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vendredi 14 septembre 2018

Bouton d'or suite...


Je suis partie pour Moscou bien décidée à prendre Bouton d’or, et sur place, j’ai reculé devant l’obstacle. Tout d’un coup m’a envahi un sentiment de panique. Le petit chien est gros pour son âge, la vendeuse m’a dit qu’il ne grossirait plus beaucoup, mais à trois mois, il est aussi gros que Doggie adulte, et il a d’assez grosses pattes. Ce ne serait pas un problème, mais lui, je devrai le prendre avec moi, quand je vais à Moscou ou ailleurs, c’est-à-dire le charrier, en plus de mon sac et parfois un instrument de musique, ou la valise à l’aéroport, et je ne sais pas s’il entrerait dans les limites de poids qui permettent de garder le chien avec soi, c’est-à-dire sous le siège. Il m’a paru assez dominant, et je ne le trouvais pas aussi expressif, ni d’ailleurs aussi joli que mes chiens précédents, mais il faut dire que trois quatre mois, c’est l’âge ingrat du spitz, disons qu’avec Jules et Doggie, j’ai eu la certitude immédiate que j’avais affaire à des intellectuels, même si Doggie me faisait la gueule… J’ai vu tout à coup que Rosie et lui pouvaient s’unir pour courser les chats, avec toutes les conséquences de ce genre de choses, les miaulements furieux, les aboiements, qu’ils pouvaient aussi aller vagabonder ensemble, ce qui ne ferait pas du tout mon affaire, car je me ferais du souci pour le spitz.  Les chats jaloux, qui tous les soirs attendent à quatre sur mon lit, dans les startings blocks, le moment de se jeter sur moi pour avoir la meilleure place, et le matin, qui se battent dans mes jambes pour avoir ce qui leur semble la meilleure gamelle, celle du voisin, plus Rosie qui ne pense qu’à leur voler leur bouffe, et un de plus là au milieu…Et puis je ne sais pas, peut-être quelque chose de plus profond, l’angoisse de ne pas lui survivre, s’il va jusqu’à quatorze ans, j’en aurai quatre-vingt. La réminiscence de mes chagrins… J’ai demandé un délai de réflexion. Le père Valentin m’a dit : « On a trop de peine quand on les perd, et puis, n’avez-vous pas assez de fardeaux ? »
J’avais envie de pleurer, car je ne pouvais me décider, mais la perspective de ne plus avoir de spitz dans ma vie me déprime, cela me manque beaucoup. Seulement peut-être que le train est déjà passé. J’ai moins d’énergie qu’avant, et trop d’animaux. Je préfèrerais avoir un seul spitz que quatre emmerdeurs de chats et une emmerdeuse de Rosie. Mais je les ai…
Le père Valentin m’affirme que là bas, je retrouverai tous mes animaux. « Vous croyez ?
- J’en suis sûr ! »
Je voulais l’appeler Bouton, ils l’avaient appelé Baton…
Le père Valentin avait pris la peine d’inspecter ma traduction, mais il était fou de rage contre l’auteur du livre qu’il trouve nul, bourré d’erreurs, et même d’hérésies, et de passages empruntés mal recopiés er sans références à leur origine.
Je suis pleine d’admiration devant l’étendue de sa culture.
A propos des frasques de Bartholomée, il pense que les Russes ont eu des torts envers les Grecs, mais que d’un autre côté, la Russie les a inondés de fric pendant des siècles et soutenus contre les Turcs. Le baron et lui sont persuadés que cette infamie est une commande américaine. Ils s’attendent à ce que deux églises subsistent sur place, l’exarchat de Bartholomée, et les trois quarts des orthodoxes locaux derrière le saint métropolite Onuphre. Avec toutes sortes d’exactions de la part du pouvoir, bien entendu.
Le Baron me dit que si Poutine n’a pas récupéré les territoires russes qu’on avait fourrés dans l’Ukraine, ce qui aurait épargné beaucoup de sang et de malheur, et la fracture qui se dessine parmi les orthodoxes, c’est qu’on lui avait envoyé un émissaire des banques suisses pour lui faire du chantage, puisqu’à la suite de la Perestroïka, la plupart des avoirs russes étaient off shore…
