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jeudi 11 mai 2023

La grippe de la victoire


Je devais aller chanter avec les cosaques pour le jour de la victoire, mais je suis malade, j'ai une sorte de grippe, toux et température, voix, selon l'expression de Valérie, de "vieille maquerelle en peignoir". Dans un sens, c'est peut-être pour m'obliger à mettre la pédale douce. Aujourd'hui, un léger mieux, je suis sortie sur la terrasse. La noria de camions reprend, quand vont-ils s'arrêter de déverser des tonnes de terre dans ce malheureux marécage? Sans compter qu'ils nous empoisonnent et font un bruit d'enfer. D'enfer est le mot... Ma voisine Ania m'a dit qu'elle n'en pouvait plus, qu'elle ne pouvait pas se reposer quand elle rentrait du travail. Lorsque les camions se calment, le voisin bricole, avec la radio à fond, et une musique horrible, obsédante, qui me ferait avouer n'importe quoi si on me la passait en boucle sans possibilité de la fuir à l'intérieur. 
L'autre soir, j'ai entendu d'affreux cris de chien terrifié, et j'ai vu, dans les ténèbres de mon jardin, le pauvre géant Alba poursuivi par un diable griffu et cornu: c'était Moustachon, dressé sur les pattes arrières, qui agressait cet animal débonnaire dix fois plus gros que lui.
Valérie et Lioudmila sont reparties en France, je les ai accompagnées à la gare routière. Elles ont 20 heures de bus depuis Moscou jusqu'à Riga, et après, l'avion...

Une correspondante facebook est venue me voir il y a deux jours, Olga. Comme Lioudmila, elle a passé trente ans en France, elle y a un fils. Elle me dit avoir adoré ce pays mais ne plus le reconnaître. Comme on l'a virée de son travail, elle a décidé de passer six mois dans son pays d'origine pour faire le point et décider si elle y revient ou non. Nous nous sommes très bien entendues et auparavant, elle a fait aussi connaissance de Dany. Elle m'a parlé de sa nostalgie de la France quand elle est en Russie et de la Russie quand elle est en France, c'est le problème de tous les gens qui ont vécu sur deux pays. Je lui ai parlé de mon impression que l'atmosphère était là bas devenue délétère et que beaucoup de gens tournaient neuneus. "C'est exact", m'a-t-elle confirmé.
J'ai fait, à cette occasion, des infidélités au café la Forêt, il y avait tellement de monde que nous avons dû nous rabattre sur le concurrent et parent du dessus, Vysoko, qui est d'ailleurs très bien. 
Un jeune homme m'écrit qu'il vient de découvrir avec horreur ce qui s'était passé dans le Donbass depuis huit ans. Il n'en savait rien, ce qui n'est pas étonnant, puisque la presse occultait complètement l'histoire. S'il a eu l'idée d'aller se renseigner, c'est qu'il était choqué par la russophobie délirante de sa paroisse et les bêtises qu'il y entendait raconter. Comme quoi,  quand on a une conscience et une cervelle, on se pose les questions nécessaires. J'en connais d'autres qui savaient et préfèrent oublier, sous prétexte d'impartialité, ou pour d'autres raisons plus inavouables, ce qu'il est gênant de connaître, sur la planète des rhinocéros, si l'on ne veut pas remettre fondamentalement son existence en question.
Une voisine est venue me demander un rejet de prunier, et m'a donné en échange une bouteille de sa gnôle personnelle, ornée d'un ruban de saint Georges!
Au café français, une dame assise à côté de nous, tandis que je bavardais avec mes copines, me dédiait des sourires radieux. Se levant pour partir, elle m'a remerciée d'avoir mis un Z sur mon sac-à-main!
Mais c'est tout ce que j'ai vu, à cause de ma grippe, des célébrations de la victoire. A vrai dire, depuis toujours mes réactions sont partagées. Cette victoire a couté très cher aux Russes et je respecte leur héroïsme. De plus, je trouve extrêmement déplaisant et vil de leur contester le rôle joué par leur résistance dans l'issue de la guerre, mais j'ai tellement l'impression que nous avons tous été dupes et perdants, en fin de compte, les idéologies d'un côté, les calculs fourbes et cyniques de l'autre, et ça continue...
Un ami belge m'écrit qu'il a été horrifié par la tentative d'assassinat sur Prilepine, et qu'il entendait se promener avec un ruban de saint Georges dans son village du midi, par solidarité. Je ne sais pas si, à sa place, j'oserais le faire!
J'observe à ce propos, que Nemtsov et Politkovskaïa: 
1) c'est forcément Poutine le coupable.
2) c'est affreux et impardonnable.
Oles Bouzina, et tous les journalistes assassinés ou emprisonnés en Ukraine, c'est normal, c'étaient des "prorusses" ou carrément des Russes.
Daria Douguine, c'est normal aussi, c'était la fille de Douguine, et elle pensait mal, comme son père.
Vladlen Tatarski, c'est normal, un séparatiste qui se battait au Donbass, tressons des couronnes à l'idiote qui l'a assassiné en blessant cinquante personnes.
Zakhar Prilepine pense mal et il avait le culot d'aller, en plus, se battre pour les siens au lieu de faire semblant, comme BHL. 
Il n'est pas mort, mais son chauffeur de 27 ans, si: c'est normal, c'était un séparatiste, de toute façon.
Conclusion, il y a des gens qui sont des vaches sacrées intouchables et d'autres, qui sont des sous-hommes dont on peut faire ce qu'on veut. Ce qui ne signifie pas qu'au besoin les vaches sacrées ne soient pas quelquefois sacrifiées par ceux-là même qui poussent des cris d'orfraie. Pour Nemtsov, par exemple, je me suis toujours posé la question.



dimanche 7 mai 2023

Pièces de puzzle


J'appréhende la réalité à la façon d'un puzzle, dont les pièces prennent tout leur sens quand on les associe. C'est pourquoi je publie ces pièces, qui collent bien ensemble:

 Il se déroule en ce moment une purge complète de l'orthodoxie canonique sur les terres ukrainiennes, afin de faire de l'Ukraine un pays catholique.

Le métropolite Luc de Zaporojié:

Le 22 avril 2003, le journal français le Figaro a publié une déclaration conjointe du métropolite grec de France Démetrios (Plumis) et de l'évêque catholique romain Mathieu Rouge. Il y est question des perspectives de restauration de l'unité entre l'Eglise Catholique Romaine et les orthodoxes. Ainsi, les auteurs ont noté que la célébration commune de Pâques aurait lieu en 2025 (année du 1700° anniversaire du premier concile oecuménique) et l'unification en 2054 (c'est-à-dire le millième anniversaire du schisme).

