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mardi 12 juillet 2022

Philippulus


Après conversation avec ma tante Mano, Félicie s'avère sa grand-tante, mon arrière grand-tante, mon arrière-grand-mère, c'était Suzanne, Félicie était sa soeur.
Dimanche, je suis allée voir le père Vassili, le prêtre ukrainien, comme m'y avait invitée sa matouchka. Ils habitent à dix minutes de chez moi, sur les hauteurs, là où je vais contempler le lac. Ils ont la vue sur les monastères de Pereslavl, mais les maisons autour sont affreuses, et question voisins, cela semble pire qu'ici. Ils en ont un très proche qui leur colle la radio en boucle sans se demander s'ils préfèrent le silence. Apparemment, ceux qui se posent ce genre de questions ne sont vraiment pas la majorité. Moi, j'ai le déverseur de camions de glaise, et le massacreur de bouleaux. Mais toute la compagnie d'heureux propriétaires de patous des Pyrénées est plutôt normale...



Je dis que les maisons sont affreuses, et en effet, elles le sont, mais il y en a une qui a été bien réparée, ou bien construite, bois apparent, toiture en zinc, j'ai voulu faire une photo, mais à cause du cotre-jour, on ne voit rien. J'ai vu ce type de restauration sur les bords de la rivière Troubej, ce doit être la mode chez les moscovites, ils récupèrent le bois brut et posent de belles toitures en zinc. Derrière l'isba d'origine, on a monté une maison qui en reprend la forme et la prolonge harmonieusement, ce qui permet d'avoir plus d'espace sans saccager tout.
L'artiste peintre Ioulia m'a raconté que, dessinant une vieille maison pittoresque, ce qui est sa spécialité, elle a été abordée par le propriétaire de la maison voisine, horriblement rénovée, qui, jaloux de ne pas être l'objet de son attention, lui a crié: "Hé! L'artiste! Moi, si j'enlève le plastique, j'ai aussi des rondins de bois!"
Le père Vassili fait des icônes, il a de très gentils enfants qui aident à l'église et au jardin, pour ce qui est des garçons, et à la maison, pour ce qui est des filles. La matouchka a emmené toute la tribu pour m'accompagner jusqu'à ma rue. En passant par les prés, les enfants m'ont cueilli des fraises des bois.
Une amie très chère, femme tendre et délicieuse, a été frappée par une tragédie qui me poursuit, et qui prend à mes yeux, sur le fond de ce qui se passe dans le monde, un sens particulièrement sinistre, on dirait que l'Europe se mue en maison de fous. A Pereslavl, nous sommes pour l'instant protégés, peut-être parce que nous avons ici de nombreux saints qui intercèdent pour nous. La seule chose que je pourrais crier à tous les échos, c'est "priez"! Mais l'on me prendrait en France pour Philippulus le prophète, et ce n'est pas mon genre... d'autant plus qu'il est vain de hurler à l'oreille d'un sourd.
Lorsque je nageais dans le lac, un nuage a brusquement et brièvement lâché sur moi de la pluie, comme un prêtre une giclée d'eau bénite. Je me suis apperçue, en consultant la calendrier des offices à la cathédrale, que la date choisie pour la première présentation de Yarilo, au café, était celle du transfert des reliques de saint Philippe de Moscou. Je reçois en ce moment toutes sortes de signes. Je prie chaque jour saint Philippe pour la sainte Russie, pour moi qui suis venue y vivre, pour mon livre et ceux que j'y ai fait figurer.

ici, tout le bois a été décapé, et une construction ajoutée derrière; la palissade reste traditionnelle

ici, on a conservé l'isba, très jolie et d'un beau ton gris, et ajouté derrière une maison qui en reprend le style
 
restauration en cours, le bâtiment ajouté reprend la forme du batiment existant




Philippulus le prophète

dimanche 10 juillet 2022

Bain de bonheur

 

lune rousse

Le frère de Nounours, celui qui est chez Ania, est vraiment bien tombé, Ania et son mari voient leur ado s'émanciper, et le chien va leur servir de substitut, ils l'adorent. Aliocha l'a nommé Tsézar, César. César, ça ferait très chien rural français, mon beau-père a eu un cocker ombrageux qui portait ce nom, dans les années 60. La prononciation russe donne un autre caractère, bien sûr. Le voisin Sacha appelle Nounours Noursik...

