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mercredi 27 décembre 2023

Le voyage de l'icône

 


Ce matin, je suis allée porter chez les cosaques des victuailles pour les soldats, des cartes postales de bonne année, et des affaires pour les réfugiés. Il n'y avait personne, et je m'apprêtais à quitter le local, quand Tania a surgi toute excitée: "Laurence, Laurence, attendez! Pacha! Venez, Laurence est ici!" 

Je vois arriver un cosaque barbu qui me serre sur son coeur. C'est celui qui a porté l'icône de l'Archange Saint Michel au père Nikita. "C'est incroyable, me dit Tania, cette icône est restée des mois ici avant qu'on ne se décidât à l'emporter, et les gars ne voulaient pas aller à Donetsk, ça leur faisait un trop gros détour, et c'était trop dangereux. Et ils voulaient la remettre en mains propres.

- On a déballé l'icône, ajouta Pacha, et on a vu que ce n'était pas un modèle ordinaire, alors on a fait des recherches, et l'histoire de ce miracle m'a particulièrement touché, parce que je suis un ancien païen. Alors nous avons prié devant et décidé de la prendre avec nous, et même nous l'avons mise contre le pare-brise, pour qu'elle nous protège en route, et elle nous a protégés; nous sommes arrivés chez le père Nikita, qui nous a si bien reçus, et cela a créé des liens entre nous. Maintenant, là bas, on tourne un film sur notre aventure avec l'icône, et quand à moi, j'aimerais faire un reportage sur vous, pour parler non seulement de l'icône et de votre destin, mais aussi des étrangers qui viennent ici, car il y en a de plus en plus, j'en vois beaucoup à Iaroslavl, il y en a qui me contactent, et d'après ce que je sais, vous aussi."

J'écoutais cela sidérée, la larme à l'oeil, avec l'impression d'être complètement dépassée par ce qui s'était produit avec mon icône et même d'en être profondément indigne. Quand je l'avais confiée aux cosaques, je pensais qu'ils la laisseraient aux soldats de notre garnison, que le père Nikita viendrait la récupérer quelque part, je n'avais pas imaginé qu'ils allaient spécialement se lancer dans un périple dangereux, avec l'icône sur leur pare-brise, comme de preux cosaques qu'ils sont. 

Et si j'avais l'intention d'aller un jour voir avec eux le père Nikita, j'ai compris que ce n'était pas réaliste: on risque de sauter sur une mine quand on descend du camion faire pipi, des drones voltigent ça et là, des canons tonnent, bref, la guerre. Le seul moyen de parvenir là bas dans des conditions normales, c'est l'autobus à partir de Moscou. Ils prennent vraiment des risques, nos cosaques. En plus de l'icône, on ne peut pas leur demander d'acheminer une grand-mère!

Pour ce qui est des étrangers, oui, il y en a de plus en plus qui me contactent, et visiblement, pas seulement moi. L'aventure de l'icône et des cosaques me laisse à penser qu'ils n'ont pas tort. Au niveau de Moscou, il ne se passe pas toujours des choses très enthousiasmantes. Il y a, comme en France, toute une faune politico-médiatique et pseudo-artistique consternante, une sorte d'écume vaseuse, mais le peuple russe, c'est le peuple russe, et malgré toutes les séquelles culturelles et spirituelles du dernier siècle, il reste étonnement pur, généreux, brave, et pour cela, je pense que Dieu est avec lui, et l'Archange Michel, chef des armées célestes, qui a accompagné mes cosaques jusqu'au père Nikita.

Ils n'ont aucune haine envers les Ukrainiens, ils ont de la compassion. Ils savent que ce qui les a rendus fous est aussi à l'oeuvre ici, et partout, et c'est contre cela, qu'ils luttent, contre ceux qui servent ces forces, consciemment ou non. C'est cela le plus important, quelles que soient les comportements en haut lieu.

Pour moi, je pensais ces derniers temps qu'une fois achevés mes souvenirs d'enfance, je me consacrerais à la poésie et aux icônes, eh bien, il me semble que c'est certainement ce que je ferai, pour le temps qu'il me reste à vivre.







Удивительным образом Господь сводит меня с потрясающими людьми. Каждое такое знакомство – настоящее чудо. У меня появилось много друзей по всему миру. Мы дружим семьями и молимся друг за друга, несмотря на расстояния. Так у меня есть друзья из Италии, из Англии, из Германии, из Украины, из Молдавии и многих других стран.

 

А на днях я познакомился с очаровательной женщиной, француженкой, Лоранс Гийон. Лоранс – писатель, переводчик, художник, иконописец. Она прекрасно, с лёгким французским акцентом, что придает ей особый шарм, говорит на русском.

 

Ее знакомство с русским миром началось, когда ей было всего 15 лет, с прочтения романа Ф.М.Достоевского "Преступление и наказание". А в 18 лет, прочитав "Братья Карамазовы", Ларанс приняла православное крещение. Ее семья, католики, восприняли это как детскую прихоть, но со временем поняли, что всё серьёзно и навсегда.

 

Лоранс полюбила Россию настолько, что переехала сюда жить. Она купила дом в Ярославской области, между Москвой и Ярославлем, в прекрасном городе Переславль-Залесский.

 

Моё знакомство с Лоранс началось совсем недавно. Три недели назад я поехал на СВО к брату, отвозить баню и другие подарки, и по пути я не мог не заехать в казачий штаб к своему брату во Христе, атаману Дмитрию. Мы выпили по чашечке кофе и я уже начал собираться в путь, как Татьяна (жена Дмитрия) вспомнила про икону, которую нужно отвезти в Донецк и передать одному хорошему человеку. Этим человеком оказался отец Никита (благочинный). А написала икону – Лоранс. Но тогда я не был знаком ни с кем из них и даже не догадывался, какой сюрприз приготовил мне Господь.

В тот день Дима и Таня вручили мне икону в дорогу, мы помолились и я отправился в долгий путь. Господь был посреди нас, я это чувствовал. Мы доехали до Луганска и передали всё моему брату. Уставшие, от проделанных трудов, мы выдвинулись в сторону Донецка, в город Докучаевск, где нас должен был встретить отец Никита. В кромешной темноте, долго плутая из за неработающего навигатора, мы увидели в далеке свет от фонарика – это был батюшка Никита.

 

Добродушный и гостеприимный, отец Никита накормил нас от души. Затем мы долго беседовали. Всем хотелось спать, но жажда общения была сильнее. Перед сном, отче сразил нас наповал... Он принес музыкальный инструмент, колёсную лиру, и исполнил такую пронизывающую до глубины души песню... а потом ещё одну, и ещё... Песни были такими сильными, глубокими. До слез. Вот она русская душа.

 

А потом батюшка удивил ещё больше...

 

Впрочем, об этом я расскажу как нибудь потом, когда оператор смонтирует видео о нашей поездке. Сложно всё передать словами.

