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jeudi 20 février 2025

Encore l'hôpital

 


Ma jeune amie est partie ce matin la larme à l’oeil. Elle se plaît beaucoup à Pereslavl, et il lui était dur de s’en aller. Je dois dire que nous nous sommes bien entendues, et je suis heureuse qu’elle vienne vivre ici, d’autant plus qu’elle ne sera pas loin. Nous avons visité son isba, avec les entrepreneurs qui feront sans doute les travaux et un architecte. On peut faire quelque chose de très joli et de très agréable à vivre. 

Avant cette visite, j’avais eu un saignement de nez au café français, cela m’arrive de temps en temps. J’ai pensé à de la tension, mais je n’en avais pas particulièrement. J’ai pris de l’aspirine cardio, le soir, comme on me l’a prescrit il y a déjà longtemps et peut-être prématurément, d’ailleurs. Et tout-à-coup, j’ai recommencé à saigner du nez, dans de telles proportions que nous avons appelé les urgences. Le jeune médecin m’a embarquée à l’hôpital. Un vieux chirurgien, devant l’ampleur du phénomène, a commencé à engueuler le garçon, qui, pourtant, avait agi avec décision, et m’a mis une espèce de drain dans le nez, cela s’est arrêté. On m’a gardée sous surveillance jusqu’à hier, fait des injections et des analyses. Il ne me reste plus qu’à aller chez la généraliste et l’ORL, il paraît qu’il y en a un très bien, ici.

Comme d’habitude quand je suis à l’hôpital, je deviens positivement enragée. Je me rends compte avec consternation que je n’ai aucune patience, ni aucune ressource intérieure. J’essaie de prier, mais j’ai l’impression de répéter des mantras. La première nuit, j’avais peur et trop chaud, je n’ai pas dormi. Le lendemain, j’étais plutôt somnolente. Dans les moments où je faisais surface, je m’ennuyais comme un rat mort. Je n’avais rien emporté, le médecin ne m’en avait pas laissé le temps, et il avait eu raison, j’ai perdu beaucoup de sang, je ne savais pas qu’on pouvait en perdre autant, la salle de bains ressemblait à une scène de crime. S’il n’était pas venu, je serais peut-être morte bêtement d’un saignement de nez, alors que dans la journée, je me sentais bien, en forme, entre le café et la visite de la maison, à mille lieues d'imaginer que je terminerais la soirée à l'hosto. 

Le lendemain, j’allais mieux, et les heures n'avaient pas de fin. J’avais demandé à Tania de me faire parvenir Chateaubriand, mais je n’arrivais pas à me concentrer dessus. Je lui avais demandé aussi d’autres affaires, un mug, une cuillère, un pyjama, des pantoufles, du PQ, elle m’a dit ensuite que je devrais préparer un sac hôpital au cas où j’aurais encore besoin d’y aller, et elle a raison, il faut tout avoir avec soi. Comme il est interdit de circuler en chaussures de ville, là-bas dedans, je marchais en chaussettes, jusqu’à l’arrivée des pantoufles, et je me suis fait engueuler par la fille de salle, comment était-il possible de marcher pieds nus ici? 

"Parce que je n'avais pas de pantoufles, je suis arrivée en urgence!

- Eh bien mettez vos chaussures!

- Mais c'est interdit!

- Mettez les quand même!"

Une autre m'a engueulée le lendemain, parce que j'avais mes chaussures de ville dans la chambre, posées dans un coin. Les infirmières étaient extrêmement gentilles, et le chirurgien, finalement, aussi. Ils ont fait tout ce qu’il fallait faire, ils m’ont soignée, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi sans eux, alors l'hôpital de Pereslavl n'est peut-être pas toujours le top du top, mais je suis contente qu'il existe, et que lorsqu'on appelle les urgences, on les voit arriver dans le quart d'heure. Le reste est entre les mains de Dieu...

C’est dur pour moi de partager une chambre avec d’autres malades, mais comme chaque fois, je suis amenée à m’y intéresser. Il y avait une jeune femme récemment opérée, qui me faisait profiter de ses provisions, en toute simplicité. Une vieille qu’on faisait jeûner depuis trois jours, je n’ai pas bien compris pour quelle raison. Une quatrième malade, qui jeûnait aussi, la réprimandait souvent, d’un ton protecteur et exaspéré que je commençais à trouver gênant, et puis tout-à-coup, la voilà qui déclare : « Je vous demande de me pardonner, je ne devrais pas vous parler comme cela. Oui, j’ai vraiment tort. C’est que je suis très nerveuse... »

Et la vieille, qui était restée impassible sous les remontrances : « Cela n’a aucune importance, ne vous en faites pas ».

Son interlocutrice, convulsée d’angoisse, partit faire des examens, et au retour, elle fondit en larmes : cela n’avait rien à voir avec la mauvaise chute qui l'avait amenée ici, mais on lui avait trouvé d’autres problèmes, qui d’ailleurs pouvaient se soigner sans opération. Le chirurgien lui avait parlé comme s’il avait été « son propre père ». « Quand on vieillit, lui dis-je, on n’a pas toujours des pathologies très graves, mais sans arrêt quelque chose qui ne va pas et qui nous amène chez le médecin ou à l’hôpital ». Elle m’a regardée avec une espèce de reconnaissance : « Oui, oui, c’est vrai, et peur de tomber ! Faites attention à vous, cela vient si vite!"

On lui déconseille le sucre, mais elle ne parvient pas à s’en passer tout-à-fait : « Cela atténue le stress, et le stress non plus, n’est pas bon pour la santé ! »

Cette femme m’a touchée, elle semblait écorchée vive, et cette capacité à demander pardon me paraît tout-à-fait belle, et russe, de même que la simplicité avec laquelle la vieille le lui a accordé.

