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mardi 16 mars 2021

Ma lettre à Nikita Mikhalkov au sujet de "l'amélioration" de Pereslav * Письмо Михалкову по поводу "благоустройства" Переславля



 Estimé Nikita SergueIevitch

Je vous souhaite un bon grand carême.

Je m'adresse à vous dans l'espoir que vous pourrez vous intéresser au saccage par les fonctionnaires de ce qu'il reste de la grande civilisation russe que j'ai aimée à l'âge de 15 ans, avant de me convertir, déjà étudiante, à l'orthodoxie, à l'âge de 19 ans, à Paris.

Après 2 voyages en URSS, où j'ai constaté les traces des saccages soviétiques, je suis revenue en 90, invitée par un ami, l'historien et cinéaste Viatcheslav Sergueïevitch Lopatine, et j'ai participé à l'expédition "sur les traces de Radichtchev, de Pétersbourg à Moscou", où j'ai observé les traces de la catastrophe culturelle dans toute leur ampleur. Je pensais alors naïvement comme tous les participants, que la Russie allait maintenant se rétablir et qu'avec l'Europe, nous allions tous construire l'Eurasie dans l'amitié.

En 94, je suis partie travailler en Russie, au lycée de l'ambassade; et j'y suis restée 16 ans. J'y trouvai une paroisse et un père spirituel, le père Valentin Asmus. Je liai amitié avec Vladimir Skountsev et le Cercle Cosaque et me mis à chanter avec eux. Je suis profondément convaincue que la conservation de la Russie et sa renaissance sont liées à la sauvegarde et à la diffusion de la tradition populaire. Comme je fais aussi de l'aquarelle, je partis en vacances à Pereslalv Zalesski et tombai amoureuse de cette ville pittoresque très russe, qui avait gardé son caractère, en dépit des destructions soviétiques et de l'état déplorable des églises et monastères encore existants. J'achetai même une datcha dans un village voisin.

En 10, la maladie de ma mère m'obligea à rentrer en France. Là bas, je me mis à fréquenter un monastère d'obédience athonite dans le sud de la France, fondé par un ancien moine catholique, l'archimandrite Placide Deseille, dont les livres commencent à être traduits en Russie. J'avais quitté la Russie contrainte et forcée, et elle me manquait, mais je pensais que c'était sans doute la volonté de Dieu et je me résignais. Cependant, après la mort de maman, le père Placide (avec le père Valentin) se mit à me convaincre de repartir en Russie. J'objectai que j'étais déjà âgée, que j'avais acheté une maison etc. Je savais que recevoir un permis de séjour était très difficile. Le père Placide me répondit: "Partez tant que vous en avez la force, vous ne voyez pas que nous sommes fichus?" Alors je décidai de m'installer dans ce même Pereslavl que j'aimais tellement. avec l'argent de ma datcha vendue, j'achetai une maison en ville et je partis.

J'avais vu le lac Plechtcheievo pour la première fois dans le film d'Eisenstein, à Paris, et je ne soupçonnais pas alors que j'habiterais à proximité, que j'irais le dessiner, m'y baigner ou me promener dessus en hiver. Je suis ici entourée par les ombres de ceux qui m'avaient enchantée quand j'étais adolescente, le beau prince Alexandre et aussi Ivan le Terrible qui a construit la superbe église du métropolite Pierre, sur le point de s'effondrer aujourd'hui. Ce lac nordique magique est un vrai miracle de la nature et un monument de l'histoire et de l'âme russe. La ville elle-même a été défigurée jusqu'à en être pratiquement méconnaissable par les fonctionnaires, les riches moscovites et ses habitants eux-mêmes. Il y a des endroits où je ne vais déjà plus, pour garder un peu ma paix intérieure. Je n'ai jamais vu une telle barbarie et une telle inculture, et cela menace également les autres villes de l'Anneau d'Or, Rostov, Ouglitch. Comme si on se hâtait de tout ravager pour justifier les discours sur la Russie obscure qui n'a jamais rien su faire de bien. Tout ce qu'il reste de beau ici, c'est le lac, ce grand être vivant, avec ses rives sauvages, ses roseaux, ses canards et ses mouettes. Et l'embouchure de la rivière Troubej, avec l'église des Quarante Martyrs. Mais pour les fonctionnaires, la vie, c'est sale, et ils ont décidé "d'améliorer" tout cela. C'est-à-dire de transformer tout ce qui est vivant et russe en un centre commercial perdu de banlieue européenne, bétonné et asphalté. Or en Europe, jusqu'à ces derniers temps, on ne commettait pas de tels crimes sur les centres des villes historiques, c'est pourquoi vos fonctionnaires peuvent tomber en transes devant nos villes et depuis celles-ci cracher sur les leurs, qu'ils ont abiùées eux-mêmes. Sans parler du tort causé au lac et à son écologie, et des projets concernant les prairies autour du monastère Nikitski, et de la colline d'Alexandre,  qui doivent être livrés à la construction de cacas plastifiés, de châteaux américains et de palais arméniens, on a l'intention de détruire la rive, de couper tous les arbres, et de flanquer un pont en travers de l'embouchure et de l'église des Quarante Martyrs..

En dehors des conseils de père Placide, ce qui m'a décidée à partir, c'est qu'en cas de guerre, je ne voulais pas être dans le mauvais camp, et pour moi, maintenant, le mauvais camp, c'est l'occident. C'est lui l'agresseur, c'est lui qui nous construit une dictature électronique sans précédent, qui détruit la famille et les valeurs humaines normales, qui persécute systématiquement les expressions de la foi, j'ai vu dans l'incendie de Notre Dame le signe de notre malédiction. Mais je pense maintenant que l'occident trouve plus avantageux d'attendre que la Russie se détruise elle-même.

Ce qu'on fait à Pereslavl et qu'on veut faire à Rostov, Ouglitch ou Souzdal, c'est une partie de ce programme d'autodestruction. Ce n'est pas seulement le fait de la bêtise et de l'inculture. J'avais vu une copie d'écran de commentaires, où deux créatures des ténèbres, soit maires soit députés, discutaient de la nécessité de détruire toutes les "vieilleries tsaristes" qui constituaient le terreau où se reproduisaient les conservateurs. Vous comprenez certainement que le Russe qui grandit dans le béton anonyme mondialiste, dans un mauvais goût atroce, au milieu des châteaux américains et des cottages en plastique, devant la télé qui lui déverse sa merde quotidienne dans la cervelle, sans foi orthodoxe, sans chants cosaques et paysans, sans traditions, sans littérature russe, dans une laideur sans lueur, n'est déjà plus russe. C'est un crétin mondialiste, prêt pour l'esclavage, comme ses équivalents européens dont il attend "l'arrivée de la civilisation". Or nous, européens qui cherchons un asile en Russie, espérant qu'elle sera la dernière arche de notre civilisation, où allons-nous encore aller? En Chine? Chez les fourmis rouges des lendemains radieux?