 

Скажу лишь одно, это необыкновенное знакомство и оно произвело на меня неизгладимое впечатление! Эта встреча была для меня очень важна! Господь в тот день на многое открыл мне глаза. Я благодарен Богу и отцу Никите за всё!!! Ну и конечно же, эта встреча не была бы возможной без Дмитрия и Татьяны, которые доверили мне отвезти икону, а также без Лоранс, которая эту самую икону написала.

 

Батюшка в тот день рассказал о Лоранс, о том что она удивительная женщина и я понял, что хочу с ней познакомиться.

 

Долго ждать не пришлось! И вот мы с Лоранс знакомы лично! О нашей встрече, о том как она случилась, я тоже напишу в отдельном посте, потому что это тоже чудо!

 

А ещё мы с Лоранс запишем для вас видео, где она расскажет о себе и о том почему она переехала в Россию. Уверяю вас, будет интересно!



dimanche 24 décembre 2023

Météo

 Week-end pieux, je suis allée aux vigiles, me confesser à notre évêque, qui s'est exclamé: "Je ne vous avais pas vue depuis un siècle!" Ce qui est presque vrai. Puis ce matin, je suis partie à l'aube ou plus exactement avant l'aube, le jour se levant beaucoup plus tard que moi, à la liturgie. C'était notre père Vassili, et j'ai appris avec consternation qu'il était muté à l'eglise des Quarante Martyrs, qui est très bien, mais, me suis-je écriée, on ne peut pas se garer, là bas... Cela a fait rire une jeune femme du choeur, mais quand on a du mal à marcher, que l'hiver, on risque de rester coincé par les congères et l'été par les touristes, ça fait réfléchir, on voit bien que cette charmante personne n'a pas encore idée de ce qu'est la vieillesse!. Au début de l'office, j'avais la larme à l'oeil, je pensais aux miens, d'autant plus que j'écris mes souvenirs d'enfance: à maman, à Pedro, à mes grands-parents et mes tantes, à la France d'alors. Et puis il m'est venu une douce sérénité, comme si quelqu'un de grand posait ses mains sur mes épaules.

Qui est la vieille du centre en kaki?

le père Vassili




















J'ai l'air d'être obsédée par la météo, je ne sais plus quel écrivain critiquait les remarques météorologiques chez les auteurs de journaux littéraires, on voit bien qu'il n'habite pas en Russie. Il nous tombe une neige mouillée et lourde en quantité hallucinante, qui se transforme en glace, et j'ai dû aller secouer les branches du génévrier et du thuya d'en face, pour éviter qi'elles ne cassent. sinon, pour l'instant, c'est très joli, nous voilà dans une sorte de contrée fantômatique et immaculée, où l'on s'attendrait à voir errer des âmes en partance pour l'une ou l'autre direction que toutes doivent prendre un jour ou l'autre sans alternative. J'ai fait une escale au café, et pataugé pour y parvenir dans une bouillasse indistincte et des flaques qui demain feront un verglas admirable. En entrant, j'ai déclaré que j'aurais dû aller m'installer en Crimée, ce qui a fait rigoler un client, eh bien oui, monsieur, j'ai grandi entre Lyon et Marseille, figurez-vous...
En consultant mon téléphone, j'ai vu que Katia, que je n'ai pas croisée depuis un sacré bout de temps, me conviait à déjeuner avec elle au "Hérisson Repu", trop tard, et puis le "Hérisson Repu" étant relativement loin des parkings, enfin loin quand il fait un temps pareil, je ne me voyais pas tituber sur 300 m pour aller la rejoindre.
La météo joue un rôle énorme dans notre vie ici, et même sur notre état de santé, mais de toute façon, j'assume mon intérêt passionné pour tous les phénomènes qui y sont liés, dans la correspondance de Flaubert, j'aime lire que tel jour il se caillait tellement qu'il avait allumé un feu et autres considérations du même genre destinées à Georges Sand, qui lui répond de la même manière, ce qui me rend leur époque tout à coup si présente. Je ne vois pas pourquoi la météo ferait moins partie de notre vie que les nouvelles du jour, la dernière chose que j'ai encore regardée à la télé, avant de m'en débarrasser, c'était le bulletin météorologique, dernier endroit exempt de propagande, mais depuis, on y a mis bon ordre, avec le "réchauffement climatique"!
Ca y est, nous avons passé le solstice, désormais, chaque jour sera un peu moins ténébreux que le précédent, cette idée est tout de même réconfortante.
Le père Nikita m'a envoyé des photos et des vidéos de sa crèche, à la bibliothèque de Donetsk, la crèche étant en Russie un petit spectacle qui raconte la Nativité avec des chants. Quelle ne fut pas ma surprise de voir là au milieu Erwan Castel, qui fait sur place de la réinformation depuis 2014! Il paraît que lui aussi jouait de la vielle-à-roue, avant de se faire emporter un bras.
J'ai envoyé un petit chant de Noël au père Nikita, le voici, et joyeux Noël à ceux qui le fêtent ce soir et demain.


petite carte postale de Noël locale. Un peu de soleil sur une fenêtre froide.


jeudi 21 décembre 2023

Saint Nicolas et le miracle de la station de Zoïa

 


Je pense qu’après tout ce froid et ces tonnes de neige en décembre, nous allons avoir le mois de mars tout le reste de l’hiver, et la patinoire permanente. Cela me consterne. Vraiment, en venant m’installer au nord de Moscou, je n’ai pas choisi la facilité...

Pour l’instant, c’est joli, il tombe une neige collante qui nappe toutes choses, les moindres rameaux, les branches sombres des thuyas, mon genevrier est particulièrement joli quand il est enneigé, je regrette de ne pas avoir dès le départ planté des genevriers à la place des thuyas, c’est vraiment ravissant, souple, avec une couleur un peu bleutée, mais pas trop, cela ne vient pas trop gros. Mes thuyas ne sont pas affreux, du reste, ils me rappellent les cyprès, d’autant plus que je ne les ai pas mis en haie compacte, mais ponctuellement. Suzanne, la copine des Leroy, m’a dit que cela venait jusqu’à vingt mètres, mais j’ai regardé dans les descriptions botaniques, on parle de quatre à six mètres, et j’espère que c’est vrai. Cela dépend peut-être des variétés.

Depuis que les buissons ont poussé et que je ne coupe plus les fleurs en automne, pour me souvenir de leur emplacement, mon jardin est joli même en hiver, il offre au regard toutes sortes de structures aériennes que décorent la neige et le givre et qu’animent de nombreux oiseaux. La partie en voie de défiguration de l’isba d’en face devient invisible de ma fenêtre et de ma terrasse. Je crois que d’ici deux ou trois ans, je ne verrai plus trop les horreurs actuelles ou potentielles. J’aurai aussi beaucoup de taillis, de buissons fleuris qui prendront la place des massifs et de l’herbe. Je serais dans un autre environnement, que j’aurais laissé plus dégagé, bien sûr. Encore que finalement, je ne raffole pas de la pelouse, le tapis vert tondu à mort avec les massifs idiots. L’herbe va finir par se limiter à des chemins plus ou moins larges allant d’un groupe de plantes à l’autre. J’essaie de garder une ouverture qui me permette de regarder le ciel depuis ma terrasse, du côté de la maison d’Ania, qui n’est pas menacée pour l’instant, de toutes façons, là, je ne peux pas planter grand chose.