Je l’ai revue quand je suis venue chercher mon ordonnance, aujourd’hui, nous avons échangé avec sympathie. A l’entrée, on m’a fait le coup du masque, que le personnel fait parfois semblant de porter, et des chaussons de plastique par dessus les chaussures de ville, mais comme ils n’en fournissent pas, j’ai fait comme tous les autres, j’en ai pris d’usagés dans la poubelle près de la sortie ! Ca en fait, du plastique dans la nature, toutes ces saloperies...

Je pressens que ma sinusite chronique, assortie de crises d’éternuements périodiques, a pu fragiliser des vaisseaux, et que l’un d’eux a cédé, peut-être sous l’effet du froid, et comme je prenais de l’aspirine cardio, je me suis retrouvée dans la situation d’un hémophile. Je verrai ce que me dira l’ORL...

Quand tout cela est arrivé, et jusqu’à l’hôpital, je n’ai pas eu tellement peur, mais cela m’a laissé une angoisse latente. Mourir n’est sûrement pas drôle, il le faudra bien un jour, et je crois n’avoir aucun courage physique. Cela m’inquiète aussi de ne pas trouver de ressources en moi dès que je suis enfermée dans un lieu de ce genre. Et puis je suis très fatiguée, forcément, j'en suis restée un peu anémique...

Ce qui se passe sur le plan géopolitique laisse pantois et procure une certaine satisfaction amère aux vilains "complotistes" dont je suis. Les malfaiteurs sont démasqués les uns après les autres, ils s’agitent comme des poulets sans tête, de Macron à Zelenski, en passant par von der Layen, et toute l’affreuse clique. Trump et Musk s’en prennent à Soros et à sa mafia, et je suis contente qu’ils nous en débarrassent, quelle que soit la politique qu’ils adopteront par la suite. Mais je reste méfiante, je n’ai aucune confiance dans les Anglosaxons, ce sont des visages pâles à la langue fourchue. Je dirais que Trump considère l’Ukraine et le deuxième Israël comme une mauvaise affaire dont il faut sortir pour passer à autre chose, et il en veut à toute notre brillante classe politico-médiatique de l’avoir vilipendé et d’avoir marché dans les manoeuvres déloyales de ses adversaires. Néanmoins, tous ces pantins continuent à moudre le même grain, à prodiguer les mêmes grimaces, à répéter les mêmes incantations, et il y a encore suffisemment d’abrutis pour se cramponner à ce qu’on leur a inculqué pendant des décennies, à leur cher formatage, sans lequel ils vont se liquéfier comme des méduses que la vague ne porte plus et qui vont s'échouer sur une plage. A cette satisfaction de voir la déconfiture de tous ces fantoches se mêle une espèce de répugnance et presque de pitié. Mon filleul m’avait raconté qu’enfant, au lycée, il était persécuté par une bande de « jeunes issus de la diversité », puis devenu un adolescent rugbyman musclé, il s’était trouvé nez à nez et seul à seul avec le chef de ces voyous, prêt à lui faire payer ses méfaits. Il l’avait vu alors tomber à quatre pattes et ramper devant lui, mort de peur, et cela l’avait empli d’un tel dégoût qu’il n’avait pas pu écraser cette limace. De même le père de Dany, à la Libération, était parti flinguer le concierge qui avait envoyé toute sa famille périr en déportation, mais le voyant à genoux, avec tous ses gosses autour de lui, il s’en était détourné, écoeuré. Ce serait assez ma réaction, devant ces blattes qui courent partout sous leurs brushings et leurs costumes, en débitant des absurdités, ces petits malfrats privés de leur gros parrain et de leurs trente deniers, et je ne parle pas de tous les intellectuels à bonne conscience, de tous les histrions qui nous ont assourdis de leurs discours péremptoires et ne pourront bientôt plus faire un pas dans la rue sans prendre des pierres et des tomates pourries, comme l’indigne «présidente » géorgienne, cet agent de l'étranger, sorti par son peuple à coups de pieds au cul, et qui, ayant eu l’impudence de revenir, se fait accueillir par une volée  d’oeufs pas frais bien méritée. Ce serait pathétique et grotesque, si ce carnaval n'avait causé tant de malheurs et détruit tant de vies.


samedi 15 février 2025

666

 

Mon amie rapatriée se plaît beaucoup au café la Forêt, elle s'entend bien avec Gilles et Lika. Nous y avons passé pas mal de temps, entre les différentes démarches. Voici la photo de ce que nous avons vu dans la rue, au sortir de notre quartier général. Je me demande si le numéro a été délibérément choisi ou si c'est un hasard! Discutant aujourd'hui sur Skype avec mon cousin Jean-Marc de Marseille, je voyais les platanes chargés de ces perruches vertes qui ont envahi le midi et chassent tous les autres oiseaux; et je pensais aux romans de Voznessenskaïa sur l'apocalypse. A travers l'écran, outre les perruches et la bonne tête de Jean-Marc, m'arrivaient un ciel violemment bleu, une lumière impossible.

Nous avons ouvert un compte avec le tout nouveau passeport russe de ma visiteuse, afin de lui permettre de retirer l’argent liquide qu’elle avait commandé pour acheter sa maison, mais voilà que le document, retiré la veille, n’apparaît pas encore sur l’ordinateur de la banque, il faut donc aller demander un certificat de validité au bureau des passeports et revenir faire l’opération, en plus de tout le reste, l’acte de vente, l’enregistrement dudit etc... Nous avons couru des heures d'un bout de la ville à l'autre, et finalement, tout s'est conclu. Nous sommes allées fêter cela au café français, où Gilles nous a tracé un tableau effrayant des travaux qui attendaient la nouvelle propriétaire, aux prises bientôt avec tout un tas de filous à l'affût... 

