Le printemps s’installe, il y a quelques jours, je marchais le soir avec une amie, et tout était encore marronnasse, gris et frisquet, mais un coucher de soleil rougeoyant sur la nuit tombante nous apportait déjà les premiers scintillements sonores des rossignols. Parallèlement, avec les beaux jours, le voisin recommence à bricoler des heures en faisant profiter tout le quartier et moi-même de son atroce radio. Je m’échine a aménager le jardin pour ne plus voir la pustule qui pousse sur l’isba d’oncle Kolia, et que son bouleau aurait masquée au moins l’été, si on l’avait laissé vivre, mais non, les pustules aiment à s’étaler avec arrogance et ne supportent pas la compagnie d’un bel arbre. Or je sens que je ne peux plus travailler autant qu’avant, je me fatigue vite.
Le sermon m’a plutôt cassé les pieds, je le trouvais long. Les sermons doivent être courts et substantiels et ne pas faire dans le prêchi-prêcha. Et peut-être aussi ne pas être systématiques. Pourtant, d’habitude, j’aime bien les sermons de cet excellent prêtre. Mais allons un peu à l’essentiel, et si on ne le peut chaque dimanche, pas la peine de délayer, j’étais là, sur mon genou douloureux, à entendre bouboubou le péché, bouboubou le repentir, et vice-versa, cela me faisait, si j’ose dire, une belle jambe. Je suis lasse de tout cela. Pourtant, quand je prie, je le fais avec ferveur, chez moi ; je ne le fais pas tout le temps, enfin disons que je ne lis pas des kilomètres de textes devant les icônes, mais je prie avec ferveur. Je ne sais pas si je me repens, mais je suis bourrelée de remords et je ne pense pas avoir une opinion excessivement positive de moi-même, ne serait-ce que parce que je me sens solidaire de l'humanité, et donc responsable de ce qu'elle a de pire.
Je n’ai pas
de forces, mais c’est compréhensible, je suis âgée, et j’ai en ce moment une nourriture
pauvre, elle ne nourrit pas, mais elle fait grossir, vous pouvez être tranquille. Pâques tombant très tard, le réveil de la nature arrive en plein
carême, et moi, j’ai du travail physique à faire au jardin, sans aide.
Je suis
arrivée à aménager mon salon, et il me plaît beaucoup, mais je n’y suis jamais,
je travaille dans mon bureau. Disons que la prochaine fois que j’aurai Valérie ou
Anne-Laure, on pourra passer au salon, qui est aussi prévu pour servir de
salle-à-manger, car si j’ai des invités russes, ils restent à table des heures.
Il m’aura fallu presque huit ans pour aménager cette maison, qui ne me
convenait pas vraiment. Le jardin, c’est pareil, fait comme il est et cerné par
les emmerdeurs et leurs bâtisses moches, il est très difficile à organiser.
J’aurais dix ans de moins, j’aurais déjà déménagé. Mais je n'en ai plus l'énergie, et face à ce qui se prépare dans le monde entier, j'éprouve le même sentiment. Chaque jour qui passe me paraît gagné sur un avenir fort sombre, en ce qui concerne l'humanité, et sur la vieillesse en ce qui concerne ma personne. Pourtant, si mauvaise orthodoxe que je sois, si cancre foncier que je sois, je crois, je crois que Dieu ne laissera pas tomber les hommes ni sa servante indisciplinée Laurence qui, malgré son goût pour la décoration et les jolis jardins, vit moralement sur ses valises.
L’Iran
bombardant maintenant Israël, cela devient très rock n’roll. A force de semer
le vent, bien sûr, on récolte la tempête, et c’était sans doute le but. A cause
sans doute de mon avant-dernière chronique, je ne peux plus diffuser mon blog
sur Facebook. J’ai ouvert une chaîne Telegram, pour ceux qui y sont, et j'invite les autres à s'abonner, mais il y en a qui n'y parviennent pas, ou qui ne le sont plus sans savoir comment cela s'est produit...
Je vois
toutes sortes d’émissions, de commentaires, d’analyses, sur le comportement des
Russes et des occidentaux, le pourquoi du comment de la guerre et son issue, et
c’est très intéressant, mais moi, il y a une chose qui me tracasse vraiment,
c’est les pleins pouvoirs universels donnés à une bande de grands malfaiteurs
psychopathes par le biais de l'OMS. Parce que si tout le monde marche là dedans, y compris les
Russes, ce sera très mauvais signe et l’on pourra se demander pourquoi meurent
des jeunes gens en Ukraine, de part et d’autre. C’est-à-dire, côté ukrainien,
on le sait, c’est pour la famille Biden et le second Israël. Et du côté russe ?