Ce que je redoute plus, maintenant, c’est la pollution sonore, les radios qui dégueulent de la merde et les motos des petits cons qui tournent en boucle.

J’ai vu plusieurs émissions sur un miracle qui a eu lieu à Samara dans les années cinquante, en pleine persécution religieuse Khroutchev. C’était instructif à plus d’un titre. D’abord, rappel de l’idéologie communiste, Khroutchev avait promis de présenter le dernier pope à la télévision, le communisme était à l’horizon proche, les gosses systématiquement transformés en petits komsomols ricanants et redresseurs de torts à qui on promettait l’immortalité, fruit des progrès de la science. Ce qui rejoint tout à fait le cocopitalisme transhumaniste qui sévit en occident et amorce d’ailleurs la spioliation des petites gens au profit d’une caste de surhommes, seuls dignes de posséder quelque chose.



Sur ce fond, une jeune fille élevée par le régime, au cours d’une soirée d’anniversaire, comme son copain n’avait pas pu venir et qu’on dansait en couple, a pour faire la maline pris sur le mur une icône  oubliée de saint Nicolas et s’est mise à danser avec elle. Là dessus, on a vu comme un éclair, et la fille est restée figée avec l’icône, incapable de bouger, collée au plancher, pendant plusieurs jours. L’événement a eu un grand retentissement. Beaucoup de gens se sont alors convertis, dans l’atmosphère de persécution religieuse, les églises disponibles et les croix de baptême n’y suffisaient pas. Le pouvoir a aussitôt pris des mesures, la maison est devenue inaccessible, et les choses ont été si embrouillées que cela complique les enquêtes contemporaines. On dit qu’au bout d’un certain temps, un starets est venu lui enlever l’icône, ce que personne n’avait pu faire, la délivrant de sa stupeur, en lui disant : « Eh bien, tu es fatiguée ? » Ce starets, pour certains, serait saint Nicolas lui-même. Ou un starets local. Ou un jeune moine. La jeune fille délivrée dit à tout le monde en pleurant : « Repentez-vous, repentez-vous ». Elle raconta que pendant sa longue station, elle était entourée de flammes et nourrie par des oiseaux célestes. On l’enferma dans un hôpital psychiatrique. L’enquête de la chaîne orthodoxe SPAS dit que cette station n’a pas duré trois mois mais une semaine. Je ne doute pas que cet événement ait eu lieu, ne serait-ce que parce que les journaux ont été obligés d’en parler. Qu’on ait enjolivé, c’est possible. C’est toujours comme cela.

Comme d’habitude, il y a des commentaires d'anciens komsomols purs et durs, ou de leurs descendants. L’un d’eux explique que la schizophrénie peut provoquer ce genre de catalepsie, oui, d’accord, mais en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une schizophrène, ni même d’une jeune bigote exaltée, c’était une komsomole ricanante et un esprit fort, de l’espèce du commentateur, elle faisait une joyeuse bringue avec des copains. Et elle est restée clouée au sol je ne sais combien de jours, collée à l’icône et muette. Ces gens me rappellent les gauchistes des années soixante-dix. Les woke d’aujourd’hui, comme cette fille déchaînée qui se jette sur Vincent Lapierre pour l’empêcher de faire son reportage, sous prétexte qu’elle le considère comme un facho, alors qu’il est respectueux envers tout le monde. Ou les Ukrainiens militants.L’important pour eux est de s’insinuer partout, pour redresser les torts, dénoncer, injurier, assourdir et surtout empêcher de parler. Curieusement nous, les fachos, les réacs, les obscurantistes et les contras, nous n’allons pas sur leurs sites favoris faire du scandale, nous savons trop bien qu’à part les clouer au sol huit jours au milieu d’un cercle de flammes avec l’icône de saint Nicolas, il n’y a rien à tirer d’eux. Mais eux, ne peuvent rester tranquilles, notre existence même ne leur laisse pas de repos.

Saint Nicolas est quasiment le protecteur de la Russie, dans la Russie ancienne, les étrangers s’étonnaient de l’extraordinaire ferveur du peuple pour saint Nicolas, qu’ils appelaient le "dieu russe". Ce qui donne à l’événement un sens particulier, et me fait réfléchir à l’irruption de cette icône, que j’ai recueillie, abandonnée sur l’étagère des objets à donner, dans notre cathédrale, comme si elle n'attendait que moi. Je lui trouve une grande présence, et du coup, je prie aussi saint Nicolas. C'est comme s'il m'avait adoptée.





Dans le même ordre d'idées, j'ai vu un documentaire sur le Donbass intitulé "la guerre sainte" qui met l'accent sur le caractère avant tout spirituel du conflit et remet bien, c'est le cas de le dire, les églises au milieu des villages, dommage qu'il ne soit pas sous-titré et que je n'ai plus les moyens techniques de le faire. Je vois beaucoup de correspondances entre l'attitude du gouvernement ukrainien, dans les procédés, la nature et l'origine des protagonistes, et celui de l'URSS, surtout des débuts de l'expérience, mais le gros barbare Khroutchev, en poste au moment de la "station de Zoïa", en était un pur produit, et en plus, il était ukrainien lui-même. Dans ce documentaire, on rappelle ce que je savais déjà, que le faux patriarche Philarète avait lancé cette affaire de patriarcat de Kiev parce que, contrairement à ses attentes, il n'avait pas été élu patriarche de Moscou, ce qui se serait produit, s'il n'y avait pas eu la perestroïka à ce moment-là. C'est-à-dire qu'en gros, déçu par le KGB, il s'est tourné vers la CIA, mais c'est toujours le même diable, seules les casquettes changent.. 