Dans ce contexte, je voudrais rappeler une publication importante de la chaîne Pravblog Telegram qui permet de comprendre les étapes de ce processus. Il est précisé que la nouvelle union se construirait selon l'ordre suivant:

1- L'établissement du pouvoir de l'Eglise de Constantinople et de son chef sur le monde orthodoxe. L'idée qu'il doit nécessairement y avoir dans l'Eglise la primauté d'un seul homme est l'un des outils de la promotion de la papauté en tant que telle.

2- La tenue du Concile de Crète, qui consolida indirectement les revendications de pouvoir du Phanar. Est également adopté le document "Relations de l'Eglise orthodoxe avec le reste du monde chrétien", qui a ouvert la voie aux initiatives oecuméniques les plus larges.

3- Achèvement des travaux sur un document concernant le rôle de l'Eglise romaine au I° millénaire, sur lequel s'est penchée une commission mixte orthodoxe-catholique, sous l'égide de Constantinople. Dans ce document, la paputé est justifiée, la possibilité est offerte de reconnaître la primauté du pape dans le cadre de "l'Eglise Une". 

4- Réforme du calendrier. Mise en place avec les catholiques d'une date unique pour la célébration de Pâques. 

5- Restauration de la communion eucharistique. En 2016, monseigneur Job (Getcha), représentant du patriarcat de COnstantiinople, a écrit un article politique, dans lequel il affirmait qu'il n'y avait pas de schisme entre l'Eglise orthodoxe et les catholiques mais seulement "une rupture dans la comunion eucharistique".

6- Unification réellement complète et reconnaissance de la primauté du trône romain. 

A la lumière de cela, je ne suis surpris ni par la présence de représentants de l'Eglise catholique à "l'intronisation" de Doumenko, ni par la visite d'Epiphane au Vatican, ni par ses déclarations, selon lesquelles les clés de l'union des uniates et des orthodoxes en Ukraine sont entre les mains de Rome et de Constantinople.

Je crois qu'une épuration est vraiment en cours en ce moment, une épuration complète de l'orthodoxie canonique sur les terres ukrainiennes, afin de faire de l'Ukraine un pays catholique.

https://www.blogger.com/blog/post/edit/8427042741309398685/6538479351873137593#

A cette traduction, j'ajoute celle que publie Claude Ginisty:

Subject: METROPOLITE MARC (ARNDT) : "LE DANGER EST QUE DES TENTATIVES SERONT FAITES POUR DÉTRUIRE COMPLÈTEMENT L'ÉGLISE EN UKRAINE"
To: Anne Monney <anne.monney@outlook.com>, Antoinette Monney <antoinette.monney@outlook.com>, anny hertig <annyhertig@bluewin.ch>



Le Métropolite Marc (Arndt) de Berlin et d'Allemagne a partagé sa vision de ce qui se passe maintenant dans la Laure des Cavernes de Kiev et en général avec l'Église en Ukraine. Sa position, à mon avis, est particulièrement précieuse, car on peut dire qu'il est sur la "ligne de front spirituelle" : de nombreux réfugiés d'Ukraine ont trouvé refuge dans son diocèse, de sorte que l'évêque voit tout de ses propres yeux et prépercute dans son cœur.


Metropolite Marc (Arndt)

- Vladyka, en quels termes pouvons-nous décrire ce qui se passe maintenant dans la Laure des Cavernes de Kiev et avec l'Église en Ukraine dans son ensemble ?

- Cela peut être décrit de telle manière qu'il y a maintenant persécution de la seule Église orthodoxe canonique du pays, à laquelle appartiennent la majorité des croyants en Ukraine. Ce qui se passe dans la Laure est la manifestation la plus frappante de la situation actuelle. Les autorités menacent d'expulser les moines de là. Pour le moment, les moines restent dans la partie intérieure du monastère, mais ils ont un ordre gouvernemental de quitter les lieux. Mais quoi qu'il arrive à l'avenir, les moines ne vont pas le faire volontairement, pour autant que je sache.

- Pouvons-nous qualifier ce qui se passe maintenant dans la Laure d'apothéose de persécution de l'Église orthodoxe ukrainienne dans son ensemble ?

- Oui, c'est une autre étape dans la persécution de notre Église.

- Vous êtes en contact direct avec Son Béatitude Métropolite Onuphre et les frères  de la Laure. Que disent-ils de ce qui se passe ?

- Je ne les ai pas appelés depuis longtemps. Honnêtement, je crains qu'un appel de l'Allemagne ou de tout autre pays puisse interférer avec notre interaction avec l'Église en Ukraine. Ils sont persécuts pour leur lien avec le Patriarcat de Moscou, et maintenant tout ce qui sonne ou sent "Moscou" est persécuté en Ukraine.

Le gouvernement ukrainien essaie par tous les moyens possibles de montrer qu'il n'a rien à voir avec la Russie. Mais c'est de la folie, parce que toute la culture ukrainienne est étroitement liée à la Russie et à la culture russe.


- Vladyka, quels dangers, à votre avis, se trouvent dans la situation actuelle ?

- Le danger réside non seulement dans le fait que l'Église en Ukraine sera ignorée, mais aussi dans le fait que des tentatives seront faites pour la détruire complètement.

- Vous n'avez pas le sentiment qu'en essayant d'enlever la Laure de Kiev à l'Église, le conflit approche - ou a déjà abordé - l'objectif pour lequel il a commencé par ses instigateurs : diviser et essayer d'affaiblir l'Église, qui, peut-être, plus que toute autre chose dans le monde, continue d'adhérer aux fondamentaux chrétiens ?

- Oui. Naturellement, il s'agit d'une tentative de détruire ce qui nous permet de maintenir des normes éthiques normales. La Laude des Cavernes de Kiev a préservé ces fondements spirituels pendant des milliers d'années. Et les gens qui sont maintenant au pouvoir en Ukraine veulent clairement les détruire.

- Et qui en profite ?

- Le Diable. Bien sûr, il n'y a pas d'autre bénéficiaire. C'est nécessaire pour les personnes qui suivent l'exemple du Diable et qui veulent détruire la vie spirituelle de la nation.

- Les moines et les paroissiens de la Laure peuvent maintenant faire face à un choix : faire des compromis et passer aux schismatiques pour sauver d'une manière ou d'une autre le Laure, ou résister jusqu'au bout et peut-être suivre la voie du martyre. Comment pensez-vous que la situation va évoluer ?

- Je pense que la plupart d'entre eux ne feront aucun compromis, car il s'agit d'être ou de ne pas être. Il s'agit de l'existence de l'Église ou de l'accession à une organisation qui n'a rien à voir avec l'Église et qui détruit le principe spirituel.

- Votre diocèse allemand compte maintenant de nombreux réfugiés d'Ukraine, à la fois du clergé et des laïcs. Que pensent-ils de ce qui se passe dans leur patrie avec la Laure et avec l'Église dans son ensemble ?

- Ils sont ici, y compris parce qu'ils ne sont pas d'accord avec ce qui se passe là-bas dans la vie de l'Eglise. Oui, en partie, ils ont quitté leur patrie à cause de la guerre qui s'y passe. Mais ce n'est que l'extérieur. L'aspect interne est bien pire, car les principes spirituels de l'Église et de l'État sont détruits.


