Comme d’habitude, il m’a fallu me pousser à l’église, hier matin, et je
n’ai pas communié: la flemme de lire les prières, de rester sans même un verre
d’eau le matin. Cependant, j’ai ressenti une grande consolation. J’ai entendu un sermon sur le pardon, et je pensais aux trois mégères de l'autre jour et
à leur traquenard. Je n’éprouve pour elles que du mépris et de l’indifférence,
je ne sais pas si on peut appeler cela du pardon; quand je serai capable de plaindre de telles personnes du fond du coeur, je serai une sainte, susceptible de passer de l'autre côté sans examen de rattrapage. Je m'abstiens juste de les détester, mais je ne peux pas dire que je les aime.
Chaque fois que j’entends parler
cet homme, mes doutes à son sujet s’évaporent. Et l’article de Quentin le
caricature d’une façon à mon avis très réductrice, bien que certaines questions
soient effectivement inquiétantes, pourquoi ne quitte-t-il pas l’OMS, par
exemple. Mais dire que c’est un personnage médiocre, timide et falot me paraît
extrêmement exagéré. L’auteur de l’article, un patriote orthodoxe moldave, lui
reproche de ne pas être intervenu au Donbass dès 2014, mais je ne sais pas s’il
était en mesure de le faire alors, depuis, il a rétabli les réserves d’or de la
Russie et réarmé le pays en douce. Un ami du père Valentin pense qu'on lui avait fait alors du chantage aux avoirs russes qui étaient tous off shore. Je pense souvent à ce que dit Igor
Drouz : en Russie, tout n’est pas merveilleux, mais quand on regarde ce
qui se passe en Europe, on est content d’être ici. Poutine a peut-être des défauts,
mais quand on regarde le personnel politique occidental, on est content de
l’avoir.
La jeune femme qui supervise le café français est une poutiniste
fervente. Elle me dit que, le comparant à Carlson, elle voit toute la
différence de mentalité entre les Russes et les occidentaux, parce que Poutine
est naturel, et Carlson pas du tout.
Le topo historique qu’a fait Poutine en début d’interview ne m’a pas appris
grand chose, mais il a certainement été utile à beaucoup de gens, il remet bien
les pendules à l’heure.
Devant mes photos du ciel bleu de février, tous les Français
s’extasient : pas de chemtrails ! Et en effet, pas de chemtrails. Je
vois plein de photos et de vidéos troublantes du phénomène. Des quadrillages
serrés, des tortillons exubérants, on ne va pas me faire croire que c’est lié
au trafic aérien qui, de toute façon; est maintenant réduit. Mais alors
qu’est-ce ? Une amie me dit que cela ne peut pas être organisé par la
caste qui nous veut tant de bien, à moins qu’elle ait décidé de s’arrêter de
respirer, et l’argument est valable. Mais il y a quelque chose de bizarre,
quand même... Or le même Carlson, qui a interviewé Poutine, a fait une vidéo là
dessus. C’est réel. C’est le milliardaire Bill Gates qui, dans sa tête malade,
a décidé de manipuler le climat et de créer un voile artificiel pour arrêter
les rayons du soleil et empêcher le « réchauffement climatique »... Il
ne s’agit pas d’empoisonner les populations, comme le pensent certains, juste
de nous créer artificiellement un hiver nucléaire. Nous sommes arrivés à un
moment où n’importe quel hurluberlu richissime peut s’amuser à perturber
gravement l’environnement sans que personne ne se décide à le placer dans une
cellule capitonnée.
Eh bien en Russie, nous n’avons pas de chemtrails, notre ciel, quand il est
bleu, il est bleu. J’y vois le signe encourageant que la Russie n’est pas
complètement asservie au NOM. Les deux livres apocalyptiques de Ioulia
Voznessenskaïa, écrits il y a trente ou quarante ans, avaient aussi prévu cela: tout le monde asservi à l’antéchrist,
sauf la Russie, dont on ne sait absolument plus rien et qui est constemment
accusée de tout.
Dans le même ordre d’idée, Kennedy junior nous explique comment Black Rock,
Monsanto and co entretiennent la guerre en Ukraine, et y sacrifient allègrement
toute la population. La population, ils s’en foutent, ce n’est pas la leur,
d’ailleurs, même la leur, ils s’en foutent, on peut aisément la remplacer, et
l’on s’en occupe déjà. Donc sacrifier à leur Moloch 500 000 ou un million
de slaves, abrutis ou non par la propagande, quelle importance ? Les
slaves, parmi les blancs chrétiens, sont de toute façon ceux qu’on exècre le
plus, chez ces gens-là.
Je suis certaine que l’extermination des Russes, et même des Ukrainiens, n’entre
pas dans les plans du dictateur Poutine, qui encourage la natalité, mobilise
avec parcimonie, épargne les civils, on l’accuse même ici d’être un peu trop
moulligasse avec l’ennemi.
Et dans le même temps, l’éradication des Palestiniens continue joyeusement,
ce ne sont jamais que des Arabes. Des sous-hommes. Quelque chose dans le genre
des indiens d’Amérique. Des Irlandais ou des Boers. Des Russes du Donbass. Des
Serbes du Kosovo. Des gêneurs. Mais cela commence à faire un peu désordre. Il y a des impostures qui font moins bien recette. La démocratie, les valeurs occidentales, tout ça, tout ça...
L’Ancien Testament sans le Nouveau, ça craint. J’écoutais l’Evangile du
jour. La femme païenne qui poursuit Jésus dans la rue pour obtenir la
guérison de sa fille. Il fait la sourde oreille et finit par lui dire : «Il
ne convient pas de donner aux chiens la nourriture des enfants ». La femme
répond : «Mais les petits chiens mangent les restes qui tombent de la
table des maîtres ». Et Jésus guérit sa fille, en vertu de sa grande foi.
Le prêtre qui commentait expliquait que la phrase du Christ pourrait paraître
très dure, mais qu’elle n’était pas dite à l’intention de la femme, dont il
aurait de toute façon guéri l’enfant, mais à celle de ses disciples, encore
imprégnés du préjugé que seule leur tribu élue était digne de prier Dieu et d’en
recevoir des bienfaits. Ce message, qui a 2000 ans, ne passe toujours pas très bien.
En face de
moi, un paysage d’hiver idyllique, tout est blanc, tout scintille sous la
lumière et un ciel bleu laiteux. Mon jardin n’est plus que congères sculptées
par le vent où serpentent les sentiers que je dégage à la pelle. Il fait à nouveau très froid, sans doute pour la dernière fois, cet hiver. C'est un bel hiver russe.