Le père Valentin et lui me disent, et je le crois aussi, que la perestroïka a été voulue par les apparatchiks pour leur permettre d’entrer sur la scène internationale des grands brasseurs de fric en mettant la main sur les richesses du pays. Ils pensent que Poutine a récupéré une partie de l’argent envolé, et qu’il s’est bien débrouillé en Syrie, mais que néanmoins, lui disparu, on ne sait pas ce qui pourrait arriver, car les divers fonctionnaires ne pensent jamais aux intérêts russes. D’ailleurs en réalité, plus j’y pense, et plus il me paraît évident qu’avec la monarchie a disparu aussi, chez les gouvernants, le sens de l’intérêt national : ils sont là pour un temps limité, ou alors ils ont volé le pouvoir et installé une dictature, et pensent à la maintenir en premier lieu, tout en restant otage de l’idéologie qui leur a permis de prendre la place, qu’elle soit ou non absurde et meurtrière, elle l’est toujours d’ailleurs, pour détruire un ordre social séculaire, parfois millénaire, et fatalement, la culture qui va avec, il faut être prêt à n’importe quel massacre.
Le lendemain, j’ai vu Xioucha, qui m’a raconté, de son côté, que ses enfants détestaient la Russie et se moquaient des enfants « patriotes ».  Pourquoi ? A cause de la propagande générale, en tous cas sur Moscou. C’est –à-dire qu’il ne suffit pas de traîner ses gosses à l’église, pour éviter d’en faire des petits cons qui vont soutenir Navalny dans les manifs financées par Soros, et attendrir les libéraux quand ils se font ramasser par les flics. Il faut les élever activement dans leur culture, leur folklore, leur littérature, leur musique, l’amour de leur architecture et de leur histoire. Or l’architecture, on la détruit depuis cent ans. L’histoire, on la falsifie depuis cent ans. Le folklore, on le falsifie aussi, pour en faire de la bouillie de mauvais goût ou des formations qui n’ont plus rien de populaire, et alors qu’il renaît, le ministre ferme son centre d’investigation florissant. Les libéraux, en cela, sont les dignes successeurs des fonctionnaires soviétiques, d’ailleurs, ce sont en réalité les mêmes, avec le même mépris pour tout ce qui est authentiquement russe.
Tout cela, en plus du chien, m’a profondément attristée et je me suis mise à pleurer dans sa cuisine. Puis je lui ai parlé de mon livre et de mon voyage aux Solovki : «Vous ne m’étonnez pas, tous ceux qui sont allés là bas m’ont dit qu’il y régnait une grâce extraordinaire.
- C’est juste, et puis tu comprends, quand j’ai écrit ma première version du roman, dont je ne suis pas spécialement fière, j’avais rêvé du métropolite Philippe. Il me disait : « Comment peux-tu croire, après m’avoir rencontré dans ton livre, que nous ne nous retrouverons pas un jour ? » Et je suis allée le voir, et je l’ai rencontré, je ne dis pas que j’ai eu une vision, mais je l’ai rencontré spirituellement, et j’ai compris que mon livre avait été une initiation spirituelle…
- Mon Dieu, Lolo, mais je ne sais pas comment vous faites, vous êtes tellement sensible, et ces rêves, ces expériences… à votre place, il me semble que j’aurais perdu la tête depuis longtemps !
- Mais en effet, je m’étonne de ne pas l’avoir perdue, et je sais maintenant que si je ne deviens pas folle, c’est que je suis protégée, c’est que j’ai la foi, et même elle se consolide. Je suis une chrétienne nulle, faible, je n’arrive pas à respecter les carêmes et cela m’emmerde souvent d’aller à l’église…
- Vous croyez qu’à l’église, vous êtes environnée de saints ?
- Non, mais c’est vrai que je suis nulle, Dany, elle adore aller à l’église, elle y passerait sa vie ! Enfin toujours est-il que je suis exactement comme mon héros, le beau jeune homme Fédia, et de cette fascination pour le tsar, dont j’étais complètement amoureuse, et entre parenthèses, tu comprends pourquoi j’étais amoureuse de ce personnage ? C'est pour moi un profond mystère...
- Parce que vous êtes comme moi, Lolo, vous n’aimez que les salauds !
- Oh c’est un salaud particulier, mais ce n’est pas faux, sans doute, quoique les fantasmes et la vraie vie soient deux choses différentes. Enfin, de cette fascination dont je n’arrivais pas à sortir, j’émerge depuis qu’à l’instar de mon héros, je suis allée retrouver le métropolite Philippe. Quels que soient les sortilèges du tsar, il a tué le métropolite, et vient un moment où il faut choisir entre les deux. Fédia choisit, et moi, depuis les Solovki, j’ai franchi un stade, ou je suis en train de le franchir, et mon livre sera bientôt fini." 

