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mercredi 5 octobre 2022

Russe de chez Russe

 Un post m'a fait réagir, sur Telegram. Il s'agit de l'historien et patriote conservateur Félix Razoumovski:

Il y a quelque chose de très important que nous n'avons pas fait. En ce quelque chose de très important, nous, la vieille génération, nous n'avons pas assez fait attention à nos enfants et petits-enfants. Nous ne leur avons pas transmis le sentiment de la beauté de leur terre, de la terre russe. Bien que "l'automne d'or" de Levitan fut pendu pratiquement dans toutes les cantines soviétiques. N'ayant pas su être fiers de ce qui en valait vraiment la peine, n'ayant pas de lien charnel avec la terre, à la destruction de laquelle travaillèrent sans relâche les maîtres soviétiques, il ne fut pas possible de découvrir à temps aux jeunes générations les circonstances cruelles et honteuses. Leur raconter par exemple comment les komsomols, qui avaient leur âge, urinaient du haut des clochers sur les processions de Pâques. comment on détruisait à droite et à gauche ce que cette terre avait de plus précieux.

Et voilà que maintenant, à l'annonce de la mobilisation, nous avons vu les conséquences de ces soins parentaux médiocres et trompeurs. Les petits sont partis droit devant eux pour ne pas tomber "à la guerre". Et une conscience maligne leur souffle ça et là des arguments comme quoi pour quoi et pour qui irais-je me battre et souffrir? qu'y a-t-il de bon dans "ce pays"?

Et ici que dire? Comment expliquer au passage, comment parler de ce qui reste informulé? quand on n'a pas pour cela le temps et les circonstances élémentaires. Voilà que résonne le patriotisme brutal à la Prilepine, achevant ce qu'il reste d'esprit russe, de conscience russe.

Et d'un autre côté, c'est bien, et c'est source de grâce, que la vérité se découvre.que maintenant tout soit exposé aux yeux de tout le monde. Nous ne le voulions pas, bien sûr, nous avions peur... Mais le Seigneur en a jugé autrement. 

Il dit à peu près ce que j'essaie sans cesse d'exprimer moi-même, lorsque je déplore le mauvais goût, les destructions, lorsque je soutiens le vrai folklore, les vraies traditions artisanales. Je me souviens parfaitement de ces komsomols ricanants de ma génération, qui crachaient sur les églises et tout ce qu'il restait de beau et de poétique à Moscou au nom du béton, des appartements impersonnels avec des meubles en contreplaqué poli bourrés de petits souvenirs de mauvais goût censés représenter "l'art populaire", abominablement caricaturé, ce que les slogans de l'époque appelaient "transformer Moscou en une vraie ville communiste". Beaucoup de petits bourgeois que je vois autour de moi ont été élevés par de tels parents. Heureusement, la mémoire génétique et les grands-parents ont joué leur rôle, et puis aussi la littérature russe classique, les concerts et les musées, l'église pour ceux qui trouvèrent la foi, seuls endroits où la beauté était censée avoir encore une petite place. Mais dans une certaine mesure, cela fut une "rééducation" réussie, effectuée chez nous par le consumérisme et la gauche Woke, et puis en France comme en Russie, par la destruction de la paysannerie, et la constante dérision de tous nos ciments nationaux, de tout ce qui nous unissait dans une conscience collective. C'est pourquoi, en effet, les Russes ne se lèvent pas aussi unanimement qu'en 1812, ou même pendant la guerre de 40, quand subsistaient beaucoup de traits de l'ancienne Russie, auxquels d'ailleurs la propagande communiste a fait appel pour réunir ce qu'on avait divisé afin de défendre une patrie au salut de laquelle l'appareil de l'état était lié. C'est ce que révèlent des films comme Alexandre Nevski ou Ivan le Terrible, et c'est l'ancienne Russie que j'y ai vue, quand je les ai regardés à mon adolescence. C'est elle qui m'a plu, je ne suis pas tombée raide d'amour devant des usines, des barrages ou des cités dortoirs en béton. J'ai été frappée alors par ce sentiment mystique de la patrie qui n'existait plus du tout chez nous, de la patrie vue comme une entité spirituelle qui a quelque chose à accomplir, quelque chose à recevoir et à transmettre, une compréhension transcendante de son destin. Sans doute Jeanne d'Arc avait-elle une conception de cet ordre, mais je ne l'ai jamais rencontrée chez les Français, tout juste un attachement nostalgique aux lieux natals, quelque chose comme ce qu'exprime la chanson de Fréhel: 

Où est-il mon moulin de la place Blanche

Mon tabac et mon bistrot du coin? 