En face, se
poursuit le saccage de la maison de l’oncle Kolia. Le gars, qui est dans le
bâtiment, fait une verrue sur pilotis au ras de la jolie façade, s’il l’avait
reculée de deux mètres, pour laisser un perron couvert, et faire la nouvelle
maison sur l’arrière, l’impression serait toute différente, mais pas le moindre
goût, évidemment, à quoi pouvais-je m’attendre, quand un « architecte
moscovite célèbre » écrase tout le pays avec un OVNI en verre
lourdingue qui ne tient aucun compte de son environnement ? Heureusement,
je me rends compteque ce désastre ne
sera pas trop visible. De la terrasse et de ma fenêtre on ne voit déjà presque
rien, même en hiver, quand le thuya et le genévrier auront pris encore un peu
de hauteur et de volume, je pense que la pauvre isba disparaîtra presque
complètement. Elle ne me réjouira plus la vue, mais ne la gâchera pas non plus.
En revanche, j’entendrai sûrement la radio...
Les
bénévoles de «Tom Sawyer Feast », qui chaque année repeignent une
maison traditionnelle pour sauver de Pereslavl ce qui peut l’être encore
discutent de leur prochaine saison. «Quel intérêt de repeindre des
ruines ? » demande un jeune type, dont la page ne montre que des
motos, des bagnoles, et un intérieur dont la fantasmagorique laideur me
conduirait en deux jours à la folie furieuse. J’ai répondu : « L’intérêt,
c’est que vos maisons contemporaines étant généralement affreuses, sans style,
sans proportions, sans goût, il faut sauver des modèles de maisons normales
pour les générations futures, et même pour notre équilibre et notre
développement intérieur. Sans compter qu’on n’attire pas les touristes en
transformant une vieille ville pittoresque en favella chaotique. »
Les paysans
semblent durcir le mouvement autour du parlement de Bruxelles, et je crains
que l’on en commence à leur tirer dessus. Je ne sais pas s’ils ont complètement
intégré qu’ils ont affaire à une mafia sans aucun principe, sans aucune
empathie, sans aucun honneur, sans aucune parole, sans foi ni loi, ni patrie? Parce
que tant que tout le monde ou presque ne l’aura pas compris, tous ces
mouvements n’auront pas de résultat, sinon celui d’aggraver le flicage et la
répression.
Parallèlement,
dans le trou noir bleu et jaune, des justiciers ont tabassé l’admirable
métropolite Longin, homme de foi et d’amour, qui a élevé des centaines d’orphelins
avec une affection qu’ils lui rendent bien. En ces temps où Satan est déchaîné,
toute la détestation de ses valets se concentre évidemment sur ce genre de
personnes. Le métropolite, dont la santé est très ébranlée, a échappé de peu à
la mort. Et que disent les suppôts ahuris d’un des principaux responsables de cette
persécution, le patriarche de Constantinople ? « Le métropolite s’est
poché les deux yeux en tombant de lui-même ».
Bon, ils n’ont
quand même pas dit « très bien, très bien », comme dans le psaume,
mais je ne sais pas si c’est mieux, au fond. C’est juste faux-cul.
Et ils ont coupé le bouleau, pour qu'on voie mieux cette tristesse...
Sur VK, une jeune ethnographe a posté quelque chose sur le costume russe paysan et les différences entre la représentation qu'on en donnait et en donne encore au cinéma: marronnasse, grisâtre, misérable. tous ceux qui s'intéressent comme elle à la question, savent qu'il n'en était rien, que le costume et l'intérieur des paysans étaient pleins de couleurs et de poésie. Mais en France aussi, si l'on représente le Moyen Age et le monde paysan, on va habiller les gens de guenilles sinistres. C'est la raison pour laquelle, bien dressés, des tas de gens comme le jeune homme dont j'ai parlé plus haut, détestent tout ce qui peut rappeler un passé pourtant beaucoup plus attractif et intéressant que leur présent, authentiquement banal et affreux, lui. C'est un exploit du diable d'avoir pu faire préférer sa camelote hideuse à ce qui était harmonieux et vrai. Et le "merveilleux nouveau monde" est à son image.
Rita est
tout à fait tirée d’affaire, capricieuse, quémandeuse et hargneuse comme
auparavant. Sa cicatrice se présente bien. Nous sommes entrés dans la période des tempêtes de neige, mais il ne fait plus très froid, et c'est même beau, tout blanc, avec un ciel qui, la nuit, de clair qu'il est au dessus de la ville, devient ténébreux dans la direction du lac, et des flocons tournoyants..
Il y a des
moments où j’ai le vertige devant la direction qu’a pris mon destin. Certes, je
ne regrette pas d’être partie, le père Placide a eu du nez. Mais je me demande
d’abord comment j’en ai eu la force, et ensuite, comment je ne pète pas les
plombs, quand l’iceberg Russie s’éloigne toujours plus de l’iceberg Europe, emportant tous les miens, enfin, ceux qui sont encore en vie, mais je pense aussi
aux descendants, que je ne connais pas ou mal, et qui sont de notre sang... La situation se dégrade, les dirigeants occidentaux perdent complètement la tête et la mesure, en pleine hybris de la tragédie grecque. Tous ces vampires de la caste sont prêts à sacrifier allègrement des millions de gens, comme en Ukraine, et à les remplacer par des esclaves exotiques importés, et je crains que trop peu de Français ne le réalisent encore. Après avoir encouragé la veulerie et la démission pendant des décennies, voilà qu'on nous fait sans vergogne le coup de la mobilisation, mobilisation pour qui, si la France ne doit plus exister, si se dire Français est raciste et ringard? Est-il possible que des gens ne voient encore pas les grosses ficelles? Cette vidéo dit tout, avec talent, avec courage et lucidité.