J'aurais déménagé à Férapontovo, mais je suis déjà fatiguée, et j'ai ici des relations parmi les orthodoxes, les cosaques locaux, les peintres. J'aime mon évêque et son clergé. Que faire, se résigner à cette hideur croissante impitoyable et attendre ici la fin du monde? Vladimir poutine parle des ciments culturels et spirituels de la Russie, mais qui les défend? Avant de conclure, je voudrais donner deux exemples significatifs. Un jour, je dessinais près de l'embouchure de la rivière Troubej, et j'entendis soudain le vacarme terrible d'une musique américaine contemporaine. Apparut une maman sur des patins à glace, qui conduisait d'une main la poussette de son bébé et tenait de l'autre une radio, source de cette musique vulgaire et mortelle. Je pensai: "Voilà comment on élève le crétin mondial idéal."

Avant hier, nous avions une rencontre de folklore au café français la Forêt, pour la maslenitsa. Parmi nous, il y avait des représentants des cosaques locaux. Nos cosaques, qu'une partie de la population couvre de sarcasmes, ont des enfants purs et merveilleux. Nous avions un couple, avec deux gentilles petites filles et un bébé. La maman me donna le bébé pour jouer de la balalaïka avec les autres. La toute petite fille réagit déjà beaucoup, on voit qu'elle est éveillée, paisible, confiante et caressante. Sa maman me raconta qu'à la maison, il suffisait de lui joer de la balalaïka pour qu'elle s'endormît. Car elle en entend le son depuis le sein de sa mère.

Et je pensai: "Voilà comment on élève une vraie Russe."

Mais je le pense depuis longtemps, et pas seulement pour ce qui concerne les Russes. Tout vient du sein de la mère.  Et du premier regard enfantin jeté sur un monde fabriqué par les démons par la main des imbéciles.

Aussi c'est une Française qui vous supplie de prêter attention à l'héritage russe et à ceux qui le détruisent, tant qu'il en reste quelque chose. Je n'ai pas de troisième patrie en réserve.

Peut-on supporter que les 800 ans de la naissance d'Alexandre Nevski soient fêtés par un sacrilège irréparable commis sur sa ville natale?  

 

Уважаемый Никита Сергеевич!  

Поздравляю Вас с началом Великого поста.   

Обращаюсь к Вам с надеждой, что Вы сможете интересоваться разгромом чиновниками того, что осталось от великой русской цивилизации, которую я полюбила в возрасте 15 лет до того, как перейти в православную веру, уже студенткой, в возрасте 19 лет, в Париже.  

После 2 путешествий в советский союз, где я констатировала следы советских разгромов, я приехала по приглашению приятеля, историка и кинорежиссера Вячеслава Сергеевича Лопатина, в 90 ом году и участвовала в экспедиции “ с Петербурга до Москвы по следам Радищева”, где я наблюдала следы культурной катастрофы в полном масштабе. Я тогда наивно думала, как и все участвующие, что теперь Россия будет восстанавливаться и что с Европой мы все дружно построим Евразию.  

В 94 ом году, я переехала в Россию работать в школе при французском посольстве и осталась там 16 лет. У меня появился свой приход и свой духовник, отец Валентин Асмус. Я стала дружить и петь с Владимиром Скунцевым и его Казачим Кругом. И я глубоко убеждена, что сохранение России и ее возрождение связаны с сохранением и распространяем народной традиции. Поскольку я занимаюсь тоже акварелями, я отправилась отдыхать в Переславль Залесский и влюбилась в этот живописный очень русский городок, сохраняя свой характер, несмотря на советские разрушения и плачевное состояние оставшихся монастырей и церквей. Я даже купила дачу в соседнем селе.  

В 10 ом году, болезнь моей мамы меня заставила вернуться во Францию. Я там стала ходить в афонское подворье на юге Франции, основанное бывшем католическим монахом архимандритом Плакидой (Десеем), чьи богословские книги уже переводятся в России. Я покинула Россию против своей воли, и тосковала по ней, но думала, что наверно воля Божья и с этим смирилась. Но после смерти моей мамы, о. Плакид (и отец Валентин) стал меня уговорить вернуться в Россию. Я возражала, что я уже в возрасте, что я купила дом, и т.д. Я знала, что получить вид на жительство трудный процесс.  О. Плакида мне ответил. “Уезжайте пока есть силы, разве Вы не видите, что нам конец?” Тогда, я решила поселиться в этом самом Переславле Залесском, который я так любила. Я с деньгами проданной дачи купила дом в самом городе и уехала.  

Плещеево озеро я видела в первый раз в фильме Эйзенштейна, в Париже, и я не подозревала тогда, что я буду жить недалеко, его рисовать, в нем плавать, на нем зимой ходить. Здесь меня окружают тени тех, которые меня так завораживали, когда я была подростком, прекрасный князь Александр и тоже Иван Грозный, построивший красивейший храм Петра митрополита, на гране разруха. Это северное волшебное озеро настоящее чудо природы и память истории и души русского народа. Сам город уже обезображивали чиновники, богатые москвичи и сами ее жители фактически до неузнаваемости. Есть места, куда я уже не хожу, чтобы сохранить какое-то внутреннее спокойствие. Такое варварство и невежество, такое фантастическое отсутствие вкуса и культуры я еще, по-моему, не видела нигде, и это грозит и другие города Золотого Кольца. Как будто спешат все окончательно изгадить и оправдывать свои речи о темной России, неспособной ни на что толково.  

Последнее красивое, что здесь осталось, это озеро, живое это большое существо, со своим дикими берегами, своими утками, камышами и чайками. И устье Трубежа, с церковью Сороков Мучеников. Но для чиновников, сама жизнь грязная и они решили все это “благоустроить”. То есть превратить все живое и русское в асфальтированный и бетонированный глухой торговый центр европейского пригорода. А в Европе, до последних времен, такое преступление мы на своих исторических городах не совершали, поэтому эти самые чиновники могут падать в трансы, по виду наших городов и плюют оттуда на свои, которые cами испортили. Не говоря о том, что губят озеро и его экологию, что планируют тоже в полностью захватить луга вокруг Никитского монастыря и Александровскую гору, чтобы строить свои пластмассовые какашки, свои американские замки и свои армянские дворцы, они намерены уничтожать берег, вырубать все деревья и поставить мост поперек устья Трубежа и церкви Сороков Мучеников.  

Кроме наставления о. Плакиды, играла роль в моем решении покинуть Францию мысль о том, что в случае войны, я не хотела быть в плохом лагере, и для меня сейчас плохой лагерь, это запад. Он агрессор, он строит нам небывалую глобальную электронную диктатуру, он разрушает семью и все нормальные человеческие ценности, он притесняет веру целенаправленно, я видела в сгоревшем Нотр Дам знак нашего проклятия. Но теперь, я думаю, что выгоднее западу ожидать русского саморазрушения.  