Rita au café
Hier, nous sommes allées, avec Tania, le matin à la liturgie pour l’anniversaire du père Serge, recteur de l’église du Signe, proche de sa future maison. C'est une jolie petite église contemporaine, avec des fresques et de belles icônes. Il y avait l’évêque et presque tout le clergé du pays. Je suis tombée à nouveau sur le vieux prêtre que je comprends mal, le père Guennadi. Il est du genre à vous cuisiner. « Tu dis que tu es irritable, mais qu’est-ce qui t’irrite ?

- Les gens, mes chats, les événements... je suis fatiguée.

- Fatiguée de quoi ?

- D’être vieille !

- Quand on est vieux, on a déjà eu la chance de ne pas mourir jeune.

- C’est certain. »

Il me dit que l’irritation vient souvent de l’orgueil et que les nouvelles sur internet ont un défaut que Théophane le reclus dénonçait chez les lecteurs de journaux de son époque, elles nous poussent à juger les autres. C’est un fait.

Monseigneur Théoctyste a dit une pannychide pour l’âme d’Elena Chadounts. Il est très affecté par sa mort, comme toute la ville, on peut le dire.

Ensuite, repas en commun, avec le clergé, le choeur, dont Katia, et tout un tas de vieilles, dont moi ! J’ai félicité le père Serge, et j’ai présenté mon amie, en expliquant son origine russe, le pays d’où elle venait, ses projets. « Eh bien, père Serge, à dit l’évêque d’un air réjoui, j’ai l’impression qu’il va te falloir apprendre le français !"

Ensuite, nous avions rendez-vous chez Ania et ses parents, au village de Bolchié Sokolniki. Ils nous avaient fait, comme d’habitude, une bouffe grandiose, dans leur tiède maison de rondins, avec un poêle de briques et la grosse chienne Groucha. Grigori Borissovitch a sorti toutes ses boissons d’homme, car ma visiteuse ne crache pas dessus. Moi, j’étais au volant, et je ne digère pas forcément tout cela. Mais il y en avait de fort tentantes, la vodka au raifort, à la baie de viorne aubier... Grigori Borissovitch est un vieux mécréant communiste, mais il nous a confié que l’endroit le plus beau qu’il eût vu aux USA était un monastère orthodoxe russe au Texas, dans un lieu naturel sublime où il s’inscrivait parfaitement, et qu’hier, aux funérailles d’Elena Chadounts, il avait pensé devant le monastère saint Nicolas : « Quelle splendeur, et quelle chance qu’il nous reste encore des lieux de beauté comme celui-ci ! » Il nous a confié que la beauté de l’Europe, lorsqu’il y était en poste, l’avait subjugué, et qu’il nous trouvait du mérite de l’avoir quittée pour venir ici, même si, d’un certain point de vue, l’évolution des choses justifiait tout à fait que nous le fissions.

J'ai fait une promenade dans le marécage, à la lisière duquel, malheureusement, les constructions monstrueuses se reproduisent à grande vitesse. Mais sur le lac, on ne les voit presque plus. Il restait un peu de givre, le soleil balayait de ses grands rayons dorés le dessous violacé du brouillard qu'il repoussait comme une bête nonchalante au delà des berges d'argent dépoli. Les roseaux illuminés semblaient des buissons de cierges posés sur la glace d'un blanc chatoyant.


 

Ce qui se passe avec l'Europe me serre le coeur. J'ai vu des photos d'une villa ancienne abandonnée dont les murs sont couverts de tags, et c'est bien pire que la vétusté et la ruine, c'est la marque de la bête tracée sur notre passé de raffinement et de noblesse. Que dirait Chateaubriand devant des choses pareilles? Un pauvre type m'écrit des commentaires furibonds sur l'Ukraine "indépendante", sur les "esclaves nord-coréens de Poutine," sur "l'impérialisme russe", sur l'Europe livrée aux appétits de conquête des barbares eurasiatiques, on croit rêver... Mais les barbares sont là, et ce ne sont pas des eurasiens, l'impérialisme sévit, mais ce n'est vraiment pas celui des Russes, qui n'ont que faire de l'Europe, et voudraient simplement qu'on arrêtât de leur casser les pieds par Ukrainiens interposés. Quand aux nord-coréens, c'est de la pure fantaisie. Il y a eu en Russie une immigration nord-coréenne assez importante, mais c'était il y a bien longtemps, et ces gens-là sont désormais intégrés. Et puis il y a des bouriates et des yakoutes, eux aussi sont russes...

Trump trouve sans doute que l'Ukraine a été une mauvais affaire qu'il faut régler pour, cinq cents milles morts plus tard, passer à autre chose. Les laquais de l'Empire trépignent et pleurnichent. Leurs troupeaux de gogos continuent de délirer, sans voir que le paysage a dramatiquement changé ni qu'on les mène en bateau tout droit vers leur perte. J'essaie de ne pas réagir quand je lis des bêtises monumentales et scandaleuses. Cela fait perdre trop de temps, et le bobo-gogo est incorrigible.     

mardi 11 février 2025

Givre

 

arbres d'argent


Trois jours durant, toute notre région est restée cristallisée par le givre, sous un brouillard mat et uni, je n'avais jamais vu cela. Je suis allée me promener dans le marécage, pas un bruit, pas un souffle, pas une âme, des arbres d’argent dans la grisaille, pareils à de précieux fantômes, et quelques mésanges venues voleter tout près de moi, puis le carillon d’une église. J’ai fait un dessin, mes doigts s’engourdissaient, car la température baisse. 