Jules

Doggie


mercredi 12 septembre 2018

Bouton d'or



Anna Messerer m’a parlé d’un spitz, qu’on cherche à caser,. C’est un petit spitz, pas un miniature, très gai, très joueur, habitué à jouer avec d’autres chiens. Il ressemble beaucoup à Jules, d’après la photo, joyeux et sans complexes. Il a trois mois. Je me suis dit que peut-être, c’était justement le chien de la situation, celui qui jouera avec Rosie et la retiendra un peu à la maison, et qui atténuera mon chagrin d'avoir perdu Doggie, encore que je ne sais pas, ce chagrin est mêlé d’une grande culpabilité. J’espère qu’il  n’arrivera rien à ce petit chien et que je ne mourrai pas avant lui. La vendeuse m’a dit que c’était un petit brigand et qu’il épuisait ses autres chiens. J’espère que je ne vais pas introduire un emmerdeur de plus. Mais à y bien réfléchir, un chien doux et traumatisé, comme mon petit Doggie, en face d’une plaie comme Rosie ne ferait pas le poids et déclencherait sa jalousie sans avoir de chance de conquérir sa sympathie, alors qu’un chiot très joueur, peut-être. Il paraît qu’il est intelligent, et c’est important.
Dany, devant sa photo, s’est exclamée : «Oh, qu’est-ce que c’est que ce bouton d’or ? » En effet, c’est une boule de poils hilare et dorée. Du coup, j’ai pensé l’appeler Bouton, en russe Boutone ou Boutia.
Il  m’arrive souvent de penser aux Solovki, j’ai parfois l’impression (je ne veux pas dire l’intuition) que j’y finirai mes jours. Et je sens la présence tutélaire du métropolite auprès de moi. Et aussi du père Placide. Je ne me vois pas moniale, plutôt ermite. Je suis déjà une sorte d’ermite, d’ermite involontaire.
Je vois déjà des réactions stupides et basses sur les sites orthodoxes, de gens qui ne connaissent et ne veulent connaître rien d’autre que la propagande. Les serviteurs transnationaux de l’Ennemi du genre humain jouent sur les pires sentiments, usent des procédés les plus bas, achètent, corrompent, brouillent les esprits, pervertissent et endurcissent les cœurs. C’est un affreux spectacle. Le patriarche Cyrille invite à ne pas laisser l’espace d’internet à ces gens-là, même si cela trouble notre paix intérieure. Il faut être fort, spirituellement, pour faire face à cela. J’aurais parfois bien envie de couper le courant.
L’Eglise Orthodoxe Ukrainienne canonique, en revanche, a une attitude admirablement digne et mesurée, ferme mais pas haineuse.... J’ai encore vu une vidéo ce matin qui me rend pleinement solidaire de ces gens et de leur métropolite.
Je prie Dieu, et mes saints russes préférés, parce que cela devient trop affreux, trop répugnant, et j’ai souvent envie de pleurer, une tristesse au coeur pleine du pressentiment de lendemains imminents difficiles. Se mêlent en mon chagrin l’impuissance devant tant d’infamies et tant de souffrances encore à venir, et mes souvenirs des miens disparus, de la France trahie, vendue, avilie, où l’on assassine et viole maintenant à tous les coins de rue, où l’on massacre avec prédilection les jeunes gens beaux et sains, du genre pompier secourable, personnel médical, garçon chevaleresque qui s’interpose. Et l’on punit et agonit d’injures ceux qui tentent de se défendre ou de défendre les autres, c’est le règne de la canaille, du cynisme et de l’iniquité, des histrions et des pervers.
D’un autre côté, ces événements mettent les choses à leur place et opèrent un tri. Les tentations oecuménistes dans le haut clergé russe devraient en prendre un bon coup dans l’aile. Les commentaires des gens qui défendent le patriarche Bartholomée et braillent sur « les Russes » sont tellement stupides, bas, ignorants qu’ils dénoncent eux-mêmes leur propre ignominie. Les gens doués de discernement spirituel ne peuvent pas ne pas voir ce qui se trame, et de quel côté est le diable.
Est-ce que le père Placide se doutait qu’allaient arriver des choses de ce genre, quand il me disait qu’avec dix ans de moins, il aurait tout vendu pour aller fonder un monastère en Crimée pour la future émigration française ? L’Occident actuel est sous l’emprise de forces mortifères déchaînées qui gangrènent absolument tout. L’actualité n’est plus seulement manipulée, elle est entièrement falsifiée, de telle manière qu’on peut massacrer tout un peuple en le présentant aux foules hypnotisées comme l’agresseur, tandis qu’on déverse sur lui des armes atroces et théoriquement interdites, que l’on vise délibérément ses enfants, viole et torture ses femmes, spolie, ruine et empoisonne ses biens et son environnement.
Il vaut mieux s’apprêter à mourir en un tel monde que de venir d’y naître.
Il fait gris et pluvieux, j’ai branché le convecteur qui, pour l’instant, suffit à sécher la maison. Rosie s’ensauvage, le petit chien est mon dernier atout, j’espère que ce n’est pas elle qui l’entraînera à vagabonder… En principe, les spitz restent avec leur maître. 
J’ai appelé Cécile. Je pense souvent à elle, la mouette de fer forgé me rappelle Goudargues, le café, les platanes, le petit orchestre de tout jeunes gens qui jouaient des airs désuets, la douceur poignante de la France qui expire.
Elle m’a commandé une icône, j’ai des commandes en retard, il me faut m’en occuper, et trouver le moyen de les faire transiter.
Ce matin, c’était la fête de saint Alexandre Nevski, protecteur de la ville, où il est né. A l’église du même nom, celle du père Constantin, c’était encore une liturgie épiscopale, avec, cette fois, un très beau chœur d’hommes, et de beaux chants, sans rossignols énamourés. Le chant des Chérubins m’a paru soit byzantin, soit russe ancien, avec un isson. Mais l’église était bourrée, je ne pouvais pas m’asseoir, j’avais mal dormi. Malgré cela, j’ai prié avec ferveur, mais je ne suis pas restée aux festivités ultérieures.
J'espère que le prince Alexandre intercèdera avec succès pour sa ville, son pays, son peuple, et la chrétienté orthodoxe.