Avec Tsézar, nous sommes allées chez Nadia la chevrière chercher des pieds de mélisse et du fromage maison. Elle nous a submergées de ses productions avec une bonté bougonne. Je regardais sa modeste maison, reconstruite après l'incendie, son potager abondant, je sais qu'elle n'a pas eu la vie facile, et pourtant, elle respire la sérénité, écrit des poèmes, tient un journal et bénit chaque jour le Créateur de lui offrir de splendides couchers de soleil qu'elle regarde avec ses chèvres. Est-elle heureuse ou malheureuse? Elle vit...

Il me faut absolument aller tous les jours à la rivière, car c'est un bain de bonheur. C'est beau, paisible, j'étais captivée par les tout petits nuages parfaits que le lac exhalait par bouffées, leurs liserés gris et roses, leur volume tendre, ces petites pensées enfantines, nées d'une surface bleue et lisse où glissent des pêcheurs amicaux . Et puis ces fleurs aquatiques d'un jaune gras et joyeux où s'ébattent les canards, l'église en pain d'épices, les feuillages liquides et brillants des saules, les flâneurs sur la promenade en béton qu'ornent des croix de place en place... mon âme s'épanouit et devient bienveillante à la terre entière, elle s'emplit de reconnaissance envers Dieu qui lui offre toutes ces joies en sa fin de parcours. Je suis partie en vélo au son cristallin des cloches de l'église de la Protection et revenue avec une escale au supermarché Magnit. Sur les chemins cabossés, je respirais de douces effluves fleuries, tilleul, seringat, j'ai l'impression, avec la nonchalance et le désordre russe en plus, de retrouver la France des années 50 ou 60. J'ai vu avec satisfaction que des esthètes avaient magnifiquement restauré une vieille maison, si cela pouvait servir d'exemple aux autres...

Au bord de la rivière, j'ai rencontré une baigneuse matinale qui m'a tenu la jambe un bon moment. Une Russe du Kazakhstan, une ancienne hôtesse de l'air. Elle est depuis 15 ans à Pereslavl. Elle m'a dit qu'elle allait chaque année passer un moment à Kertch, par une agence du coin, que c'était facile, pas cher et merveilleux, la mer d'Azov d'un côté, la mer Noire de l'autre. Elle avalait les mots et je la comprenais mal. Ou alors je deviens sourde, mais je ne crois pas. Apparemment, elle aime Pereslavl, mais elle a la nostalgie du sud et des montagnes. Elle trouve les gens du cru peu ouverts, bien qu'elle ait quitté le Kazakhstan à cause de l'hostilité musulmane, suscitée et entretenue par ceux qui ont tout intérêt à semer la zizanie, là bas comme partout ailleurs. 

Au café, tout change avec l'arrivée de Godfroi, Maxime a pris la vente en mains, je crois que les gens sont contents de voir un vrai Français dans cet établissement français et cela ne désemplit pas. Un concert de free jazz a permis d'inaugurer le bar, au sous-sol. Une amie française de Gilles revenue vivre en Russie après y avoir vécu et travaillé longtemps; m'a dit qu'elle avait l'impression d'une résurrection, qu'elle se sentait complètement euphorique...

le nouveau staff du café

Je me demande combien de temps durera notre petit miracle de Pereslavl-Zalesski où, en dépit de tout, nous avons une existence paisible, où je laisse mon vélo appuyé contre un arbre sans antivol. Un pays encore normal, c'est un pays où les chevrières subsistent sur leur petit troupeau et leur potager. Où des pêcheurs nonchalants vous lancent une plaisanterie en prenant le large du lac. Où le fils de la voisine peut aller s'essayer à la pâtisserie, dans une ambiance exigeante mais détendue de petite structure. Où règnent malgré tout la confiance, la bonhommie et la solidarité. Même si tout n'est pas parfait ici, loin de là. Quand je lis le blog de Panagiotis, et que je vois en Europe brûler les récoltes et périr les troupeaux selon ce qui semble bien un plan organisé, je comprends à qui et pourquoi la Russie fait la guerre et sacrifie de jeunes soldats pour lesquels je prie tous les jours, les morts et les vivants, de tous bords. Poutine a déclaré qu'on ne pensait pas assez à eux, qu'on profitait de l'été en toute quiétude, pendant qu'ils risquaient leur vie là bas. Certes, et ce n'est pas que je n'y pense pas, j'y pense beaucoup, cela fait huit ans que j'y pense, mais on ne sait pas de quoi demain sera fait et l'appréhension, et l'horreur, nous prennent trop à la gorge, si l'on ne trouve pas de dérivatifs, soit dans la prière, soit dans la joie du bel instant, soit éventuellement dans les deux.