То, что творят в Переславле и хотят творить в Ростове, в Угличе, в Суздале, это часть программы этого саморазрушения. Кстати, не только из глупости и невежества. Я видела скриншот комментарий двух тварей, то депутаты, то мэры, которые обсуждали необходимость разрушить все это царское старье, создавшее почву для размножений консерваторов. Вы наверно понимаете, что русский человек вырастивший в анонимном глобальном бетоне, в страшной безвкусице, среди американских замков и пластмассовых коттеджей, перед телевизором, выливающим ему в мозги ежедневную дозу дерьма, без веры православной, без песней казачьей и крестьянских, без традиций, без литературы русской, б беспросветном уродстве уже не русский. Он глобальный кретин готов к рабству , как его европейские эквиваленты от которых он ждет судорожно “приход цивилизации”. А мы, европейцы, ищущие убежище в России, надеясь, что она будет последним ковчегом нашей цивилизации, куда нам еще? В Китай? Ко красным муравьям счастливого будущего?  

Я бы переехала в Ферапонтово, но я уже устала, и у меня здесь знакомые среди православных, местных казаков, художников. Я люблю своего епископа и всех своих священников. Как мне быть, смириться с этим растущем беспощадным уродством и ждать тут конца света?  

Владимир Путин говорит о духовных и культурных скрепах России, а кто их защищает?  

Я Вам напоследок приведу два значительных примеров. Один раз, я рисовала около устья Трубежа, в волшебной тишине и вдруг услышала страшный и громкий современный американский шум. Появилась мамаша на коньках, водя одной рукой коляску своего ребенка и держа другой рукой радиоприёмник, от которого шла эта убийственная пошлая музыка. Я подумала: ну вот как воспитывается идеальный глобальный кретин.  

Позавчера, у нас была фольклорная масленая встреча в местном французском кафе Ля Форе. Были среди нас представители местного казачества. У наших казаков, на которых издеваются часть населения, отличные чистые дети. Была у нас пара с милыми девочками и младенцем. Мама мне вручила младенца, чтобы со всеми играть на балалайке. Девочка крошечная уже много реагирует, видно, что развита, спокойная, доверчивая и ласковая. Мама ее мне рассказала, что дома, достаточно ей играть на балалайке, чтобы она заснула, потому что с утробы матери она этот звук слышит.   

И я подумала: вот как воспитывается настоящий русский человек.   

Но я это давно думаю, и не только в отношении с русскими. Это все с утробы матери. И с первого детского взгляда на свет устроен бесами руками идиотов.  

Так что я, Француженка, умоляю Вас, обратите внимание на русское наследство и на тех, которые его уничтожают, пока что-нибудь осталось. У меня третьей родины в запасе нет. 

Можно ли терпеть, чтобы праздновали юбилей Александра Невского окончательным кощунством против его родного города?  

 

С уважением  

 Лоранс Гийон  

lundi 15 mars 2021

Début de carême

 




C'était hier les vêpres du Pardon. L’évêque m’a fait remettre son livre, dont il m’avait promis un exemplaire. Nous avons tous défilé devant lui, pour recevoir sa bénédiction et demander pardon, après qu'il nous l'ait demandé lui-même, ainsi qu’à tous ses prêtres alignés, et ce qui m’a sidérée et émue jusqu’aux tréfonds, c’est que ces prêtres, plus ou moins spirituels ou exemplaires, ou possiblement en conflit les uns avec les autres, comme tout le monde, et qui s’étaient mutuellement pardonné au préalable, me bénissaient tous avec chaleur, comme s’ils ne connaissaient que moi, même ceux que je n’avais jamais rencontrés, ou seulement croisés. Parmi eux, j’ai reconnu le père Ioann, qui me plaisait beaucoup mais que je ne voyais plus dans Pereslavl, il m’a dit qu’il était quelque part plus près de Moscou, il m’a donné sa carte. Je l’ai trouvé vieilli, ou peut-être fatigué, et beaucoup plus hirsute et barbu, mais avec une sorte de rayonnement qu’il n’avait pas à ce point.

J’étais dans un grand état de ferveur. Il me semblait porter avec moi tous les miens, et aussi le tsar et Fédia. Natacha est persuadée que c’est Fédia qui m’a dicté Yarilo, que c’est plus ou moins sa véritable histoire. Je ne crois pas, bien que je sois convaincue qu’en fait, dans les grandes lignes, j’ai peut-être saisi quelque chose, dans ses relations avec son père et le tsar, avec ses enfants, et peut-être que je lui ai donné l’occasion de demander pardon au métropolite Philippe, en tous cas moi, je prie de plus en plus ce dernier, pour moi, et pour Fédia. 

Les défenseurs de Pereslavl et de son lac ont remarqué aujourd’hui que tous les arbres de la rive, depuis la plage municipale  jusque vers le monastère saint Nicolas, y compris l’embouchure de la rivière, vont être abattus pour « améliorer » : piste cyclable, béton, asphalte, un pont juste en travers de l’église, des bancs, réverbères et massifs idiots comme dans un centre commercial de banlieue européenne, et le désastre écologique assuré. Ce programme est régional et concerne aussi Rostov et Ouglitch, les ravageurs sont déchaînés. Je suis tellement consternée que je n’ai pas de mots. Partir encore ? Je suis fatiguée, j’aime bien l’évêque et les orthodoxes de Pereslavl, les cosaques, les peintres, mais ils ne font pas le poids devant de gros fonctionnaires véreux complètement incultes et stupides. J'ai écrit à tout hasard une lettre à Nikita Mikhalkov, ce qui a provoqué certains sarcasmes dans les commentaires. On verra bien.

J’ai discuté le soir avec un ami de Génia qui n’aime pas ce qui est russe. L’histoire russe n’est qu’un tissu d’horreurs (celle des pays européens n’étant que pure idylle au travers des siècles, c’est bien connu). « Quand donc la civilisation arrivera-t-elle dans ce pays ? » soupire-t-il.

Elle était là avant que vous ne détruisiez tout pour aller ensuite vous balader à Paris en méprisant le champ de ruines que vous laissez s’installer.

Le problème, c’est qu’a présent, à Paris comme partout dans le monde, on voit se déchaîner le même genre de nuisibles. On les dirait pressés de tout saccager. Ils obéissent au mot d'ordre universel des suppôts de satan..

Ce soir, je suis allée à la lecture du canon de saint André de Crète, après avoir passé l'après-midi à terminer une icône en souffrance, en écoutant les psaumes par le choeur de Valaam, et lu ensuite ce canon en français. J'avais fait un jeûne complet, et je me suis rendu compte que c'était efficace. Je me sentais en manque comme lorsque j'ai arrêté de fumer, mais en même temps, complètement transparente aux prières, peut-être parce que j'étais incapable de penser; ou peut-être parce que j'avais fait un effort. La mère Hypandia me disait que Dieu souvent répond au moindre de nos efforts avec un surprenant empressement. C'était monseigneur qui lisait. Je ne comprends rien quand il nous fait des homélies, je préfère les lire sur la page de l'éparchie, mais quand il psalmodie le canon, il me donne des ailes. Et puis j'ai le texte sous les yeux.




dimanche 14 mars 2021

Maslenitsa

 


Nous avons hier matin notre flash mob maslenitsa autout du café français, mais je ne peux pas dire que le succès ait été franc et massif. Je pense que si Skountsev avait été à la manoeuvre avec un accordéon, le résultat aurait été un peu meilleur, car il a tellement de présence et de tempérament qu'il ferait réagir une souche. Génia s'est donné beaucoup de mal, cognant sur un tambour et interpellant les passants, mais je pense qu'il aurait fallu, pour mobiliser un peu les gens, jouer avec un effectif plus important des choses entraînantes qu'on entende, la balalaika, c'est trop confidentiel.

