roses d'hiver |
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à Cavillargues. J’ai déjeuné avec des amis orthodoxes, Martin lui-même ayant abandonné le théâtre pour
l’orthodoxie, il a dans l'esprit que je dois sacrifier pareillement mon activité écrivassière, et il a
passé son temps à me délivrer des aphorismes façon vieux sage. Je lui ai dit : «Mon père spirituel pense
qu’un écrivain doit écrire tant qu’il en éprouve le besoin profond ». Mais
j’ai eu la nette impression qu’il savait mieux que mon père spirituel ce qu’il
fallait faire d’une chose aussi malencontreuse qu’un talent littéraire…
Tout le village me
semblait déprimant, gris, triste. Je pensais aux belles promenades que je
faisais avec mes petits chiens, aux amandiers en fleurs, aux cerisiers, au
mistral, aux rosiers grimpants, aux coquelicots, à tout ce qui m’enchantait, malgré tout, mais rien ne
venait m’égayer, je me demandais ce que je fichais là.
Le soir, j’ai dîné chez une amie à Saint-Pons-la-Calm.
Elle a plein de jolies
choses anciennes chez elle, elle est d’une vieille famille de l’Ardèche.
D'après ce que j’ai compris, ses frères et sœurs ont dispersé la collection
d’objets ethnographiques que leur père avait passé sa vie à amasser, et qui
seront perdus à jamais, avec les savoir-faire ancestraux qui avaient présidé à
leur fabrication. Tout cela existait encore dans les années 60. Depuis, le
diable, ses idéologues, ses usuriers et ses technocrates ont tout balayé avec
la paysannerie elle-même. Ne laissant que des gilets jaunes aux ronds-points
des villes, qu’on achève à coups de flash-balls dans la gueule.
Elle a récupéré une
Vierge à l’enfant en bois doré, de chez ses parents. On l’a datée sur photo du
XIX° siècle, mais à mon avis, elle doit être un peu plus ancienne, car cette
Vierge rustique pleine de charme a été découverte, à la faveur de travaux, on
l’avait volontairement emmurée, et à cela je ne vois que la révolution comme
explication.
Le lendemain, je suis
allée à Solan. L’iconostase est achevée, on a peint les douze fêtes. L’église
correspond à tout ce que j’aime : pureté, équilibre, harmonie, vérité des
matériaux, et j’en dirais autant de l’office, des chants antiques, sans
fioritures pompeuses qui obscurcissent le rayonnement divin derrière les
« idées » du compositeur, et le mauvais goût des choristes éprises
(car ce sont souvent les femmes qui versent dans ce travers) de trilles énamourées
et de sirop vocal. Je comprenais absolument tout, la profondeur et la poésie de
ces textes, et leurs révélations. Le père Théotokis prononce bien, clairement,
j’entendais tout ce que dit le prêtre au cours de la liturgie pour la première
fois de ma vie. De plus, il me semblait
que tout ceci épousait complètement le génie du moyen âge français, beaucoup
mieux que les regrettables offices catholiques de mon enfance, même du temps de
la messe en latin. C’est du reste ce qui m’attachait si profondément à Solan,
et c’est la grande réussite du père Placide et de ses compagnons, d’avoir opéré
cette greffe athonite sur le cep français, unique chance à mes yeux de le
régénérer encore. Mais je n’ai pas communié, car je ne suis plus en communion
avec le patriarche Bartholomée et ne veux rien avoir à faire avec lui. Je
comprends le monastère d’obéir au mont Athos dont il dépend, mais moi, je n'en dépends pas. Le mont Athos,
pour l’instant, blâme le patriarche mais ne prend pas de position claire.
Les fidèles ont eu la
délicatesse de ne pas évoquer la question, les sœurs m’ont accueillie à bras
ouverts. Pendant la liturgie, je ressentais la profonde tragédie
de l’affaire, et j’avais envie de pleurer.
Dans les campagnes le dimanche, à Cavillargues comme à Pierrelatte, ça pétarade de partout, on traque le sanglier avec d'autant plus d'énergie que le gouvernement permet tout aux chasseurs comme aux banquiers, aux lobbys, aux exilés fiscaux et à la racaille. Il faut s'enfermer chez soi avec ses animaux pour éviter les balles (de guerre) perdues.
Ritoulia |
Le mont Ventoux au dessus de Tresques |
Ce sera plus gai au printemps!
RépondreSupprimerBien sûr...
SupprimerRavie d'avoir échangé quelques mots avec vous à l'instant, je vous souhaite le meilleur pour les temps prochains, malgré les difficultés à venir... Puissions-nous garder l'Espérance !
RépondreSupprimerCordialement,
Françoise (Cévennes)