De Pereslavl à Iaroslavl, où je suis allée me produire, conduite par Katia, c’était le même étrange enchantement, des hectares et des hectares de forêts, de sapins, de bouleaux, d’herbes folles brusquement transformés en végétations métalliques précieuses, sous un ciel bas, et très peu de neige, sur la terre brune. 

Je devais chanter, et surtout parler, dans une église de Iaroslavl, que son prêtre essaie de restaurer. Pour l’instant, elle abrite un centre culturel, et lorsqu’on s’élève sur l’escalier de fer, on voit sur les murs des traces de fresques médiévales, car elle date du XVI° siècle, ce qui n’a pas empêché le pouvoir soviétique d’y installer une usine, peut-être même l’a-t-il fait d’autant plus volontiers. Le prêtre célèbre dans la première moitié de l’édifice, et puis dans l’église voisine.

Il y avait pas mal de monde, et j’ai raconté ma vie, à la demande générale, ce dont on m’a remerciée avec effusion et émotion, j’en suis même étonnée. Une vieille dame m’a offert un morceau du chêne de Mambré qu’elle avait rapporté de Jérusalem. Une petite Moldave, réfugiée en Russie, m’a posé des questions profondes, elle a chanté, d’une très jolie voix et sans singeries désolantes, une belle chanson « dans cette langue russe qui est devenue la mienne ».  Deux jeunes gens sont venus me dire tout le bien que leur avait fait mon témoignage de spiritualité et de sincérité, et je ne me sentais pas très digne de l’affection et de l’admiration qu’on me manifestait, mais j’avais tout à coup l’impression de ne pas avoir vécu pour rien, d’apporter quelque chose aux autres. Je voyais aussi dans ce public des raisons d’espérer en la permanence et la résistance de la Russie. Elle a encore des réserves de pureté et de ferveur.

Ces jeunes gens, m’ont contactée le lendemain, ils étaient à Pereslavl, et prévoyaient une soirée musicale dans le local d’Irina, qui enseigne le yoga. J’y suis allée. C’est à côté des bains de vapeur publics. La rue était sombre et déserte, froide et humide, et j’ai découvert, à mon arrivée, une grande pièce chaude et vide, où des bougies étaient allumées à même le sol, autour de bouquets de fleurs blanches, et d’Ira qui se livrait à la préparation en règle d’une cérémonie du thé ; cela sentait les huiles essentielles, tout le monde était assis en tailleur sur des nattes, ce que je ne suis plus capable de faire. J’avais l’impression de retrouver les années soixante-dix sans les joints. Ici, la musique suffit. Tout cela est très new age, bien sûr, mais je trouve déjà bien que ces jeunes personnes éprouvent le besoin de créer un espace poétique odorant, de jouer de la musique ensemble, au lieu d’écouter de la merde préfabriquée qui détruit les neurones. J’ai donc improvisé avec mes deux garçons. Et cela m’est très utile, car la musique ne doit pas être en permanence une occupation solitaire, or beaucoup de gens qui prétendent faire du folklore ne sont pas dans l’esprit requis, et je n’ai pas envie de participer. Je m’étonnais d’être là, à mon âge, mais pour me rassurer, il y avait quand même un autre vieillard, venu avec sa guitare, dont il jouait très bien. La démarche est la même que pour le folklore : écouter les autres, et rechercher ensemble une sorte de transe créative collective et un autre niveau de conscience. C’est juste qu’ils ne connaissent pas leur tradition. Mais j’ai songé : si les processus sont les mêmes, la renaissance spontanée d’une création commune, de cette autre façon plus immédiate et plus profonde de communiquer, est toujours possible. Il y faudra du temps, mais tout ceci est si profondément ancré dans l’humain que cela reviendra toujours, sous une forme ou une autre. Et moi, j’ai ainsi la possibilité de jouer avec eux, ce qui est plus motivant que de le faire seule, dans la seule perspective de me produire quand on m’invite...




La directrice du musée de Pereslavl, la très honorable Héléna Chadounts, est morte accidentellement d'une chute dans son escalier. Je me suis rendue aux funérailles de cette femme irremplaçable. Tout le pays était là. Elle a été ensevelie au monastère saint Nicolas.



samedi 8 février 2025

Des rayons dans la tourmente


Notre drôle d’hiver se poursuit. Jusqu’au milieu du mois, on ne prévoit pas de chutes de neige. Tout a pratiquement fondu. J’espère que nous n’aurons pas un printemps glacial. Quand je vois des vidéos ou des photos du midi, j’en ai le tournis. Je donnerais tout-à-coup n’importe quoi pour me trouver dans l’Ardèche, la Drôme ou le Gard.

Mon amie est allée commander son passeport russe au service d'immigration. Les employées qui nous ont reçues m'ont demandé pourquoi je n'avais pas amené ma petite chienne. Je l'avais laissée dans la voiture. "La prochaine fois, ne l'oubliez pas!" Je suis connue comme le loup blanc, maintenant, dans cet établissement.