http://www.greekcrisis.fr/2022/07/Fr0975.html


vendredi 8 juillet 2022

Félicie

 






Il est rare que l'on connaisse les noms de ses arrières-grands-parents. Du côté de mon père, je ne les connais pas, parce qu'après sa mort, j'ai eu peu de contact avec sa famille. Du côté de maman, je remonte plus loin. Je connais même mon arrière-arrière-grand mère Caroline, la "belle Caroline" exilée en Belgique avec son mari après la Commune. Quelqu'un m'a donné les prénoms des autres ancêtres, je les récite pendant mes prières: Emile, Félicie, Louis, Suzanne. En nettoyant mes dossiers de photos, je suis tombée sur celles qu'un cousin m'avait envoyées de la famille de ma grand-mère, sur laquelle il a fait des recherches approffondies, et je me suis plongée dans ce monde disparu, qui n'était pas si loin de moi, quand j'étais enfant. Et voilà que je suis tombée sur une photo de Félicie, si vivante, si intense, elle était là, devant moi, avec toute son âme, cette Félicie dont je suis issue et que je n'ai pas connue. "Félicie Chanteperdrix, mère de Charles". Ce doit être la fille de Caroline, mon arrière-grand-mère. Elle devait être très bonne. Cette photo me fascine, ce regard qui me trouve au delà du temps et qui a quelque chose de fervent, de sensible, d'émerveillé, comme si il était fixé sur quelqu'un de très aimé. Toute une vie dont je ne sais pas grand chose, et qui n'a rien su de moi, puisqu'elle est morte longtemps avant ma naissance. Tout ce qui reste d'elle est au cimetière d'Annonay, et auprès de Dieu. Pour les petits enfants de mes cousines, Félicie est aussi lointaine que pour moi l'ancêtre Scholl, cet Allemand venu épouser une annonéenne après les guerres napoléoniennes. Je me demande si ce n'est pas de lui que nous tenons le côté slave et barjo. Il y avait des tribus slaves en Allemagne, dans les temps anciens. Il paraît que ses filles étaient très belles. Comme ma mère et mes tantes. Je crois que je vais reprendre tout ce dossier de photos et en faire le commentaire pour amorcer mon livre sur mon enfance et ma famille.
Ce matin, Nounours est revenu faire le tour du propriétaire, avec son petit frère, mais ensuite, il est resté seul. Il me suivait par tout le jardin, on dirait qu'il sent que je suis sa future patronne, et que c'est son futur domaine. Il me faisait des tas d'amabilités. Il en fait aussi à Rita, avec moins de succès. Il a l'air de nous démontrer par tout son comportement qu'il est un très bon chien, que nous ne regretterons pas de lui faire de la place, que nous lui plaisons, qu'il est notre Nounours. J'espère que je vivrai plus longtemps que lui.
Mon nouveau voisin de derrière m'a dit que son exemplaire était parfait, calme, gentil, qu'il savait où il habitait et restait sur place, et ne voulait pas entrer dans la maison, car il est habitué à être dehors, où il est né. Il va lui faire une niche, mais il ne l'attache pas. C'est une gentille famille. Nous allons faire des travaux de drainage ensemble, pour compenser le déséquilibre causé par l'indiscrète maison voisine.....
Hier, je suis passée au café et une bonne femme m'a demandé si j'étais Laurence, puis s'est assise en face de moi et m'a même invitée chez elle, ce qui est très gentil, mais si tous ceux qui ont lu mon livre, ou vu une émission sur les étrangers de Pereslavl, s'asseoient à ma table ou m'invitent chez eux, il me faudra trouver un ermitage dans la taïga! Cela me fait un drôle d'effet. Gilles est content, cela fait de la pub à son café, et Maxime veut même m'installer une table pour que je reçoive les gens et vende mon livre une fois par semaine!



jeudi 7 juillet 2022

Natach et Nounours

 

Natach, tu dors? 
Lève-toi, Natach!
Les USA ont encore lancé des sanctions, tu vas tout manquer!
Nous avons déjà décidé de lancer des sanctions contre toi.
Des pissanctions et des cacasanctions.
Va nettoyer, Natach!