J’ai vu un extrait d’une émission d’Arte, et je suis étonnée que la chaîne
servile du sinistre BHL diffuse une chose pareille. Un moine Bulgare analyse la
situation de son pays, inféodé aux maîtres de l’UE, comme il l’était naguère à
l’URSS, et qualifie les points communs de terrifiants. Puis il déclare que
s’il est devenu moine, c’est en partie par horreur de la société où nous sommes
appelés à vivre et que nous prépare le Nouvel Ordre Mondial. Je le comprends, et
son choix me paraît judicieux. J’ai rapproché ce témoignage du souvenir que j’ai
de Solan, cette enclave de paradis dans une France ravagée par sa mafia, avec
ses admirables et intelligentes moniales, la beauté des bâtiments, de la nature
environnante qui retrouve sa santé sur leur soixante hectares sauvés des
pesticides et de l’exploitation intensive. Et aussi du livre de Ioulia
Voznessenskaïa, si prophétique, "le voyage de Cassandre ou aventures avec des
macaronis", un roman de science fiction orthodoxe qui décrivait d'avance, dans les années
quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, l’épouvante où nous sombrons, et que j’aimerais
bien traduire. Les seuls lieux préservés y sont des monastères des catacombes,
où des moniales enfantines et sublimes résistent
à l’antéchrist.
Aujourd’hui,
la contestation radicale, c’est le monastère, et demain, ce sera encore plus
vrai.
J’ai fêté
mon anniversaire hier, j’avais invité quinze personnes sans savoir comment j’allais
les caser, et en préparant des tonnes de bouffe, il n’en est pas venu la moitié
pour toutes sortes d’excellentes raisons, comme dans la parabole évangélique.
Mais celles qui sont venues ont aussi apporté des tonnes de bouffe dont je ne
sais pas que faire. J’en ai congelé, mais il en reste.
Néanmoins,
nous avons passé une bonne soirée, il y avait Katia, et son amie Elena,
psychologue orthodoxe, Veniamine le Suisse vieux-croyant, Ania Osipova et sa
mère, Angelina Pavlovna, Génia Kolesov, qui organise les concerts du bar et ma voisine Macha Serjantova. Les discussions
étaient intéressantes et personne ne faisait de conférences en ne laissant pas
les autres en placer une.
La veille j’étais
tombée dans une embuscade. J’avais été invitée à faire
une conférence de dix minutes, à la bibliothèque, sur mes romans, dans le cadre d’une
journée Ivan le Terrible qui, en fait, m’est apparue plutôt comme le procès de Laurence Guillon. Je me doutais qu’il y aurait la jeune femme qui m’accuse de
salir la mémoire des Basmanov, mais pas que tout tournerait autour de cela. Il
y avait la directrice du musée, et des guides, plus des gens divers, et la
première à parler présentait un livre, qui n’était
pas de son cru, sur Ivan le Terrible, à l’usage des enfants, et expliquait qu’il
rétablissait la mémoire de ce tsar, victime d’une véritable campagne de
propagande occidentale, dont j’étais l’un des vecteurs. D’ailleurs, qu’est-ce qui
aurait pu me pousser à venir vivre dans un pays que cette patriote trouve trop peu attractif pour qu’on choisisse de plein gré de venir s'y geler, sans y être
poussé par des intentions malfaisantes ? Mes romans étaient un acte de
sabotage pour pervertir la jeunesse russe, c’était l’argumentaire de l’adoratrice
des Basmanov, qui siégeait, avec un sourire permanent, au premier rang, dans
les commentaires venimeux qu’elle m’avait adressés sur VK, il y a quelques temps.
J’aurais dû m’étonner de voir, dans cette assemblée, la rédactrice de ma
traduction de Yarilo, accompagnée de son fils, elle aussi tout sourire, car Ivan le Terrible n'est pas précisément son sujet. Il est vrai qu'elle avait alors envisagé un débat que j'avais refusé, eh bien comme ça, j'étais contrainte de m'y prêter.
Après l'accusation de ce procureur, j’ai vu la championne des Basmanov monter à la tribune pour y
faire une conférence qui m'a paru très longue sur les héros de son village. En somme, le tsar et toute l’Opritchnina
étaient victimes d’un complot occidental depuis la Renaissance: d'abord, outre les
traîtres répertoriés Kourbski et Staden, tous les étrangers présents à Moscou à l'époque qui avaient pu écrire sur ce thème lettres ou mémoires; puis tous les
historiens russes du XIX° siècle, occidentalistes et pleins de mépris pour la
Russie d’avant Pierre le Grand, (ce qui n’est d’ailleurs sûrement pas faux, dans
une certaine mesure); et tous les écrivains, peintres et cinéastes qui se sont
inspirés de tout cela, y compris Eisenstein. Eisenstein étant homo lui-même a
transposé ses fantasmes sur le Fiodor Basmanov de son film, le faisant danser « déguisé
en Anastasia, la femme défunte du tsar », ce qui me semble de la pure
spéculation, si le jeune homme qui est, dans le film beau, mais viril, danse
déguisé en femme, je n’ai jamais fait le rapprochement entre son costume et
Anastassia. Cela ressemble plus à une plaisanterie de joyeux guerriers, mais même les danses et la fête lui paraissent relever des clichés sur l'ancienne Russie, pour quelqu'un qui s'intéresse au folklore, c'était un peu dur à entendre... D’après
elle, on a démonisé une organisation honorable qui « luttait simplement contre les
traîtres », sans exécutions fantasmagoriques, tout se passait très
gentiment, très correctement, "rien de personnel". Oui, bien sûr, c’était aussi la fonction officielle de la Tchéka, et aujourd’hui,
du reste, tous les nostalgiques de Staline justifient son action, et minimisent
les répressions, ou en calomnient les victimes. Pourtant, en effet, les traîtres existent,
et il faut les empêcher de nuire, mais quand s’en occupe une organisation de
justiciers, il est rare qu’il ne se produise pas bientôt de fâcheux
débordements, c’est une des problématiques de mes romans.
Après cette intervention, une autre personne est venue parler de la mère d’Ivan
le Terrible, Elena Glinskaïa, de sa brève régence, c’était visiblement une
historienne qui connaissait son sujet, et elle a conclu en disant qu’au regard
de la discussion d’aujourd’hui, on pouvait, quel que soit l’opinion qu’on avait
du tsar, mettre à son crédit d’avoir débarrassé la Russie des tatars, établi un
impôt progressif qui épargnait les pauvres et faisait payer les riches, racheté
de sa poche les gens que les tatars enlevaient pour les vendre comme esclaves,
et non seulement je souscris mais j’y ai même fait allusion dans mes romans.