Les événements deviennent de plus en plus fantasmagoriques. Gaza a été complètement rasé, c’est un champ de ruines, sous lesquelles gisent on ne sait combien de cadavres ; les gens y étaient tirés comme des lapins. J’ai vu des chaussures d’enfants avec le pied encore dedans, au milieu des gravats, des gosses amputés, brûlés, c’est invraisemblable ce qu’on a infligé à cette population. Et Trump déclare qu’il va faire de Gaza une Riviera américaine, et qu’il faut dispatcher les Palestiniens dans d’autres pays, où ils seront beaucoup mieux ! On peut les envoyer en Europe, par exemple, c’est à ça qu’elle sert, l’Europe, cela s’inscrit d’ailleurs dans le programme de métissage forcé. Qu’en pensent les imbéciles de droite qui soutiennent Israël contre le « péril islamiste », sans voir que ces musulmans-là étaient chez eux, et que nos « alliés » les forcent à aller s’installer chez les autres ?  L’asticot à lunettes qu’a produit le crapaud baveux et venimeux de la famille Soros se conduit en maître, donnant ses instructions à la Hyène de Bruxelles, au Nécron parisien. Il ne se cache même pas. Plus personne ne se cache. Il faut être plus que sourd et aveugle, il faut être mort, pour ne pas voir que se passe et ce qui nous arrive.

J’imagine cette Riviera de Gaza, construite sur tant d’horreurs, avec tours de verre, lumières clignotantes, avenues, bagnoles, restaurants, bars, casinos, majorettes tout ce bataclan de la culture du fric, mais pour rien au monde je n’habiterais cet endroit maudit, j’aurais trop peur de me recevoir un déluge de souffre sur la tête. Je n’irais même pas y passer mes vacances.

Ce programme est valable aussi pour l’Ukraine, la nettoyer de ses slaves comme on a nettoyé la Palestine de ses Arabes ou l’Amérique de ses indigènes ne fait pas peur à ces gens, c’était leur but depuis le début. Ils ont le même dessein envers la Russie, et quand à l’Europe, à moins d'un miracle, sa population d’origine, d’ici cinquante ans, sera soit passée en Russie, ou au Canada, ou en Australie, soit résiduelle et complètement abrutie.

Les pays et les peuples sont  interchangeables pour les prédateurs hors sol de la caste. Des espaces à exploiter, hantés par des hordes de sous-hommes qu’on chasse ici et là.

Xioucha me dit que néanmoins, une amie libérale continue imperturbablement à soutenir les pires ennemis de sa patrie et à encourager en ce sens les jeunes de son entourage. Elle m’a envoyé l’interview d’une ravissante jeune femme, autrefois contestataire, pas vraiment libérale, mais contestataire par contagion, et parce qu’en réalité, il y a toujours quelque chose qui ne va pas, des causes valables à défendre, des critiques justifiées à exprimer, et il suffit de chauffer les gens pour les pousser dans la rue quand on le désire. Et puis le Maïdan lui a dessillé les yeux. Et une information sur la situation tragique des civils à Pervomaïsk, dans le Donbass, qui imploraient de l’aide humanitaire. Elle ne l’avait pas repércutée tout de suite, par manque de courage, avoue-t-elle, puis elle l’avait fait, sur son blog et avait provoqué un véritable lynchage médiatique de libéraux furieux. Piquée au vif, et ne voyant pas se manifester de bénévoles compétents, elle se chargea elle-même de rassembler cette aide et de la convoyer, sans savoir du tout où elle mettait les pieds, et depuis, n’a pas cessé de le faire, perdant la moitié de ses amis et en retrouvant d’autres. Elle avait ouvert les yeux sur la réalité, en voyant une grand-mère tituber sur la glace au milieu des ruines, et en écoutant les gens sur place. https://rutube.ru/video/5b3c635741804ec623d19db4d12003a8/?r=wd

Cette jeune femme est très jolie, très sympathique, très naturelle, et par ses expressions, me rappelle les filles de la famille Asmus, elle a la même charmante spontanéité, la même authenticité. Je me demande de quelle manière est gaulée la cervelle de ces gens intelligents, créatifs et diplômés, qui sont allés jusqu’à ne plus la fréquenter, préférant le discours admis dans leur milieu à leur amitié pour elle, sans avoir même cherché à comprendre si ce qu’elle disait n’était pas davantage digne de confiance que ce que racontent les agents médiatiques d’une puissance étrangère. Elle a tenté de convaincre des amis journalistes de l’accompagner, pour voir ce qu’elle avait vu : le résultat du Maïdan, les populations du Donbass bombardées, les gens cachés dans des caves, sans eau, sans électricité, sans chauffage, sans nourriture... Non. Ils ne voulaient pas prendre le risque d’avoir à réviser les positions admises et de s’aliéner le milieu d’intellectuels distingués auquel ils appartenaient. De sorte qu’elle a commencé à analyser les processus d’autosuggestion en oeuvre, chez eux, et aussi chez elle, la petite lâcheté qui, lorsqu’elle faisait déjà régulièrement de l’aide humanitaire, la retenait de l’étendre aux soldats, parce que, tant qu’elle ne se préoccupait que des civils, quelques uns spouvaient encore le lui pardonner. C’est quelque chose que je ressens aussi, ces considérations que parfois je ne fais pas, pour ne pas choquer des amis, par exemple. C'est la somme de ces consentements et de ces démissions qui permet parfois de grandes injustices et de terribles massacres.

J’ai été confrontée à ce type de gens et de problèmes depuis 1968 jusqu’à nos jours. On appelait cela le terrorisme intellectuel. Un esprit de secte qui réécrit la réalité, et décrète qui est bon, qui est méchant, qui est fréquentable et qui ne l’est pas. Ce « libéralisme » mène obligatoirement à la tyrannie. Ces Russes qui ne veulent pas savoir sont les complices des assassins de civils au Donbass, de ceux qui méditent la perte de leur patrie depuis trente ans, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, en symbiose. Nous avons les mêmes en France. Jusqu'à mon déménagement ici, je me heurtais à un véritable mur quand je parlais de ce que je voyais, lisais et traduisais. La guerre, je la sentais venir gros comme une maison, on la préparait en martyrisant le Donbass, déjà vendu à la famille Biden et autres malfaiteurs. 