On redéfinit bien aussi les notions d'Ukraine et d'Ukrainiens, et tout cela est fait par des prêtres et des fidèles locaux, l'un d'eux rappelle le rôle de l'uniatisme, ce cheval de Troie des Polonais contre les orthodoxes, destinés à détacher de la Russie les parties de la Biélorussie et de l'Ukraine actuelles qui étaient sous leur contrôle. Et comment Jean-Paul II a soutenu cette caricature d'orthodoxie papo-compatible, et le nationalisme ukrainien, lequel est avant tout un nationalisme galicien, concernant l'ouest du pays, tout ce qui était sous le contrôle des austro-hongrois et des Polonais. La persécution des orthodoxes sévissait déjà alors à plein régime. Le rôle également des sectes, que les Américains favorisent, et qu'ils avaient lâchées sur la Russie des années quatre-vingt-dix, mais auxquelles la législation avait mis un coup d'arrêt en n'autorisant sur le territoire russe que les religions traditionnelles, soit le christianisme, le bouddhisme, l'islam et le judaïsme. Le prêtre explique que l'Ukraine, la sienne, est comparable à ce qu'est la Bavière pour l'Allemagne: une région russe qui a sa culture, son coloris particulier. Il souligne qu'elle est très différente, par la mentalité, de l'Ukraine uniate, beaucoup plus agressive et vindicative. Du reste, explique-t-il, personne ne profane au Donbass les tombes des soldats ukrainiens qui se trouvent maintenant sous contrôle russe. Alors qu'en Ukraine de l'ouest, les monuments et les tombes sont profanés, et l'on s'attend à les voir s'attaquer aux fosses communes de la dernière guerre. 

Une vieille dame qui fait preuve d'une grande culture religieuse, observe à propos des persécutions endurées maintenant par l'Eglise ukrainienne du métropolite Onuphre et ses hiérarques: "Il faut quand même dire qu'ils n'ont jamais condamné la guerre au Donbass, et maintenant, ils le paient". Or en effet, si, comme me l'a rappelé Ivan Illitch Takhtiour, ils ont condamné la Russie, l'Eglise russe et son patriarche au moment de l'intervention, ils n'ont jamais expréssément condamné les bombardements et les atrocités pratiquées au Donbass depuis dix ans. Cette Eglise du métropolite Onuphre que les joyeux orthodoxes français, souvent d'origine russe,  présentent comme "soviétique" pour justifier le traitement qu'on lui fait et le tour de cochon que lui a joué le patriarche de Constantinople. Pourtant, le patriarche Cyrille a  défendu de critiquer le métropolite Onuphre, et tout le monde en Russie compatit et soutient, moi la première. Tout le monde comprend la difficulté de sa position, et aussi sa grande qualité spirituelle et humaine, tout le monde admire la ferveur et le courage de l'Eglise ukrainienne persécutée. Tout le monde se souvient précisément de ce qui se passa en Union Soviétique, et sait ce que ce genre de persécution signifie. Le métropolite Onuphre ne voulait pas entrer dans le jeu politique, et disait ne pas faire de différence entre ses fidèles. A mon avis, ce n'étaient pas tellement ses fidèles qui allaient bombarder les quartiers d'habitations du Donbass, les hôpitaux et les jardins d'enfants, et faire des cartons sur les grands-mères qui sortaient dans leur potager. Les bataillons punitifs étant plus souvent néopaïens ou uniates, ou pseudo-uniates de la mouvance Philarète ou Epiphane...

Enfin toujours est-il que ne pas avoir condamné les exactions au Donbass, mais avoir condamné l'intervention destinée à y mettre fin, n'a pas empêché les diables à l'oeuvre de se déchaîner plus que jamais, dans la violence, la fourberie et la calomnie. Le starets Zossime de Donetsk avait recommandé, dans ses prédictions, de se cramponner à l'Eglise russe.



mercredi 20 décembre 2023

Solstice printanier

 


Après le mois de février au mois de décembre, nous avons le mois de mars pour le solstice d'hiver, qu'aurons-nous donc au mois de janvier? J'ai vu que dans une ville russe, les rues étaient tellement verglacées que plus personne ne pouvait bouger, les enfants ne vont plus à l'école ni les adultes au boulot. Et ici, je n'ose plus tellement sortir non plus. Tout cela va évidemment regeler et se transfomer en patinoire.

Mais quand même, le solstice, c'est le moment où l'hiver bascule vers le printemps, où les jours recommencent à grandir, où la paupière se soulève. A partir d'après demain, nous irons vers la lumière, avec nos bougies, nos guirlandes et nos lanternes. Encore un peu plus de deux mois et on pourra guetter l'apparition des crocus et des jonquilles...

D'avoir choisi de venir en Russie ne me fait pas détester ni mépriser la France, au contraire, d'ailleurs, je l'aime mieux de loin que de près, car je finis presque par la voir à la façon des Russes, un pays merveilleux, encore intact, avec de superbes paysages, un art et une joie de vivre, un grand sens esthétique, mais c'est que ce n'est déjà plus ce que j'ai connu, ou alors quand j'étais petite... Si je déteste les griffes dans laquelle la France est tombée, je ne souhaite pas son malheur, ni son humilitation, au contraire, je les redoute, et même, je suis profondément perturbée par la perspective de sa disparition. Mais les Russes qui ont choisi de partir, ces derniers temps, au pays de la démocratie et des droits de l'homme n'offrent pas le même tableau. Je suis tombée sur une vidéo d'une Russe résidant depuis 30 ans en Italie, pour cause de mariage avec un Italien. C'est une femme intelligente et cultivée, guide. Elle fait une réponse au célèbre écrivain de polars Boris Akounine, qui a quitté le Pays Maudit pour le paradis démocratique en 2014, par solidarité de principe avec ceux qui détestent son pays et lui veulent la peau. A noter, comme il le précise lui-même, qu'il est toujours publié sans problèmes dans la tyrannie qu'il a fuie. Il vient de se faire piéger par les non moins célèbres Vovan et Lexus, qui se sont fait passer pour un membre du gouvernement ukrainien, et tout ce qu'il dit fait dresser les cheveux sur la tête. La Russe italienne lui dit toute sa déception, proclame qu'en ce qui la concerne, comme moi, d'ailleurs, elle a deux patries, la Russie qu'elle défend, l'Italie où elle vit et qu'elle aime. Et d'ailleurs, dans cette vidéo, ce qui est intéressant, c'est qu'elle défend l'Italie autant que la Russie, en traçant le tableau de ce qui existe réellement dans le paradis européen choisi et revendiqué par Boris Akounine: la liberté d'expression disparue, la situation de pays occupé, non souverain depuis la dernière guerre, soumis aux diktats américains, envahi par la terre entière; l'appauvrissement des citoyens qui ne peuvent plus joindre les deux bouts, les paysans et les petites entreprises ruinés par les sanctions. Un tableau complet, intelligent, argumenté. 

