Le récit d’un prêtre de l'EOU sur le conflit inter-religieux
dans un village ukrainien, sur le site Soiouz Pravoslavnikh Journalistov et traduit par mes soins
Au vu du titre de ces réflexions, le lecteur, de façon
inconsciente, va s’attendre certainement à un texte au sens mystique et sacré. En
fait, tout est beaucoup plus simple.
Je n’ai pas trouvé mon récit dans les anciennes chroniques,
je ne l’ai pas inventé, il ne provient pas des vies de saints clairvoyants qui
pouvaient voir le monde spirituel. Il est moderne et parle de personnes vivantes
que je connais depuis l’enfance. Je les connais, mais je ne peux pas comprendre
leurs changements et leurs actions. Et c'est précisément en cela que réside le
tragique et l'horreur de cette histoire.
Tout a commencé très récemment. Dans mon village natal, dans
les maisons (ou plutôt dans la tête) des villageois, la tragédie spirituelle de
la modernité - la division de l'église - a atteint mon sanctuaire. Des gens qui
depuis des décennies ne se souviennent plus de Dieu et de sa sainte Eglise,
ainsi que ceux qui s’y rendaient comme
dans une entreprise de pompes funèbres, ont décidé de suivre les dernières
tendances de notre temps: se joindre au développement et à la propagation de la
«nouvelle église» en détruisant l'Unique, Sainte, Catholique et Apostolique.
Afin de ne pas «réinventer le vélo», ils ont emprunté une
voie éprouvée au cours des derniers mois: ils ont convoqué une réunion de la
communauté territoriale, l'ont appelée paroisse et ont décidé de changer de
juridiction.
Cette initiative a divisé le village, jadis paisible et
amical: les gens qui assistaient aux offices, faisaient confiance au prêtre,
priaient et tentaient de mener une vie chrétienne, mais n’appuyaient pas la
proposition de transition vers le schisme, devinrent à ce moment donné des vendus,
des séparatistes, des traîtres.
Mais ceux qui, au mieux, "jetaient pour Pâques un
regard en direction de l’église", ou même moins souvent, se sentaient tout
à coup "les chefs de la vie", capables de décider qui a raison et qui
a tort, à qui appartiennent l’église et ses biens, qui a le droit de vivre et
de prier dans le village, et qui devrait partir dans le pays voisin ...
En peu de temps, on a réussi à détruire ce qui avait été
construit et avait prospéré depuis nos grands-pères et arrière-grand-pères grâce au travail humain quotidien et à l'aide
de Dieu: la paix, l’harmonie, le respect
et l’amour mutuels.
Un jour d’hiver, les disputes et les divisions ont amené les
«différents camps» dans la courde l’église. Certains étaient venus s'emparer
illégalement et par tromperie des biens d'autrui, les autres pour défendre ce qu'ils avaient construit,
entretenu et décoré pendant des décennies par
leur travail, leurs épreuves et leur amour. Plusieurs membres du clergé
s’étaient réunis pour apporter leur soutien spirituel à leur confrère le
recteur. C’est parmi eux que je me trouvais.
Des querelles ont éclaté, des menaces ont retenti, des
accusations «télévisuelles» n’ayant rien
à voir avec la réalité. Il y a eu aussi des tentatives de règlement pacifique
du conflit, mais cela n'a pas été possible en raison des décisions spéculatives
prises lors de la prétendue réunion paroissiale. Par conséquent, la solution fut
de tomber d’accord sur une fermeture temporaire de l'église, afin de ne pas
provoquer de conflit interconfessionnel.
Grâce à Dieu, parmi les gens présents prêts à poser les
scellés sur l’église, seulement deux hommes furent capables de le faire. Tous les
autres voulaient bien faire du bruit, mais porter la main que un bâtiment
sacré, non.
C’est pourquoi déjà près des portes, en clouant l’accord
authentifié par des tampons et des signatures, l’un des activistes « patriotes »
se tourna vers son compagnon avec ces paroles : « Dans quel enfer allons-nous toi et moi brûler pour cela ? »
Ces paroles m’ont vraiment choqué. D’un côté, elles révèlent
que quelque part dans les profondeurs de l’âme humaine, demeurent des traces de
foi et de crainte de Dieu. De l’autre, on s’étonne qu’un homme qui conserve ces
qualités puisse si facilement marcher sur tout ce que l’on a de plus sacré au
nom d’un but incompréhensible qui ne lui est d’aucune utilité (ces hommes n’allaient
jamais à l’église et on ne sait pas s’ils vont désormais le faire).
Une semaine plus tard, après l’office, mes paroissiens m’ont
posé la question : « Qu’est-ce que le blasphème contre le Saint
Esprit qui ne trouve de pardon ni dans ce monde ni dans l’autre ? »
(Matt. 12, 31-22). Après un instant de réflexion, j’apportai immédiatement un exemple
réel et vivant d’opposition consciente à la vérité.
Et que se passe-t-il au village? Les gens prient sur le
territoire de l’église fermée. Personnellement, il me semble que ces épreuves
ne font que les unir davantage. Ils ne sont pas nombreux, mais ils constituent
le véritable corps vivant du Christ. Ils prient, pleurent, s’inquiètent,
supportent les moqueries et le mépris. Cependant, la présence de Dieu et
l'amour chrétien se font sentir au milieu d'eux.
Mais quand je pense à ceux qui ont amené la division et la
haine dans un village jadis amical et joyeux, les seules paroles qui me viennent à l’esprit sont celles
prononcées par le Sauveur sur la croix: «Père, pardonne-leur car ils ne savent
pas ce qu’ils font» (Luc 23, 34).
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