- Juste à propos des principes spirituels... En février de l'année dernière, quelques jours après le début de la phase militaire du conflit, vous avez dit avec douleur qu'à la fin de la guerre, il serait nécessaire de rétablir les liens entre les Russes et les Ukrainiens, et vous avez ajouté des mots qui m'ont bouleversé : "S'il reste quelque chose à rétablir Vous voyez à la fois des Russes et des Ukrainiens tous les jours. Croyez-vous que nous avons quelque chose à restaurer et que nous serons en mesure de le faire ?

- Je pense que c'est le cas, parce qu'en général, ce n'est pas une guerre entre les peuples. C'est une guerre entre les dirigeants qui l'ont déclenchée. Les Ukrainiens qui sont en Allemagne ont des attitudes différentes à l'égard de ce qui se passe. Parmi eux, il y a ceux qui ne sont pas prêts à abandonner leur culture russe. Après tout, il est entièrement russe depuis des siècles, et un tel concept comme la culture ukrainienne n'est apparu qu'au cours des 200 dernières années, peut-être.

- Il est temps de vous rappeler que dans ce cas, vous parlez non seulement en tant qu'évêque de l'Église russe à l'étranger, mais aussi en tant que spécialiste qui a défendu sa thèse de doctorat sur la littérature russe ancienne.

- Oui, exactement.

- Comment voyez-vous ce dont nous avons besoin pour rétablir cette unité ?

- Nous avons besoin d'une approche pacifique, calme et spirituelle afin de ne pas nous opposer les uns aux autres et d'accepter les faits historiques. Mais - comprendre et accepter l'unité historique des deux peuples. L'unité qui est basée sur une base spirituelle. Pendant des milliers d'années, les peuples russe et ukrainien ne sont qu'un. Dans notre église à l'étranger, nous n'avons jamais fait de différence entre les Ukrainiens et les Russes. Cela n'a tout simplement jamais existé. De plus, il faut dire que pendant de nombreux siècles, les Ukrainiens ont occupé des postes de direction dans l'Église russe. Un grand nombre, sinon la plupart, des évêques étaient de petits Russes, comme on les appelait alors. Ça n'a beaucoup dérangé personne, c'était normal. Et c'est exactement ce qui doit être restauré - une attitude normale les uns envers les autres sur une base spirituelle.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Pravoslavie.ru

Et en complément, cet article du blog de ce même Claude  Ginisty:

L'ŒCUMENISTE ET LE FANATIQUE

Une grande ouverture 
par laquelle s'enfuit l'Orthodoxie

Il n'est pas difficile de faire la distinction entre un orthodoxe œcuméniste et un orthodoxe « fanatique ». Voici quelques observations personnelles sur ce à quoi ressemble un œcuméniste :

  • « supérieur » : bien qu'il simule un comportement humble ; il avoue sa vision large sur certains aspects de la foi, contrairement au fanatique qui s'en tient aux Saints Pères, étant ainsi « immuable dans ses propres modèles » ;

  • « éduqué » : il a beaucoup étudié, même si ce n'est pas tous les Saints Pères ; il a étudié les interprétations de grands théologiens catholiques qui lui ont beaucoup appris sur la façon dont il pouvait interpréter les dogmes et les enseignements des Saints Pères, contrairement au fanatique qui ne fait pas vraiment de différences et d'interprétations, mais qui prend simplement les dogmes et les enseignements simples tels qu'ils sont ;

  • « tolérant » : il accepte les croyants d'autres religions, parce que le Christ les appelle aussi, contrairement au fanatique « aveugle », qui, au lieu d'être conscient de ses propres péchés, s'en prend aux hérétiques et les harcèle avec des dogmes des Saints Synodes et des enseignements des Saints Pères ;

  • « aimant » : il aime tout le monde, quelle que soit sa foi, contrairement au fanatique qui n'accepte même pas de prier avec les hérétiques, sans parler de les aimer ;

  • « obéissant » : il obéit aux patriarches, aux évêques, aux prêtres, contrairement aux fanatiques qui obéissent plutôt aux Saints Pères et non aux hiérarques œcuménistes ;

  • « pacifique » : il ne veut pas créer de problèmes et offenser la foi de ses « frères » car il ne veut pas désobéir à ses supérieurs et soulever des problèmes et des questions comme le font les fanatiques, qui n'écoutent donc pas aveuglément les supérieurs mais essaient de trouver des failles dans l'œcuménisme ;

  • « visionnaire » : l'Église doit suivre la mode, c'est la vision de l'œcuménisme. Que cela nous plaise ou non, les catholiques sont des milliards contrairement à nous qui sommes quelques millions, nous devons donc parvenir à un accord avec eux afin de lutter contre l'athéisme. En plus de cela, ils ont déjà de l'expérience dans leur adaptation au modernisme, nous devons donc apprendre d'eux comment garder la foi lorsque nous entrons dans l'Union Européenne et nous devons être leurs alliés.

 Le Christ vit et son Église ne succombera jamais, quant à celui qui craint de  confesser [la foi orthodoxe], qu'il garde à l'esprit la parole de saint Jean-Jacob de Neamts :

« Certains des serviteurs actuels du Saint-autel dénigrent les saints canons, les qualifiant de chaînes rouillées. Les canons sont inspirés par le Saint-Esprit aux  Saints Apôtres et aux Saints Pères des Sept Synodes œcuméniques, et ils disent : « Les canons, en raison de leur caractère ancien, sont devenus rouillés. » Je ne dis pas qu'en raison de leur attachement charnel et de leur manque de crainte de Dieu, ils sont devenus aveuglés et ont perdus en perdant leurs cheveux, leur barbe et leur moustache pour devenir des femmes. Qu'elle est l'image de notre Seigneur et de nos saints par rapport à eux ? C'est pourquoi ils piétinent les canons sacrés des saints et clament haut et fort qu'ils sont orthodoxes. »

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

THE ATHONITE TESTIMONY


Si vous voulez, tout cela me fait penser d'abord au livre prophétique du père Seraphim Rose, "l'Orthodoxie et la religion du futur". La religion du futur étant un salmigondis stupide à l'usage du bétail abruti sur lequel entendent régner les saigneurs de la mondialisation. Je suis convaincue, comme d'ailleurs mon père spirituel, que le Christ accueillera tous ceux qui ont vécu ou sont morts en son Nom, et c'est aussi ce que pensait Silouane l'Athonite. Cela étant, ce truc fourbe qu'on nous fourgue en jouant sur les sentiments décrits plus haut sent trop la manipulation, de même que l'Union Européenne qui était censée nous garantir la prospérité et la paix dans la fraternité et nous a menés là où nous en sommes. Si les Eglises doivent être réunies, cela se fera par un processus mystérieux et non par des décisions de fonctionnaires et des intrigues. Ce qui se commet en Ukraine depuis plusieurs années est une infamie inqualifiable, comme l'était d'ailleurs l'Union promue par les Polonais il y a quelques siècles, avec les conséquences tragiques qui se font sentir encore aujourd'hui. Honte à tous ceux qui participent à cela, activement ou par indifférence et complicité. Il est évident à toute personne douée d'un cerveau, d'une âme et d'une certaine culture, que cela est une commande de gens qui sont en train de défaire le christianisme partout où ils le peuvent, et haïssent particulièrement l'orthodoxie, ciment des pays qui l'ont adoptée au départ. L'oecuménisme sent le souffre, il faut vraiment ne pas avoir de flair pour ne pas en percevoir l'odeur, de plus en plus entêtante.

