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mardi 1 janvier 2019

Bonne et heureuse...


Une nouvelle année commence, avec les vœux habituels, face au monde affreux, qui se met en place, et dont nous ne voulons à aucun prix. C’est-à-dire que les mutilés de l’âme et les mutants du transhumanisme en marche en veulent bien, mais pas nous.
J’étais chez Dany et Ioura, dans leur théâtre décoré d’un sapin et de guirlandes bleues, de bougies, en petit comité. Le métro était plein de père Noël de 20 ans avec de fausses barbes.
J’avais pris la route le matin sous une chute de neige serrée. Les arbres étaient entièrement blancs et ne se distinguaient du ciel opaque que par leurs reliefs, comme si une lisse surface s’était ornée en son extrémité de sculptures à la fois tumultueuses et immobiles, traces d’anciens combats ou de vies pétrifiées en plein élan. Un monde fantomatique dont on peine à croire qu’il reverdira un jour.
Je me suis arrêtée pour faire de l’essence, et pour prendre un café. Je regardais par la fenêtre ces structures modernes incongrues sur le fond du cosmos éternel et de ses guerriers blancs. Dans le flot de musique indistincte qui traversait le local, j’ai soudain discerné l’inévitable Joe Dassin : « Bonjour, comment ça va ?... » Cela me venait des 70 optimistes et fêtardes quand le vers était dans le fruit, les trotskistes dans les facs, les banques dans l’état, l’Union Européenne en voie d’édification, le métro et les banlieues en voie d’africanisation, les slogans de 68 en voie de sacralisation. Mais on pouvait espérer que la coupe passerait loin de nous, ou que nous ne verrions pas venir le jour où il faudrait la boire. J’étais alors malheureuse comme les pierres et très esseulée, mais je pouvais toujours aller retrouver maman et Pedro, mon beau-père, ils étaient en vie, presque tout le monde était encore en vie, bien que nous eussions compté, dans la famille, déjà trop de morts prématurées.
Le père Valentin m’a demandé des nouvelles de Daru, je l’ai adressé plutôt à Dany. Il y a quelques temps, il trouvait des excuses à Bartholomée, mais là ce n’était plus du tout le cas : « L’Orthodoxie est terminée, l’Orthodoxie telle que nous l’avons connue est finie, elle ne sera plus jamais comme avant. Et le plus terrible est la trahison des autres  Eglises, qui blâment sans blâmer tout en blâmant et ne prennent pas position, même les Serbes, les Serbes !!!
- Oui, nous avons une fameuse équipe de Ponce Pilate. Quant à l'Ukraine même, quand je regarde le métropolite Onuphre, qui d'ailleurs, d'après ce ce que vous me dites, n'est sans doute pas Ukrainien, ni Russe mais Moldave, son clergé et ses fidèles, il me semble voir des Russes d'avant la révolution, avec des visages nobles et spirituels, rayonnants, comme on n'en fait plus, alors que ceux de "l'Eglise locale", Epiphane, Philarète, Porochenko et même Bartholomée, rappellent ces tableaux de la Renaissance où le Christ est le seul à avoir figure humaine parmi les monstres. Il se produit une sorte de bipolarisation, dans ce trou noir. Les uns se transfigurent, les autres perdent toute espèce d'humanité. »
Je lui ai raconté l’histoire de la députée ukrainienne, déclarant avec l’impudente imbécillité d’un char d’assaut que l’Ukraine avait désormais « son église ukrainienne et son dieu ukrainien » et il a éclaté de rire.
Mais ces églises locales qui laissent commettre un tel forfait, il leur faudra prendre le pack complet des « valeurs occidentales » : la dégradation inouïe des mœurs en parallèle avec l’islamisation, l’invasion extra-européenne dans laquelle leur chère indépendance nationale est appelée à se dissoudre dès le piège refermé, les modifications et les mutilations infligées à l’orthodoxie, pour la faire correspondre au modèle politiquement correct et à l’uniatisme programmé de la «religion du futur », ainsi que l’a déjà expliqué le porcelet mitré Épiphane à ses ouailles nationalistes transportées… Les Géorgiens qui s’étaient dressés comme un seul homme contre la gay pride, vont apprécier, adieu le folklore, les traditions nationales, les cultures millénaires diverses, adieu les peuples, bonjour la ferme humaine généralisée façon mille vaches, où chacun, pucé, violé ou inséminé artificiellement au besoin, bossera dans sa cage étanche pour fabriquer la nouvelle société du métissage, surveillé par une milice des mafias supranationales prête à arracher aux récalcitrants un œil avec la moitié de la gueule.
Il paraît que refuser cela, c’est être facho…
Bonne année quand même.
Je lui ai parlé aussi de ma profonde fatigue, du mal que j’avais à affronter la vie quotidienne et surtout, tout ce qui concernait la bureaucratie, devant laquelle je me sentais toujours plus désarmée, et des efforts que je devais déployer pour me traîner à l’église, surtout quand la liturgie était un peu trop tardive. «Si je dois attendre dans les brumes, alors cela devient terrible. J’aime bien aller à la vôtre, à sept heures du matin, j’ouvre un œil, je m’habille dans le coma et en cinq minutes de marche à pied, je suis sur place…
- Mais oui, c’est cela qu’il faut faire, se laver la veille et filer, c’est ce que je fais.
- Vous avez du mal, vous aussi ?
- Oh oui !
- Vous savez j’ai des complexes, je devrais me préparer à mourir, et je tiens beaucoup à la vie, intérieurement, j’ai l’impression d’être une jeune fille…
- C’est sans doute qu’il le faut, que vous avez des choses à faire. Si vous avez encore de la jeunesse en vous pour lutter, il faut continuer, et c’est ce que vous faites… »
Tout est entre les mains de Dieu, et je m’y remets. Qu’il prenne pitié de moi, et du tsar Ivan, et de son serviteur Féodor, qui ne me lâchent pas, les bougres. Comme le tsar dit à Fédia dans mon livre : « Sois l’ange qui me sauvera et non le démon qui me perdra », je supplie Dieu de faire de moi celle qui contribuera, sinon sauver ces âmes, du moins à améliorer leur sort, plutôt que de laisser celles-ci m’entraîner là où elles sont probablement.
Finalement, c’est assez réconfortant d’en arriver à penser que si nulle que soit notre vie spirituelle, Dieu peut tout faire, du moment qu’on démissionne pour Lui, qu’on jette l’éponge, qu’on lui remet l’affaire. Je lui remets l’affaire, c'est mon premier geste intérieur de l'année. Je ne suis plus capable de grand chose d'autre. 









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