https://youtu.be/S04jofqm--4?si=pP0SlbevA7dpw_zQ

Boris Akounine, comme beaucoup de libéraux, est pour la fragmentation de la Russie en une infinité de républiques, selon le prédécoupage complètement artificiel des bolcheviques, qui ont fabriqué cette bombe à retardement. Lui-même est géorgien, il publie sous un pseudonyme russe, se prétend russe. Il explique d'un air grave et pénétré, que la Russie est une "menace pour le monde". Ah bon? Et sur quoi se base-t-il, à l'heure actuelle, pour affirmer cela? Je me rends compte que même au temps de la guerre froide, si l'URSS cherchait à étendre son influence dans le monde, économique, culturelle ou politique, elle ne serait jamais sortie des limites du glacis établi par Staline autour de son fief, quand un pays est de cette taille, on a déjà assez de problèmes pour le gérer. La menace russe ne servait qu'à justifier la colonisation américaine. Poutine lui-même ne s'est décidé à reprendre la Crimée, puis le Donbass, qui ne demandaient que cela, qu'à force d'être harcelé par l'OTAN. En revanche, une tyrannie mondiale jetée comme un filet indestructible sur l'ensemble des pays, par l'intermédiaire de castes locales entièrement acquises au cerveau central et d'organismes internationaux qui sont autant de moyens de contrôle, cela me paraît beaucoup plus inquiétant. Je ne comprends même pas comment quelqu'un d'intelligent, et d'intellectuellement honnête, peut ne pas voir qui, depuis des décennies, fiche partout la pagaille sanglante, mais c'est sûrement la haine, ou l'orgueil, qui lui troublent le jugement, sinon, il verrait aussi ce qu'évoque Ekaterina Santoni et dont me parlent nombre de correspondants. A moins qu'il ne soit juste candidat à l'entrée dans cette secte mondialiste qui fait notre malheur et voudrait achever la Russie. Mais bon, des gens qui vivent dans une réalité parallèle, depuis ma jeunesse, j'en ai vu un paquet. Surtout chez les intellectuels.

https://youtu.be/Bu3H-IUAWdE?si=hMCh27F9u4IqyfX- 

https://youtu.be/WtVPATZCcio?si=3IpAG9eP-lL7e9zB

Pour parvenir à ses fins, il donne explicitement la recette qu'on applique déjà en Russie, comme partout ailleurs, et qui détruit la France: pourrir le pays de l'intérieur. Il n'y a pas de meilleur moyen, dit-il. Jusqu'à une période récente, on appelait les gens comme lui des traîtres. Est-ce parce qu'au fond, il est géorgien, bien qu'il se revendique russe? Mais non, même pas, il y a des Russes comme cela. Et tout ce qui s'est passé ou se passe là bas, il ne veut pas le savoir, il est prêt à livrer au désastre que connaissent l'Ukraine, ou les pays du moyen Orient, la Russie toute entière, sans compter que l'Europe y passerait aussi, elle y passe déjà. Non, c'est Moscou, le danger universel, il faut le voir discuter avec cet air grave de l'intellectuel qui a tout compris, c'est un poème, j'en suis positivement fascinée: pas l'ombre d'un doute, et il dispense ses conseils au pseudo-chef d'état qu'il croit lui faire face... 


Dans le même temps, un autre intellectuel, le journaliste orthodoxe ukrainien Dmitri Skvortsov, est emprisonné pour avoir défendu son Eglise persécutée. Il fait signe de sa prison, avec l'icône de saint Nicolas, dont c'était la fête hier. D'après ce que j'ai compris, Ian Illitch Takhtiour, qui m'avait invitée, a eu le temps d'être échangé avec des prisonniers ukrainiens, mais pas lui. Je suppose qu'Akounine ne veut même pas en entendre parler. https://vk.com/wall355949337_29940

Ce qui me déplaît en Russie, c'est davantage les cicatrices de ce qui fut que ce qui se passe aujourd'hui. En France, pour y revenir, c'est le contraire. Mais je vois bien que la France et la Russie sont victimes du même mal, il n'est plus si virulent chez la première, il se déchaîne chez la seconde. Il y a eu tant de dégâts de faits, depuis cent cinquante ou deux cents ans, que je ne sais comment l'une et l'autre se relèveront de tout cela, ni quel monde est en train d'émerger, mais en commentaire de la vidéo de Ekaterina Santoni, la jeune Russe qui l'a postée se montre optimiste. Elle pense que c'est la fin de la caste, de la secte, et que c'est la Russie qui lui écrasera la tête. Elle exprime une pensée qui me soutient depuis bien longtemps: "Il n'y a pas de système éternel". En effet, et j'aurai au moins vécu assez pour commencer à voir tomber tous ces masques, et démonter ces impostures. Je ne suis pas certaine que Boris Akounine ai fait le bon choix, et pas seulement sur un plan éthique.





dimanche 17 décembre 2023

Numérisation

 




Je ne suis pas allée à l’église, le temps, la flemme, la visite d’un intellectuel français, de son épouse et de leur copine, et puis après-demain, c’est la saint Nicolas, à laquelle j’aurai le temps de me préparer comme il convient. L'intellectuel est un homme charmant, très distingué, très cultivé, très intelligent. Il comprend bien la Russie, et il est passionné depuis sa jeunesse par la politique, il en saisit tous les mécanismes, ce qui n’est pas du tout mon cas. Moi je marche à l’instinct (de conservation). C’est un inconditionnel de Poutine, qu’il voit, aux prises avec une cinquième et une sixième colonnes actives et pourvues de puissants soutiens, essayer d’arracher, de la Russie et du monde, la tunique de Nessus du globalisme, et préoccupé avant tout de garder l’arrière de ce dur combat dans la paix, sans trop de pertes économiques et humaines.

Parallèlement, Tatiana Mass, une journaliste russe en exil en France, parce que tombée du mauvais côté, celui des pays baltes, au moment de la chute de l’URSS, (elle ne pouvait plus obtenir le droit de vivre en Russie, à l’instar de la plupart des Russes des ex républiques), écrit que Poutine, en dépit du respect qu’il lui inspire, se fiche de la culture, et qu’il a bien tort.  Et en effet. Les ministres de la culture successifs ne font qu’en encourager la démolition. De Gaulle aussi abandonnait la culture à n’importe qui, on a vu le résultat. Slobodan Despot, dans son dernier Antipresse, évoque l’installation du numérique en Russie, qui de ce fait, n’est plus un refuge, à ses yeux, pour les gens qui veulent éduquer leurs enfants normalement ou simplement vivre normalement. Dans l’avenir, je ne sais pas, mais pour l’instant, si, et on est obligé de nos jours de vivre au jour le jour. Poutine a déclaré qu’on ne pouvait éviter la numérisation de la société sans exposer la nation à sa perte, et je ne peux qu’admettre son point de vue, on est souvent forcé de s'aligner sur les progrès technologiques qui donnent aux autres l'avantage. C’est d’ailleurs ainsi que le monde fonctionne depuis cinq cents ans, depuis que l’Europe  a commencé à sortir du christianisme pour s’engager dans un humanisme judéo-protestant progressiste, luciférien, conquérant, et disons le mot, prédateur. La Russie a dû aussi s’adapter, et en a beaucoup souffert, mais je me demande si elle avait tellement le choix. Elle a essayé de dégager un chemin personnel, au XIX° siècle, dans l’esprit de la société traditionnelle et de l’ethique chrétienne, mais tout cela a été assassiné avec le dernier tsar et sa famille. Maintenant encore, elle semble promouvoir un chemin personnel, dans la mesure où elle condamne les dérives idéologiques délirantes de l’occident, dont les masques tombent un à un, mais son appareil, élevé dans l’esprit des jeunesses communistes, reste dans le culte aveugle du progrès, l’adoration servile de l’occident et la barbarie culturelle. Poutine dit une chose, l’appareil fait ce qu’il veut.