A la suite
de cela, une guide a déclaré que selon les principes démocratiques, on tenait à
donner la parole à l’auteur du livre contreversé. J’y suis allée, la bouche
désséchée par l’émotion, car je déteste les conflits et je me demandais bien ce
que j’allais répondre à des attaques de ce niveau sans perdre mon calme. Mais tandis que tout cela se déroulait je me disais que
c’était la première fois que j’étais confrontée à une telle situation, mais peut-être pas la
dernière, et qu’il fallait simplement parler avec sincérité, non pas à l’intention
de celles qui avaient ourdi ce qui devait être une exécution publique, mais de
ceux qui étaient venus écouter le débat.
J’ai dit qu’apparemment,
j’aurais dû me faire accompagner d'un avocat, mais qu’à défaut, j’allais produire la lettre
que m’avait écrite Elena Semionova, ma future éditrice, qui aime Ivan le
Terrible depuis son enfance, passée près d’Alexandrov, qui est patriote,
orthodoxe, monarchiste, et publie sur les derniers tsars ou les héros du
Donbass. La lettre a fait grosse impression, et puis, malgré mon émotion, j’ai
commencé à être portée par l’inspiration. J’ai dit plus ou moins : «Je ne
sais pas trop que répondre, car je ne reconnais pas mes livres dans la
caricature qu’on en a faite. J’ai évoqué les relations homosexuelles du tsar et
de Fiodor, ce qui était un fait avéré jusqu’à ce qu’on eût décidé d’en faire
des saints irréprochables. Alexis Tolstoï a traité cela de façon beaucoup plus
caricaturale que moi, il est vrai qu’il n’était pas français, il en avait donc
le droit ! Cela dit, je n’ai aucune scène pornographique, et je ne fais
pas l’apologie de l’homosexualité. Au contraire, ni Fiodor, ni le tsar ne sont
des personnages effeminés, l’un et l’autre sont convaincus qu’il n’est d’amour
complet qu’entre un homme et une femme, ce que le tsar a connu, et dont il est
nostalgique, et que Fiodor connaît par la suite. Ce qui les lie est plutôt de l’ordre
de l’amitié grecque. Que voulez-vous, ce genre de choses existe... et alors il ne faut
pas en parler ? Je ne suis pas historienne, je suis écrivain, j’ai fait un roman, ou plutôt ce roman s’est
fait tout seul, je n’ai eu que peu de pouvoir sur le processus, à part sur la
stylistique et la grammaire. Il est sorti comme cela. Et j'estime que j'ai fait plutôt une apologie du mariage orthodoxe que la propagande de l'homosexualité. Tout ce que je viens d'entendre dire, sans parler de mes romans, sur le film d’Eisenstein lui-même me paraît
très subjectif. Il est bien évident que lorsqu’on épouse une thèse avec
fanatisme, on va tout ressentir à travers le prisme de la conformité à sa vision
des choses, mais un avis n’est pas forcément malveillant parce qu’il n’est pas
le vôtre. Dans le film d’Eisenstein, quand j’étais jeune, j’ai vu un tsar
idéal, charismatique, transporté par sa mission, adulé des uns, haï des autres,
un époux épris de sa femme qui l’admire éperdument, un univers beau, sacré et
envoûtant, avec des sentiments fervents et intenses, bref, tout ce qui manquait
à ma vie dans les années soixante-dix, à Paris. Absolument pas une caricature. Je suis bien persuadée moi-même qu’Ivan le Terrible a pu être
calomnié, cela dit, je ne parlerais pas de propagande pour une époque où la
presse n’existait pas, où l’on mettait trois mois pour venir d’Europe jusqu’à
Moscou, les nouvelles n’allaient pas vite et peu de gens y avaient accès. Il
est clair que les Polonais étaient peu enclins à lui trouver des qualités. Mais
certains étrangers sont élogieux à son égard, et si sir Jerome Horsey est un
Anglais de la Renaissance déjà contemporain par la mentalité, qui ne comprend
rien à la Russie ni à l’orthodoxie, je ne mets pas en doute ses témoignages
très vivants, et pour ce qui est des éxécutions, celle du mage anglais du tsar
donne vraiment des cauchemars, j’ai regretté d’avoir lu cela. Et pourtant, je
pense qu’Ivan le Terrible était un grand homme d’état. Mais vraiment pas un
saint. Ceux qui le servaient non plus. Je ne doute cependant pas que les
Basmanov père et fils étaient des héros, qu’ils se battaient avec courage et
efficacité, est-ce que cela les empêchait d’être en proie à toutes sortes de
passions ? Nous avons en France Gilles de Rais, brave homme de guerre, compagnon
de Jeanne d’Arc, un héros véritable, il a pourtant sombré dans de terribles
abominations et fini sur le bûcher. Peut-être que j’ai noirci dans mon roman le
père Basmanov, mais je suis partie d’une supposition psychologique, celle que
Fiodor trouvait dans le tsar une image paternelle qu’il admirait, j’ai lu que
le père et le fils se détestaient, il devait y avoir des raisons. J’ai essayé
de comprendre comment un garçon peut en venir à couper la tête de son propre
père, ou bien est-ce que ce fait relève encore de la calomnie occidentale ? Et
au fait, pourquoi ne parle-t-on pas, dans la conférence que j’ai entendue, des
témoignages de l’Eglise ? Que fait-on là dedans du métropolite Philippe ?
J’ai fait le voyage aux Solovki pour me recueillir sur les lieux qu’avait
habités ce saint homme, pour qui j’ai une grande vénération. J’y ai trouvé une
biographie de lui, pas une hagiographie, mais une biographie historique. Je me
suis aperçue que le métropolite Philippe était un homme très doux qui avait
horreur des conflits. Comment et pourquoi, si tout était si parfait, en est-il
venu à s’opposer au tsar, à lui refuser sa bénédiction au risque de sa vie ? »
Je sentais que
j’étais portée, que quelque chose se passait en moi, et que l’assistance
réagissait favorablement. Là dessus, le fils de ma rédactrice me demande d’un
ton angélique quelles sont mes sources, comme l’abonné au Monde dans les récits
de Christian Combaz. J’avais déjà évoqué, dans mon discours, les livres que j’avais lus sur la
question, et pour ne pas me répéter, je lui ai répondu : «Oh je ne m’en souviens pas, je ne les ai
pas notées. Comme je l’ai dit, j’ai fait un roman, pas un ouvrage historique,
je faisais mon miel de ce que je lisais, un point c’est tout. »
Alors sa
mère, sans perdre son sourire amène, m'a demandé, selon la technique de l'inversion accusatoire, de m'excuser auprès de la spécialiste des Basmanov, qui m'avait attaquée avec beaucoup d'agressivité sur internet, pour la réponse que je lui avais faite. J’ai déclaré que j’avais dit ce que j’avais à dire, et que je rentrais chez moi, car tout cela commençait à me fatiguer, et je suis sortie de la salle. Une femme m’a rattrapée pour me demander où trouver
mon livre. «Prenez-le, je vous le donne », ai-je répondu en lui tendant l’exemplaire prévu pour la bibliothèque. Mais elle a tenu à le payer, et si j’en avais
apporté d'autres, j’en aurais même pas mal vendu! Je suis allée en chercher qui
restaient dans la voiture, pour la directrice, venue me dire qu’elle ne savait
pas que cela allait se passer de cette manière, qu’elle était désolée. «Vous
savez, ai-je répondu, ce n’est pas plus mal, car je viens de
comprendre que depuis des mois, des tas de choses se disaient dans mon dos,
maintenant, on me les a dites en face, et j’ai répondu de même. »
Les vendeuses de cierges de la cathédrale s'étaient cotisées pour m'offrir une nappe et des maniques, j'ai trouvé cela adorable. Et la femme du père Vassili est venue me prendre la main et, la serrant très fort, en me regardant avec intensité, m'a souhaité encore de longues années pleines de joie, utiles, productives, ce qui m'a beaucoup touchée.