Cette nuit, je me suis réveillée, guettée par trois chats qui me regardaient avec un fervent amour, Chocha et Blackos, la pisseuse et le cagueur, plus Moustachon, le Chipendale. Comme il fait plein jour à trois heures du matin, je les voyais nettement, ils semblaient se demander ce que j'attendais pour me lever. Et cela m'a rappelé ces photos humoristiques qui circulent sur les réseaux russes, où une meute de chats s'entretiennent avec leur patronne Natacha, qu'ils adorent et tyrannisent. Insolents, insupportables chats. Je déménage la bibliothèque IKEA et découvre que mes livres de la rangée inférieure sont pleins de pisse, j'ai dû nettoyer les couvertures une à une, et si IKEA rouvre, ce qui paraît-il va être le cas, je commanderai des portes, pour protéger la culture.

L'autre jour, je glisse les pieds dans mes sabots, l'un d'eux était garni de pisse. Je ne sais plus quoi faire, je crois qu'à ma place, beaucoup les tueraient.

J'en ai tellement marre des chats qu'après avoir résisté à la première portée de patou des Pyrénées, je me suis laissé refiler Nounours, qui devrait décourager les envahisseurs ultérieurs. Pour l'instant, il est extrêmement débonnaire. J'aurais préféré un chien adulte ou vieux, et moins gros, mais ma voisine Ania a pris le frère de Nounours, et nous allons former avec Olga un club de chiens des Pyrénées, c'est-à-dire nous relayer pour les garder quand l'une de nous en aura besoin. Les voisins de derrière ont aussi pris le leur, qui s'appelle Alba, et qui est tout blanc, et si calme, que je ne l'entends pas.

Cet hiver, Ania m'avait vivement dissuadée de me laisser convaincre par Olga, et cette fois, c'est elle qui a craqué la première. Elle me l'a avoué, alors que nous allions les nourrir ensemble, et j'ai éclaté de rire. "Je prends un gardien, m'a-t-elle dit, et un ami auprès de qui pleurer". Nounours n'est pas encore chez moi, mais il s'enhardit, il me reconnaît, et il est venu faire le tour du jardin avec le petit frère restant. 

Nadia, elle, me propose une chèvre.... 



mercredi 6 juillet 2022

Rideau

 

déjà fanés....

Une amie qui veut venir vivre ici n'est pas sûre de pouvoir partir en septembre. Elle craint un nouveau confinement. Je ne sais pas comment font les gens pour marcher encore dans cette sombre combine, mais apparemment, il y en a. J'ai vu interviewer un gars qui ne se sépare plus de son masque, le monde est plein de microbes à l'affût. Mon amie me dit que lorsqu'on s'est enfoncé très loin dans un délire, il est très dur de faire marche arrière. D'admettre que l'injection a des effets secondaires désastreux quand on a fait ses quatre doses, contraint et forcé ou consentant convaincu, admettre qu'on a joué à la roulette russe, et que les conséquences puissent être tragiques, autant continuer à se raconter des histoires. De même avec l'Ukraine, réaliser qu'on nous a tellement menti et que les méchants ne sont pas ceux que l'on croit, c'est très difficile quand on monte au créneau et brandit le drapeau recommandé en haut lieu, subjugué par les calomnies,  après avoir soigneusement ignoré pendant des années les forfaits qui se commettaient dans le trou noir mafieux. Et puis quand tout le monde perd la tête, garder la sienne est insultant pour les autres.