 Pour l’instant, l’installation du numérique ne nous induit pas une tyrannie dystopique comparable à celle de l’Europe, et plus particulièrement de la France. Je déteste Gref, qui est l’objet d’un autre article de ce même Antipresse, je m’en méfie comme de la peste, sa physionomie me rappelle celle de l’affreux docteur Laurent Alexandre, chantre du transhumanisme. Cependant, pour voir un conseiller à la Sberbank, je n’ai pas besoin de prendre rendez-vous, il me suffit d’y aller, de retirer un ticket à la borne pour attendre mon tour, et si je ne comprends rien, on m’explique aimablement, ou on le fait à ma place. Le paiement de mes factures par QR code est on ne peut plus simple, je scanne un papier après l’autre, je pourrais même scanner mon arrêt de mort dans la foulée, mais c’est simple. Je ne suis pas favorable au tout numérique dans l’absolu, mais ne ressens ni oppression, ni coercition. Et quand je consulte mes comptes, tout me paraît limpide, alors que je n’ai jamais rien compris à ceux du Crédit Agricole.

Un autre article de l’Antipresse évoque la complexité insurmontable des moindres démarches en Europe, ou poster une lettre devient un exploit, il est bien connu qu’on a découragé le petit commerce et la petite exploitation agricole autant par ces persécutions administratives, qui imposent à longueur de temps des pensums interminables à de petites gens accablées de travail, que par les impôts injustes et la concurrence déloyale. Je n’ai pas l’impression ici qu’on emmerde les gens systématiquement et à tous propos. Alors qu’en occident, il en est ainsi depuis fort longtemps, et cela s’aggrave terriblement à présent. On a même l'impression que l'unique souci de tous ces vampires et ces goules est d'empoisonner l'existence de leurs administrés, de les priver de tout, de leur voiture, de leur maison, de leur fêtes, de leur culture, de leur foi, et même de leur famille et de leurs animaux domestiques. 

Evidemment, l’appareil progressiste au front bas soutient ici le numérique n’importe comment, et en particulier, à l’école, et à l’école particulièrement, j’y suis violemment opposée. Néanmoins, si dangereux que soit le numérique, il faudrait surtout, dans la mesure où l’on n’en fait pas un outil d’extermination et d’asservissement de son propre peuple, développer parallèlement une culture qui permette de résister plus ou moins à ses effets pervers. Or ce n’est pas du tout ce qui se passe. La télé, la radio vomissent en permanence de la merde dans les cervelles, le cinéma, la littérature sont soumis à de gros débiles qui allient le mauvais goût à celui de l’argent. Slobodan dit que ne pas aimer l’Europe les ferait passer pour des ploucs, mais c’est précisément parce qu’ils sont des ploucs qu’ils ont cette prédilection pour l’Europe, ou plutôt pour l’image qu’ils en ont dans leurs cervelles de ploucs.

Sur son expérience du Donbass, Iouri avait écrit un scénario « le Témoin », qui reflète une réalité aussi cruelle qu’extraordinaire, avec des bons mouvements inattendus de la part d’ennemis qui n’auraient pas été censés les avoir. Torturé pendant dix jours, il a pardonné à son tortionnaire, fait prisonnier à son tour, et a été lui-même sauvé par des géorgiens, grâce à son amour de leur poésie nationale, qu’il leur a parfois récité dans le texte original. Bref, son scénario est vraiment un témoignage humain et historique, de surcroît bien écrit. Il a proposé plusieurs fois ce scénario à des gens susceptibles d’en tirer un film, et au ministère de la Culture. Il lui fut répondu que ce n’était pas le moment. Or un film vient de sortir, avec le même titre, le Témoin, financé par le ministère de la Culture et Gazprom, le héros n’en est pas un poète dissident, revenu faire le correspondant de guerre au Donbass agressé par Kiev, mais un violoniste juif et belge, qui porte pratiquement le nom de la femme de Iouri, Dany Kogan, il s’appelle Daniel Cohen ! Iouri explique, dans une vidéo, que pour lui, le problème n’est pas tant qu’on lui ait plagié son oeuvre, mais qu’on l’ait fait si mal, et avec une si totale inutilité pour la cause qu’on prétend défendre. Dans un article consacré à l’affaire, une amie de Iouri, Elena, explique comment le cinéma russe est anéanti par le pognon mafieux.

De même, très souvent, si des marches russes ou des chansons soviétiques de la guerre de 40 sont interprétées, c’est avec une nullité et une vulgarité modernistes américanoïdes indescriptibles, pour avoir l’air dans le coup, pour répondre au goût infâme de ceux qui décident et de ceux qui paient. Tout cela crée un bain de merde corrosif pour les âmes, les intellects et les mentalités, et c’est bien aussi grave que la numérisation du pays, pour l’instant encore respectueuse de la liberté personnelle des gens.

Il faut savoir que si les hommes de pouvoir, les fonctionnaires et les oligarques ont toujours été plus ou moins pourris par définition, les peuples n’ont pas toujours été aussi incultes, et par conséquent, sans défense. Ils avaient leur culture paysanne, orale, antique et solide. Les satrapes passaient, le peuple demeurait.

Mon visiteur épris de politique estime qu’il ne faut plus parler de la Russie aux Français, que c’est inutile, mais qu’il faut en parler aux Russes, et leur parler aussi de l’occident, afin qu’ils ne répètent pas nos erreurs. Il considère comme moi que la substitution de l’écrit à l’oral n’est pas un progrès mais un appauvrissement. C’est-à-dire que présenter la très pauvre instruction dispensée par les écoles comme un progrès absolu par rapport à « l’analphabétisme » des générations passées qui avaient tout ce qu’elles savaient enregistré dans leur mémoire incroyablement développée, ce qui est le fait autant de la République que de l’URSS, est complètement faux. La plupart des gens qui savent lire ne lisent rien et ne savent rien, n’ont plus de mémoire, plus d’histoire, plus de sens artistique, plus de développement personnel ni spirituel. Et plus de recours face aux conditionnements, aux perversions du goût et des moeurs. Dans la société russe du XIX° siècle, coexistaient encore une puissante culture orale populaire et une culture livresque remarquable, lyrique, l’une nourrissant l’autre. Le destruction de l’une par les plus mauvais éléments de l’autre n’a pas donné grand chose de bon.

Néanmoins, il me paraît évident que les plus bandits ici, en dehors des métastases mondialistes,  restent des êtres humains, disons de l’espèce des opritchniks, des cosaques de Pougatchov ou de Makhno, tandis que le personnel politique extraterrestre de l’occident n’a de nom en aucune langue. Et d’autre part que Poutine, qui surfe sur tout cela d’après mon intellectuel, n’a pas l’intention de nuire à son peuple, de le faire disparaître, au contraire, il encourage la natalité, il économise la vie de ses soldats. Alors que je suis persuadée, en ce qui concerne la caste occidentale mondialiste, que c'est son programme planifié de longue haleine, avec une malveillance consciente et fourbe.

