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dimanche 20 janvier 2019

Sur le départ


Je suis absolument malade de stress à l’idée de prendre l’avion, ce qui n’est vraiment pas normal. J’ai fait établir un passeport à Ritoulia, mais déjà, je me suis trompée en le remplissant, j’ai mis mon adresse à la place de celle de l’éleveur, et l’éleveur, je ne le connais pas. Quand j’ai appelé Dominika, elle qui, au début, me persécutait de recommandations, n’était pas capable de me dire ni quand Rita était née, ni les données de son passeport perdu, et elle avait l’air de s’en foutre. Je ne sais pas si cela passera ou pas à l’aéroport. Pour Doggie, j’avais un passeport européen, ce qui simplifiait les choses. Ici, je n’ai pas eu le temps ni la force d’aller faire établir le certificat dans un dispensaire spécialisé qui ne répond pas au téléphone. J’irai à celui de Moscou, qui est ouvert en principe 24h sur 24, près de chez le père Valentin, mais cela va m’obliger à courir là bas. J’ai décidé de partir en taxi. Ma voiture restera tranquillement ici, et je ne risquerai pas de faire des conneries, à cause de ma nervosité. 
J’essaie de me dire que dans le pire des cas, je ne partirai pas, Martine viendra toute seule, j’aurai perdu le prix du billet, bon, mais pas la vie… Mais j’ai la migraine, et la boule dans l’estomac.
Anne me disait hier au téléphone qu’elle avait la même phobie des papiers que moi et que c’était une manière de nous contrôler sans arrêt et de nous faire perdre notre temps et nos forces, de nous transformer en zombies. En effet. L’homme n’est pas fait pour la société que nous avons partout et qui aggrave son oppression et son absurdité. Dieu veuille que nous n’ayons jamais le gouvernement mondial de tous ces sadiques dénaturés, ces serviteurs de Satan, ou de Sauron, leurs orques et leurs Sarumane.
L’étoile du matin est accompagnée d’une étoile plus petite mais fort brillante. Le temps, clair à l’aube, se couvre dans la journée et la neige tombe sans arrêt. Je ne pouvais plus ouvrir mon portillon, je suis passée par le portail pour aller déneiger. Les petites allées ménagées dans le jardin passent entre deux falaises scintillantes. Avec un temps comme ça, il faudrait rester chez soi et non pas prendre l’avion. C’est la dernière fois que je pars en hiver ! Je ne sais plus quel écrivain journaliste confiait à quel point l’agaçaient les notations météorologiques dans les journaux intimes, je crois que c’est Philippe Tesson. Eh bien moi, je suis fascinée par la météo. Elle joue un grand rôle dans notre vie, elle détermine notre humeur, elle nous crée des problèmes matériels et des problèmes de santé et aussi de merveilleux spectacles. La météo fait partie de la vie, et c’est la seule chose qui reste regardable à la télévision.
Oleg et Olga sont venus déjeuner, ils ont apporté la bouffe, comme d’habitude, les invités parfaits…  Olga a lu mon livre. Elle m'a dit: "C'est surprenant de voir peut-être le premier exemple de littérature française, parfaitement française, en un sens, mais profondément influencée par la langue russe, que l'on sent sous-jacente. D'autre part, c'est un livre que l'on sent dicté par l'inconscient, vous dites que vous n'y avez mis aucune intention, et c'est cela qui en ressort, quelque chose qui a surgi de vous et que vous avez transcrit, mais qui paraît exister de soi-même. L'itinéraire de votre jeune homme semble être le vôtre, on le voit passer de cercle en cercle, à la recherche de lui-même et de son accomplissement spirituel. 
- En effet, je pense que c'est mon double et que c'est mon chemin spirituel, transposé au XVI° siècle. Mon inconscient a rencontré ces personnages et cet épisode historiques, et cela a donné cet étrange hybride, que j'ai écrit quasiment en état de transe, comme vous dites, pratiquement sous la dictée. 
- On dirait que par un côté de votre âme, vous touchez à toutes les âmes, et quand on vous entend parler, on voit qu'en effet, s'il existe des différences de culture et de comportement entre les Russes et les Français, l'âme humaine est profondément la même partout...
- Comme il apparaît dans mon livre, je crois en effet qu'il y a des âmes qui communiquent avec toutes les autres âmes, c'est le cas du tsarévitch Féodor, ce petit garçon qui sait intuitivement des choses qui ne sont pas de son âge, ou du métropolite Philippe, et à mon avis, ce sens était beaucoup plus développé au moyen âge, où les âmes communiquaient beaucoup plus, par le folklore, par la prière, la liturgie. Les gens étaient en communion. Je suis une âme de cette sorte, et c'est pourquoi je n'écris que par profonde nécessité intérieure, et pas pour briller dans les salons et m'enivrer de moi-même, et cela me met en décalage avec les milieux littéraires et tout ce qui tourne autour. Parce que depuis mon enfance, je vis dans une autre dimension, et c'est dans celle-là que j'écris. J'ai le sentiment de n'être pas un auteur, un écrivain, mais une sorte de prêtresse. Et je ne saurais m'enorgueillir de ce que je fais, car à la limite, cela se fait sans moi. Mais cela me blesse profondément quand cela, qui se fait à la fois par moi et sans moi et m'implique toute entière, est traité avec un mépris de principe par des gens qui ne se seront jamais donnés, comme moi entièrement à ces forces, mais tiennent le haut du pavé culturel et ne laissent accéder au public que ceux qui leur ressemblent."
Nous avons fait remonter les racines de l'abominable monde où nous sommes à Cromwell et même Henry VIII, ce dont j'avais discuté la veille avec ma cousine Anne. Puis Olga a décrété: "En fait, c'est avec le Christ que cela commence, et depuis, on ne cesse de le recrucifier! Le Christ était avec le peuple, et pas avec l'argent!"

visiteuse matinale


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