Une proche me dit au téléphone: "Question gouvernement, nous sommes dans la saloperie grandiose, la révolution française, les bolcheviques, tout ça, c'était juste le brouillon. Si j'étais croyante, je dirais que nous sommes en plein satanisme, que c'est l'apocalypse... Tu comprends, avant, on avait encore affaire à des hommes, si pourris fussent-ils, et maintenant, on ne sait même plus ce que c'est ni comment les appeler."
Le même jour, je reçois un message d'une jeune femme d'origine russe qui veut faire sa répatriation, comme on dit ici. Il se termine de cette manière: "La situation est vraiment catastrophique ici dans tous les domaines. Je ne peux presque plus m’exprimer sur la réalité, même dans mon entourage pour éviter les problèmes. Les mots ont perdu tout leur sens et il y a une inversion en tout. C’est terrible. C’est l’enfer dans l’indifférence générale."
Et puis je trouve un message en anglais. De vieux américains qui veulent émigrer en Russie. Ma correspondante m'écrit en anglais, mais elle lit le français, et mon blog.
Ma parente me fait un tour d'horizon de notre entourage. Et à l'image d'un pays malade, en proie à des maléfices particulièrement retors, se superpose celle de destins tragiques, de névroses diverses. J’ai une
impression de naufrage, naufrage de mon pays, et naufrage de gens qui m'étaient proches, à l’exception des plus simples, des plus traditionnels et des plus anciens d’entre eux. On dirait un roman français contemporain,
justement, un roman désespéré, où les gens ne croient en rien, et sombrent,
incapables de faire face aux désillusions, à la vieillesse. Où trouveront-ils la force de s'opposer à ce qui se passe? "L'enfer dans l'indifférence générale". Je ne voudrais pas avoir la prétention de me croire sauvée, mais
je pense que malgré tout, lorsqu’on marche derrière Dieu et dans l’Eglise, on
est protégé de bien des choses, on est à l'abri, on n'est pas tout seul, on est orienté, et l'on reçoit une force, qui n'est pas la nôtre, mais à laquelle nous sommes entraînés à ouvrir le coeur.
L'aboutissement des destins dont je décris le départ dans mes mémoires jette une toute autre
lueur sur cette époque dont on se souvient avec tant de nostalgie, et moi
aussi, dans un sens, parce qu’elle était encore relativement normale, les gens
étaient gais et optimistes, ils chassaient de leur esprit tout ce qui pouvait
remettre en question la toute puissance du Progrès. La Science, la Médecine et
la Technique allaient tout résoudre. « On n’était plus au moyen
âge ».
Et voici que
dans notre crépuscule, cette parente me dessine au téléphone les contours du Moloch
vorace vers lequel on nous faisait tous courir. Et je n'ai d'autre solution à proposer, à l'échelle globale ou individuelle, que de commencer à prier.
Curieusement, l'article de Slobodan dans l'Antipresse est tout à fait dans ce thème. Il fait l'éloge d'un roman qui lui est consacré et je ne déflorerai pas le sujet, mais il touche justement à ce qu'évoquait ma parente, la complète inhumanité des clones à l'oeuvre.
Il y a, on l’a vu plus haut, une différence ontologique entre le Macron® et
toute la lignée des dirigeants — rois,
empereurs, régents, présidents —
qui l’ont précédé. Même le lamentable Hollande, jet de diarrhée dans
un collant en latex(1), était encore
un résidu de l’ancienne société. Il
avait des décennies de militantisme,
de grenouillage et de réseautage
derrière lui. En un mot: une biographie politique. Macron®, en revanche,
est un produit: il a une notice.
Le produit en question n’est pourtant pas inerte: il est toxique. Pour le
comprendre, il faut d’abord savoir,
comme le savait Hannah Arendt,
que le Mal commence déjà là où le
Bien bégaie. Son œil est «une vitre au travers de laquelle aucune âme ne
brille», son regard est d’une hiératique fixité. Il ne voit pas les gens.
Ce n’est pas un homme du plaisir
commun, note Boucher, et s’il jouit,
ce ne peut être «que dans une des
formes les plus alambiquées, les plus
perverties de la jouissance. Dans une
des formes les plus abouties du mal»
(p. 68). Il a donné un aperçu de ses
plaisirs en se complaisant dans la
transgression gratuite de tout ce qu’il
y avait à transgresser au royaume
de France. Comme le dit l’un de ses
cireurs de bottes les plus empressés, «il incarne tout ce dont les Français ont peur». L’envoûtement est
tel que ce journaliste de succion ne
remarque même pas la perversité de
son compliment.
Ce même Slobodan avait dit un jour que les dirigeants russes n'étaient pas des anges, mais qu'au moins, par rapport à leurs collègues occidentaux, ils n'étaient pas dingues. Je dirais en complément de la déclaration de ma parente, qu'ils restent dans la catégorie humaine, alors qu'à la tête de "l'Occident collectif", on ne sait plus comment appeler ce qui s'y trouve, y grenouille et médite notre perte et notre spoliation.