Mes visiteurs devaient rester deux jours, mais pas de chambres d'hôtel, tout est bourré, les trains, les bus: la tempête de neige se double d'une compétition sportive, je vois passer aujourd'hui en boucle, bondissant à travers les congères, des marathoniens emmitouflés. La femme du monsieur n'est pas enthousiaste à l'idée de quitter la France, mais elle est convaincue que les choses ne vont pas dans le bon sens. Leur amie connaissait la Russie mais n'avait pas pratiqué la langue depuis des décennies. Elle m'avait apporté des graines et des bulbes de son jardin. Elle a mon âge, l'émigration lui fait peur, rester peut-être plus encore. J'ai mis tout le monde en relation avec un Russe blanc  qui fait le retour au pays de ses ancêtres.

Je n’ai vraiment pas besoin de décorer mes fenêtres de flocons artificiels, la tempête de neige fait à nouveau rage, et l’on prédit un réchauffement qui va transformer tout cela en cauchemar savonneux et verglacé. Au réveil, j’ai vu une vidéo selfie tournée par un jeune soldat ukrainien de dix-neuf ans, juste avant sa mort. « Nous sommes en enfer », dit ce beau garçon complètement désespéré qu’on a envoyése faire tuer pour les intérêts des amis de la Démocratie et de l’Humanité, les philanthropes du billet vert. Les soldats russes ne sont pas dans cet état d’esprit, mais ce sont généralement soit des militaires de carrière, soit des volontaires. Pas des gens que l’on attrappe au lasso pour les envoyer se faire réduire en chair à pâtée ou alimenter le trafic d’organes. Le visage de ce garçon, et son désespoir me poursuivent. Dieu ait son âme, et que son sang retombe sur ceux qui lui ont préparé un tel destin.



jeudi 14 décembre 2023

Avent

 


Je me suis souvenue qu’il fallait remercier les cosaques de Pereslavl d’avoir emporté l’icône du miracle de saint Michel à Khonekh, au père Nikita, qui me l’avait commandée, et j’ai fait parvenir à Tania, qui recueille l’aide humanitaire,  une photo de ce dernier, avec l’icône. Elle m’a répondu que c’était elle et ses cosaques qui me remerciaient de leur avoir fait connaître cet homme merveilleux. Il les a reçus à bras ouverts, leur a fait de la musique, et tel que je le connais, a dû leur conter avec talent toutes sortes de choses.  Le garçon qui a remis l’icône veut à présent faire connaissance avec moi, quand il sera de retour de sa mission. Je lui ai dit que j’en serais ravie. Le père Nikita, dans la foulée, est passé à la télé locale, avec son icône, et ses récits, que je devine colorés,  sur l'auteur, la Française de Pereslavl.

J’étais heureuse et émue, je me souvenais tout-à-coup des raisons qui m’avaient amenée ici. Quoiqu’à vrai dire, on ne puisse pas parler de raisons, c’est plutôt de l’ordre du destin, peut-être de la vocation. Et je pensais que j’avais obéi à la volonté de Dieu, qu’il fallait continuer à le faire, qu’il fallait enfin le faire tout à fait, me confier à Lui, me remettre entre ses mains, comme un petit enfant à son père. C’est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’être loin de son pays quand on le voit sombrer, et qu’on souffre de ne pas voir sa famille. Mais l’un et l’autre aussi, il faut les remettre à Dieu.

Il fait moins froid, mais il tombe des tonnes de neige, on se croirait en février, tempêtes de neige les unes après les autres. C'est très joli, immaculé, étincelant, poudreux, les rues ressemblent à une moquette de velours, et si l'on tombe, tout est si moelleux que même les vieux ne risquent pas grand chose. Seulement, si tout cela commence à fondre et à regeler... Je déneige tous les jours, heureusement que c'est léger, tout ça. Je regarde mon jardin endormi sous les congères, les traces desséchées des fêtes florales, et les nombreux oiseaux qui passent et repassent, autour de la mangeoire, dans la cage ajourée du poirier squelettique, lui faisant une sorte de floraison duveteuse et mouvante. Grâce à la neige, le jour pâle et bref s’irise, et sa couverture nuageuse s’imbibe d’une sorte de phosphorescence rose. Si je n’avais pas de problèmes de sinusite, j’apprécierais ce froid vif et cet univers de cristal. J’ai sorti, avec ma voisine Ania, mon pauvre tapis martyrisé par les chats pour le nettoyer dans la neige. Je l’ai laissé toute la nuit, et le matin, je l'ai dégagé. En effet, les couleurs semblent ravivées

Un chat vient gratter pour déterrer les fonds d'écuelle de ma ménagerie, que je jette parfois pour les corneilles, quand je veux nettoyer. Il est affamé, et je le regarde avec consternation. Je ne veux pas d'autre chat, surtout pas. Mais le voir gratter pendant des heures pour exhumer trois vieilles croquettes ou un croûton... Il est assez sauvage et s'enfuit dès que je sors.

Le livre de Voznessenskaïa recoupe les récits du père Seraphim Rose et d’autres spirituels orthodoxes sur les péages et les démons à l’affût, or ce n’est pas que je ne crois pas aux démons, chaque tour que je fais sur internet me confirme leur existence, mais j’ai du mal à me faire au côté juridique de tout cela. Je sais naturellement qu’on exprime ces choses comme on le peut, avec des références à ce que nous connaissons. Ce que je trouve le moins convaincant dans cet excellent livre, c’est le paradis, un paradis où les gens inventent des papillons, prennent le thé dans des maisons meublées de leurs souvenirs, où la neige des sommets a le goût de la glace à la vanille. Cependant, je me souviens de ce que m’avait dit Olga Asmus : on a le paradis qu’on se fait. J’avais un jour rêvé de ma grand-mère morte, elle était dans sa cuisine, où tout était transfiguré et lumineux. Et le Christ lui-même dit qu’il y a plusieurs maisons dans la maison de son père. Il se peut que là bas comme ici, les choses soient à notre mesure. Les expériences de grâce que j’ai eues me laissaient à penser que là bas, c’était complètement autre chose, que cela n’avait rien à voir avec ce que nous connaissions. C’était presque inquiétant, bien que je n’eusse jamais ressenti une telle paix et une telle béatitude, peut-être pas inquiétant mais plutôt étrange et dans tous les cas, indicible.