Repeï

 



Il a fait si froid cette nuit que la neige est tombée et que j'ai vu toutes les fleurs piteusement penchées, je ne pensais pas qu'elles allaient se redresser, mais elles l'ont fait, héroïquement, c'est tenace, la vie... Cependant, le coup de froid n'est pas terminé. J'ai mal à la gorge et un début de bronchite. Je me suis traînée à l'église, et là, une femme m'aborde pour me dire qu'elle est en train de lire Yarilo, que c'est très bien écrit, et que je jette un éclairage nouveau sur un personnage qu'elle pensait totalement négatif, et que j'arrive à rendre humain. Après la réaction de l'historienne de Natacha l'avant-veille, j'ai presque eu l'impression d'un signe encourageant, et cela me fut confirmé plus tard par l'avis sur ce même livre d'un jeune homme orthodoxe français, fasciné par Ivan le Terrible et son époque. 

J'avais un sentiment de tristesse et d'angoisse, à cause de l'attentat contre Prilepine, dont pourtant je ne partage vraiment pas toutes les vues, mais c'est une drôle de méthode que de faire sauter les intellectuels qui vous déplaisent. A ce compte-là, BHL mériterait, bien plus que Prilepine, de prendre sur la figure, au lieu d'une tarte à la crème, une grenade dégoupillée, avec tout le mal qu'il a fait. Pourtant Dieu, contrairement à moi, aime jusqu'aux individus dans son genre, et lui a donné une soeur lumineuse qui prie sans doute pour lui: il faut bien que quelqu'un s'en charge...

http://russiepolitics.blogspot.com/2023/05/lattentat-contre-prilepine-ou-la.html

Toujours à l'église, j'en parle à Génia Kolesov qui me répond: "Ne vous en faites pas, on s'en sortira. Dieu n'est pas avec eux."

Hier soir, je suis allée au concert de l'Art-Bar, c'était un groupe de folklore, Repeï, quatre femmes qui chantent et jouent de diverses flûtes archaïques, flûtes de langue, flûtes de Pan, flûtes doubles... Autrefois, ces instruments étaient surtout pratiqués par les femmes. Après le concert, pendant lequel on nous a demandé de ne pas applaudir, pour ne pas compromettre une magie dans laquelle on entre lentement, les artistes nous ont dit que leur musique soignait, qu'elle était pure, qu'elle était le produit de la nature et de la méditation, et c'est bien ainsi que je la ressens, cette musique est l'antithèse et l'antidote du vacarme et de la vulgarité dans lesquels nous baignons et qui nous détruit. Leur chant complexe et envoûtant, le son de ces flûtes m'évoquait les rossignols qui commencent à chanter dans les saules, le vent qui passe, l'eau qui coule et ses reflets, les étoiles, la pluie, les nuages. Il est pour moi vertigineux de penser que l'humanité obscure d'avant les Lumières du Progrès pouvait se réunir afin de méditer en commun, par le chant, la musique et la danse. Les gens qui grandissent avec cette musique et la pratiquent n'ont rien à voir avec ceux qui balancent des centaines de tonnes de terre dans le marécage, plastifient les isbas et détruisent les maisons art nouveau. Ou avec ceux qui inventent les fermes de mille vaches, et broient les poussins surnuméraires. Ni avec ceux qui trafiquent les enfants et leurs organes. Ni avec Laurent Alexandre ou Machin Harari, les transhumanistes abominables, persuadés que les trois quarts de l'humanité doivent disparaître au profit de malades dans leur genre. Pourtant, parmi les imbéciles, ce sont eux les pires, puisque ils considèrent leurs esprits mécaniques et glacés comme infiniment supérieurs à ceux des foules qu'ils contribuent à lobotomiser dès l'enfance.

Quand je m'asseois sur la terrasse et joue des gousli, j'éprouve exactement ce que décrivent ces quatre femmes, j'entre en résonnance avec la nature environnante et avec ses souffles qui, c'est bien connu, louent tous le Seigneur. J'oublie les gnomes, à moins qu'une noria de camions ou une séance de débroussailleuse ne m'obligent à me réfugier à l'intérieur. 



Le ciel est si beau, le ciel mystique de la Russie, j'ai fait une photo hier de l'isba de l'oncle Kolia au coucher du soleil, car je pressens que je ne la verrai pas longtemps dans son état originel. J'ai vu une équipe la visiter hier, les moscovites qui en ont acheté la moitié vont probablement détruire les jolies fenêtres pour n'en faire qu'une seule, grande, banale et disproportionnée, c'est très à la mode. Et plastifier la façade. Une voisine m'a expliqué comment transformer la maison d'Ania, par exemple, en gros monstre prétentieux, c'est très facile... Je regrette que, dans mon optimisme et mon insouciance, je n'ai pas songé dès le début à m'isoler derrière des arbres. Maintenant, tout ce que je fais dans ce jardin consiste à me protéger de la vue des différents saccages qui menacent. Que nous soyons condamnés à vivre dans un monde de plus en plus laid et de plus en plus tyrannique nous oblige à chercher la beauté en nous-même, et à recourir au patrimoine immatériel de la musique. Ou bien à fuir dans les endroits déserts, ce qui n'est plus de mon âge. Le plus dur est de surmonter ce sentiment de colère impuissante, de chagrin et de perpétuelle agression, pourtant inconsciente, car "ils ne savent pas ce qu'ils font". Mais ils le font.