Un avion russe transportant de nombreux prisonniers ukrainiens a été abattu par les Ukrainiens eux-mêmes, enfin les forces ukro-atlantistes, et le délégué russe à l'ONU prend soin d'en parler en français devant ses collègues, pour éviter les traductions et les interprétations félonnes. Il sait qu'il n'y a plus aucune règle, aucune conscience en face de lui. Que le mépris est total, chez ces gens, et de la population ukrainienne, de ses soldats, de plus en plus souvent contraints et forcés, et de leur propre population, dont ils ne sont absolument pas solidaires, qu'ils considèrent comme du bétail et qu'ils sacrifieront sans problème pour puiser dans d'inépuisables réserves de serfs exotiques.
Igor
Strelkov a été condamné à quatre ans de prison pour des propos acerbes et
critiques à l’adresse du gouvernement russe, je trouve cela
complètement exorbitant, surtout quand on voit combien de russophobes actifs
continuent à agir ici dans l’intérêt et l’esprit de « l’Occident
collectif ». Je pense que ce n’est pas seulement injustifiable du point de
vue de la justice, c’est une erreur politique qui ulcère les patriotes, et avant les élections, c'est même difficilement explicable
. Avec ce
que méditent les mondialistes, l’hypothétique maladie très mortelle et très
contagieuse, accompagnée du vaccin juteux et des mesures liberticides
correspondantes, j’estime que si la Russie ne quitte pas l’OMS et continue à
obéir aux ordres des malfaiteurs et des dingues du mondialisme transhumaniste, les soldats
russes seront morts en Ukraine pour pas grand chose, et je ne parle même pas des soldats ukrainiens sacrifiés par centaines de milles sur l'autel de Moloch. Les affreux de la Caste nous
annoncent carrément la couleur, une maladie qui n’existe pas, mais qu’ils
prédisent, et ils la prédisent parce qu’ils la préparent. Nous avons des
gouvernements soumis à des mafieux psychopathes prêts à tous nous rendre
malades, ou même à nous tuer, pour assurer leur indigne et malfaisante
domination sur la terre entière.
Enfin,
j’apporterai le correctif que les enjeux de ce qui se passe sur le front dépassent
largement et l’Occident collectif, qui sert Satan aveczèle, et le gouvernement russe, qui subit peut-être
des chantages, économiques ou autres, en plus des trahisons évidentes, qui
mériteraient bien autant d’années de prison que celles dont on a gratifié un
patriote grande gueule. Les soldats russes connaissent, semble-t-il, des révélations
et des transformations profondes, et sont témoins de vrais miracles. Ils se
conduisent avec courage et dignité, ils font honneur à leur peuple. Les nouvelles qui viennent de leur côté sont souvent dures, bouleversantes, et pourtant encourageantes, humainement, spirituellement. Je prends en compte le paramètre divin, prenez cela comme vous voudrez.
Ce qui
m’inquiète aussi, dans le contexte, c’est l’attitude qu’avaient eue, au moment de l'opération Covid, le patriarche
et son éventuel successeur, le métropolite Tikhon de Pskov, qui est maintenant
métropolite de la Crimée et de la Novorussie. J’ai encore à l’esprit leurs
exhortations à appliquer les mesures covidiques de l’OMS, le masque stupide,
grotesque et asservissant, les QR codes et le vaccin meurtrier, dont on
découvre de plus en plus la nocivité, les effets secondaires fréquents et considérables, sans savoir même ce qu’il nous réserve à long terme. D’après tout ce
que je vois et entends, et je précise, de la part de spécialistes, de gens
compétents, nous allons avoir de sacrées surprises, ce qui
se passe maintenant, ce ne sont que les signes avant-coureurs, comme on dit ici, ce ne sont que les fleurettes, attendez les fruits. Comment en
serait-il autrement quand c’est la mafia qui contrôle les gouvernements ?
Igor Drouz a
participé à une émission de la télé nationale sur les partouzes de petites
filles organisées par Epstein pour le gratin mondial dans son île aux enfants. Commentaire
d’un de ses lecteurs pas content : « Oui, après cela, tout le monde va penser que
Poutine est impeccable, parfaitement bien, que nous avons de la chance de l’avoir. »
J’ai répondu : « Pas forcément. On ne pensera pas forcément qu’il est
si bien, mais on pourrait simplement se dire qu’il n’est pas si mal que cela ».
J’ai fait la
corvée annuelle d’aller au service d’immigration recevoir mon tampon sur le
permis de séjour. Cela s’est passé beaucoup mieux que je le craignais, je n'ai même pas fait la queue. Et maintenant tout le monde me connaît, la juriste qui m'aide à préparer mon enquête m'a dit qu'elle m'avait vue à la télé! Dans la foulée de cette expédition, j'ai dû faire opérer Rita en urgence. Je trouvais qu’elle toussait un peu et
pressentais qu’elle avait un souffle au coeur, elle n’en a pas, mais en
revanche, on lui a trouvé une tumeur à l’utérus. La vétérinaire m’a dit que
c’était une opération classique, et que je ne devais pas me faire de souci,
mais je m’en faisais. A six heures, je suis partie la chercher, et dès le seuil
de la clinique, j’ai su, en tous cas, qu’elle était vivante, car j’entendais
des cris déchirants et immédiatement identifiables, qui se sont tus aussitôt que
j’ai commencé à parler aux médecins. Elles m’ont dit qu’il était vraiment
temps de l’opérer, qu’elle avait du pus, des kystes et autres horreurs, et je
me sentais la dernière des salopes de ne pas l’avoir amenée plus tôt. Je suis
très reconnaissante à mon ange gardien de m’avoir donné l'idée de le faire hier,
cela faisait déjà quinze jours que j’y songeais, à vrai dire à cause de sa
toux, pour le reste, je ne soupçonnais rien. Elle était vive, gaie, elle avait
de l’appétit... C’est comme cela que j’ai négligé mon pauvre Doggie, et il en
est mort, ce qui me hante toujours et me hantera jusqu’à mon dernier souffle.
Grâce à Dieu, j’ai pu agir à temps avec Ritoucha. Au fond, je suis adorée des
animaux, parce que je les traite bien, je les couvre d’affection, et je leur
fous la paix, mais je ne sais pas les soigner, et je ferais mieux de ne pas en
avoir. Il y a des moments où je me dis que si Dieu m'a privée d'enfants, Il avait de bonnes raisons pour cela.
