J’ai dit au père Valentin
que certains gilets jaunes mettaient radicalement la République en question. « Grâce
à Dieu, s’est-il exclamé joyeusement, en faisant son signe de croix, grâce à
Dieu, une telle pensée commence à percer dans les consciences ! » Et
il a ajouté en français : « Vive le roi ! Vive le roi ! »
Le père Valentin nous
exhorte à « fêter la Nativité en dépit de tout ». Il pense que
Bartholomée s’est perdu définitivement, aux yeux du monde, et sans doute dans l’autre
monde, à moins d’un repentir inopiné. Il lui trouvait pourtant des excuses,
mais à présent, il est convaincu de sa traîtrise, de son rôle infiniment
néfaste dans la vie de l’Ukraine et dans toute l’Orthodoxie. Même si le
patriarche Cyrille a fait des erreurs , même s’il est autoritaire et n’a pas le charisme du
patriarche Alexis, c’est un homme normal et honorable, il est des vilenies et
des forfaitures qu’il ne commettrait pas, vis-à-vis des « Eglises-sœurs »; ni d’un saint homme comme le métropolite Onuphre et de ses fidèles, à présent
en grand danger, en face de cette bande à qui le tomos les livre, en face des
activistes de Pravy Sektor, le «Secteur Droit », qui ont commis tant d’horreurs
et qui se préparent à « expliquer » aux croyants, avec leur subtilité
théologique et leur amour du prochain caractéristiques, qu’il leur faut à
présent abandonner leur Eglise ancestrale dirigée par un saint homme qu’ils
aiment pour le machin des oligarques et du patriarche félon stambouliote dont
ils se méfient pour d’excellentes raisons.
Hier soir, sa vieille
amie Lisa est passée le voir, et nous nous sommes planqués tous les trois dans
son bureau pour boire quelques verres de vodka, comme au bon temps de la
matouchka, loin des regards réprobateurs de la jeunesse. La jeunesse est venue
nous suggérer avec tact d’aller nous biturer loin d’elle, mais dans un endroit
plus approprié, et d’y faire un repas (de carême) normal. Nous y sommes allés
un peu honteux, mais un moment de honte est vite passé, et on rigole bien entre
vieux excentriques…
Le père Valentin a
déclaré dans la conversation qu’en dépit de son peu d’affection pour Staline,
il le préférait nettement à Lénine et sa bande, et que dans la vie ténébreuse
de ce Géorgien à demi-illettré il y avait au moins un point lumineux : l’élimination
par ses soins des compagnons de Lénine, à commencer par Trotski. Lisa ne lui concède rien : son grand-père
fut livré à des droits communs qui l’ont torturé vingt-quatre heures jusqu’à ce
que mort s’ensuive…
La veille j’avais vue
mon amie Alla, la dame au spitz. Toujours jolie, toujours seule, mais elle m’a
avoué qu’elle préférait être seule que mal accompagnée et que la plupart des
hommes étaient insupportables, surtout les hommes vieillissants. «Je suis
parfois si contente, seule chez moi, je n’ai pas grand-chose pour vivre, 18 000
roubles de retraite, mais je ne meurs pas de faim, je vis normalement, je suis
juste un peu gênée aux entournures quand je dois changer la machine à laver.
Petite, dans mon appartement communautaire, je rêvais juste de ce que j’ai
maintenant : un appartement propre et à moi, avec ma douche et ma cuvette
de toilettes personnelles. Alors voyez,
je remercie Dieu sans arrêt de ce que j’ai. »
Nos deux « filles »,
Rita et Yana, se sont très bien entendues, elles ont joué ensemble. Alla les a photographiées
sous tous les angles. Après, je suis passée chez les Soutiaguine, et nous avons opposé à la théorie d'Alla de nombreux exemples de couples modèles qui sont autour de nous, à commencer par les Soutiaguine eux-mêmes, les Chevtchenko... Mais ce sont des couples orthodoxes, qui ont un idéal d'abnégation et qui font périodiquement leur autocritique, parce que les deux parties se confessent, et éventuellement reçoivent des conseils ou des remontrances...
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