Les empiètements sur les droits et les libertés sont si éhontés qu'on peut dire qu'il n'y a plus ni les uns ni les autres, mais des discours de fous furieux et des faux-semblants d'hallucinés. Et que dire de la "semaine des fiertés" imposée à tous les enfants? Je ne sais pas comment un gosse peut encore éprouver un sentiment pur et tendre, avec tout ce qu'on lui impose de vulgaire, de moche et de tordu. Je me souviens de la petite fille romanesque que j'étais, je ne sais pas comment je réagirais devant tout cela, aujourd'hui. Et pourtant, ce n'était pas vraiment l'homosexualité qui me posait problème, je lisais tous les classiques grecs et latins, j'étais rencardée sur la question. Non, c'est le truc moche qu'on fait de tout, cette tonitruante pornographie qui se rue sur les sociétés occidentales, c'est avec cela qu'on pense séduire et se concilier les millions de musulmans qu'on fait entrer sur le territoire de l'UE, ou bien le drapeau arc-en-ciel est-il une muletta destinée à faire voir rouge les taureaux bourrés de testostérone qu'on lâche dans l'enclos des ramollis et des égarés bêlants? 

Il paraît que les écoles hors contrat ont le vent en poupe, évidemment, et c'est une façon de contourner le problème, tant qu'on les laisse exister.

J'ai lu un article du Saker qui fait dériver le progrès technologique débridé de la religion et de la recherche de la transcendance. voilà qui est très pervers. Car la transcendance de la religion, c'est celle des moines du mont Athos ou de Valaam, il ne faut pas confondre la transcendance et le transhumanisme, et c'est ce que fait cet article, car c'est précisément le refus de la transcendance spirituelle pour le transhumanisme du surhomme ou de l'homme augmenté, apparu avec l'humanisme de la Renaissance, qui a conduit à ce que nous avons aujourd'hui. Cette confusion permanente est la pire chose de notre époque, les gens ne savent plus où ils en sont.

Mon amie me disait que certes, la manifestation des cosaques avait fait démonstration d'un certain mauvais goût, mais quand on voit ce qui se passe en France... Cette manifestation nous a fait penser aux majorettes des années 60, avec la fanfare municipale, en beaucoup plus local, cependant. Ici, on avait les représentants de l'administration, le clergé, la prière, l'hymne national, le drapeau, et même les costumes plus ou moins traditionnels, comme chez nous dans les années 50...

Nous avons dérivé dans l'évocation de ces fêtes foraines de village, les manèges, les chichis, les pommes d'amour, le bal musette, la retraite aux flambeaux... Maintenant, c'est la gay pride, la plume dans le cul, le sexe et le bide velu à l'air devant les gosses interloqués et leurs parents complices. 

Je lui ai dit que je ne me sentais pas du tout enfermée dans ce pays immense, mais que cela me faisait un drôle d'effet d'être coupée du mien, et des miens. Cela me parait irréel, et pourtant, c'est parti pour durer. Car l'occident ne conçoit pas qu'on fasse fi de ses "valeurs", et ses valeurs se propagent par contamination, comme la lèpre. Il faut s'en tenir à l'écart, ce qui explique aussi sans doute en partie certaines réactions radicales... Et de son côté, les caciques ténébreux ne tiennent pas à ce qu'on puisse comparer ce qu'ils racontent à la vérité, à l'autre réalité, ou tout simplement, à la réalité.

J'ai du mal à réaliser que cette Française fait attention à ce qu'elle dit, et à qui elle le dit, et envisage qu'on puisse l'empêcher d'aller vivre où elle le souhaite, voilà une chose dont je n'ai jamais eu l'habitude. J'ai du mal à réaliser qu'une poignée d'anormaux minables et vicieux décide du destin de millions de gens hypnotisés, et puisse spolier le citoyen de base, après avoir spolié sans hésiter les Russes expatriés de ce qu'ils possédaient hors de leur pays. Pourtant, je voyais dès les années 70. quand je lisais les BD de Lauzier et que j'observais leur comportement à la fac, que ces médiocres enragés étaient capables de tout, si par malheur ils arrivaient au pouvoir. Eh bien nous y sommes. Cette amie envisage même que ses pareils soient obligés de partir avec juste une valise en carton, façon émigrés russes de la dernière heure, qui l'eût cru? Je ne m'attendais à rien de bon de la part de cette caste qui contrôle tout, chez nous, mais je ne pensais pas que cela serait si rapide et si radical. Je lis un blog que je recommande "greek crisis", où l'on voit se dérouler, en parallèle au nôtre, le désastre grec. http://www.greekcrisis.fr/2022/07/Fr0974.html .Dans un pays comme le nôtre très ancien, d'une haute civilisation, sévissent les mêmes mafieux et les mêmes gnomes, et l'on voit avec une horreur incrédule disparaître au soleil, au bord de la mer bleue,  ce qui nous était le plus cher et qu'on croyait éternel.