Elle était complètement tétanisée, hier soir et ce matin, et me regardait d'un air offensé. Je crois qu'en plus des conséquences de l'opération, elle souffre beaucoup d'être emmaillottée dans une espèce de combinaison. C'est ce qu'on met, ici, à la place de la collerette, et apparemment, cela ne lui plaît vraiment pas, mais la collerette lui plairait encore moins. Heureusement,
elle est beaucoup plus docile que mon premier spitz, Joulik, j’arrive très bien à lui donner ses
pilules, à nettoyer sa cicatrice. Je pense qu’elle va un peu mieux, car elle a
grogné sur Georgette qui venait lui faire concurrence auprès de moi sur le
divan. Si elle redevient hargneuse, c'est que la vie reprend le dessus...
La bonne nouvelle, c'est que son coeur n'est pas en mauvais état, elle m'accompagenra encore un bout de temps, mémère...
Hier, veille de la Théophanie, fête pour moi très importante, je me suis laissée inviter à un repas entre copines, c'est-à-dire que moi, je n'étais vraiment copine avec personne, sauf Katia, ce sont toutes des jeunes femmes de Moscou récemment implantées ici. Du coup, j'ai loupé les vigiles. Il y avait une tempête de neige. J'ai dû aller au restau, à l'autre bout de la ville, en taxi. Cela se passait en face du musée, dont on voyait le portail sculpté du XVII¨siècle, blême dans la tourmente, avec une enseigne lumineuse nouvellement installée. Pour arriver au restaurant qui fait partie d'un hôtel, il fallait tituber dans les congères scintillantes, et la pénombre. La salle fait très repaire de moscovites, papier peint anglais à fleurs, lumières tamisées, et sans doute à cause du temps, nous étions les seules clientes. Et c'est cher. Je veux dire que je préfère aller dans des endroits plus modestes où l'on mange aussi bien, et la veille de la Théophanie, j'aurais même préféré rester chez moi.
Le lendemain, j'ai dû déneiger avant de pouvoir reprendre la voiture, et je suis arrivée à la liturgie en retard, furieuse contre moi-même, mais je sentais malgré tout la douceur de la Théophanie, et je dois dire que souvent, il me tombe dessus à cette occasion, toutes sortes de tentations. C'est l'anniversaire de mon entrée dans l'orthodoxie. Cinquante-cinq ans.
Je suis arrivée à la confession, je raconte tout cela au père Andreï: "Oh mais n'en faites pas toute une histoire, cela nous arrive à tous, allez communier, bien sûr!"
En approchant du calice, je pensais au père Grégoire, au père Serge, au père Barsanuphe, à la mère Marcadé, à la jeune fille que j'étais alors, il y a cinquante-cinq ans. Je demandais l'intercession de ces pieuses et saintes personnes qui m'avaient mise sur la voie qui m'a menée ici aujourd'hui. Qui pouvait penser alors que je finirais en Russie?
Nous sommes tous passés ensuite à l'église voisine pour la bénédiction des eaux, par un temps clair, avec une belle neige propre, et les prêtres se faisaient, comme d'habitude, une joie de nous asperger. Mon âme baignait dans cette douceur, cette lumière, cette bienveillance.
Pour la première fois depuis des mois, j'ai entendu un oiseau chanter, ce matin, et le soleil a déjà un tout autre éclat, il chauffe un peu. Les oiseaux sont peu nombreux, j'ai peur que le gel n'en ait tué pas mal, malgré l'aide que je leur apporte. Je me suis rendu compte que les gens qui ont commencé à massacrer l'isba de l'oncle Kolia ont aussi achevé son magnifique bouleau, que le voisin avait déjà cassé en deux. A mon avis, ils doivent raffoler de la radio à tue-tête.
Quelque chose change, à Pereslavl. Le nouveau maire, appuyé par le gouverneur, a lancé un programme de rénovation de ce qui n'a pas encore été détruit, après avoir pris conseil des bénévoles du mouvement "Tom Sawyer Feast". J'ai moi-même reçu une série de questions à propos de la ville et de ce que j'en pensais. Je crois que cela va devenir plus pimpant et plus confortable, et, après la transformation de cette ville russe en favella de plastique avec châteaux américains et palais arméniens, on en fera un lieu de villégiature moscovite chic et cher, avec des éléments pittoresques sauvegardés et peut-être un retour à une architecture plus couleur locale.
Le maire a créé une patinoire sur la place, devant la mairie. Il fait réparer certaines rues parmi les plus défoncées. En revanche, je redoute qu'on ne construise à tour de bras les bords du lac...
J'ai repris depuis quelques temps la rédaction de mes souvenirs d'enfance, entreprise étonnante, parfois déroutante et même douloureuse. Et coup sur coup, je tombe sur deux vidéos qui m'ont rejetée plus de cinquante ans en arrière. J'avais envoyé à Dany la chanson de Trenet "Nationale 7", et youtube m'a proposé un reportage de 1968 sur cette route légendaire. Et que vois-je? Tout a été tourné entre les Blaches et Donzère, autour de Pierrelatte, où maman tenait l'Hôtel du Rocher. Le mistral souffle, les cigales chantent, et voilà le patron du Fer à Cheval, un relais routier, avec qui maman avait des relations professionnelles, il va faire ses courses, et l'espace d'un éclair, je revois l'épicier de l'époque, son grand nez et son béret... Tout cela si vivant, bien qu'en noir et blanc, il me semblait que je n'avais qu'à pousser une porte pour retrouver la cuisine de l'hôtel, son odeur de café, les croissants frais et maman qui fredonnait, la cigarette au bec, en garnissant un plateau pour les clients...
Mais cette porte est malheureusement fermée, et je vois tout cela en perspective, à l'autre bout de mon trajet de vie. Comme tout a changé... les gens d'abord, simples, contents de leur sort. Ils travaillent, ne partent pas en vacances, mais ils sont contents, ils sont à leur affaire, ils ne se plaignent pas. C'est que justement, c'était leur affaire, les patrons de routiers, le paysan dans son champ, avare de paroles, qui laboure encore avec un cheval et laisse l'entreprise à son fils, tous ces gens-là, comme maman, et comme mon beau-père, travaillaient pour eux et chez eux. On s'apprêtait à les priver de tout cela, et déjà, artisans et petits commerçants protestaient, je me souviens. La machine infernale était en route.
