Hier, j'avais une forte migraine, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps, une migraine complètement épuisante, je n'ai rien pu faire de la journée. Ania est passée sur le soir, alors que j'en étais à mon deuxième anti inflammatoire, pour me demander de participer à une collecte d'argent pour acheter des vivres à nos soldats, ceux de la garnison de Pereslavl. Elle a fait le tour des voisins. Une voiture part bientôt pour le front. Dans le quartier aussi, on fabrique des bougies blindées, et l'on écrit des cartes postales. Maintenant, je crois que tout Pereslavl s'y est mis. Et ce doit être pareil dans les autres villes. Godefroid a proposé de donner des cakes-voyage fabriqués au café, mais Ania m'a dit qu'il valait mieux envoyer des pâtes et du corned beef. Je lui passerai le message.
A la suite de ma première participation à ce genre d'actions, j'ai eu la télé de Pereslavl, une dame du coin, avec un cameraman, ils m'ont filmée près de la cathédrale, c'est un très joli petit reportage, avec la neige et les églises. Maintenant, dans chaque magasin où je pénètre, les gens me disent qu'ils m'ont vue à la lucarne!
La guerre prend une tournure franchement mondiale, mais larvée, faux-cul, sans aucune règle, une guerre mafieuse implacable. Un tremblement de terre en Turquie et en Syrie est arrivé à point nommé pour punir Erdogan de ne pas prendre le parti de l’OTAN avec plus de décision, il y a quand même des hasards étranges... Ma cousine ne croit pas qu’on puisse déclencher un tremblement de terre d’une telle amplitude, mais ce que j’ai vu passer comme documents me laisse à penser que si, c'est fort probable. C’est évidemment monstrueux, mais les deux bombes atomiques sur le Japon, qui les a larguées, et n’était-ce pas tout aussi monstrueux et formidable ? Le père Boboc, spécialiste du transhumanisme, estimait que de nos jours TOUT est possible. C'est drôle, parce que j’ai toujours passé pour excessive, irréaliste auprès de ma famille, et je me rends compte que d’une part, mes appréhensions étaient au dessous de la réalité, et d’autre part, que c’est elle qui ne veut pas la regarder en face. Utiliser des catastrophes pseudo naturelles, manipuler des virus... En réalité, la fin du monde, ce sont les hommes qui la causeront. Le Christ est venu au moment où tout cela s’annonçait, et nous a donné un sursis de 1500 ans. Et puis la machine infernale s’est enclenchée... Lui seul peut arrêter maintenant son essor luciférien vers le néant.
Cependant, un lecteur qui m'abandonne par moments pour garder le moral, et pourtant j'estime que j'ai l'espoir chevillé au corps, ce n'est pas incompatible avec la lucidité, m'envoie ce magnifique commentaire dont je fais profiter tout le monde:
...j'ai fait un rêve l'autre nuit, qui reste très fort et très prégnant dans mon esprit.
Un rêve qui refuse de s'effilocher et de partir.
Et si j'avais les moyens de m'offrir les talents d'un peintre professionnel, je lui ferais commande du tableau :
"Je voyais un ou une enfant pré-ado, occidental(e). C'est l'âge de tous les dangers, de tous les tourments. Son visage reflétait 3 sentiments : l'angoisse, la joie et la confiance. Il ou elle était à l'arrière d'une Harley-Davison, à guidon « corne-de-vache ». L'enfant serrait dans ses bras, de toutes ses forces, le grand bonhomme qui conduisait.
Et plus elle serrait plus elle souriait.
On ne voyait la moto que de 3 quart arrière.
Le grand bonhomme qui conduisait n'avait pas de casque, mais cheveux longs au vent, barbe de même, habillé d'une longue tunique blanche, on apercevait sa main gauche, posée sur le guidon, transpercée comme si un clou était passé au travers.
Je vous assure que l'enfant, dont l'Evangile nous dit que nous devons lui ressembler, était radieux malgré ses peurs.
Tranquille ! Sois tranquille, était-il écrit sur mon tableau, c'est Jésus qui conduit !
L'enfant ne connaissait pas la route... mais savait qu'il ou elle ne risquait pas d'accident, et que le Grand Bonhomme qu'il ou elle serrait très fort, l'emmenait chez Lui, et que DÉJÀ, tout était apaisé".
Voilà, en dehors de mon épouse et d'une amie que nous avions gardée à déjeuner après la messe, je n'ai raconté cette histoire à personne.
Vous avez donc, vous et votre lectorat, la primeur de ce "tableau" dans ma tête, mon cœur et mon âme, qui me conforte dans le fait de ne plus rien redouter du tout.
A l'époque où tout a été fait pour nous avilir, je suis tombée sur cette citation de Rozanov qui date du début du XX° siècle:
Chaque nation vit jusqu'à l'épuisement de sa noblesse. Cette noblesse n'est pas bruyante, elle ne réside ni dans les discours ni dans les batailles. Mais silencieuse, par devers soi...<...> C'est pourquoi, mon bon lecteur, c'est ce qu'il te faut préserver. Avec cette noblesse, tu préserves non seulement toi-même mais toute ta Patrie. comment, pourquoi: je ne sais pas. Mais je sens que Dieu abandonne le pays, le peuple, dans lequel ne reste plus de personne noble. Alors "des ennemis viennent et le détruisent". Mais ces ennemis, "c'est Dieu qui les a laissé entrer"...
J'ai aussitôt pensé à cette vieille dame qui avait dit au père Valentin qu'au moment de la révolution de 17, elle avait vu "la Beauté quitter le monde". Et au travail effectué en Russie depuis 30 ans pour pervertir les gens, les priver de leurs racines et de leur culture, le consumérisme s'efforçant de réaliser ce que le communisme n'avait pas vraiment réussi. Il y a des gens, ignobles, démoniaques, tels que Dostoievski les avait décrits, qui savent très bien ce qu'ils font avec nous tous, et ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est un dressage consistant à faire perdre figure humaine à une biomasse méprisée, destinée à l'exploitation ou à la disparition. Quelle que soit l'idéologie politique affichée, le dessein est le même. Je vois des Russes exiger que leurs soldats se conduisent aussi mal que les Ukro otaniens, oeil pour oeil dent pour dent, qu'est-ce que c'est que ce bricolage? Pourquoi faire dans la dentelle? Et d'autres qui leur répondent que surtout pas, qu'il ne faut pas descendre au niveau d'abjection de l'adversaire, c'est pour l'instant la politique de l'armée russe, et elle a raison: dans la perspective de la citation de Rozanov, c'est ce qui sauvera le pays.
...
Aujourd'hui, j'émerge la tête claire, et dehors, le soleil... J'ai même pu rester un moment sur la terrasse à m'en gorger, dans une béatitude épuisée. Il faisait bon. La neige, pourtant, restait blanche et poudreuse, scintillante. Mais le ciel était infiniment bleu, la lumière vive, les mésanges chantaient, j'entendais le vent, les chiens, un coq, et les gouttes tombant sur le sol depuis les stalactites de glace qui bordaient le toit. C'était la première fois depuis l'automne que je pouvais m'asseoir à l'extérieur, Rita sur les genoux. Même si les beaux jours sont encore loin, de tels instants de grâce se produiront encore, tout d'abord espacés, puis de plus en plus nombreux, cela ressemble au chemin de notre vie que Dieu touche par instants de son doigt lumineux, pour nous rappeler qu'Il est là...