J'ai fait un geste écologique. J'ai acheté une bouilloire en émail pour moins de 5 euros. La bouilloire électrique que j'avais achetée beaucoup plus cher il n'y a même pas deux ans est déjà cassée. Ce truc, en plus d'être cassé, est plein de plastique. Vais-je racheter la même chose pour la balancer au bout de deux ans? Non, la bouilloire en émail ne marche pas plus mal, elle dure des années et ne pourrit pas la nature quand on la jette. Son seul défaut est de ne pas s'arrêter toute seule quand elle bout.
Ca vaut le coup, quand on pense à ce qui se passe avec la belle invention du plastique, cette saloperie qui nous fera bientôt étouffer dans ses miasmes; une saloperie que l'on me fourre ici dans les mains tous les jours, avec le moindre achat, et que je prenne ou non un cabas, que je proteste ou pas, l'ignoble matière est partout, l'éviter devient un exploit, une lutte de tous les instants. C'est le progrès, n'est-ce pas? Le progrès vers quoi?
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Un grand nostalgique de Nicolas II poste sans cesse des documents sur cet homme d'un autre monde et sa merveilleuse famille, sacrifiés d'une façon atroce par une bande d'affreux gnomes. Ce drame est si symbolique, et le vertige m'a saisie, ce matin, dans mon lit, à la pensée qu'il s'est produit seulement quelques décennies avant ma naissance, que la sainte Russie et son dernier tsar ont été assassinés si près de moi que je pouvais presque leur donner la main...
D'ailleurs j'ai connu quelques vieux émigrés qui avaient connu tout cela, et qui avaient échoué dans le Paris bourgeois et ennuyeux à mourir où je mourais d'ennui parmi les trotskistes et les féministes et tous les gnomes qui n'avaient pas encore trouvé de révolution aboutie du genre qu'ils aimaient tant: le triomphe définitif de la médiocrité et de la laideur sur la grandeur, la beauté et la poésie, avec de bons massacres et de vrais camps de travail... Pauvres vieux Russes à la dérive. Cent ans après vous, c'est moi qui m'exile.
Je suis née quelques décennies après que des millions de Français soient morts dans les tranchées pour sauver leur pays, leur terre, du moins le pensaient-ils, et sept ans après la deuxième mondiale, dont mon grand-père me parlait tellement qu'à quatre ou cinq ans, je faisais des cauchemars sur la guerre. Il me parlait de celle de 40, de celle de 14 et même de celle de 70, dont lui-même avait entendu parler quand il était petit...La France d'alors, c'étaient pour moi des gens bien élevés qui avaient du goût et achetaient chez les antiquaires, mes tantes et ma mère, ravissantes et toujours élégantes, un pays où il faisait bon vivre et qu'avaient sauvé les résistants et les Américains.
Il est vrai que les horreurs et les infamies de la libération avaient fait passer ma famille de gaulliste pendant à pétainiste après guerre... Mais bon, j'étais sur cet arrière-plan troublé dans un petit quotidien français gentillet, terriblement banal, rassurant, avec des moments de rêverie, d'aspirations vagues...
J'ai senti venir la merde après 68. Je ne savais pas combien de temps cela prendrait, ni dans quelle proportion ce serait vraiment merdique. Il semble que ce sera très merdique, et très infâme. Oui, il semble que ce sera la fin. Combien de temps tiendront ceux qui voudront tenir, les pays de l'est, les Russes?
Et ceux qui nous auraient voulu tous résistants et faisaient des procès à la France entière nous vendent et nous exhortent à nous coucher, vouloir conserver son pays et son peuple n'est plus à l'ordre du jour. Dieu m'a vraiment protégée en ne me laissant pas avoir d'enfants... avec moi se refermera ma lignée, la longue suite de mes ancêtres français, européens, indo-européens. C'était une bonne lignée, à en juger par mes parents et grands-parents, et tout ce qu'a produit la France et ce qu'a produit l'Europe. Je ne laisserai pas de descendants dans ce bordel et ce dont j'ai hérité ne sera pas profané. J'emporterai tout cela bien plié avec moi dans l'autre monde en attendant l'avènement du Royaume...
Je pense que les Russes, s'ils doivent disparaître, mourront sans doute debout.
Oh nos pays blessés à mort, violés par les fils du diable...
Quand on fait aux gens la vie irrespirable, ils se fichent de mourir.
La Russie était si belle, et peuplée de belles gens. Il reste encore de belles gens, en Russie, et de beaux endroits, mais c'est quand même un champ de ruines où des chacals vont et viennent, avides d'achever et de décharner ce qui bouge encore.
Pourtant, ce qui bouge encore ne se rendra pas si facilement.
Les tableaux publiés par l'ami russe sur Nicolas II et son temps semblent me regarder depuis l'au-delà. J'en parlais l'autre jour avec le père Valentin: tout ce que nous aimions est avec eux, avec cette Russie si magnifiquement anachronique, encore si proche et déjà si inaccessible, que des monstres hideux et haineux ont assassinée avec son tsar dans la maison Ipatiev. Avec la beauté, avec la noblesse, avec la grandeur. Avec la foi et la pureté. Avec la sensibilité et le raffinement. Avec tout ce qui donnait un sens et une transcendance à la vie.
Je suis venue mourir le plus loin possible de la mort de la France et de sa dégradation, dans les ruines de la sainte Russie où poussent des églises, comme des fleurs nouvelles sur une terre ravagée par un incendie.
