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mercredi 12 août 2020

Déja la fin...

 

Cela sent fortement l'automne, les feuilles commencent à jaunir, les buissons n'en font plus de nouvelles. Je ne suis pas sûre de pouvoir encore une fois retourner me baigner. Et j'ai l'impression de ne pas avoir vu passer cet été que l'on attend neuf mois, comme les enfants. Je ne prendrai plus de locataires, car cela me prive de la jouissance de mon jardin, où je les trouve installées, se faisant bronzer, ou dans mon hamac. J'attends leur départ avec impatience, j'aurais besoin de me sentir un peu chez moi avant que l'hiver ne revienne. Mais elles ont décidé de prolonger jusqu'à vendredi, je leur ai dit que j'attendais des amis, ce qui est vrai. 

J'ai plein de travail, avec les pommes et les légumes. Et en plus, les chats, ou plus certainement Georgette, la seule qui se refuse à aller faire ses besoins dehors, souillent régulièrement l'espèce de petit sas qui précède mon entrée, et où je range des tas de trucs, si on peut appeler cela ranger. J'ai nettoyé trois fois, ce matin. La caisse à chats ne lui suffit pas, elle va sous une étagère, et nettoyer à cet endroit m'oblige à des acrobaties, c'est affreux à dire, mais je la prends quasiment en grippe, avec son affection tyrannique et jalouse, et ses manies de vieille. Si elle le fait pour m'emmerder, c'est vraiment réussi, et au sens propre. Je la traite de tous les noms.

J'ai vu que les chèvres de Nadia avaient bouffé les pousses qu'avait faites mon aubépine. Or, j'ai besoin de cette aubépine, car elle peut me cacher d'éventuelles constructions disgracieuses. Et depuis plus de quinze jours, une noria incessante de camions apporte de la terre dans la partie encore sauvage de notre marécage. Nous avons du bruit, de la poussière, des odeurs d'essence, et à mon avis, nous aurons aussi une perturbation de l'écosystème du lac, qui est déjà bien assez malmené. Mais quand on veut faire du fric, de nos jours, rien ne vous arrête... Ma voisine m'a dit qu'on allait construire quatre maisons, quatre monstres là où nous avions des saules et des roseaux, et le ciel derrière l'isba de l'oncle Kolia. Je lui ai transmis l'accordéon réparé par Skountsev, et son mari tout content en a tiré quelques mesures, devant leur palissade.

Le père Basile m'a appelée au téléphone, sans doute trouvait-il nécessaire de me remonter le moral avec les bretelles. Il m'a dit qu'ayant failli mourir du Covid, il avait relativisé bien des choses, et qu'il se fichait complètement de la dictature numérique et des sombres desseins de la caste satanique, car ce qui comptait, c'était notre relation avec le Christ, et son triomphe assuré sur les forces des ténèbres. Certes, nous avons devant nous des temps difficiles, certes, nous aurons à résister, peut-être jusqu'au martyr, mais peu importe car Dieu est avec nous. Le mot foi signifie fidélité, restons fidèles quoiqu'il advienne. C'est là ce que nous devons chercher à faire, et témoigner, car le chrétien n'est pas une nouille, le chrétien est un prophète qui doit parler haut et fort, sans craindre de déplaire, et non se répandre en discours complaisants et politiquement corrects. Je lui ai dit que j'avais du mal à prier, que je faisais tant de choses, écrire, jouer des gousli, et puis le jardin, le ménage. "Vous savez, un chrétien doit être actif, et être aussi présent à son prochain. Peut-être que prier, pour vous, c'est jouer des gousli, d'ailleurs, le roi David en jouait aussi, et puis contempler la nature, faire du bien aux créatures qui vous entourent, trouver de la joie dans les moments que vous passez avec des amis, tout cela, si vous en éprouvez la gratitude requise, vous met en relation avec Dieu. Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à prendre la vie spirituelle comme une fuite, et à l'aménager à son gré, à se faire une religion sur mesure, c'est un défaut qu'on rencontre assez souvent en France, d'ailleurs. Pour endurer les temps qui viennent, nous aurons besoin de communautés, d'entraide, de présence à l'autre".

C'est justement ce qui se dessine ici, et pas seulement ici, il se crée des communautés paysannes, mais même à l'intérieur de Pereslavl, les croyants se rassemblent, les cosaques... j'ai réfléchi à cela toute la journée et enfin réussi à finir mon roman Epitaphe, du moins son premier jet. 

 

2 commentaires:

  1. Chère Laurence,

    Je vous lis sans rien manquer, et m'abstiens de vous dire combien votre pessimisme nourrit en vous (et en nous) des pensées moroses. Vous savez que je suis catholique, mais considère que l'orthodoxie et le catholicisme sont les deux faces d'une même pièce, pourvu que notre clergé daigne rester fidèle à sa mission et se souvenir qu'elle consiste à conduire leurs troupeaux de fidèles... au Ciel !

    Pas à se transformer en animateur de "maison des jeunes et de la culture" ou en dirigeant de "rotary club"...

    Passons : aujourd'hui j'écris pour vous dire que votre père Basile a raison, joyeusement raison, et que ça fait du bien de lire ses propos rapportés sur votre blog.

    Un grand merci, donc !

    Gardez la joie ! :-)

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    1. Je suis spirituellement optimiste, sinon, je serais devenue folle depuis longtemps. Mais je suis politiquement pessimiste, ou peut-être simplement réaliste, bien que je n'exclues pas la possibilité du grain de sable de la vie dans leur grande machine de mort.

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