Je suis terriblement sollicitée, des gens m'envoient même leurs amis, de passage dans la ville, comme si je faisais partie des curiosités locales. D'autres me demandent de traduire ou de corriger des traductions que je n'ai pas faites. On m'envoie des centaines de vidéos et d'articles, en message privé, sur les réseaux sociaux, ou pire, sur ma boite mail, ce que curieusement, je ne fais pour ma part que rarement, j'ai une page où je mets ce qui m'a intéressée, et qu'on peut aller voir, je n'ai pas besoin d'envoyer à des particuliers tout ce que je vois passer. Les messages privés, je les réserve aux amis proches, à la famille, aux documents que je préfère ne pas rendre publics avant d'avoir eu un avis ou qui concernent seulement une personne précise. Il est vrai que parfois, dans tout ce fatras, quelque chose peut naturellement attirer mon attention, mais je n'ai absolument pas le temps de tout voir, il me faudrait commencer le matin et m'y tenir jusqu'au soir... On s'adresse à moi comme si j'étais un expert, mais non, pas du tout. Il y a des politologues, il y a des économistes, des psychologues, des prêtres, je n'en fais vraiment pas partie. Moi, je suis le café du Commerce, je fais dans le pressentiment et la réaction épidermique, je suis un témoin de la vie. Dans cette perspective, je suis en revanche toujours attentive aux lettres personnelles. Mais j'en ai beaucoup moins.

vendredi 5 mai 2023

Le merisier fleurit

 


Mes amies de France ont souhaité visiter Rostov, et nous y sommes allées hier, car on annonçait du froid et du mauvais temps, pour le lendemain, c'est le moment où le merisier fleurit. Quand le merisier fleurit, le Russe se caille.

Elles ont été conquises par la beauté de la ville, et le père Alexandre nous en a fait la visite guidée. C'était particulièrement intéressant, car, en temps que prêtre cultivé, original, il donnait une lecture spirituelle des événements de la ville. Il lui voit ainsi trois baptêmes: celui, officiel, qu'est venu accomplir saint Vladimir au X° siècle, et que commémore une croix sur la rive du lac. Puis celui de saint Léonce, qui enseignait aux enfants à lire et écrire, mais ne leur prêchait la loi de Dieu que par son exemple personnel, ce qui lui valut d'être poussé à partir par les habitants, puis martyrisé, et enfin celui de saint Avrami, ermite parmi les païens finno-ougriens. Le deuxième "baptême" fut le moment où les gens furent confrontés à ce saint, et à l'opinion de leurs enfants éclairés par l'instruction, qui ne se gênaient pas pour leur faire remarquer ce qui n'allait pas chez eux; ils furent confrontés à ce qu'impliquait le premier. Enfin le troisième, toujours par la vertu de l'exemple, fut celui de la conversion des païens locaux par le moine Avrami qui, au début, tout feu tout flamme, voulait briser leur idole et en fut empêché par une force mystérieuse, jusqu'au moment où, les ayant convertis par sa sainteté, il la fit tomber par le seul contact d'un roseau. Le père Alexandre n'en voit finalement qu'un seul en trois phases, l'immersion, l'onction, et la communion. Que les trois événements fussent séparés par de grands laps de temps ne le gêne pas, car il y a le temps, et l'éternité, et tout est en correspondance. Il nous a mis en lumière le caractère complémentaire des églises et des bâtiments, sensible dans l'architecture et l'ordonnance des fresques, la chute, la rédemption, la passion, la résurrection, le monde déchu, le Jugement Dernier, la Jérusalem céleste, et il a même établi le lien avec la Nouvelle Jérusalem bâtie dans les environs de Moscou par le patriarche Nikon. Dans l'église du Jugement Dernier, il nous a chanté des motifs "znamenié", le chant ancien des Russes, issu du chant byzantin, qu'a supplanté la musique d'opéra, après le schisme et le transfert de la capitale à Saint-Pétersbourg. En dehors du caractère naturel et cosmique du chant znamenié, comme du chant byzantin, il a le mérite de servir le texte des prières, ce qui n'est pas du tout le cas de la musique, si souvent à la limite du mauvais goût, qui sévit depuis l'intrusion occidentale dans l'orthodoxie russe. Cette musique adapte le texte à ses fioritures, ce qui le rend souvent incompréhensible.

Il a une belle voix forte, et l'acoustique était exceptionnelle, j'écoutais cela en pensant à ce Grec venu à Solan, qui avait chanté comme un ange, malgré un physique de tenancier de taverne à sirtaki. Le père Alexandre est, lui, un Russe typique d'un puissant gabarit. Genre Chaliapine, et d'ailleurs, on lui en a fait interpréter le rôle, l'an dernier, au festival de la datcha du peintre Korovine. Dans la pénombre et le silence, face aux fresques, où, parmi les damnés, figuraient des occidentaux à fraises et culottes bouffantes, la voix de notre colosse en soutane planait comme un séraphin redoutable et serein.

Puis j'ai emmené tout le monde au musée d'art populaire et celui qui en a constitué les collections magnifiques, Alexandre, a pris le relais. Il m'a invitée à venir chanter au festival qu'il a lancé, le 25 mai. Je ne partage pas toutes les idées du père Alexandre ou d'Alexandre du musée, mais cela étant, je n'en reviens pas d'avoir autour de moi autant de gens qui partagent mes intérêts et les comprennent, et qui ont une pensée personnelle, une vision du monde complexe et sacrée. 

Le père Alexandre ne cessait de me taquiner sur les emprunts à l'étranger de la culture russe médiévale que je trouve si originale, et j'ai fini par lui dire: "Mais nous empruntons tous à droite ou à gauche, et ce n'est pas cela qui me gêne, et cela n'empêche pas l'originalité. Le moyen âge français a beaucoup emprunté à Byzance, mais il a transformé ces emprunts à sa façon. Ce qui m'ennuie, c'est la copie servile, artificielle et imposée. Et la perte de sens, de vie, de naturel". 

A propos du musée, de son esprit, et des réflexions du père Alexandre, mon amie Anna Osipova m'a écrit: "Les emprunts, c'est une part naturelle de probablement toute culture, mais ces influences extérieures s'enracinent dans le terreau local, avec sa vision personnelle de la beauté, du sens et de la tradition. J'aime cette plaisanterie que j'ai lue quelque part: ce qui est plagiat pour l'homme contemporain, est pour nous, artisans, qui aimons nos racines, la tradition".

заимствования - это естественная часть любой, наверное, культуры, но эти внешние влияния укореняются на местную почву с ее собственным вИдением красоты и смыслов и традицией. Мне нравится шутка, которую где-то прочитала: что для современного человека плагиат, то для нас, мастеров, ценителей корней - традиция.

A ce sujet, Alexandre du musée m'a montré une icône contemporaine qui pour une fois, ne fais pas dans l'imitation figée mais témoigne de la même liberté et spontanéité de trait que celles du moyen âge. Car il y a malheureusement une iconographie "traditionnelle" académique, où plus rien ne se passe, où figé par le respect, on ne fait plus que copier, se copier soi-même n'est guère mieux que de copier les autres, quand on n'est plus irrigué par la Vie...

le père Alexandre dans le "jardin du métropolite"


Au bar du café a eu lieu le vernissage de l'exposition de Xénia Naoumova, une illustratrice qui m'avait rendu visite, une amie des Asmus et de Natacha, la rédactrice de ma traduction des chroniques. Son oeuvre est surtout graphique, assez poétique et inventive. 


