les Russes ne le supporteront pas, qu'il y aura tôt ou tard un soulèvement de type Donbass.

   Je l'espère, car de toutes parts, les mutants prennent le dessus. Outre le truand azeri qui ravage la résidence de la grande duchesse Elizabeth à Moscou, un parc est pour la troisième fois là bas la cible des promoteurs, et les hectares de berges sauvages, historiques et magnifiques du lac Pletchtcheïevo, ici à Pereslavl, que l'on croyait sauvées, risquent d'être livrés à la construction anarchique, hideuse et polluante. Des peintres protestent en mettant des écriteaux au dessus de leurs chevalets quand ils oeuvrent à l'extérieur. Mais c'est le pot de terre contre le pot de fer. Quand je ferai mon exposition, j'en parlerai au vernissage, mais les requins s'en foutent; on dit que ventre affamé n'a pas d'oreilles, les comptes bancaires n'ont pas d'âme et les banquiers non plus.

Je me demande ce que je vais faire si cette catastrophe advient, qui rendra la ville invivable; d'abord parce que ce sera la mort définitive du lac qui en est le poumon et la dernière beauté, avec les monastères. Ensuite parce que plus on construira, plus il y aura de monde, quoiqu'à vrai dire, on se demande de quoi les nouveaux arrivants vivront, des moscovites travaillant sur ordinateur?

Le problème est qu'on nous rend le monde invivable partout. Et nous n'avons aucun moyen d'arrêter cette machine infernale, pris entre des féodalités mafieuses plus ou moins transhumanistes, et le contingent de ceux qui suivent le mouvement, avec plus ou moins d'enthousiasme, plus ou moins d'aveuglement. Ceux qui craignent la maladie jusqu'à la psychose contre ceux qui en craignent les manipulations et les conséquences.

Les féodalités mafieuses ne semblent plus avoir nulle part aucun frein. Les psychopathes transhumanistes tombent le masque en nous l'incrustant sur la figure et dans l'esprit. Je n'ose penser à ce qui va suivre. Ce qui va suivre sera beaucoup plus terrible que la maladie, en tous cas, en ce qui me concerne, cela me fait incommensurablement plus peur. J'ai parfois des élans vers le ciel ou les larmes me viennent à la pensée des miens vivants ou morts, et du reste, c'est sur eux que j'écris maintenant. Et pourtant, j'ai du mal à me pousser à l'église. Ce soir, je voulais aller aux vêpres, mais le cours de Skountsev a débuté plus tard que prévu, il s'est terminé aussi plus tard, et ensuite, j'avais quelque chose à récupérer en ville, enfin pour finir, j'ai encore manqué l'office, et j'ai lu la paraclisis à la Mère de Dieu, pour compenser. J'ai trouvé une lettre de la mère Hypandia qui se réjouissait de me voir à l'automne, une lettre qui a mis deux mois à me parvenir! Je ne verrai pas la mère Hypandia à l'automne, je ne sais pas quand je pourrai y aller. Lorsque je lis des prières en français ou les psaumes dans la traduction du père Placide, je revois l'église de Solan, si belle, les nuits étoilées de Noël ou de Pâques, les fleurs, les néfliers, la vigne du mont Athos, les bois alentour, ce mélange de nature méditerranéenne et déjà un peu montagneuse, je sens les odeurs, balsamiques et amères. Que Dieu garde Solan. Et la mère Hypandia avec toutes ses moniales, et ses paroissiens. Elle prie pour les miens, pour mon oncle et ma tante, et pour mon filleul Antoine. Elle me dit aussi que tout le monde à l'église est masqué et compartimenté. Je préfère ne pas voir cela. Et cela risque de durer très longtemps.

J'ai récupéré une partie de mes encadrements pour l'exposition, Vladimir m'a fait un prix, ou plutôt, pour le même prix, il a mis des cadres même là où nous avions prévu des pinces, pour que ce soit moins cher. J'ai été étonnée du résultat et de la transfiguration de mes travaux, Vladimir semblait d'ailleurs lui-même très satisfait! Et je lui suis très reconnaissante.