Vol de mémoire

A la suite de l'interview du métropolite de Donetsk, j'ai cru bon de traduire une autre vidéo qui donne le son de cloche russe, que les gens en France ne risquent pas d'entendre. Comme le dit l'intervenant, de nos jours, peu importe la vérité, du moment que l'on occupe le champ informatif, ce n'est plus de l'information, c'est de l'hypnose.
Cet homme fait un point assez complet, et ce qui m'a intéressée, c'est que l'on essaie de mener en Ukraine et en Russie la même destruction de la mémoire que chez nous, avec les mêmes falsifications historiques, destinées à priver les gens de leur histoire, comme dans le cas des héros d'épopées antiques ou des figures historiques médiévales dont on fait jouer le rôle par des Africains.
Pour casser la puissante identité russe millénaire, il faut casser tout ce qui unissait les trois Russie d'une manière très forte, les liens culturels, historiques et surtout spirituels.
Et d'une manière générale, si l'on veut obtenir un troupeau de poissons de bancs incapables de communiquer entre eux,il convient d'étendre l'opération à la planète entière. Mais actuellement, c'est le christianisme qui est visé et partout calomnié en long en large et en travers. Et la forme la plus résistante du christianisme, c'est l'orthodoxie.
Je sais depuis déjà un moment que le pape François est là pour achever le christianisme et l'Europe, et qu'on lui a donné la place de Benoit XVI dans ce but. Il m'apparaît à présent de façon évidente qu'il n'est pas le seul agent destructeur à l'oeuvre.



dimanche 9 septembre 2018

Un peu d'art


C’était une liturgie épiscopale, ce matin, très belle, avec habillement solennel de l’évêque, un beau chœur, et je pensais à Henri et Patricia, qui n’ont pas assisté à ça. Sur le fond de qui se passe en ce moment, je bénissais le ciel d’être en Russie, je pensais au père Placide. Sans doute ne savait-il pas consciemment ce qui allait arriver, mais en m’envoyant en Russie, il a fait preuve d’une grande clairvoyance, j’aurais très mal supporté la situation si j’étais restée en France. Je me sentais spirituellement chez moi, avec tous les saints du pays, je sentais spirituellement, et je dirais même physiquement, dans un certain attendrissement et une allégresse de mon cœur, que j’étais en communion avec le dernier petit troupeau et qu'il m'était très cher. Je me suis souvent dit que Dieu n’avait pas abandonné l’Ukraine, puisqu’il lui avait donné comme métropolite monseigneur Onuphre. Mais tout à coup, il m’apparaissait aussi qu’avec monseigneur Onuphre comme métropolite là bas, tout croyant orthodoxe normal ne pouvait pas ne pas voir qui sert celui qui le poignarde dans le dos, de même qu’au temps du métropolite Philippe, il était évident que Dieu était de son côté, et pas du côté du tsar ou des misérables en soutane venus à son instigation témoigner contre le saint. La sainteté jette sur les intrigants une lumière qui les démasque... 
J'ai fait une photo de l'église du métropolite Pierre, que je voudrais tant voir sauver et réparer...