Ca vaut le coup, quand on pense à ce qui se passe avec la belle invention du plastique, cette saloperie qui nous fera bientôt étouffer dans ses miasmes; une saloperie que l'on me fourre ici dans les mains tous les jours, avec le moindre achat, et que je prenne ou non un cabas, que je proteste ou pas, l'ignoble matière est partout, l'éviter devient un exploit, une lutte de tous les instants. C'est le progrès, n'est-ce pas? Le progrès vers quoi?
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Un grand nostalgique de Nicolas II poste sans cesse des documents sur cet homme d'un autre monde et sa merveilleuse famille, sacrifiés d'une façon atroce par une bande d'affreux gnomes. Ce drame est si symbolique, et le vertige m'a saisie, ce matin, dans mon lit, à la pensée qu'il s'est produit seulement quelques décennies avant ma naissance, que la sainte Russie et son dernier tsar ont été assassinés si près de moi que je pouvais presque leur donner la main...
D'ailleurs j'ai connu quelques vieux émigrés qui avaient connu tout cela, et qui avaient échoué dans le Paris bourgeois et ennuyeux à mourir où je mourais d'ennui parmi les trotskistes et les féministes et tous les gnomes qui n'avaient pas encore trouvé de révolution aboutie du genre qu'ils aimaient tant: le triomphe définitif de la médiocrité et de la laideur sur la grandeur, la beauté et la poésie, avec de bons massacres et de vrais camps de travail... Pauvres vieux Russes à la dérive. Cent ans après vous, c'est moi qui m'exile.
Je suis née quelques décennies après que des millions de Français soient morts dans les tranchées pour sauver leur pays, leur terre, du moins le pensaient-ils, et sept ans après la deuxième mondiale, dont mon grand-père me parlait tellement qu'à quatre ou cinq ans, je faisais des cauchemars sur la guerre. Il me parlait de celle de 40, de celle de 14 et même de celle de 70, dont lui-même avait entendu parler quand il était petit...La France d'alors, c'étaient pour moi des gens bien élevés qui avaient du goût et achetaient chez les antiquaires, mes tantes et ma mère, ravissantes et toujours élégantes, un pays où il faisait bon vivre et qu'avaient sauvé les résistants et les Américains.
Il est vrai que les horreurs et les infamies de la libération avaient fait passer ma famille de gaulliste pendant à pétainiste après guerre... Mais bon, j'étais sur cet arrière-plan troublé dans un petit quotidien français gentillet, terriblement banal, rassurant, avec des moments de rêverie, d'aspirations vagues...
J'ai senti venir la merde après 68. Je ne savais pas combien de temps cela prendrait, ni dans quelle proportion ce serait vraiment merdique. Il semble que ce sera très merdique, et très infâme. Oui, il semble que ce sera la fin. Combien de temps tiendront ceux qui voudront tenir, les pays de l'est, les Russes?
Et ceux qui nous auraient voulu tous résistants et faisaient des procès à la France entière nous vendent et nous exhortent à nous coucher, vouloir conserver son pays et son peuple n'est plus à l'ordre du jour. Dieu m'a vraiment protégée en ne me laissant pas avoir d'enfants... avec moi se refermera ma lignée, la longue suite de mes ancêtres français, européens, indo-européens. C'était une bonne lignée, à en juger par mes parents et grands-parents, et tout ce qu'a produit la France et ce qu'a produit l'Europe. Je ne laisserai pas de descendants dans ce bordel et ce dont j'ai hérité ne sera pas profané. J'emporterai tout cela bien plié avec moi dans l'autre monde en attendant l'avènement du Royaume...
Je pense que les Russes, s'ils doivent disparaître, mourront sans doute debout.
Oh nos pays blessés à mort, violés par les fils du diable...
Quand on fait aux gens la vie irrespirable, ils se fichent de mourir.
La Russie était si belle, et peuplée de belles gens. Il reste encore de belles gens, en Russie, et de beaux endroits, mais c'est quand même un champ de ruines où des chacals vont et viennent, avides d'achever et de décharner ce qui bouge encore.
Pourtant, ce qui bouge encore ne se rendra pas si facilement.
Les tableaux publiés par l'ami russe sur Nicolas II et son temps semblent me regarder depuis l'au-delà. J'en parlais l'autre jour avec le père Valentin: tout ce que nous aimions est avec eux, avec cette Russie si magnifiquement anachronique, encore si proche et déjà si inaccessible, que des monstres hideux et haineux ont assassinée avec son tsar dans la maison Ipatiev. Avec la beauté, avec la noblesse, avec la grandeur. Avec la foi et la pureté. Avec la sensibilité et le raffinement. Avec tout ce qui donnait un sens et une transcendance à la vie.
Je suis venue mourir le plus loin possible de la mort de la France et de sa dégradation, dans les ruines de la sainte Russie où poussent des églises, comme des fleurs nouvelles sur une terre ravagée par un incendie.
La fin du jour
Les voici déferlant, ces ténèbres pressées
De marcher sur les fleurs éparses de nos fêtes,
Aux murs de nos cités de suspendre nos têtes,
Sans relâche traquant les lueurs oubliées
Des printemps d’autrefois et les promesses claires
Faites aux cœurs d’enfants, de chemins de lumière
Que leur ont interdits trop de furieux démons…
A l’issue de mes jours, je guette l’horizon
D'où nous viendra la fin.
La fin de tout s’élance, elle est noire et puissante,
Plus rien ne la retient
Elle lâche sur nous, meute tonitruante,
Ses hérauts et ses chiens.
Je meurs sans descendance et j’en rends grâce à Dieu,
Sur l’autel de Moloch, je n’étendrai personne.
Pas de fille soumise au plaisir des messieurs,
Pas de garçon brisé par le canon qui tonne.