Translate

mardi 13 octobre 2020

L'étoile de l'espérance

 


Notre automne inhabituel, de plus en plus doré et évanescent, s'épuise au fur et à mesure que raccourcissent les jours. On annonce un brutal refroidissment pour la fin de la semaine. Je me demandais si le miraculeux bouton tardif de ma clématite aurait le temps de fleurir. Il a fait ce qu'il a pu, et j'ai trouvé une timide et courageuse étoile, bien pâle, mais épanouie. Normalement, en été, la fleur est bleue et plus complexe. Je prends ce petit astre végétal obstiné comme un gage d'espérance.

Hier, je suis allée voir l'artiste peintre Olga Klioutchnikova et son mari Sacha, ils voulaient me remettre des plants de "boules d'or". J'en ai déjà, mais j'ai de la place, les boules d'or sont très typiques, très gracieuses et agrémentent bien les palissades. Olga, passionnée par l'expédition du général russe Souvorov à travers les Alpes à la fin du XVIII° siècle,  s'est lancée dans une oeuvre étonnante, une reconstruction des paysages traversés par les soldats et des soldats eux-mêmes par des procédés d'impressions photographiques qui donnent l'impression de voir de vieux clichés d'une époque où la photographie n'existait pas! C'est saisissant, on croirait y être. Les portraits sont très beaux, très vivants, très intenses. Elle m'a dit qu'elle avait pris des connaissances, des gens de Pereslavl, habillés ensuite de costumes historiques, le résultat est très émouvant, mais c'est un excellent peintre, avec une technique en béton armé, et elle travaille énormément. Elle a rassemblé tout cela dans un livre et prépare une exposition. 

Elle et son mari sont communistes, mais du genre communisme russifié, impérial, patriote, le problème est qu'ils font un négationnisme total par rapport aux dégâts humains (et culturels) causés par l'expérience. Sacha a été écoeuré par l'Amérique où il avait fait l'erreur de s'exiler, en tant que scientifique, dans les années 90, il trouve que c'est une société complètement déshumanisée et finalement très oppressive. Il a perdu son passeport soviétique sans avoir eu le temps, à quinze jours près, de le convertir en passeport russe, et il ne parvient pas à récupérer sa nationalité ni même un permis de séjour permanent, en dépit de sa femme sur place, et se trouve dans une situation complètement absurde et inextricable.  Tous deux considèrent comme moi l'opération Covid comme un moyen de détruire les nations et d'instaurer une dictature répugnante, transhumaniste. Mais ils pensent que cela ne prendra pas en Russie, que les Russes ne le supporteront pas, qu'il y aura tôt ou tard un soulèvement de type Donbass.

   Je l'espère, car de toutes parts, les mutants prennent le dessus. Outre le truand azeri qui ravage la résidence de la grande duchesse Elizabeth à Moscou, un parc est pour la troisième fois là bas la cible des promoteurs, et les hectares de berges sauvages, historiques et magnifiques du lac Pletchtcheïevo, ici à Pereslavl, que l'on croyait sauvées, risquent d'être livrés à la construction anarchique, hideuse et polluante. Des peintres protestent en mettant des écriteaux au dessus de leurs chevalets quand ils oeuvrent à l'extérieur. Mais c'est le pot de terre contre le pot de fer. Quand je ferai mon exposition, j'en parlerai au vernissage, mais les requins s'en foutent; on dit que ventre affamé n'a pas d'oreilles, les comptes bancaires n'ont pas d'âme et les banquiers non plus.

Je me demande ce que je vais faire si cette catastrophe advient, qui rendra la ville invivable; d'abord parce que ce sera la mort définitive du lac qui en est le poumon et la dernière beauté, avec les monastères. Ensuite parce que plus on construira, plus il y aura de monde, quoiqu'à vrai dire, on se demande de quoi les nouveaux arrivants vivront, des moscovites travaillant sur ordinateur?