Nous sommes ensuite allés prendre un café à l'intérieur. Génia évoqua ce que devait être la maslenitsa ici il y a 200 ans; quand il n'y avait pas de voitures, mais des chevaux, et surtout des gens partout, des gens qui ne demandaient qu'à faire la fête ensemble, à chanter et danser ensemble, pendant que les tsiganes leur faisaient les poches... La disparition du folklore, dans tous les pays, qui se fait de façon insensible, car les élites depuis deux ou trois cents ans, le méprisent, et particulièrement les élites progressistes, qui momifient la culture pour mieux la neutraliser, est la plus grande catastrophe culturelle depuis le début de l'humanité, et la plus irrémédiable. Ce qui disparaît, c'est ce que nous avons mis des millénaires à élaborer, et qui servait de terreau à la seule culture qui avait droit de cité, celle des musées, des bibliothèques et des salles de concert. C'est notre âme et notre intelligence, ce sont ces codes communs qui nous permettaient de nous comprendre et de fonctionner ensemble, qui faisaient danser notre vie. C'est pourquoi notre monde devient si vertigineusement laid, contrefait et désespérant. Il est à l'image de l'humanité, telle qu'elle est devenue en se livrant au diable. Toute cette culture de musée, elle est remplaçable. Mais pas le terreau sur lequel elle poussait.

Je mets ici cet extrait inénarrable du "Barbier de Sibérie" de Nikita Mikhalkov, qui montre bien ce qu'était autrefois la maslenitsa en Russie. Et combien notre vie à tous est devenue terne et moche.



Il faisait un temps de mars, gris, venteux, et j'étais beaucoup plus gelée qu'il y a deux jours, quand je suis allée me promener au lac par moins vingt, avec un soleil qui chauffait déjà, dans un univers d'azur profond et de blancheur éblouissante. Un temps de maslenitsa; car quelle que soit le moment où elle tombe, elle est presque toujours accompagnée d'un temps humide qui glace jusqu'aux os, avec parfois de la gadoue.

De Moscou était venu, avec sa femme Paulina, "Fédia le Noir", un autre balalaiker de grand talent, et puis c'est un intellectuel complètement fou, adepte de René Guénon. Dans l'après-midi, il a joué une de ses compositions avec Génia, sur des balalaikas électriques, c'était complètement hypnotique, et j'aurais voulu qu'il jouât ceci au café, le soir, mais je crois qu'il avait déjà trop forcé sur mon vin de pomme. Cela dit, en faisant jouer au public, à qui on avait distribué des balalaïkas, seulement deux accords, ils ont réussi tous deux à monter une improvisation sensationnelle, tout le monde participait et se prenait au jeu. Les gens qui étaient là auront vu le folklore sous un autre jour, qui n'est pas celui, gnangnan et mensonger, qu'en donnent les médias, les écoles et les mairies. Ils étaient ravis, et peut-être y viendront-ils, pour certains d'entre eux. Il y avait le couple de cosaques, Romane et Olga. Olga m'a confié son bébé pour jouer avec les autres. Cette petite fille était déjà très attentive à ce qui se passait, et confiante, caressante. Olga s'est rendu compte que si elle avait du mal à s'endormir, jouer de la balalaïka résolvait tout de suite le problème; car la balalaïka, elle l'entendait dès le ventre de sa mère, qui s'en sert régulièrement. C'est toute la différence avec la plupart des enfants qui entendent, dès le ventre de la leur, de la musique de merde, fabriquée en série pour décerveler le consommateur, et les bruits mécaniques agressifs de notre environnement, auxquels personne ne peut vraiment se soustraire.

mercredi 10 mars 2021

Fin d'hiver

 Ce matin, au réveil, il faisait frais dans la maison, et dehors un froid polaire. Dès la porte ouverte, le chat des balalaikers s'est précipité dans la maison, les moustaches givrées et l'air hagard. J'ai vu ensuite qu'il faisait - 30. Mais beau soleil, ciel d'azur. Hier, j'ai fait mes premiers pas sur des skis, dans un espace boisé destiné à cet effet, à la sortie de Pereslavl, sur une piste réservée aux "théières", soit aux nuls qui n'avancent pas, que ce soit sur des skis ou en voiture. Si j'arrive à m'y faire, cela me permettra de me promener et de faire de l'exercice en hiver, car le poids du corps est bien réparti sur les skis et les bâtons, les genoux ne souffrent pas, et cela fait travailler tous les muscles.

Ensuite, j'ai mangé des crêpes avec les balalaikers et préparé une vidéo pour inviter les gens à fêter la maslenitsa près du café français, samedi prochain. La maslenitsa se fête toute la semaine, son point culminant étant justement le samedi, quand on brûle le mannequin représentant l'hiver. Elle se fête aussi sur la place de la mairie, avec des attractions kitsch, bruyantes et le faux folklore qui discrédite le vrai.


la chanson des crêpes

Je n'ai pas trop le temps de voir tout ce qu'on écrit sur les divers groupes de défense de Pereslavl, mais ce dont je suis sûre, c'est que les projets "d'amélioration" sont monstrueux, et vont définitivement saloper ce qu'il reste de pittoresque dans cette malheureuse ville. Ils veulent faire un pont pour les touristes au niveau de l'embouchure de la rivière Troubej et de l'église des Quarante Martyrs. Quel que soit le pont, il fichera tout en l'air, mais ils y tiennent beaucoup; parce que "pour les touristes", supposés tous aussi cons qu'ils le sont, ce qui d'ailleurs est possible, ils prévoient une piste cyclable qui longera le lac, et pas question de lui faire faire un crochet pour éviter ce site, on va au plus direct. Il est évident que quel que soit le pont, cela ne ressemblera plus à rien, que d'autre part, le bétonnage de la berge, où poussent des roseaux, des plantes aquatiques, où nagent des canards, où volent des libellules et des mouettes, compromettra l'écosystème du coin en même temps que son charme et son esthétique. Mais beaucoup de post-soviétiques hagards élevés par des mères komsomoles, pensent que la nature, c'est sale, et que là où est la vie, il faut mettre de l'ordre. L'un de ces individus a d'ailleurs écrit qu'il en avait assez de vivre dans la boue et que lui aussi faisait partie de l'histoire, il veut du béton et de l'asphalte avec des bégonias dans des pots en ciment autour des réverbères et des thuyas.. Mais non, il n'en fait plus partie, justement. Lui, il est dans la post-histoire des dégénérés universels. L'histoire, ce sont ceux qui ont construit l'église, en respectant les berges, et les jolies maisons qui les bordaient autrefois, en un mot les Russes, qui ne sont aujourd'hui plus majoritaires chez eux et ne décident plus rien, submergés par les crétins du Mordor et leurs fonctionnaires rapaces et stupides.