Kolia m'a dit que le prix du matériel avait baissé. 4000 roubles de moins sur la commande. Moi-même, en faisant mes courses, j'ai constaté que les prix semblaient revenir à la normale. Je ne pensais pas que cela fût possible. Ania et son mari sont venus m'aider, ils sont accablés par la chaleur, nous avons discuté un peu. Je leur ai dit que la vie était si calme en Russie, que partout où j'étais allée, j'avais été frappée par cette paix et cette nonchalance. "Oui, me dit Kolia, les gens sont équilibrés, tranquilles.

- Et bienveillants. Cette paix, c'est tout de même ici une grande richesse, c'est peut-être le seul lieu où elle existe encore."

J'ai repris l'habitude d'aller me baigner à l'embouchure de la rivière, cela me fait du bien physiquement et moralement, quel luxe de nager sous cette église de pain d'épices aux coupoles vertes et aux croix dorées, d'aller vers le large, accompagnée des mouettes et des canards, de croiser des barques de pêcheurs, des gosses qui plongent, sous un ciel serein où passent des nuages embryonnaires...

A Donetsk, les jolis canons longue portée du démon à figure humaine qui nous sert de président ont déchiqueté une ravissante petite fille de 10 ans sortie faire du vélo. Une de plus sur la longue liste des enfants massacrés au Donbass.

On mettra sans doute cela sur le dos des Russes, qui l'ont large...



dimanche 3 juillet 2022

Echos

 Vendredi, j'ai été invitée à chanter et parler devant une paroisse orthodoxe de Moscou en pèlerinage, paroisse qui se distingue des autres par son usage du russe en place du slavon d'église.

J'ai chanté et parlé beaucoup, et vendu 20 livres à mon public enthousiaste. J'ai expliqué que chanter du folklore et publier mon blog relevait du témoignage, et en effet. Je ne peux d'ailleurs plus séparer ces séances de chant de la promotion de mes livres.

Cela se passait dans un centre touristique au milieu des bois. On a construit là un énorme bâtiment, bien moche, je ne dis pas "comme d'habitude", pour ne pas faire de généralité absolue... 

L'organisateur, me raccompagnant, m'a tenu les théories de Nazarov sur les processus politiques en cours ici, soit la légitimation de l'appareil communiste, toujours plus ou moins en place, et de ses ancêtres. L'appareil communiste, c'est l'appareil d'état, les cadres de l'état ont été formés par lui, qu'ils le vénèrent ou qu'ils le rejettent, ou qu'ils l'utilisent à leurs fins.

Poutine, formé par le KGB, a tenu un discours très juste et très critique sur ce qui a conduit, en dehors des manigances occidentales, à la situation d'aujourd'hui. https://vk.com/video683807079_456240864. Il dit en substance, que c'est l'URSS qui a créé l'Ukraine telle qu'elle est, et que ceux qui déboulonnent là bas des statues de Lénine devraient lui en ériger de nouvelles, car c'est lui qui a collé le Donbass dans la composition de son golem. 

En dehors de ce fait, il faut également souligner, et il y a longtemps que cela me met en colère, que l'occident a tout fait pour exaspérer les Russes, semer la zizanie dans les ex républiques, et mettre sur le dos des Russes des crimes politiques dont ils étaient bien souvent les premières victimes. Faire renaître le nazisme banderiste pour exciter l'Ukraine contre les "moscovites" était le meilleur moyen de justifier ici les négationnistes staliniens. Les apparatchiks locaux, corrompus et tout contents d'avoir un pouvoir qu'ils n'avaient pas auparavant, s'y sont prêtés bien volontiers. 

Enfin quelle que soit mon opinion sur Lénine, Trotski ou Staline et leur époque, je dois dire qu'actuellement, les plus affreux ne sont pas en Russie, et même pas parmi les nostalgiques de l'URSS, ils sont nettement en face, et je le pense depuis au moins 2014.