J’ai commencé à disposer les ornements de Noël, c’est vraiment chez moi une manie, car n’ayant pas de famille, cela n’a pas beaucoup de sens, sinon de me rappeler que je suis seule. J’ai été souvent si frustrée de ne pouvoir préparer toute cette magie pour des enfants... quand j’étais à l’école, dans une certaine mesure, mais on y faisait la chasse aux anges, peut-être que maintenant, on n’a même plus droit aux étoiles ni aux sapins.



samedi 9 décembre 2023

Froid

 




Grand froid et ténèbres que percent les étoiles et dissipe brièvement un jour raccourci, dans le désordre immobile de nuées lâches et brillantes. Je suis allée faire un tour du côté du marécage, pour prendre l'air glacial et m'obliger à marcher. Là bas, sur les chemins sauvages, je peux porter des bottes de feutre, qui tiennent chaud et évitent de glisser, elles adhèrent à la neige. En ville, où je peux difficilement m'exhiber avec de telles chaussures, j'ai peur de tomber, encore un signe de l'âge, un réflexe que je n'avais pas encore il y a trois ou quatre ans.

Du haut de la berge du lac, Pereslavl, transfiguré par la neige, retrouve son harmonie perdue, autour des coupoles étincelantes du monastère saint Nicolas. Les toitures de métal aux couleurs criardes sont toutes réunifiées par la blancheur ambiante. 

Cela sent Noël, les Russes sortent les guirlandes scintillantes qui resteront jusqu'à Pâques, jusqu'au retour de la lumière. Je n'ai pas encore eu le temps ni l'énergie d'installer les miennes, et pourtant, j'ai conservé la passion des étoiles, des angelots, des crèches, des sapins, des boules, de tout ce qui luit et réjouit. Au pays de France, où il n'y avait pas bien souvent de la neige, combien je rêvais dans mon enfance des magies hivernales qui se déploient autour de ma vieillesse!





 Dany était bouleversée d'apprendre, sur le blog de Karine Bechet-Golovko, que les députés de la Douma avaient légalisé l'usage du smartphone à l'école.

 http://russiepolitics.blogspot.com/2023/12/culte-numerique-la-russie-legalise.html . 

En effet, il y a de quoi. Je me souviens de la pression qu'on me mettait, au début des années 2000, quand je travaillais au lycée, pour me faire utiliser internet, dont au début je ne voulais pas, puis pour me le faire utiliser avec les enfants. Je disposais d'un seul ordinateur dans la classe, et c'était la bagarre pour s'en servir, j'y plaçais deux enfants à la fois. Il y avait des petits jeux éducatifs très rigolos, avec des jolies couleurs et plein de petits bruits, un écureuil malin et tout ça. Je pensais que cela plairait à ma mère, elle aimait bien ce genre de choses. Puis de voir les gamins hypnotisés se battre pour ce truc m'a alertée. J'ai tout arrêté. Dessin, peinture, musique, contes, chants traditionnels, rondes et jeux dansés, tout cela avait fait ses preuves, développait l'habileté manuelle, l'aisance corporelle, l'imagination, l'inventivité et la créativité, le sens de la communauté et de la coopération. Lorsqu'on m'amenait un petit être en sucre, en me disant qu'à trois ans il savait se servir d'un ordinateur, je demandais s'il savait enfiler ses chaussures et utiliser un crayon et une paire de ciseaux. Personnellement, je serais pour l'interdiction de toute espèce d'écran jusqu'à l'université, car même des personnes cultivées et forgées ne résistent pas à l'addiction informatique, et je me souviens de Bernard Frinking, le peintre d'icônes, qui passait des heures devant son ordinateur, comme moi-même, et y avait collé un post-it avec une prière destinée à lui permettre de résister à l'attraction fatale.

J'ai vu une nouvelle qui m'a fait réfléchir. Une jeune mariée, dans un costume russe stylisé, s'est vu refuser, au ZAGS, l'institution chargée des mariages, l'enregistrement du sien parce qu'elle était "déguisée". C'est-à-dire qu'elle était déguisée parce qu'elle était en costume vaguement russe, au demeurant très joli. N'importe quel style d'abat jour ruché ou de pièce montée de tulle blanc, n'importe quelle tenue provocante ou grotesque de couleur blanche et d'allure contemporaine vulgos et universelle aurait passé la rampe, mais pas une tenue d'inspiration russe, et cela, alors que le président Poutine ne cesse de parler des traditions nationales... Cela m'a fait penser aux réactions furibondes que suscitent parfois les chants folkloriques, alors qu'on est complètement tolérant aux radios qui nous dégueulent dessus, à un volume prohibitif, des "musiques" insupportables, capables de faire tourner le lait des vaches et geler l'eau en zig-zags... Eh bien c'est-à-dire que forcément, quand pendant des décénnies, on a présenté les costumes russes comme des déguisements, les chants russes comme des trucs de sauvages, l'architecture russe comme une survivance du passé honteux d'un peuple obscur, on obtient une fonctionnaire formatée à mort, qui, devant une charmante coiffe de mariée inspirée par celles d'autrefois, voit positivement rouge. J'imagine la bâtisse en plastique de cette créature, sa coiffure et ses vêtements, et son jardin tondu à mort, avec des fleurs au garde-à-vous dans de petits massifs idiots.

Je ne doute pas que les députés qui ont légalisé les smartphones pour les gosses soient exactement du même tonneau. Cela fait cent ans que les décisions sont prises par des imbéciles, dans la plupart de nos pays auparavant restés encore normaux. Eux-mêmes déformés dans des écoles idéologiques vouées au culte du Progrès et de l'avenir radieux, et cela de chaque côté du rideau de fer, par des assassins de Mozart en série. Je me souviens même d'une directrice de maternelle de banlieue qui ne cessait de murmurer avec lucidité: "C'est Mozart qu'on assassine"... Ils ont légalisé le smartphone pour les gosses de la même façon que leurs prédécesseurs avaient fait planter du maïs dans le grand nord ou importé la berce du Caucase pour nourrir les vaches, qui n'en voulaient pas, et au lait desquelles cette peste végétale, impossible à éradiquer, donnait un goût détestable.

Pourtant, les adorateurs du Progrès matérialiste exponentiel devraient bien finir par s'interroger sur ses effets, dont on voit de plus en plus le caractère destructeur et satanique, et s'intéresser à ceux qui, réellement scientifiques, explorent d'autres voies. Ceux-là rencontrent l'expérience spirituelle millénaire qui s'exprime dans toute oeuvre poétique et qu'a si bien reflétée Evgueni Vodolazkine dans son roman "les quatre vies d'Arséni", inspiré justement par la sainte Russie des ténèbres qui donne des boutons aux fonctionnaires en costar.



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Le problème est que leur vision du monde est si réductrice qu'elle a positivement fait d'une partie de l'humanité une espèce mutante particulièrement nuisible pour son environnement, ses semblables et ses propres enfants, dont les miracles de la mémoire génétique ne les sauve pas toujours.

Cependant, si Karine écrit que le niveau de ses étudiants a baissé, Olga, l'autre soir, se réjouissait de celui des siens, autant sur le plan intellectuel que sur le plan moral.