Le problème est qu'on nous rend le monde invivable partout. Et nous n'avons aucun moyen d'arrêter cette machine infernale, pris entre des féodalités mafieuses plus ou moins transhumanistes, et le contingent de ceux qui suivent le mouvement, avec plus ou moins d'enthousiasme, plus ou moins d'aveuglement. Ceux qui craignent la maladie jusqu'à la psychose contre ceux qui en craignent les manipulations et les conséquences.

Les féodalités mafieuses ne semblent plus avoir nulle part aucun frein. Les psychopathes transhumanistes tombent le masque en nous l'incrustant sur la figure et dans l'esprit. Je n'ose penser à ce qui va suivre. Ce qui va suivre sera beaucoup plus terrible que la maladie, en tous cas, en ce qui me concerne, cela me fait incommensurablement plus peur. J'ai parfois des élans vers le ciel ou les larmes me viennent à la pensée des miens vivants ou morts, et du reste, c'est sur eux que j'écris maintenant. Et pourtant, j'ai du mal à me pousser à l'église. Ce soir, je voulais aller aux vêpres, mais le cours de Skountsev a débuté plus tard que prévu, il s'est terminé aussi plus tard, et ensuite, j'avais quelque chose à récupérer en ville, enfin pour finir, j'ai encore manqué l'office, et j'ai lu la paraclisis à la Mère de Dieu, pour compenser. J'ai trouvé une lettre de la mère Hypandia qui se réjouissait de me voir à l'automne, une lettre qui a mis deux mois à me parvenir! Je ne verrai pas la mère Hypandia à l'automne, je ne sais pas quand je pourrai y aller. Lorsque je lis des prières en français ou les psaumes dans la traduction du père Placide, je revois l'église de Solan, si belle, les nuits étoilées de Noël ou de Pâques, les fleurs, les néfliers, la vigne du mont Athos, les bois alentour, ce mélange de nature méditerranéenne et déjà un peu montagneuse, je sens les odeurs, balsamiques et amères. Que Dieu garde Solan. Et la mère Hypandia avec toutes ses moniales, et ses paroissiens. Elle prie pour les miens, pour mon oncle et ma tante, et pour mon filleul Antoine. Elle me dit aussi que tout le monde à l'église est masqué et compartimenté. Je préfère ne pas voir cela. Et cela risque de durer très longtemps.

J'ai récupéré une partie de mes encadrements pour l'exposition, Vladimir m'a fait un prix, ou plutôt, pour le même prix, il a mis des cadres même là où nous avions prévu des pinces, pour que ce soit moins cher. J'ai été étonnée du résultat et de la transfiguration de mes travaux, Vladimir semblait d'ailleurs lui-même très satisfait! Et je lui suis très reconnaissante.

4 commentaires:

  1. Bonjour Laurence,
    je vous lis et les larmes me viennent aux yeux tant je ressens les choses comme vous les percevez vous-même ... Comme ce monde est devenu invivable ! Il l'était, pour moi, depuis bien longtemps déjà alors à ce point c'est abominable...
    Je pleure si souvent que je demande à la Mère de Dieu de me venir en aide de peur de perdre l'Espérance. Que nous font-ils ces salauds? J'ai si peur, plus pour mes enfants et mon petit-fils que pour moi-même, mais l'angoisse me gagne aussi pour moi!
    Vous ferez-nous la gentillesse, pour nous qui sommes si loin, de nous montrer vos oeuvres "transfigurées" ? Je gage qu'elles nous offrirons une pure respiration dans notre quotidien si morne,laid et effrayant...
    Merci pour ce blog qui fait partie des trésors qui me garde, sans doute, de devenir folle dans cette épouvante...
    Amitié de France.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ferai des photos à la galerie. C'est souvent difficile, parce qu'il y a des reflets sur les verres. Moi aussi je suis inquiète. J'espère en le grain de sable dans cette machine de mort.

      Supprimer
    2. Tant pis pour les reflets, c'est si gentil à vous ! Prions pour le grain de sable salvateur !

      Supprimer
  2. Désolée pour la faute... "qui me gardent", bien entendu ! Je ne sais plus me relire. J'en ai peut-être loupé d'autres...

    RépondreSupprimer