Il faisait si beau, aujourd’hui, qu’étourdie par la lumière, je suis allée me promener avec Tania dans le marécage. Des oiseaux chantaient à tue-tête, le soleil chauffait. Février est déjà tourné vers le printemps, il est cette année exceptionnellement tiède. Il n’y a pratiquement pas de neige, le lac, encore gelé, brille d’un éclat d’opaline. Tout est si paisible et si radieux, en dépit des tourmentes planétaires...

Chateaubriand m’enthousiasme, c’était vraiment un grand seigneur. Quelle élégance de moeurs, d’âme et de style! Et dire qu’il écrit tout cela un peu plus d’un siècle avant ma naissance... C’était hier, et c’est si loin. Il parle de ces caractères, qui lui paraissent déjà trop forts et trop grands pour l’époque rétrécie où ils sont contraints de vivre, ce qui annonce l’albatros de Baudelaire. Que dirait-il, s’il voyait où nous en sommes ? Son arrestation, sous Louis-Philippe, est un grand moment. Avec quel calme, quelle exquise politesse, il s’adresse aux gnomes venus s’en charger, et qui ne sont pas dignes de sa fureur ni de son indignation, avec quelle sollicitude il ménage « madame de Chateaubriand », qu’il avait pourtant épousée sans inclination particulière, mais à laquelle il témoigne toujours beaucoup d’affection et de respect. Vraiment, je suis fière de la France qu’il représente, c’est à elle que j’appartiens encore.

lundi 3 février 2025

Joyeux anniversaire!

 


J’ai fêté hier mon anniversaire. Dans l’église du père Ioann, on m’a chanté « Longue vie ». Le soir, je recevais mes amis dans le bar, sous le café la Forêt, avec Gilles et sa femme, et puis l’efficace et serviable Vitalina. J’avais limité plus ou moins aux plus proches, quelques uns n’ont pas pu venir. Ce qui me fait plaisir, c’est qu’ils étaient très contents, et l’événement leur a permis de se rencontrer, beaucoup ne se connaissaient pas encore. Ce qu’ils ont tous à peu près en commun, c’est d’être naturels et vrais. J’ai été très gâtée, couverte de cadeaux et de compliments. Selon la tradition russe, chacun y est allé de son couplet. Le père Ioann m’a demandé ce qui me manquait dans la vie. J’ai répondu : «Un mari et des enfants, mais c’est trop tard !

- Il y a les enfants biologiques et les enfants spirituels. En réalité, vous êtes une sorte de marraine pour pas mal de gens, chez nous, que vous unissez et que vous encouragez, et même dans notre paroisse, vous êtes présente, nous avons un peu de France chez nous, cette belle icône de l’Archange Saint Michel que vous nous avez offerte ! »

En réalité, c’est un peu vrai. Je suis à la fois seule et très entourée. Mes amis de Moscou me manquent, en ce genre d’occasions, mais chaque fois que j’ai fêté mon anniversaire là bas, je suis tombée, au retour, dans une catastrophe climatique...

Lara a parlé de mes livres et de leur « musique », et en effet, je suis très attentive à la musicalité des textes, qui passe apparemment bien à la traduction. Katia a évoqué le moment où nous nous sommes rencontrées, dans ce même café la Forêt, un moment que je n’ai pas oublié : en entrant, je n’ai vu que son joli sourire, qui m’était destiné, car elle voulait faire ma connaissance et m’avait reconnue, avec mon petit chien : « Laurence est une personne très bonne et très sensible, elle souffre avec et pour les autres ».

Je souffre avec et pour les autres, mais cela me rend souvent agressive, car j’en veux à ceux qui font souffrir ou détruisent, par méchanceté parfois, le plus souvent par stupidité, au lieu de passer au dessus de cela, et de commencer à les plaindre; d’ailleurs, même si je les plains, je les traite de crétins finis, de butors et d’emmerdeurs. Je suis blessée en même temps que leurs victimes. Et de plus, on ne peut pas dire que cette compassion serve à grand chose, car ce que je peux faire pour remédier à ce qui me révulse est très limité, si on excepte la prière, bien entendu. Et je le fais en râlant et maudissant. Dieu connaît mon coeur et ses vrais sentiments mieux que moi...

Le père d’Ania Ossipova, qui est communiste, a déclaré qu’il était profondément touché de voir une Française avec une âme russe : «Je vous ferai à tous la concession que c’est sans doute Dieu qui la lui a donnée, car je ne vois pas d’autre explication ! Moi qui connais les deux, quitter l'Europe pour la Russie n'est pas une mince affaire! J’apprécie tout particulièrement que les premiers Russes que Laurence ait vu dans sa vie, ces cinéastes venus d’Union Soviétique, ne l’aient pas déçue et qu’elle ai trouvé en eux une bonne raison de nous aimer ! J’en suis reconnaissant à ces deux gaillards ! »

Pacha le cosaque qui avait apporté mon icône de saint Michel au père Nikita, à Donetsk, connaît le fiancé de Katia, et lui a fait passer un colis de cette dernière. Je lui ai glissé dans les commentaires de sa page de saluer le « Chat » de ma part. Hier, le Chat m’a souhaité mon anniversaire par l’intermédiaire de Katia... J'ai eu aussi un coup de fil de mon père Valentin et de sa fille Macha.

Le père Andreï était trop fatigué pour venir mais m’a supplié de l’inviter dans les quinze jours avec sa grande copine, la vendeuse de cierges Natacha, ce que je vais faire scrupuleusement.