Hier, les cosaques faisaient une manifestation sur la place principale, devant l'administration, et la statue de Lénine tutélaire qu'on a ressortie il y a quelques années, et qui est extrêmement laide, badigeonnée d'ue peinture métallisée, mais ornée d'un bouquet d'oeillets rouges. Après l'hymne russe et divers discours, on a fait une petite prière et invité monseigneur Théoctyste à dire un mot. Il a pris le micro et s'est avancé à grands pas vers le public: "Pardonnez-moi, mais je ne peux pas parler comme cela loin des gens et au côté de l'individu dont vous voyez ici l'effigie, et qui nous a fait tant de mal: aux Russes en général et aux cosaques en particulier, à notre culture, qu'il serait si important de sauvegarder et de ressusciter, et c'est cela que je vous encourage à faire, savez-vous ce que c'est qu'un cow-boy? "

Exclamations diverses:" Oui, oui, un vacher...

- Eh bien je ne suis pas sûr que les Américains, si vous savez tous ce que c'est qu'un cow-boy, connaissent les cosaques. Parce que s'ils nous inoculent leur culture, nous perdons la nôtre, aussi, je vous incite à la restaurer et à la répandre, de façon à ce que le monde entier sache ce que c'est qu'un cosaque aussi bien qu'un cow-boy".

Je ne suis pas sûre que son discours plaise à tout le monde, mais il m'a ravie, et je le lui ai dit. Il m'a mise en relation avec un responsable cosaque local, mais j'ai peu d'illusions. L'administration avait fait appel à Skountsev, mais pour animer des jeux guerriers, ce qu'on fait très bien sans lui, à la limite, c'est même tout ce qu'ils savent faire. Pas pour chanter. Pour chanter, ils ont invité une bonne femme qui nous a servi du pseudo-folklore cosaque à la guimauve avec du boumboum derrière et des trémolos expressifs. Mon groupe de cosaques a fait sa prestation, plus traditionnelle, mais cela mériterait d'être travaillé et varié. Il faudrait, comme le prédécesseur de monseigneur Théoctyste, organiser un festival avec de vrais fokloristes, et du véritable artisanat. Seulement je sais que l'éparchie a de gros problèmes d'argent, et n'arrive pas à restaurer tous ses magnifiques monuments historiques...

L'administration a un goût atroce et se fout de la culture russe dont elle a une idée aussi approximative que négative. Et les cosaques eux-mêmes... enfin, ils ont au moins de la bonne volonté.

J'ai vu arriver chez moi Maxime, l'associé de Gilles, avec un beau jeune homme français à l'air sérieux et profond nommé Godefroy. Je trouve qu'il ressemble un peu à l'higoumène Pantaléimon du monastère de la Trinité saint Daniel, et du reste, il est croyant, mais pâtissier. J'ai eu le choc d'apprendre que Didier partait, et que Godefroy le remplacerait. "Je suis très difficile, lui ai-je dit en riant.

- Moi aussi!"

Tout ce que je sais de sa production, c'est qu'il fait des religieuses en forme de matriochkas. Il parle couremment le russe et adore la Russie, sa femme est russe. 

Gilles a vendu des livres, je dois commander un nouveau tirage. Natacha m'a fait une photo au café, pour en faire la réclame sur sa page. J'ai de bons échos, des gens m'écrivent, me téléphonent, me proposent de venir le présenter dans leur paroisse.



mardi 28 juin 2022

Enfin l'été

 




D'après la voisine Olga, le type d'en face, en massacrant son bouleau, avait dans l'idée de le rendre plus beau et plus épais en coupant le sommet. A mon avis, il était très beau comme il était, mais entre couper le sommet et casser le tronc à mi hauteur, il y a une marge... Ania est aussi consternée que moi. Je pense que chez certains individus, saccager leur environnement est une façon de démontrer leur pouvoir sur lui, un peu comme ces dingues qui vitriolent leur épouse pour qu'elle n'aille pas plaire aux autres.