Le père Constantin était requis par l’évêque, mais il a, si je comprends bien, des projets, on construit une maison de la culture religieuse, et nous pourrions y organiser concerts et stages de folklore ethnographique, expositions, lectures littéraires...
J’avais ensuite rendez-vous avec Lioudmila la juriste, dans la galerie qui occupe une partie de l’église voisine, mais j’avais faim et une heure à tuer, je suis allée au café Montpensier, qui est à côté, et j’ai commandé l’excellent bortsch, sur la terrasse, face à l’église de la Transfiguration. Une fois de plus, j’ai eu une pensée pour Henri  et Patricia, ils sont maintenant partout, ici !
Le temps reste idéalement ensoleillé et tiède, il fraîchit un peu, insensiblement. En robe d’été, je songeais que dans quinze jours peut-être j’allumerais le chauffage et  que dans un peu plus d’un mois, je verrais les premiers flocons…
A la galerie, Lioudmila m’a présenté un vieux peintre, Valeri Vekchine. Il voulait absolument me rencontrer, car il lit mes chroniques, dans la traduction automatique, il a bien du mérite. Je suis tombée amoureuse des tableaux d’un autre peintre, pas très chers, mais les temps sont durs. Dans cette galerie, il y a de tout, du meilleur comme du pire. J’ai vu une photo ancienne, enfin peut-être une vingtaine ou une trentaine d’années, du bord de la rivière Troubej, avec de si jolies maisons, équilibrées, homogènes, harmonieuses, il n’en reste plus une seule, elles ont toutes été détruites pour reconstruire des horreurs hétéroclites. 
Une des femmes qui exposaient a fait un discours pour dire son amour de Pereslavl, avec une sincérité et une fraîcheur touchantes. Son amie exposait de jolies céramiques, j’en ai pris une pour une dizaine d’euros.
Après quoi je me suis rendue avec Lioudmila dans la galerie personnelle de Valeri Vekchine, une isba qui reste très jolie, un peu en retrait de la berge de la rivière. Il nous a montré ses œuvres, qui me plaisaient diversement au départ, mais dans lesquelles je suis peu à peu entrée. Le problème est qu’il faut souvent regarder longuement les tableaux pour les voir vraiment. Il avait de très belles vues de Pereslavl, des endroits qui ont disparu, eux aussi.  Il a des styles très différents, et fait aussi des compositions abstraites à base de planches et divers objets.
Il a le projet de faire une galerie pour les tableaux et dessins d’enfants, qui le passionnent, et c’est une chose qui m’intéresse aussi beaucoup.  J’avais à cœur, à l’école, de pousser les enfants à travailler ce qu’ils faisaient spontanément, en leur donnant de beaux matériaux, pour arriver à produire une œuvre, à partir de ce que trop d’adultes et d’enseignants considèrent comme des gribouillis. Si tout le monde dessinait comme les enfants, ce qui était le cas autrefois dans toutes les campagnes, le monde serait plein de beauté.
Ensuite, Lioudmila est venue chez moi, nous avons pris le thé dans le jardin. Elle était étonnée par les changements, malgré le laisser-aller dans mes plates-bandes. Mais bientôt, je n’aurai plus ce problème, jusqu’à l’année prochaine. Juste celui, dans les prochains jours, des transplantations et plantations d'automne.
Les chats font une hécatombe de souris.