Avec ma candidate à l’émigration, nous avons discuté des réparations à effectuer dans son isba. Elles sont importantes, mais en fin de compte, cela vaut quand même le coup, et cela reste abordable. Elle a beaucoup de charme, un beau terrain, et elle est très bien située. Nous en avons vu une autre, mais aucune envie d’y vivre, c’est en meilleur état, mais sans goût, avec une très mauvaise utilisation de l’espace, comme c’est souvent le cas ici. Et l'emplacement n’est pas aussi pratique.

Son isba sera très jolie, agréable à vivre, et l'environnement n'est pas affreux, ce qui est ici bien appréciable. 



vendredi 31 janvier 2025

IA

 


Ce mois de janvier a passé comme un éclair. On dirait que nous sommes le 31 mars. Toute la neige a fondu dans mon jardin, il fait doux et soleil. Mais il y a quand même peu de chances pour que le printemps s’installe déjà. Je crains que nous n’ayons un retour de froid, ou plus probablement moins un plus un pendant un mois et demie...

Déjà ressortent ces horribles motos, dont le vacarme réussit à traverser même mes vitres modernes isolantes qui me coupent le son des cloches et le chant des oiseaux, et pratiquement de l’autre nuisance du quartier, la radio à tue-tête du joyeux bricoleur.

J’ai dû faire en enregistrement provisoire à une amie, pour qu’elle puisse demander son passeport intérieur, tant qu’elle n’habitera pas ici en permanence. La veinarde a déjà la citoyenneté russe, en tant que descendante d'émigrés. Comme avec moi, et même mieux, car je suis là et connais déjà du monde, tout s’arrange au fur et à mesure et se met en place, par la vertu de l’entraide et des intérêts bien compris. 

Après la séance de tracasseries administratives, nous sommes allées déjeûner chez Ultracooks qui a déménagé à côté du service d’immigration. C’est propre, bon, frais et pas cher, cela n’a rien de russe, mais néanmoins, c’est bon, genre cuisine exotique américano-asiatique. Dans ce même restaurant, nous avons rencontré Kostia, qui m’engage à déménager, il a des terrains et des maisons du côté où je me baigne l’été. Je le ferais bien, si j’en avais le courage... C’est vrai que la moto, la radio et les divers travaux me gâchent complètement l’existence, c'est-à-dire les dernières belles saisons que j'ai encore devant moi. Mais mon jardin, ses oiseaux, ses bestioles sont un microcosme auquel je me sens reliée d’une façon mystérieuse, par le soin que j’en ai pris et l’émerveillement que tout cela me procure. Je pourrais recréer cela ailleurs, mais je n’ai pas devant moi un grand capital d’années et de forces. D'ailleurs, après demain, c'est déjà mon anniversaire, que je fête au café français. 

J'ai emmené mon amie à l’embouchure de la rivière, aux Quarante Martyrs. Le lac avait une couleur bleue tendre et nuancée, paradisiaque, et le soleil dorait les arbres de la rive: le printemps. Cette lumière m’étourdissait. J’avais juste envie de rester plantée comme un tournesol, orientée vers sa source. Les oiseaux chantaient. Il paraît qu'à certains endroits, il y a déjà des perce-neiges...

Le soir venu, au dessus de la maison d'Ania, brillaient le croissant dans un ciel encore rose, et très loin au dessus, l'étoile du berger.



J’ai lu un article profond sur l’intelligence artificielle. L’auteur, comme moi, ne croit pas une minute qu’elle puisse écrire un grand roman ni peindre un tableau génial, mais elle pourrait nous rendre paresseux, avachis et incapables de réaliser notre potentiel culturel et spirituel, en faussant toutes nos informations et en nous donnant des attentes qu’elle ne pourra pas réaliser. C’est de la monnaie de singe, la monnaie du diable qui est le singe de Dieu.

"La conséquence inquiétante de l'IA aujourd'hui est qu'elle pourrait très bien captiver la société avec l'idée de la flamme de Prométhée, avec tous les efforts humains abandonnés au profit d'un dieu robotique doté d'un « savoir ultime » qui n'existe pas. Si nous n'y prenons pas garde, je pourrai voir toute la civilisation dépérir dans un avenir proche en raison des espoirs illusoires de l'IA.

Comme une drogue débilitante, l'IA pourrait faire miroiter à l'humanité la maîtrise totale de notre existence, mais ne jamais tenir ses promesses. Entre-temps, nous nous éteindrons peu de temps après avoir renoncé à toute exploration et amélioration de soi. En effet, la plus grande connaissance que les humains puissent atteindre provient de la lutte même de la vie à laquelle nous sommes si désespérément désireux d'échapper."

https://fr.sott.net/article/44212-Trois-consequences-horribles-de-l-IA-auxquelles-vous-n-avez-peut-etre-pas-pense

Sans aller jusqu’à l’IA, depuis que mon plombier m’a donné un VPN qui me rend l’accès à facebook, je suis inondée de débats intéressants, de réflexions spirituelles excitantes, de vidéos sur divers sujets, l’archéologie, la biologie, l’histoire, la politique bien sûr, l’art, la décoration, la religion, la littérature, la musique, tout ce qu’on veut, et je m’aperçois que je ne peux plus me fixer sur rien. D’une certaine façon, VK est plus limité, mais beaucoup moins chronophage et déroutant pour la concentration. Parfois, je trouve quelque chose d’essentiel pour ma compréhension du monde, et généralement, je le lis avec attention, mais au fond, parmi toutes ces informations passionnantes, touchantes, révoltantes, comiques, ce n’est pas si souvent, et je finis par éprouver une lassitude et un désintérêt croissant. Ce qui se passe de plus important dans ma vie, je le conçois avec ma tête, je le crée avec mes mains, je le ressens avec mon coeur. Il n’y a pas de place là dedans pour l’intelligence artificielle. D’ailleurs, je déteste le mot « artificiel », et tout ce qu’il qualifie.