Pour oublier tout cela, j'ai fait ma première baignade dans la rivière Vioska. elle était encore fraîche, mais je préfère, c'est plus vivifiant. Je me suis éloignée à la nage, dans son eau mauve et dorée, laquée de bleu, sous des caravanes de nuages blancs traversés de mouettes. J'écoutais le vent chanter dans les roseaux, où glissaient des canards. La présence de Rita m'a obligée à écourter, elle avait chaud, mais elle ne veut pas se baigner, et me regardait de la rive avec des yeux de martyre. Pour la consoler, je l'ai emmenée voir Gilles au café.

Contrairement à ce que laissait prévoir le printemps glacial, nous avons un bel été. Je recommence à jouer des gousli dans le jardin, et j'entre doucement dans un état de légère béatitude contemplative, où chaque nuance, chaque forme, chaque son et chaque mouvement prennent tout à coup un relief étrange et captivant.  

Au taux de change pratiqué par les banques, plus les pourcentages happés au passage, je vais me retrouver avec  peu près le même pouvoir d'achat qu'en France, mis à part les charges et l'essence, beaucoup moins chères. Je l'ai expliqué à mon encadreur. "Et alors, vous allez rentrer chez vous?

- Ah non. Pour baigner dans la propagande, les calomnies, les mensonges de la presse officielle, repris par les intellos bien dressés et bien sélectionnés, jusque dans les milieux orthodoxes, jamais.

- Alors vous êtes vraiment des nôtres..."

Mon encadreur est communiste. Il est très gentil, et me fait des prix. Malheureusement, il reste convaincu que les Russes n'ont jamais rien fait de vraiment bien, que la culture, c'est en Europe, et prend des airs de commisération quand je lui parle des merveilles de l'art populaire...

Le lendemain, après l'église, j'ai vu arriver la guide Ioulia, elle venait prendre six exemplaires de mes chroniques, car "il faut les faire lire au maximum de Russes". Elle voulait me faire découvrir les petites plages sauvages du lac, mais avec la chaleur qu'il faisait, et un dimanche, les rives étaient bourrées. C'est en effet, très joli, je reviendrai quand ce sera plus calme, pour dessiner, et m'imprégner de l'atmosphère. On peut juste se tremper, il n'y a pas assez de fond pour nager, ou alors il faut faire un kilomètre à pied en direction du centre, paraît-il très profond, lui. Quand on s'avance dans l'eau, on voit le monastère saint Nicétas, tout blanc, avec ses coupoles d'argent, au dessus des forêts sombres et de l'eau bleue.

Il y avait, parmi la foule des campeurs et baigneurs, une jeune fille avec un suricate en laisse, et cela m'a chagrinée. Que faisait donc cet animal en laisse sur une plage, et comment peut-on encore acheter des espèces sauvages et encourager leur trafic? Sans doute pour frimer, et il y a tant de chiens et de chats à l'abandon... 

Ioulia voulait me faire découvrir un sentier de randonnée, très intéressant pour les amateurs de botanique et les ornithologues. Et pour les peintres aussi, car c'est un lieu magnifique. Il rassemble plusieurs biotopes, par endroit marécageux, par endroit complètement sec, avec des plantes des steppes et des régions méridionales. Des prairies fleuries, des bois, le lac et le monastère au loin....






Je conseille vivement aux gens qui pensent encore de s'abonner à l'Antipresse, où l'on trouve une information, et surtout des réflexions sur l'information, de qualité. L'Antipresse est une antidote à la folie collective qui guette même les résistants, souvent isolés. Or il est difficile de s'opposer quand autour de soi tout le monde se met à délirer. Slobodan présente ici son dernier brillant numéro:


    

A chacun de s’en sortir comme il le peut, dans un solitude éperdue au milieu des cons. 

écrit Nicolas Bonnal dans sa lucidité tragique! L'évêque m'a dit lors de ma confession que Dieu ne les aimait pas moins que moi, et qu'il fallait relativiser nos petits inconforts et problèmes quotidiens devant la croix du Christ. Certes, mais pour l'instant, ce n'est pas gagné. "Vous y arriverez!" me dit-il avec un fin sourire.

C'est que selon le mot de Dostoievski, la bêtise peut parfois devenir un crime, nous le voyons tous les jours, en ce siècle "d'ineptocratie", comme dit Slobodan dans son article "Après l'Ukraine"...