J'ai vu cet article dans Orthodoxie.com.
Un prêtre sans barbe, mais avec masque de rigueur, si j'en crois ses convictions. J'aime bien sa formidable assurance, son ton de procureur. Heureusement que je ne suis pas dans sa paroisse. L'orthodoxie est salement infiltrée par les 666, surtout en occident, qui est maintenant 666 du haut en bas, ou plutôt du bas en haut, la tête complètement à l'envers. C'est sans doute ça, l'orthodoxie "intelligente et occidentale"....
N'étant pas scientifique, mais flairant de toutes mes fibres la fausseté fumeuse et ayant lu nombre d'articles de gens aussi scientifiques que lui, mais d'un avis radicalement opposé, je cède le soin de commenter au diacre Frédéric:
Salarié par l'état français (CEA), I.Bena se fait ici le porte-voix de son employeur sur la question des vaccins et balaye d'un revers de la main la complexité (et les risques soulevés par certains généticiens sérieux) de la vaccination génique à base d'ARN, qui pose vraiment question. Le terme "conspirationniste" (ou "complotiste") est le nouveau qualificatif paralysant censé disqualifier toute contre-pensée ou critique sérieuse: il s'agit là d'une forme de terrorisme intellectuel s'accompagnant souvent d'une rhétorique de servitude. Spécialiste reconnu de la théorie des cordes et des supercordes, monsieur Bena oublie au passage de mentionner que cette théorie est elle-même un "crackpot", pour laquelle on dépense des fortunes en recherche depuis 40 ans sans obtenir la moindre confirmation observationnelle (de même que sur la matière sombre).

C'est marrant comme tous ces contempteurs des "complotistes", ces partisans du masque, du confinement et des vaccins douteux, des mesures drastiques et totalitaires, des chantages cyniques et des milliardaires corrompus et psychopathes ont tous comme par hasard des "conflits d'intérêt"; comme on dit.

lundi 8 mars 2021

Talismans


Skountsev m'a expliqué hier comment les jeunes veuves allaient parfois trouver des sorciers pour jeter un sort à un homme marié, qui alors quittait sa femme et ses enfants pour elle, sans pouvoir revenir, même s'il en avait envie, jusqu'à ce que sa femme fît la même démarche auprès d'un sorcier qui le délivrerait du sort. Il m'a dit lui-même qu'au retour de chaque concert, il s'aspergeait d'eau bénite, avec sa famille. Parce qu'il pouvait y avoir dans le public des gens qui ont le mauvais oeil. Je lui ai parlé de poupées talisman traditionnelles dont j'ai fait l'acquisition. "Marina sait très bien les faire". Arrive Marina: "Vos poupées, vous leur avez mis des croix? 

- Non...

- Ah, il faut!"

Elle m'explique que ces poupées ont toutes sortes de fonctions, et que si on souffrait de quelque chose, il fallait accrocher la poupée correspondante à son lit, et la brûler le jour de la fête de l'Annonciation. 

J'écoutais tout cela avec une sensation de plongée dans l'espace temps du genre de ma lecture du roman Lavr, les Quatre Vies d'Arsène. Volodia et Marina, Marina, encore, cela ne m'étonne pas trop, Volodia un peu plus. Un homme finalement assez près de la terre, malin, réaliste. Il y croit dur comme fer. En même temps, il déteste le néopaganisme de certains folkloristes. Il trouve que cela n'a pas de sens et que cela ne correspond pas à la réalité. La réalité, comme me le démontre ce couple de vieux-croyants, c'est que sur tout ce paganisme que revendiquent des blancs-becs avides de retrouver leurs racines, on a posé les croix que Marina me recommande d'accrocher sur ces talismans, Il existe toujours, mais digéré, sanctifié, et alors plus de problèmes. A quoi bon en confectionner une copie fantaisiste, quand il s'inscrit dans l'énorme mémoire de la tradition populaire, comme une série de couches géologiques inférieures? Et à quoi bon, d'un autre côté, lutter contre, quand tout cela souvent s'accompagne d'une foi vive qu'on assimile trop facilement à de la superstition? Comme si notre monde n'offrait pas de sortilèges bien pires, de pièges plus dangereux.

Sur un groupe russe consacré au christianisme dans le cadre politique, dont je constate que je fais partie sans me souvenir de l'avoir décidé, je vois tout à coup qu'un individu compare l'Eglise Orthodoxe Russe à une secte, et déploie tout l'agumentaire de l'anticlérical bas de plafond. Je lui ai volé dans les plumes, après avoir examiné sa page, où j'avais vu qu'il résidait au Etats-Unis, et qu'il enseignait dans je ne sais plus quelle structure gouvernementale. Aujourd'hui, je note qu'il exhibe dans le même groupe une citation du patriarche Cyrille comme quoi améliorer notre existence terrestre était une démarche pécheresse et satanique. Outre qu'à mon avis, la citation est modifiée, elle est dépourvue d'un contexte qui donnait un autre éclairage à cette question qui, d'ailleurs, mérite réflexion quand on voit le cul-de-sac où s'est fourvoyé la civilisation du Progrès exponentiel. C'est ce que j'ai répondu, et revenant à la page de ce type, je vois qu'il en avait effacé tout ce qui concernait sa résidence et ses activités aux Etats-Unis! Je lui ai demandé pourquoi il l'avait fait, est-ce que par hasard, il aurait honte? Ceci me confirme dans l'idée que beaucoup de dissidents professionnels, comme la mère Ackermann et l'abominable prix Nobel Alexievitch, sont des russophobes rabiques qui ont d'ailleurs gardé toutes les ficelles de l'agitprop communiste, étudiée dans leur passé de komsomols, à mon avis tout à fait zélés. Et ces gens-là servent maintenant la CIA et l'OTAN avec une méchanceté inlassable, mentant, déformant et calomniant avec ivresse, raison pour laquelle on les invite partout à répandre leur venin sur les ondes.

J'ai eu une explication avec ma locataire du moment qui semble investie de la mission de me convertir à la communauté à laquelle elle appartient et brûle de partager avec moi ses extases spirituelles sur internet. Je suis toujours sidérée par les gens qui pensent devoir infliger leur vérité révélée à tous ceux qui passent à leur portée. Lorsqu'il m'est arrivé d'avoir des révélations, elles s'accompagnaient du sentiment que d'abord elles étaient indicibles, et que si on pouvait essayer d'en témoigner de façon écrite, il était exclus d'en entretenir son entourage, à part quelques personnes choisies qui partagent la même quête. J'ai naturellement un sale caractère. Je m'en suis confessée à l'évêque: "Je n'aime pas qu'on se glisse dans mon âme." Rire de l'évêque: "Surtout si l'on a craché dedans au préalable !