J'ai revu ensuite Natacha au café. Elle a fini la rédaction de l'année 17, que je suis en train de relire. Et nous allons la publier, mais après je marquerai un temps d'arrêt, si je ne trouve pas de sponsors. Elle m'a dit qu'une de ses amies écrivait un ouvrage pour réhabiliter les Basmanov et n'avait pas approuvé le mien qui "inventait beaucoup". Mais d'abord, j'ai écrit un roman, et pas un ouvrage historique, à ce compte-là, je ne suis vraiment pas la seule à l'avoir fait, à commencer par Eisenstein. Et puis honnêtement, je ne pense pas que les Basmanov aient été des saints, je ne le pense vraiment pas, et le tsar non plus, le tsar a une image assez glorieuse dans le folklore, mais pas les Basmanov, ni l'Opritchnina. Enfin chacun ses manies. Mais en ce moment, on réhabilite beaucoup, parfois à tort et à travers, et je tombe là au milieu. Pourtant, d'une certaine façon, je réhabilite, en offrant une vision plus subtile des relations du tsar avec ce jeune homme et du jeune homme lui-même, et aussi de leur époque. J'ai écrit quasiment en état de transe, avec mon âme, et même quelque chose de plus profond et de plus collectif qui la dépassait.

Il me semble que je n'aurai plus la force d'écrire un roman, pas plus que de déménager, ce qui pourtant, au prix absurde qu'atteignent les maisons et les terrains à Pereslavl, serait sûrement une opération qui m'assurerait de finir ma vie sans problèmes d'argent. J'écrirai des vers, ce qui est totalement confidentiel mais relève quasiment de la prière.

mardi 2 mai 2023

Country exilé

 Hier soir, de façon très impromptue, avait lieu le concert chez Art-Bar des "talents" locaux. J'en ai été avertie deux jours à l'avance, Katia le jour même, mais l'avantage, c'est que nous n'avons pas eu de sectateurs extatiques de la variété télévisuelle. Se sont produits de jeunes rockers de Pereslavl, très beaux, très russes, très sympas et avec, à la batterie, une jeune femme qui a ensuite lu un poème avec beaucoup de présence. Je les ai trouvés excellents, et le leur ai crié du fond de la pièce. C'était moi qui ouvrais le concert, avec deux chansons de Pâques, une vendéenne, une russe, et une chanson de noces cosaque très ancienne. Je ne voyais pas les réactions du public, parce que j'avais la lumière en pleine poire. Mais après coup, j'ai rencontré, sur la terrasse, l'équipe du café, Laurent, Bruno et Gilles, qui m'avaient charriée auparavant en long, en large et en travers, et qui m'ont dit: "Eh bien écoute, tu sais, ta musique, c'est trippant! On ne sait pas ce qui se passe avec, mais on part complètement dedans!" 

Pourtant, je me suis trompée, comme d'habitude, mais je pars complètement moi-même, et c'est justement la caractéristique du folklore que cet état de transe, Sérioja me disait la même chose à propos de la balalaïka, dont il jouait des heures avec ivresse. C'est quelque chose dont j'ai besoin, dont à mon avis tout le monde a besoin et qui était à la portée de tout le monde, sans recours aux joints ni même à l'alcool. On ne pouvait pas me faire de meilleur compliment.

Mais le clou du concert, c'était Jason, l'Américain. Il s'est trouvé sur place deux complices, l'un joue de la guitare électrique, l'autre du violon et de l'harmonica. Et sa fille Sima dansait devant eux. Ce country américain si authentique à Pereslavl Zalesski, avec cette fillette angélique au premier plan, c'était un grand moment. Je retrouvais ma jeunesse, et tout ce qui me fascinait alors en Amérique, cette liberté, cette folie, le côté Jack Kerouac-Jim Morrison. Jason m'a dit ensuite que toutes les filles étaient amoureuses de Jim Morrison, mais en réalité, ses chansons et sa voix m'ont subjuguées dès que je les ai entendues, car elles m'étaient ontologiquement proches, et cela, avant d'avoir vu sa gueule de Dionysos déjanté, cousin de Fédia Basmanov! Je suis, pour la première fois depuis longtemps, frustrée d'avoir oublié l'anglais, car Jason ne parle pas bien le russe... Il m'a dit que la musique était la meilleure des drogues, et je lui ai répondu qu'en effet. "Piotr Mamonov, qui a connu les drogues, l'alcool et la musique, disait pour sa part que rien ne faisait planer comme la grâce de Dieu". Je soutiens en tous cas que la finalité de l'Homme est de passer les portes de la perception, mais pas n'importe comment. Et pas n'importe quelles portes.

J'ai l'étrange impression, ici, de récapituler ma vie, et aussi d'y trouver tout ce qui me manquait en France, malgré ma famille et la beauté des paysages et des bâtiments. Qu'ils soient français ou américains ou autres, les gens qui viennent ici depuis l'occident partagent avec moi quelque chose qui m'est essentiel, et c'est précisément cela qui les pousse à venir. Nous ne sommes pas compatibles avec le wokisme.




dimanche 30 avril 2023

Petit club français



Au  restaurant
Contactée par une amie du père Basile et de la regrettée Marie Gestkoff, la mère Alexandra, moniale dans le monde, je suis allée, avec mes amies françaises, Anne-Laure, Valérie et Lioudmila, la rencontrer à Serguiev Possad. Née dans l'émigration, comme Marie Gestkoff, elle est repartie en Russie il y a cinq ans, où son fils, le père Michée, est moine à la Laure-de-la-Trinité-saint-Serge depuis vingt ans, et où l'a rejointe aussi sa fille Elena, il y a deux ans. La mère Alexandra est excentrique et marrante, comme on l'était souvent dans l'émigration telle que je l'ai aperçue dans ma jeunesse. Nous l'avons rejointe dans un café où des moines de la Laure et un ministre africain fraîchement baptisé ont partagé avec nous leur petit déjeuner. Le père Michée m'a paru très sympathique, ouvert, spontané et plein d'humour. Ensuite, nous avons visité la Laure, que mes amies n'avaient jamais vue, puis Elena nous a emmenées dans un excellent restaurant russe, et nous avons pris le thé et le dessert chez sa mère. 

Leur maison est située dans les parages vallonés et escarpés du monastère, on l'aperçoit de loin, l'endroit est encore très pittoresque, avec de grands bouleaux, des pins, de petites maisons, des jardins biscornus. On ne se croirait pas dans une ville importante. A l'intérieur, malgré l'origine russe des habitantes et les nombreuses icônes, on sent quelque chose de l'esprit vieille France, ce pourrait être une maison bourgeoise en région parisienne, avec de la jolie vaisselle et des meubles de famille. 