Valeri Vekchine et ses tableaux








vendredi 7 septembre 2018

Les prédicateurs de mort.

Depuis de nombreux mois, je conservais avec mauvaise conscience, l'interview de monseigneur Luc, évêque de Donetsk, publiée par le blogger ukrainien dissident Anatoly Shary, sans arriver à me décider à me lancer dans le travail difficile de sa traduction. La précipitation avec laquelle tout à coup le patriarche Bartholomée a décidé de doubler l'Eglise Ukrainienne Orthodoxe, son admirable métropolite, ses fidèles héroïques, pour donner satisfaction à un aventurier en soutane promu par un pouvoir criminel, m'a contrainte à y consacrer ma journée.
Il convient en effet que les orthodoxes sachent QUI le patriarche Bartholomée, en prenant cette décision furtive, honteuse, sans l'accord des autres Eglises, poignarde dans le dos et QUI il gratifie de son soutien, et dans quelles circonstances.
Certains me disent que la décision n'est pas prise. Les Russes eux-mêmes ne commentent pas, peut-être négocient-ils encore? Bartholomée lui-même affirme sans honte qu'il oeuvre à l'unité orthodoxe, mais il vient d'envoyer deux exarques en Ukraine.
Comme dit monseigneur Luc de Donetsk, il ne faut pas entrer en contact avec ceux qui prêchent et portent la mort, ni avoir avec eux de ressemblance intérieure. Qui se ressemble s'assemble.
En ce qui me concerne, je ne suis pas du côté des prédicateurs de mort. Et je sais désormais qui ils servent.