Alors que pour le Russe, son pays et son peuple sont une espèce de cathédrale où s'accomplit un mystère sacré. Pour le Russe vraiment russe, pas pour le mutant post-soviétique et le libéral qui n'ont pas idée que quelque chose existait avant 1917 pour le premier, avant Eltsine pour le second.

Il pleut tout le temps, mais hier, la pluie et les nuages jouaient avec le soleil et, après avoir jardiné dans la douceur du vent et la lumière, je suis partie me promener. Nounours, qui ne quitte ni sa mère ni sa maison d'origine, m'accompagnait tout content. C'est un chien adorable et si je constate que je n'ai plus la force de m'imposer, je le regrette: plus jeune, un compagnon comme ça aurait fait mon bonheur.

J'ai fait un dessin, au pied de la chapelle, sur la berge escarpée, face au ciel fantastique. J'imaginais l'état d'esprit de l'habitant de Pereslavl d'autrefois qui baignait dans la beauté intacte d'une ville féérique et d'un lac boréal et mystique, plus vaste qu'aujourd'hui, quand rien ne venait trop parasiter ni obturer les canaux qui nous relient en principe au cosmos divin environnant. Cet habitant-là était russe de chez russe, n'en doutons pas. Il avait l'âme aussi large que le lac, pleine de couleurs et de rayons, il ne partait pas de l'autre côté sans bagages. Et peut-être que toute cette terre et cette eau, ces arbres, ces vapeurs et ces oiseaux, trouvaient en lui leur finalité, leur justification, leur transfiguration. Et c'est en cela que consiste notre existence.

 









on voit à l'horizon les coupoles dorées du monastère saint Nicolas


le bleu va bien à ma maison, sa couleur accompagne le ciel.




…Что-то очень важное мы не сделали. Во что-то очень важное мы, старшее поколение, не посвятили своих детей и внуков. Мы не передали им ощущение красоты своей земли, Русской земли. Хотя «Золотая осень» Левитана висела едва ли не в каждой советской столовой. Не умея гордиться тем, чем действительно можно гордиться, не имея кровной связи с землёй, над разрушением которой изрядно потрудились коммунистические властители, невозможно было вовремя открыть юному поколению обстоятельства жестокие и постыдные. Рассказать о том, как, к примеру, комсомольцы, их сверстники, мочились с колокольни на пасхальный крестный ход. Как рушили направо и налево всё самое дорогое на этой земле.

И вот теперь при объявлении мобилизации мы увидели последствия этого бездарного, ложного родительского бережения. Дитяти побежали куда глаза глядят, лишь бы не попасть «на войну». А лукавое сознание тут как тут, подбрасывает им аргументы, мол, за что и за кого мне тут воевать и напрягаться. Что хорошего «в этой стране»?
Что тут скажешь? Как объяснять на ходу, как говорить о неизреченном? Когда для этого элементарно нет ни времени, ни условий. Вот и гремит брутальная псевдопатриотическая прилепинщина, добивая остатки русского духа и русского сознания.
А с другой стороны, это хорошо и благодетельно, что открылась правда. Что теперь всё и все на виду. Мы этого, конечно, не хотели, страшились… Но Господь ссудил иначе.
Феликс Разумовский на Телеграмме

4 commentaires:

  1. Merci pour ce texte qui résume tout et pour votre commentaire qui rejoint ma pensée. Merci aussi pour les photos: c'est déjà le plein automne chez vous!?

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    1. Ce sont même les dernières lueurs avant les ténèbres, jusqu'à ce que la neige vienne à nouveau éclairer nos jours.

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  2. C'est peut-être aussi cette parenthèse si courte de l'été qui a forgé l'âme russe?

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