Valérie et la matouchka Alexandra se sont trouvé beaucoup de connaissances communes à la rue Daru, et nous avons évoqué les difficultés de communication qui sont les nôtres, avec des correligionnaires qui par préjugés ou conformisme social, se jettent sur la Russie, et, plus grave, sur l'Eglise Ukrainienne persécutée, avec le même style de hyènes qui ont autrefois contraint leurs ancêtres à partir faire les chauffeurs de taxis à Paris et martyrisé tellement de prêtres et de croyants en Russie même. Nous avons échangé à ce sujet des anecdotes particulièrement ridicules, ces gens qui au téléphone chuchotent d'un ton de conspirateur: "Bien sûr, nous comprenons que tu ne peux pas parler!" Ou cette femme qui me croyait contrainte d'écrire par des tchékistes musclés. "Tu as eu du flair, me dit la matouchka, tu es partie à temps!

- C'est le père Placide, qui a eu du flair! Mais en effet, je vivrais tout cela assez mal. Même à distance, je ne le vis pas toujours très bien!"

A ce propos, j'ai vu une vidéo qui m'a fait réflechir. Je ne peux pas dire que je sois d'accord avec tout, et puis étant chrétienne orthodoxe, je n'ai pas besoin d'une démarche philosophico-religieuse essénienne ou autre. Mais je pense que l'analyse de cet homme est terriblement juste, il exprime clairement des choses que je sens et observe depuis longtemps de façon plus ou moins confuse, l'intimidation, la manipulation, le recrutement, la séléction de ceux qui sont manipulables, de ceux qui vont entrer dans les structures choisies et participer à ce gigantesque système d'asservissement qui se met en place depuis bien longtemps et nous a menés là où nous en sommes. Un asservissement qui nous prive de notre nature et de notre âme, de notre intégrité et de notre dignité, de tout ce qui pouvait nous unir et nous consoler, et nous faire transfigurer notre destin, et cela c'est en quelque sorte nouveau et radical. "Tout ceci vous écoeure et vous révolte? demande-t-il. Eh bien oui, et c'est normal, mais ces sentiments permettent à cela d'entrer en vous." 

J'en suis bien consciente. Mon père Valentin, qui s'indigne beaucoup, m'a dit: "L'indignation nous ravale souvent au niveau de ceux qui nous indignent." Il faudrait pouvoir passer au dessus, sans pour autant devenir indifférent, sans observer devant l'inqualifiable un silence complice. Mais arriver à ne plus se sentir personnellement blessé par tout ce qui se produit et se dit, à ne plus pousser de cris de colère ou de douleur, "restons des chrétiens orthodoxes", conclut le père Valentin, avec un sourire compréhensif, quand je lui confesse mes coups de gueule. Et dès le début de la sinistre affaire ukrainienne, le métropolite Onuphre prêchait à ses fidèles: "Prions pour garder figure humaine". En effet, y arriver de nos jours relève déjà de l'exploit. Nous aussi, nous sommes recrutés. Pas par des structures au service des ténèbres, mais par les armées des anges, et le plus difficile est d'en rester digne, dans la paix intérieure et la détermination. Je dois dire que je suis loin d'y arriver. 

J'ai vu sur un site le commentaire suivant: En méditation, dans mes livres, je me rebelle aussi contre cette attitude “spirituelle” qui consiste à s’intérioriser dans une posture de rechercher la vérité. Et depuis plusieurs millénaires, c’est comme cela. La spiritualité a largué les amarres de la vie et de l’action et elle encourage la fuite intérieure. Non pas que la démarche soit fausse. Il est vrai qu’elle conduit à la plénitude d’être (après une vie de méditation et une bonne naissance), mais elle est incomplète, partiale et condamne la vie humaine à tourner en rond dans sa misère , son injustice, sa souffrance. Il s'agit à mon avis d'une compréhension erronée et parcellaire du phénomène spirituel, la vie d'un chrétien est un combat. Parfois au sens strict du mot, je pense à saint Serge envoyant le moine Alexandre Peresvet se battre auprès de Dmitri Donskoï. Parfois au fond d'un ermitage, mais la plupart des ermites, après l'isolement, deviennent les guides spirituels de nombreuses personnes. D'autres, comme saint Luc de Crimée, soignent en témoignant de leur foi avec une fermeté inébranlable. D'où vient que l'on confonde systématiquement la vie spirituelle avec les effets du cannabis? Piotr Mamonov, qui avait pas mal abusé de la drogue et de l'alcool, disait que rien ne l'avait fait planer comme la grâce divine, mais cette grâce ne se donne pas si souvent, elle est plus une promesse qu'un état qu'on atteint à volonté, comme on allume un joint.


tableau de Piotr Ryjenko

Le conférencier pense que la plupart des gens qui marchent dans les sombres combines idéologiques et les manipulations médiatiques sont sincères, et que même les manipulateurs le sont quelquefois. Mais que veut dire "être sincère"? En effet, j'en connais qui sont complètement à côté de la plaque, et qui me donnent des leçons péremptoires sur des sujets où je sais pertinement que leurs erreurs, leur ignorance et leur crédulité cautionnent des crimes et des fourberies immondes. Le bourgeois entiché de Tartuffe est tout ce qu'il y a de plus sincère, mais il préfère un parasite étranger aux membres de sa famille qu'il lui sacrifie. N'y a-t-il pas là une suite de consentements faciles aux opinions inculquées universellement admises dont la remise en cause vous met au ban de la société? Une amie me disait autrefois à propos des gauchistes ancêtres des wokistes: "Ils ont l'esprit tellement faussé qu'ils n'en ont même plus conscience." 


Ma soeur m'a appelée, la veille de son anniversaire, où je me proposais de le faire moi-même. Grâce aux miracles de la technique moderne, je la voyais, je voyais son petit chien, sa maison, son jardin, les chênes du voisin, plantés sous Louis XIV, la plaine du Rhône si familière où nous avons grandi, où mon beau-père avait sa ferme, que j'ai arpentée à vélo, à pied, ses champs, ses peupliers, les collines de l'Ardèche au dessus de Bourg-Saint-Andéol. "Si tu savais comme Pierrelatte a changé, me dit-elle, tu ne reconnaîtrais pas.

- Je trouvais déjà pas mal de changements, la dernière fois que je suis venue, tu me fais froid dans le dos...

- Il y a énormément de voilées, et des jeunes, des Françaises de souche. Mon copain Untel, qui adore sa petite-fille, me dit: dans quel pays va-t-elle grandir? Ce n'est pas un intellectuel, rien que de voir des livres lui donne la migraine. Cependant, il comprend bien ce qui se passe.

- Ce sont justement les intellectuels qui n'y comprennent rien, cela fait cinquante ans qu'on les sélectionne en ce sens."

En réalité, quand on nous aura rendus minoritaires dans notre pays, ce sont les musulmans qui mettront de l'ordre, ils feront la chasse aux wokistes LGBT trans, parce qu'aucune société plus ou moins normale, depuis la nuit des temps, ne peut tolérer ce qu'on installe chez nous, et je ne parle pas de la bonne vieille homosexualité des Grecs et des Romains, et même des siècles ultérieurs, mais de la bacchanale malsaine, hideuse et vulgaire qu'on donne en exemple aux foules dès le berceau, et dans tous les domaines. Les Français n'existeront plus que de façon résiduelle, et comme me disait la mère Hypandia, ils se convertiront à l'islam pour avoir la paix. Fin de deux mille ans d'une civilisation raffinée et exquise, chevaleresque et brillante, noble et rebelle. 