Le fruit mûr de l'été


Je pense si souvent à Doggie, je revois tout ce qui s’est passé, je crois que de toutes mes hsitoires d’animaux, c’est celle qui m’a le plus brisé le cœur. Lorsque je lis ce que j’ai traduit sur Grégoire Palamas, je ne vois pas dans cet au-delà sans espace ni rien de sensoriel, de place pour mes petits chiens, et pourtant, je suis sûre qu’il doit y en avoir une, sinon, tout serait trop injuste, et d’ailleurs, n’en déplaise aux moines, nous avons 99% de gènes en commun avec les animaux (et les végétaux), et à mes yeux, le salut et la transfiguration seront forcément cosmiques.
Le beau temps apporté par Henri et Patricia s’éternise, l'automne approchant semble le fuit mûrissant de l'été. Hier, je suis allée au lac, près de Godenovo, et je me suis baignée. Il était lisse comme un miroir, frais, mais pas froid ; j’y suis entrée, le silence aurait été parfait, sans les voitures qui passaient de temps en temps sur la route proche, un silence immense, mystique, où chantait un oiseau, quelque part. De petits nuages subtils se reflétaient dans la surface immobile, dans l’azur dédoublé, un azur pâle et tiède.  Le paysage était à la fois modeste, sans rien de spectaculaire, mais captivant, absorbant, avec une sorte de grandiose douceur. Je ne finis pas mes jours au bord de la mer, mais je retrouve la possibilité de me baigner dans des endroits beaux, à peu près intacts, pas surpeuplés. Et lorsque je nage, je n’arrive plus à sortir de l’eau. Je l’épouse, elle me régénère et le ciel me dévore.
Je pensais à l’Ardèche, où j’allais enfant avec maman, les pierres plates et brûlantes de Sauze, l’eau verte et mouvante, rapide, les falaises, en face, prêtes à bondir, les odeurs balsamiques des plantes du midi. Ou à la mer, la mer à Sainte-Maxime, à Saint-Tropez, dans les années 60, les gens beaux, éduqués et distingués que je voyais sur la plage, avec cette rumeur de conversations, de cris d’enfants et de mouettes, de vagues murmurantes, de vent iodé. C’était le début de ma vie, sous le soleil, avec tous les élans de mon corps enfantin, et de mon âme contemplative, qui cherchait l’éloignement, et je nageais, pour le trouver, je m’éloignais dans l’infini bleu, celui du ciel reflété par la mer, et j’entamais un silencieux dialogue, un dialogue sans mots…
Les lacs du nord où je finis ma vie sont d’une autre nature, leurs eaux plus étales, ils jouent avec les nuages, dont le ciel est toujours plus ou moins hanté, discrètes présences angéliques sur eux penchés, ou grandioses architectures de lumière, troupeaux de cavales nomades et de sombres guerriers bleus, interminables et fascinants défilés… L’air est plein de fantômes russes et de saintes présences.
Je ne peux pas dire que dans cette Russie que j’aime si profondément, comme un rêve poursuivi et accompli, je n’ai pas le mal du pays, le mal de la France, ce sentiment poignant et sournois qui jette de vives images dans notre esprit, vives images d’un passé mort.
Le long de la route, les arbres se dorent comme les motifs anciens d’une grande iconostase.