Le jounaliste n'avait que peu d'affection pour les Américains, on n'était pas encore complètement à leur botte, c'était l'année maudite qui nous a fait basculer dans l'idiotisme total, avec sa révolution de couleur en peau de lapin, son Cohn Bendit impudent, ses petits trotskystes pustuleux. Je me rappelle mes condisciples en transes qui se prenaient tous pour Sartre ou Juliette Gréco et moi, qui faisais déjà le mauvais esprit et n'adhérait pas du tout à ce cirque. La Nationale 7 était encombrée et dangereuse, bruyante et puante au delà de ce que je me représentais dans mes souvenirs. On avait peur de la traverser, c'est vrai. Les gens, encore normaux, sans prétention, naturels, avec un français correct, se ruaient vers le midi dans leur jouet à quatre roues, pourquoi n'étaient-ils pas au boulot ou en vacances dans toutes les régions du pays? "Vous ne les enviez pas?" demande-t-on au garagiste, aux patrons des routiers, au paysan qui ne partent jamais. Non, non, ça va, ils ont tous leur affaire, ils ont leur maison, parfois bruyante, au bord de la fameuse route, mais on s'habitue. Ils sont leurs propres maîtres, ce que ne sont déjà plus les employés des villes qui se déversent vers les bacchanales du sud, une fois par an, au risque de leur vie.
Ce paysan, si ça se trouve, mon beau-père le connaissait, il connaissait tous les paysans de la plaine. Sa fille est secrétaire à Paris, mais le second qui n'était pas doué pour l'école, allait reprendre la ferme. Comme disaient les profs de l'époque aux cancres: "L'agriculture manque de bras..." Mais de toute façon, le cancre en question, il ne voulait pas étudier. C'était peut-être pour cela qu'il étudiait mal. Parce qu'il n'entrait pas dans les cases. Mon beau-père avait eu son bac latin-grec; mais quand il s'était retrouvé en ville, il avait fait de la claustrophobie. A la ferme, il ne pouvait pas souvent partir, mais il était chez lui, il organisait son temps comme il voulait, il avait celui de se tenir au bord du champ et de regarder le ciel.
Deuxième vidéo, qui vient à ma rencontre: un an plus tard, en 1969, juste après la mort du père Grégoire Krug, dont il est question ici, j'arrivai à Paris pour étudier le russe aux Langues O, et mon professeur, madame Marcadé, en 70, m'emmenait à Vanves, pour me présenter le père Serge, père spirituel du père Grégoire, et les icônes de ce dernier. Les icônes du père Grégoire, ont été pour beaucoup dans ma conversion à l'Orthodoxie. Je dirais que trois événements culturels m'y ont poussée au départ: les romans de Dostoievski, le film de Tarkovski "Andreï Roublev" et les icônes du père Grégoire. J'étais allée au skite du Saint Esprit, et le père Barsanuphe m'avait fait une visite guidée, avec un cierge à la main. Il m'avait expliqué la structure symbolique des icônes, leurs couleurs, leur place symbolique dans l'architecture de l'église, les correspondances entre les unes et l'autre, et avec le rite, les chants... Je découvrais un univers médiéval vivant où tout était relié, les vivants et les morts, le passé et le présent, l'homme et le cosmos, où tout avait sa place complémentaire dans une cathédrale divine immémoriale. Je regardais ces icônes, et je les regarde à nouveau, en parallèle avec la vie du peintre, ce fol-en-Christ iconographe qu'était le père Grégoire. Je revois cette icône vivante qu'était le père Serge, et tous ceux qui tournaient autour de Vanves, madame Marcadé, Ouspenski, le père Barsanuphe, dont je n'avais pas entendu la voix depuis des années. Je découvre même des icônes que je ne connaissais pas. Je redécouvre celles que je connaissais. "Le père Serge enseignait sans parler", me disait son fils spirituel, le père Jean. A l'époque, je n'avais pas besoin de comprendre le slavon d'église, ni même les livres ascétiques auxquels je n'ai jamais trop accroché, parce que j'étais toute dans la contemplation inépuisable de ces icônes magnifiques, de ces visions, je voulais aller dans ce monde, celui que me dévoilait le père Grégoire, et qui manquait à ma jeunesse des années soixante-dix, abasourdies de politique sinistre, de débauche vulgaire et de consumérisme béat. Je trouvais une issue lumineuse et insondable à la modernité opaque, à ses mensonges, son manque d'intensité, de véritables sentiments, en un mot, ou plutôt en deux, ou plutôt en trois, d'amour, d'espérance et de foi.
Le père Grégoire peignait sans arrêt, et n'importe comment, sans se soucier de la qualité de l'enduit, ni des couleurs, ni du vernis, il peignait dans l'immédiat, et c'est ennuyeux, bien sûr, car ses icônes et ses fresques s'abîment déjà terriblement, mais à notre époque apocalyptique, on ne crée déja plus pour la postérité. Ici, je vois beaucoup d'icônes "bien peintes", avec un vernis, un enduit, une dorure, des couleurs impeccables, mais dans le meilleur des cas, ce sont des copies honorables, je vois rarement des icônes vivantes, et elles sont bien loin de l'extraordinaire intensité qui s'est révelée à moi dans ce skite, il y a plus de cinquante ans. Ces deux vidéos coup sur coup m'arrivant à la veille de la Théophanie, fête très importante pour moi et souvent accompagnée de révélations, m'apparaissent comme un puissant message: "Réveille-toi. Fais ce que tu as à faire. Cherche ce que tu dois trouver. Et décolle. Envole-toi enfin. N'as-tu pas perdu assez de temps? Ne t'avons nous pas convoquée alors? Ouvert le ciel au fond de cette humide église de banlieue, à la lueur d'un cierge?"
En ce qui concerne le naufrage qui s'annonçait alors et s'accomplit en ce moment, j'ai trouvé deux vidéos très complémentaires. Celle d'Emmenuel Todd:
et cette traduction d'une vidéo américaine:
Je dis complémentaires, car en elles se trouvent concentrée l'analyse presque complète de l'essentiel de nos problèmes. Emmanuel Todd est un homme extrêmement estimable par son sérieux et son objectivité, qui n'est peut-être pas totale, on est toujours enclin à interpréter selon sa sensibilité, mais son honnêteté intellectuelle en fait une référence. Cependant, il n'aborde pas la question sous l'angle de la deuxième vidéo qui présente le pouvoir exorbitant de la mafia sur le gouvernement américain et les métastases qu'elle étend partout, y compris en Russie, par le chantage et l'intimidation.
Dans les deux cas, cet historien, cette politologue perspicace oublient un paramètre que je prends en considération, et qui est d'essence mystérieuse.