-  Oh mais non, elle n'a pas craché dedans !

- C'est une citation d'une chanson de Vissotski: je n'aime pas qu'on se glisse dans mon âme surtout quand on a crache dedans au préalable".

L'équivalent français de l'expression russe "cracher dans l'âme" serait "chier dans les bottes" qui est plus prosaïque, et ne concerne pas directement l'âme.

Le voisin que je n'avais pas vu quand je suis sortie balayer le perron m'a souhaité une bonne fête (du 8 mars) d'une voix sépulcrale. Ce gros couillon vert est tout à fait ennuyé que je ne déborde pas d'affection à son égard et ne me réjouisse pas de le voir s'affairer autour de sa bagnole des que je mets le nez dehors pour respirer et regarder ce qu'il me reste de ciel. Je devrai également être ravie cet été de voir sur sa terrasse de bruyantes familles me faire bénéficier de leurs soirées chachliks. Et il va falloir me résigner à lui parler pour obtenir au moins qu'il installe un drainage digne de ce nom et ne m'inflige pas d'inondations annuelles. J'attends avec impatience que le cosaque Romane me déplace le perron pour que le matin je puisse sortir sur le palier et prendre un petit dej en silence, sans avoir à échanger des banalités avec des gens dont je n'ai rien à foutre. J'aurai l'isba d'en face au travers du poirier, ce sera nettement plus supportable, longue vie au vieux qui en occupe la moitié car je risque fort de voir un monstre de plus quand il passera de l'autre côté.

Bon, je prie quand même pour que Dieu rende le voisin moins con, mais le mal est fait.

Car déménager est problématique. Il y a une maison qui me plaît beaucoup, dans Pereslavl, par sa situation, la façon dont elle est agencée, son jardin en L au fond d'une impasse, ses grands arbres, mais pour l'acquerir il faut impérativement vendre la mienne, et il y a des travaux assez importants, ce sera le déménagement en catastrophe et l'emménagement de même avec des mois de bordel, de joyeux ouvriers dans les murs, je me demande si j'ai encore les forces. Sinon,  c'est l'option campagne, mais si cela me tente beaucoup, je commence à me faire vieille. Ou alors l'option Ferapontovo, loin des horreurs planifiées dans notre malheureux Pereslavl. J'ai vu en photo une maison au bord du lac, ce sont les derniers chapitres d'Epitaphe. Mais la aussi il faut beaucoup d'énergie, changer de région, avec toutes les démarches administratives que cela implique, partir à 450 km avec armes, bagages et chats innombrables… Et si ça se trouve dans cinq ans je suis morte.

Parce que les projets pour Pereslavl, et pour toutes les petites villes pittoresques de l'anneau d'or, censément pour attirer les touristes, c'est l'horreur absolue. L'inculture, la grossièrete, l'avidité et le mauvais goût déchaînés. On peut évidemment se dire que cela sera comme ça partout, et faire comme l'orchestre du Titanic qui joua jusqu'au bout. 


projet de défiguration complète de la pittoresque embouchure 
de la rivière Troubej


samedi 6 mars 2021

Béchamel

 


Mon ami Henri s’est cassé le plateau du tibia en faisant l'ascension du Bugarach. Il est immobilisé pour au moins deux mois, et je me demande si cela n’est pas providentiel, car cela va le mettre à l’écart de l’hôpital pour un bon moment.  J’ai même eu l’intuition que si Dieu avait permis qu’il se cassât la jambe sur sa montagne préférée, c’était pour le mettre à l’abri et que peut-être dans trois mois, les choses auraient changé, et que l'opération Covid avec son vaccin suspect allaient foirer. Car Henri vit une grande aventure spirituelle, il évolue énormément, dans sa solitude, et ce qui lui arrive n’est à mon avis pas un hasard, il est protégé, il est choisi. Le père Basile ne m'a-t-il pas dit que Dieu triait les siens, et les mettait en ce moment sous Sa protection? Henri me donne de l'espoir, et les ailes qui lui ont manqué quand il a fait le vol plané qui l'immobilise à présent.

Cet hiver est vraiment magnifique et se termine bien. Ce matin, le croissant flottait dans une ombre déjà transparente et bleue au dessus des toits enneigés et des arbres cristallisés par le givre. Tout étincelait. Dans la journée, le soleil brillait à travers la neige, tressant et défaisant tour à tour des nuées étincelantes, bouclées, légères, sur un azur profond. Je me reproche de ne pas aller me promener. Et de ne même pas aller à l’église pour les vêpres, mais j'ai lu ce matin l'acathiste aux défunts. J’ai la tête trop pleine de pensées diverses, la situation générale, cet asile de fous planétaire qu'on nous fabrique et où gambadent de plus en plus nombreux les rhinocéros de Ionesco, masqués sous leur corne et leur petit cerveau.

Hier soir, j’ai reçu Benjamin le Suisse, et sa femme Katia, j’ai invité aussi la mère de Génia, et sa copine du moment, j’avais fait un gratin de courge et pour cela une béchamel, ce qui ne m’était pas arrivé depuis un bon moment. Je préparais ce plat, et je me revoyais à Pierrelatte, avec ma mère ; combien de gratin de courge, d’aubergines ou autres n’ai-je pas faits à base de béchamel, à l’hôtel du Rocher, quand il y avait ma cousine Françoise avec Patrick, son mari, qui est mort il y a deux ans, et puis mon beau-père Pedro, oui, ce n’était pas la madeleine de Proust, mais ça y ressemblait, à se demander tout à coup ce que je faisais là et où était maman, et puis aussi tous les autres. Je voyais s'ouvrir un gouffre entre ce moment et mes encore récents déjeuners au Douglas de Pierrelatte, avec le père Gauthier et ce même Patrick, toujours si vivants dans mon esprit. J’ai alors pensé à mon oncle Henri, et à ses ricounettes qu’il ne me servira plus et j’ai fondu en larmes au dessus de ma casserole, comme si cela devenait tout à fait vrai ; plus quelque chose que je redoutais, qui s'est produit et que je n’arrive pas pleinement à réaliser, mais un fait accablant . Et puis il m’a semblé qu’ils étaient là, tout proches, ce que je ne ressens pratiquement jamais, même si leur souvenir ne me quitte pas, ils devenaient très présents, un peu comme la révélation d'une plaque photographique invisible. J’espère que cela ne signifie pas que je n’en ai moi-même plus pour longtemps, car avec tous les chats que j’ai sur le dos... Mais je ne crois pas, au fond, je crois que Dieu a encore des plans à mon égard.