Dans la tête des Russes et la mienne, c’est pour la souveraineté de la Russie
et la sauvegarde de tout ce qu’elle représente, ce qui dépasse largement le
cadre de son intérêt national. Que deviendra tout cela si l’on nous soumet à
Bill Gates et Tedros ? Or parmi nos analystes et politologues favoris,
personne n’en parle vraiment. Je suis tombée sur deux vidéos russes qui y font
allusion, l’une est une mise en garde qui est l’équivalent de celle du
professeur Perrone, l’autre est une interview du politologue Andreï Fourssov
qui inscrit tout cela dans un changement anthropologique planifié visant à
créer deux sortes d’humanité, une caste bien nourrie qui vivra longtemps dans
la félicité, et une biomasse hagarde, c’est-à-dire quelque chose qui
transformera les inégalités sociales en phénomène biologique. Il dit que si la
Russie signe le traité de l’OMS, elle perdra toute souveraineté, le méchant
dictateur Poutine passera sous la suzeraineté du bon dictateur Bill Gates et de
tous ses pareils. Il dit quelque chose d’encore plus inquiétant : il n’y
aura pas de pandémie tant que durera la guerre en Ukraine, celle-ci remplissant
la fonction que le COVID n’a pas remplie, et évoque une guerre non seulement
entre les états mais entre différentes tendances à l’intérieur de ceux-ci.
Il recommande de sauver les livres, qui sont en voie de disparition, et d'élever les enfants avec des contes, opinion que je partage, mais j'ajoute le folklore, que cet intellectuel ne connaît certainement pas, ou alors sous forme d'imitation kitsch épouvantable.
A l’issue de
tout cela, j’ai regardé aussi le sermon d’un prêtre russe sur les infos et les
analyses politiques. Il les considère comme très mauvaises et dangereuses pour
l’âme de ceux qui les écoutent, car elles nous emplissent d’inquiétude et de
haine. C’est un fait, si je coupe tout cela et que j’écoute de la musique
liturgique ou Arvo Pärt, mon état intérieur s’améliore sensiblement. Cependant,
j’ai l’exemple d’un ami orthodoxe qui a décidé de s’évader dans la
contemplation extatique et finit par dire des stupidités injustes pour ne pas
entrer en conflit avec la société qui l’entoure, en effaçant tout ce qu’il savait
auparavant et qui le mettait en porte-à-faux. Et celui d’une autre amie
orthodoxe, qui vivait en ermite, sans internet, dans le dépouillement et la
prière mais qui, infirmière comme le premier, au vu des scandales dont elle
était le témoin, a fini par entrer dans une lutte difficile et constante avec
une institution devenue folle et s’est exclamée devant moi : « Ces
gens-là n’ont pas d’âme ». Par inclination, je couperais bien la source de
mes inquiétudes et de mes indignations, car même si on ne sombre pas dans une
haine des cavernes, on est miné par cette situation particulièrement anxyogène
et révoltante. Mais par solidarité humaine, je ne le peux pas.
J’ai
rencontré une jeune Russe francophone qui a passé quelques temps en Amérique, elle
y a vu des Français aussi. Elle a été surprise de constater qu’ils étaient
incapables de lui dire quel rôle jouait encore l’Eglise catholique, l’Eglise
catholique, ils s’en fichaient complètement et ne savaient rien sur la
question. Elle ressentait de l’hostilité, une pesanteur, il ne fallait pas
parler de ces choses, en gros, comme le dit quelqu’un sur facebook, l’URSS est
passée à l’ouest. De sorte que mon amie Dany a du mal à expliquer des allusions
bibliques ou évangéliques dans les pièces classiques qu’elle étudie avec les
ados du lycée français. Effacer le christianisme, c’est effacer nos deux mille
ans d’histoire.
Comme je lui
parlais d’un ami homosexuel que j’avais dans mon jeune temps, elle m’a demandé
ce que je pensais de cela. Je lui ai répondu que nous étions tous pécheurs et
que je réagissais assez calmement à la chose, et avec indulgence, car la vie
n’était pas simple. « Je suis contre la propagande délirante et indiscrète
qui sévit en occident, contre les transitions sexuelles, contre l’étalage
vulgaire des manies d’une certaine communauté, je pense souvent, par rapport à
l’orthodoxie, à ce qu’a dit je ne sais plus quel geronda grec sur la
question : l’Eglise considère qu’il y a deux façons de vivre, le
monachisme et le mariage, le reste, homosexualité, hétérosexualité, c’est
forcément de la luxure, point à la ligne, n’allez pas chercher plus loin. »
Maintenant moi, je trouve que c’est bien difficile à tenir et qu’on fait ce
qu’on peut, ce n’est vraiment pas le genre de choses sur lesquelles je porte
facilement un jugement. La cruauté m’indigne beaucoup plus, la bassesse, la
perfidie, la bêtise... Je suis contre la propagande et je suis contre la
stigmatisation. » Elle semblait partager mon avis, et je lui ai parlé de
mon livre Yarilo, qui évoque ces relations, sans en faire la propagande mais
sans caricature non plus, tout en présentant le mariage comme la seule union
aboutie.