Pendant ce temps, dans le trou noir:

 Artiomovsk – Les forces armées de Kiev ont fait exploser un immeuble avec ses habitants (odysee.com)

https://vk.com/wall385287235_22835



mercredi 26 avril 2023

La vraie Russie

 


Le printemps avance, de plus en plus vert, translucide et doré. Le temps radieux, paisible et paradisiaque de ces derniers jours a fait place à une pluie bienfaisante, à des giboulées traversées de lumière, nous aurons des arc-en-ciels. Il paraît que nous avons eu une aurore boréale et moi qui ai toujours rêvé d'en voir une, je l'ai manquée. 
Aujourd'hui, j'ai trouvé près du supermarché Magnit un genevrier pyramidal déjà aussi grand que moi, et je l'ai installé du côté des camions et du futur palais sur pilotis, pour ne pas le voir trop longtemps. Ces genevriers sont très jolis, pas trop importants, pas trop hauts, souples, des flammes grises et bleutées. Il devrait faire écran sans trop obscurcir. Il était d'ailleurs temps de planter le pauvre arbuste qui avait commencé à sécher dans son pot.


J'aime beaucoup le blog de Panagiotis qui offre des parentés avec le mien, dans la mesure où la chronique de l'effondrement de son pays est vue au travers de sa vie quotidienne avec ses chats, depuis le coin où il vit. http://www.greekcrisis.fr/2023/04/Fr1020.html#db

Cet effondrement est en trop de points parallèle à celui de la France pour ne pas inspirer aux mauvais esprits qu'il est le fruit du même plan maléfique concerté. Du reste, après avoir discuté avec les cosaques hier soir, je constate une fois de plus que ce plan est à l'oeuvre également en Russie, même encore maintenant, et sans doute le conflit y mettra-t-il un terme où le ralentira, mais il y a eu beaucoup de mal de fait... A ce propos, je conseille de visionner cette vidéo de Pepe Escobar qui met le doigt sur les responsables, qui ne sont même pas des génies du mal, mais des gnomes haineux, acharnés, impitoyables et bassement astucieux: https://videos.francesoir.fr/items/431337a5-9ba8-4144-85a8-41c53406494b/

Parfois, cela suffit...Pour peu que trop de gens leur prêtent l'oreille, se laissent intimider, culpabiliser, monter la tête.

Quand je pense au sang versé par nos pays respectifs pour continuer à exister, avec leur culture, leur foi, leurs usages, aux Grecs de Panagiotis, qui ont survécu à l'occupation turque, qui s'en sont héroiquement débarrassés pour disparaître finalement au pouvoir "européen" dissolvant de ces gnomes corrosifs, j'en pleurerais.

Un jeune homme orthodoxe m'écrit en écho à mes chroniques: "Je ne comprends toujours pas ce suivisme de certains paroissiens orthodoxes derrière cette hystérie médiatique, cette sarabande satanique. Je regarde par curiosité Radio Svobóda et j’y ai lu sans surprise et non sans consternation à nouveau la façon dont ils couvrent le hold-up des lieux de culte en Ukraine (A Dropped Bible, A Brawl, And 'The Fall Of The Moscow Church' In Ukraine

http://www.rferl.org/a/32377110.html). Je me sens toujours plus oppressé devant la frénésie démoniaque qui s’est emparé des esprits ici et qui met en pratique et exerce toute sa rage là-bas, dans cette malheureuse Ukraine. Puissent-ils ne pas entraîner le monde entier dans leur folie !"

Je ressens la même consternation, et j'exprime le même voeu. En fait le suivisme, je le comprends un peu, dans la mesure où une partie des "spécialistes du monde slave" appartient à la coterie des gnomes, j'en voyais déjà s'agiter dans les facs des années 70. J'ai autrefois eu l'occasion d'échanger dans un avion avec la femme d'un dissident connu défunt, qui était devenue positivement enragée en découvrant que j'avais choisi d'aller travailler en Russie parce que j'aimais ce pays, et j'avais constaté que pour elle, et pour beaucoup de soi-disant Russes, ou Russes tombés de l'arbre, la russophobie outrepassait largement l'antisoviétisme. C'est-à-dire que la dérive communiste ne provient pas pour eux d'une idéologie étrangère inculquée par une caste majoritairement non russe au moyen de la terreur et de la rééducation, mais des défauts intrinsèques de la population russe depuis la nuit des temps. Pour eux, la seule parenthèse lumineuse de l'histoire russe, ce sont, outre les années pré staliniennes du pouvoir soviétique, les dix ans de dépeçage de l'URSS, de pillage et d'humilitation du règne de l'ivrogne servile Eltsine. Parallèlement, il y a tous les rameaux desséchés, indignes d'ancêtres parfois illustres, qui n'ont pas compris qu'on n'était plus dans les années trente, mais que je trouve néanmoins trop prompts à croire n'importe quelles calomnies sur leur pays d'origine pour ne pas être finalement aussi russophobes que les gnomes dont parle Pepe Escobar. Enfin le libéral russe finalement trop bien rééduqué, persuadé qu'avant le règne des gnomes, son pays ne valait absolument rien, et qui, dépourvu de la perspective de l'avenir radieux, estime qu'autant le livrer en pièces détachées aux vautours qui lui promettent la vie de cocagne dans les paradis occidentaux: à aucun moment on ne lui a appris à l'aimer. Quand aux Français de souche orthodoxes qui marchent dans tout cela avec un enthousiasme touchant, je pense et j'ai toujours pensé qu'ils auraient dû rester catholiques de gauche tendance la Croix, ce serait plus en phase avec leur mentalité. 
Rien ne m'agace plus qu'entendre parler ces gens de "la vraie Russie", alors que la vraie Russie, c'est précisément le métropolite Onuphre, ses hiérarques et ses fidèles qui l'incarnent, mais dans leur dégénerescence et leur stupidité, ils sacrifient la vraie Russie à la fausse Ukraine, la véritable orthodoxie à son succédané satanique, les victimes à leurs bourreaux. S'ils aimaient tant que cela "la vraie Russie", ils la reconnaîtraient, et pas seulement chez les fidèles du métropolite Onuphre, d'ailleurs.
Ce qui me console de tout ce qui se passe, dans les divers espaces de la chrétienté vilipendée et persécutée, souvent par ses propres représentants déjà passés à la "Religion du Futur" du père Séraphim Rose, c'est la certitude qu'au delà de tout ce qui nous terrifie et nous horrifie, point quelque chose de grand et de lumineux qui nous dépasse et nous embarque. Qui nous dépasse et nous embarque quand nous sommes prêts à l'envol.