lundi 3 septembre 2018

Par delà les destructions


Rosie va être pour moi une source de problèmes, je le sens venir, et ne sais comment désamorcer cela. Les gens sont avec elle et moi étonnament patients, et pourtant, à des signes discrets, je sens qu’elle emmerde tout le monde. Elle pique des affaires, saute sur les passants, éventre les sacs poubelles que l’on sort le jeudi, commet toutes sortes de méfaits.
La voisine me suggère de l’attacher et je ne peux m’y résoudre. Ce sera l’enfer pour elle, et pour moi, et je me demande si je pourrai encore l’approcher. La mettre dans un enclos, ce sera la même chose. Elle ne supporte pas d’autorité ni de restriction à sa liberté, seulement elle fait n’importe quoi.
J’aurais dû la donner. Cela me faisait de la peine de le faire, et je ne savais pas trop à qui. Mais c’est un chien pour moi incontrôlable.
Les nouvelles sont partout si affreuses, la guerre se déroule, sournoise et non déclarée entre la caste mafieuse américano sioniste et les peuples de la terre, une guerre sale, où tout est permis, les mensonges, les calomnies, la corruption, les massacres tenus secrets au sein même d'un incessant tohu-bohu d'informations orientées et de nouvelles stupides et indécentes. On ne parle pas de la mort de Zakhatchenko, pleuré par tout son peuple résistant et martyr, et si l’on en parle, c’est pour suggérer qu’il s’agit d’un règlement de compte entre bandes mafieuses ou un assassinat commandité par le Kremlin, qui n’a aucun intérêt à cela. Règlement de compte mafieux, oui, dans un sens, ça l'est, les méthodes aussi: la caste transnationale contre un petit peuple résistant et son chef, ancien électricien à qui l'histoire a donné une dimension et un destin.
L’incendie d’un important musée au Brésil, avec des collections et une bibliothèque irremplaçable m’a tout à coup fait assembler plusieurs pièces de l’horrible puzzle que je vois se composer au fil des années sous mes yeux : récemment, l’église de Kondologa, pas n’importe quelle église, pas une église médiocre et occidentalisée, non, la quintessence du style russe original. Le musée au Brésil. Palmyre, anéantie par Daesh. Les Bouddhas d’Afghanistan dynamités par les talibans. Le musée de Bagdad mis au pillage au moment de l’invasion américaine…
Une collaboratrice du musée de Pereslavl a mis des photos des maisons en bois anciennes de la ville encore debout, pour combien de temps ?
Elle a aussi répertorié les horreurs commises à travers la ville, l’hôtel kitsch qui copie le style néerlandais, les pompes à essence et les centres commerciaux devant le monastère saint Daniel, lui-même cerné par les « cottages »… quelqu’un m’a dit que la restauration des églises du centre, dont celle du métropolite Pierre, chef d’œuvre unique,  « coûterait trop cher ». J’ai posé la question : « Pense-t-on qu’une fois les beaux objets anciens éliminés du paysage, les touristes viendront contempler les « cottages » en plastique, ou les petits musées stupides et inutiles, du genre la théïère ou le fer à repasser ou le rire et les farces ? »
Pour faire des horreurs, ils trouvent de l’argent. Pour construire la basilique sainte Sophie bis à Godenovo, en pleine campagne, on en a trouvé. Et près du lac pourrit un hôtel qui a coûté des millions, qui n’a jamais été utilisé, et que les gens ont fini par piller.


















Cependant, Henri m’a adressé les vidéos qu’il a composées sur son voyage, il a manifestement du mal à reprendre pied, car même défigurée, la Russie conserve de puissants charmes.  Le temps n’est pas si loin dans le passé, avant tout ces désastres, où ce pays fervent et féérique, étrangement irréductible, témoignait dans son espace nordique d’un esprit chrétien vivace et d’une inépuisable poésie païenne. Cela reste dans l’air, dans le ciel unique et ses nuages colossaux, dans l’attitude chaleureuse, la simplicité et la ferveur des gens, et je crois que se constitue au dessus du pays martyr une sorte de ville invisible de Kitej, peuplée de tous ceux qui ont contribué à l'édifier, à la défendre, l'au delà doré de la sainte Russie et ses carillons inextinguibles. J'ai entrevu aux Solovki que cette entité mystérieuse n'était pas destructible: au-delà, on ne peut plus rien contre nous.

La Terre russe. Ensemble Jivaïa Voda


Comme sur la montagne de Dieu, vers spirituel. 
Ensemble Jivaïa Voda.

Il s'agit de l'ensemble où joue Yegor Strelnikov que nous avons rencontré devant la laure de la Trinité Saint-Serge.