Je pensais que Robert avait disparu, mais non, il est revenu bien sûr. Il est chassé par un autre chat qui est un matou dominant et dont j’ai l’impression qu’il a plusieurs maisons. Je l’ai croisé une fois où j’allais faire mes courses, assez loin de chez moi, il venait à la rencontre de ma voiture d’un pas tranquille, comme s’il faisait le tour de son domaine, comme s’il allait relever les compteurs. Robert est famélique et trouillard, et c’est un petit format qui ne fait pas le poids. Mais il est très confiant, je peux lui soigner les oreilles, il accepte tout. Pourvu qu’on lui fasse une place... Et Dieu sait qu’elle est dure à faire cette place et que personne n’a envie de le voir rester, à commencer par moi.

Les projets de Génia et de Gilles semblent se concrétiser, et le musée de la balalaïka est à l’horizon. J’ai proposé à Benjamin de partager de temps en temps mes cours de folklore on line avec Skountsev. De tous les cosaques, c’est le Suisse vieux-croyant qui est le plus intéressé par la question !



J’ai demandé dans un fil de discussion où l’on évoquait la ville d’Orenburg, pourquoi Pierre le Grand donnait des noms hollandais à des villes russes, alors que cela n’avait jamais été fait dans un aucun autre pays. Une bonne femme m’a répondu que si, les Etats-Unis étaient pleines de villes aux noms étrangers, j’ai donc répliqué que les USA étaient un pays de colons d’origines diverses, ce qui n’était pas le cas de la Russie, ou bien est-ce que Pierre le Grand avait ouvert la Russie à la colonisation européenne ? Elle a fini par me déclarer : « Pierre le Grand n’aimait pas la Russie ancienne qu’il trouvait attardée. 

- En effet, alors que c’était une civilisation unique et très originale, qu’il a totalement méprisée pour construire des imitations de l’Europe, un faux Versailles à Peterhof, et leur donner des noms hollandais. Cela ne rappelle-t-il pas les châteaux américains et les cottages en plastique des nouveaux Russes ? »

Là j’ai commencé à emmerder tout le monde. On m’a dit que Pierre le Grand se fichait de mon avis, ce qui n’est pas un argument, car je me fiche bien autant du sien, et du leur,sauf d’un point de vue scientifique  ! Et de leurs réponses j’en ai conclu qu’ils avaient profondément enfoncé dans la cervelle que jusqu’à leur fichu Pierre, c’était les ténèbres, alors qu’il a fallu un siècle pour que les Russes retrouvassent leur originalité et leur personnalité, après la réeducation subie, et nous donnassent les chefs d’oeuvre du XIX° siècle, avant que d’autres olibrius occidentalistes ne leur fissent encore subir un lavage de cerveau progressiste. Pas étonnant qu’ils construisent des merdes et méprisent tout ce qu’il y avait avant 17, et souvent même après d’ailleurs, cela fait trois cents ans que leurs autorités les élèvent dans le mépris d’eux-mêmes, à part les derniers tsars, le dernier tout particulièrement, que l’on a remercié de sa russification enthousiaste en le laissant massacrer par des démons auxquels je n’aurais confié ni mon porte-monnaie ni mon chien à garder. Un de ces adorateurs du tsar occidentaliste me parle de sa « propre conception du beau », selon laquelle il a piétiné tout ce qui était russe pour édifier des pâtisseries baroques parfaitement déplacées. Mais je suis absolument persuadée qu’il n’avait aucune conception du beau, justement, sinon il n’aurait pas fait cela. C’était un être pragmatique et brutal qui ne s’intéressait qu’à la technique et tout son Saint Pétersbourg est un chant à la gloire de la puissance, aussi vide que le modèle de Péterhof, Versailles, dont le luxe ne m’a jamais éblouie.  Et seules les proportions grandioses du paysage russe, le climat du nord et sa lumière particulière confèrent à cette ville, qui a coûté si cher en vies humaines, une originalité fortuite et un charme ornirique qui la sauvent. Il y a des moments où je deviendrais vieille-croyante, quand je vois tout cela, cette pente fatale, et son résultat actuel, et tant de Russes qui continuent à se renier et à béer d’admiration devant l’occident, au lieu de s’assumer comme ils sont. Il faut dire qu’à force, ils finissent parfois par ne plus se ressembler. 

jeudi 4 mars 2021

Synthèse

 

tableau de Pavel Ryjenko

La France devient une véritable dictature, une dictature sournoise et stupide, et j’en voyais tous les germes dans les facs des années 70, tandis que mes compatriotes se vautraient dans un hédonisme béat. C’est d’ailleurs cette génération qui est la plus aveugle sur la nature des événements.  L’aveuglement, l’hypnose, l’amnésie des Français, leur ignorance sont absolument phénoménaux.

On en arrive au « passeport vaccinal » qu’il était complotiste de redouter il y a six mois. J’ai vu cela annoncer à la télé française par une bécasse radieuse, avec toute une brochette de connards allègres qui approuvaient bruyemment. Maintenant qu’ils ne le cachent plus, ce qu’ils disent aux complotistes dans mon genre, c’est « et alors c’est très bien, on va pouvoir vivre normalement ». Or nous ne vivrons pas normalement, du moins pas avant des année, et après des événements que je pressens bien horribles. Car le but n’est certainement pas de nous guérir, le but de tous ces philanthropes n’est pas notre bien, c’est notre disparition. J’en suis convaincue.

Pour ce qui est de la Russie, elle offre plusieurs vaccins, et même un traitement, mais Sobianine va instaurer à Moscou l’accès au métro par reconnaissance faciale, ce qui n'est pas bon signe. Isabelle me dit qu’en Thaïlande, il n’y avait aucun cas de covid, mais on fait également mollement semblant d’observer les « mesures internationales », sans doute à l’issue de pressions et chantages divers, et l’on va vacciner les gens, dans un pays qui n’est pas malade. En Russie, on faisait semblant avec plus ou moins de rigueur, on a sorti des vaccins nationaux, ce qui me semble depuis un moment le signe que c’est une manière de ne pas plier devant les vaccins douteux de Big Pharma-Mafia ni les mesures du fou furieux Bill Gates.

J’ai écouté une interview du dessinateur Marsault, qui remplace pour moi Lauzier que je lisais dans les années 70, dans sa critique au vitriol de la France contemporaine. C’est un jeune homme lucide, courageux, et honnête intellectuellement, ce qui lui vaut la haine féroce de la camarilla qui tient toute la « culture » déconstruite depuis ces mêmes années maudites. J’avais même le coeur serré, en l’écoutant. Il s’est fait tout seul, exclus de tous les cénacles qui lui auraient permis d’arriver plus vite, d’avoir un large succès, et maintenant, étiqueté facho, on le traite de tous les noms, il sent le souffre. Il a évoqué la tentation de se soumettre aux diktats de la caste pour se faciliter la vie, mais il a observé qu’une fois marqué du sceau d’infamie, on ne pouvait plus rien faire d’autre que d’assumer son rôle. Il se sent mieux, dit-il, avec les gens simples, les petites gens, qu’avec les artistes ou les intellectuels, et il a eu ce mot que j’ai trouvé si vrai : « avec les gens normaux, en fin de compte ».

J’ai suivi la même trajectoire, sauf que je n’ai pas réussi à me faire comme lui une petite niche écologique, il a énormément travaillé, et moi, j’ai perdu toute ma jeunesse dans la recherche anxieuse de l’homme de ma vie que je n’ai jamais trouvé.

Je travaille maintenant, avec mes forces de vieille, en espérant que Dieu me prête vie...

Les gens qu’il décrits, j’en ai vu des exemplaires russes dans une vidéo faite par un jeune comédien. Des acteurs et actrices exaltées qui jouent aux cow-boys et aux indiens, évoquant les « risques qu’ils prennent », en « bravant la terreur ».  Quels risques ? demande le jeune acteur. Que risquez-vous ici ? De quoi vous plaignez-vous ? Vous avez une vie en or et la possibilité de vous promener dans le monde entier. Des gens l’invectivent dans les commentaires, je lui ai apporté mon soutien. Un type écrit : « Nous ne voulons plus vivre sans liberté, dans la terreur ». J’ai écrit en réponse : « Allez en France pour savoir vraiment sans quoi et ou vous vivez ». J‘ai pensé à ces gens de l’Ambassade, dans leur bunker, incapables d'aller voir ailleurs que dans le Monde, dans leur Monde de papier, ce qui se passe vraiment. Le pire est que si tout cela est manipulé par des salopards qui savent  ce qu’ils font, tous les individus qui marchent là dedans, au fond par intérêt, contrairement à Marsault, ou à moi-même,  s'accommodent si bien du mensonge perpétuel qu'il leur devient une seconde nature, d'autant plus qu'il est le sésame de la réussite et de la vie sociale. Ils finissent par s’auto hypnotiser et croire à ce qu’on leur raconte et au rôle qu’ils interprètent. Il fallait voir ces actrices russes se délecter de jouer les héroïnes et les grandes consciences. Quand j’étais petite et que je jouais aux indiens, moi aussi, je croyais presque que j’étais une squaw courageuse qui bravait les méchants cow-boys. Presque, mais eux, ils s’y voient tout à fait, d’autant plus que la police russe n’a pas pour habitude, comme la nôtre, d’éborgner les opposants... Le politologue Mikheiev, qui est très pénétrant, analyse cela comme une mentalité de secte. Oui, c’est ainsi que je le ressens, toute l’intelligentsia française a une mentalité de secte, et un certain nombre de Russes en sont victimes dans le même genre de milieux, la différence, c’est que, pour l’instant, c'est juste un certain nombre, et que des gens comme Mikheïev ou Mikhalkov peuvent encore s’exprimer, alors que chez nous, ils seraient exclus de partout, et même emprisonnés comme Ryssen. Mikheiev et Mikhalkov ont d’ailleurs un énorme soutien populaire.

Marsault prévoit un avenir très sombre pour la France, et hélas, je crains qu’il n’ait raison. Je ne peux plus écouter Debussy, ou Ferré, Brassens, Brel, et même Charles Trenet sans pleurer comme un veau.

Il y a plusieurs mois que je me demande avec Dany parfois ce que fait Poutine, et pourquoi on a laissé revenir Navalny. Une Russe avait fait une réflexion qui m’avait paru très comique : « Les juges vendus ont donné la parole à Navalny pour qu’il se discrédite ». Mais en réalité, il est bien possible que ce soit vrai, que, sachant qu’il se grillerait très bien lui-même, on l’ait laissé et revenir, et s’exprimer, justement pour qu’il se discrédite. Car s’il est largement soutenu par les bobos russes et les jeunes décervelés des villes élevés hors sol, j’ai l’impression que le reste du pays en est complètement écoeuré, et le soutien des diplomates étrangers n’arrange pas ses affaires. 

Marsault disait dans son interview qu’il faisait de la politique de comptoir, et je revendique moi-même le café du Commerce. Je ne suis vraiment pas une politologue ni une économiste. Cependant, je réagis à un ensemble de signaux, il m’arrive des pièces dont je ne sais pas trop quoi faire au début et qui finissent par former un puzzle.

Dany me dit que la pourriture de la télé russe est absolument hallucinante. Les libéraux dans la presse se lâchent complètement. Tous ces phénomènes jouent un rôle certain dans le dévoiement de la jeunesse, élevée déjà par des parents coupés de leur passé russe à la suite de l’expérience communiste, comme nous le fûmes du nôtre par la gauche républicaine qui, ainsi que me le faisait remarquer Mano, en vilipendant toutes nos valeurs, nous mettait sans anticorps spirituels ni culturels face à la colonisation consumériste des USA et leur sous-culture déferlante. Mais pour l’instant, la société russe dans son ensemble n’est pas prête à accepter sans réagir ces doses massives de poison, d’autant plus que tout cela est fait sans aucune finesse, les gens sont indignés, ricanent, et ce qui m’ennuie, trouvent dans ces démonstrations, dans l’affection des libéraux pour tout ce qui est étranger, et dans le soutien des étrangers à tout cela, une raison de justifier a posteriori les répressions staliniennes : les traîtres, la cinquième colonne, l’occident pourri. L’occident ça l’arrange bien, car il faut absolument faire de la Russie l’ennemi idéologique idéal. Je pense qu’il a délibérément favorisé ce renouveau communiste et son négationnisme, ce qui explique son soutien aux néonazis ukrainiens sous commandement d'oligarques à double ou triple passeports.

D’un autre côté, je me suis souvenue, à l’occasion du vote Dzerjinski contre Alexandre Nevski, de ce que me disait Nazarov, que le pouvoir cherche à légitimer la période communiste pour se légitimer lui-même. Il me semble qu’on essaie d’opérer une synthèse entre le patriotisme russe, l’expérience communiste et l’orthodoxie ; c’est ce que représentent à la fois le régiment immortel, largement récupéré par les communistes, et l’église des armées justement contestée pour son côté kitsch, lourdingue, et son mélange d’orthodoxie et de figures politiques plus ou moins douteuses. C’est ce que représente également Prilepine, me semble-t-il. Personnellement, je suis pour une union de toutes les forces « patriotiques » mais contre la légende négationniste qui est proposée et assortie de reproches à l’égard de l’Eglise tels que : «Vous dites que vous avez la religion du pardon, et vous ne pouvez pas oublier tout ça. » Précisément, on ne peut pas l’oublier, ni décanoniser nos martyrs, on ne doit pas l’oublier, mais on peut le pardonner. Le pardonner est possible, et même souhaitable, c'est aussi le message de mes romans sur Ivan le Terrible. Mais pas le nier. En dehors de ce détail, un socialisme orthodoxe aurait mon adhésion.

Dans cette perspective, laisser les libéraux batifoler dans leurs médias jusqu’à l’écoeurement du public, et leur Navalny se discréditer lui-même est peut-être une stratégie.