Je suis convaincue que la seule vraie façon d'appréhender l'absolu, l'infini, et une certaine dimension de la divinité passe par la vie spirituelle et ses combats, qui sont pour chacun différents dans leur déroulement et leur âpreté. On ne vole pas le feu divin, on le reçoit, en proportion de que nous sommes capables d'en faire, autrement, il nous brûle et nous aveugle, il devient le feu de la géhenne qui tourmente les damnés. 


mardi 28 janvier 2025

My heart belongs to daddy

Robert et Moustachon

 La femme du père Vassili m'a dit qu'une famille d'Allemands étaient arrivée à Pereslavl. Leurs enfants sont avec les siens au lycée orthodoxe. Les gens sont à l'église si gentils... Il y a des endroits, comme cela, où l'on se sent vraiment en Russie et où s'abolissent un moment les horreurs périphériques. Mais à d'autres moments on se retrouve en URSS, et pas au temps planplan de Brejnev. L'écrivain Prilepine, à l'instar d'une journaliste de Libé qui avait cru bon, il y a une dizaine d'années de faire une liste noire de tous les soutiens français du Donbass qu'elle qualifiait "d'agents de Poutine", a composé une liste de personnalités à épurer où figure la fleur de l'intelligentsia orthodoxe patriotique, monarchiste, enfin tous ceux qui rejettent ses tentatives de blanchiment des rouges et de récupération de l'Eglise. Il faut dire que même si l'on trouve des orthodoxes staliniens, quand même, les milliers de martyrs font un peu désordre, et on ne va pas les décanoniser, n'est-ce pas? Je redoute terriblement ces personnalités à mentalité idéologique systématique pour lesquelles tous ceux qui ne marchent pas dans leur délire sont des ennemis à abattre. Il y en a plein en France, les facs post-soixante huitardes en étaient bourrées et tout cela fait des petits... 

Rom

Chateaubriand décrit la Restauration, et l'on sent peu à peu s'imposer chez lui la certitude découragée que c'est fini, que la France a péri avec son roi, et que ses tristes successeurs sont bien peu convaincants. Et puis les gens ont pris le goût de l'irrespect, de la fronde, ils sont travaillés par la presse, les nobles n'ont plus d'honneur, les princes n'ont plus de stature. Et cette déliquescence n'a fait, en quelque deux cents ans, que s'accentuer, emportant toute l'Europe dans cet enlisement sans gloire dont nous voyons le terme. Y compris la Russie, dont le destin a découlé du nôtre, mais je caresse l'espoir d'ilôts de salut en son sein, car malgré les Prilepine d'un côté, et les divers libéraux de l'autre, il y a les funérailles de la matouchka à la Laure, la cathédrale, son évêque et le père Andreï qui m'a dit, avec une bienveillance pleine d'humour, que mes animaux m'avaient déjà pardonné de n'avoir pas toujours su m'occuper d'eux, les défendre, les soigner à temps. Il y a le père Nikita au Donbass, qui est si bon, si actif, priez pour sa santé, ceux qui le peuvent, ceux qui en ont l'habitude. Il y a Iouri et Dany. Katia et Fédia. Le père Valentin. Les cosaques, les balalaikers. Ania Osipova. Et tous ceux qui viennent, selon la prophétie de l'higoumène Boris, chercher ici refuge. 

Je suis allée faire tamponner mon permis de séjour, avec passage chez la juriste pour préparer le dossier et lui présenter mon amie de Suisse. Elle n'en peut plus de perplexité, la juriste. La première fois qu'elle m'avait vue, elle n'arrivait pas à comprendre comment on pouvait quitter le sud de la France pour la Russie. Et là maintenant, c'est la Suisse... Mais il y a quelques temps, elle s'est occupée d'une famille d'Allemands russes qui étaient partis en Allemagne au moment de la Perestroïka et reviennent à présent, je pense qu'il s'agit de ceux dont m'a parlé la femme du père Vassili.

J'ai vu une vidéo d'Aldo Sterone sur l'Angleterre qui m'a serré le coeur, car d'une part je suis pleine de compassion pour lui, et d'autre part, ce qu'il décrit de l'Angleterre peut être plus ou moins transposé à la France. Pour lui, la destruction de nos pays est intentionnelle, programmée, et c'est aussi mon avis. Or que font tous les gens censés chez nous penser et réagir? Ils fouettent la cavale droit dans l'abîme, et je ne peux plus entendre leurs discours délirants, haineux, absurdes ni voir leurs grimaces. J'ai l'impression, à ce spectacle, d'être tombée dans une maison de fous ou un tableau de Jérôme Bosch. 



Aujourd'hui, j'ai fini mon livre de souvenirs, j'y ferai encore sûrement quelques retouches, mais dans l'ensemble, il est fini. J'ai mis plus de cinq ans à l'écrire, avec de grandes interruptions. Depuis cet été, j'y ai travaillé plus ou moins tout le temps. Il m'a restitué toute une partie de ma vie. Et mon père. C'est lui que j'ai retrouvé au bout de cette aventure, après soixante-douze ans de séparation, et je sais qu'il m'accompagne, que c'est lui qui viendra me chercher à l'heure de ma mort. Sur une photo de 1934, ma mère et ses deux soeurs aînées exultent dans les vagues à Sanary. Ces petites filles sont toutes mortes, je connais leur destin et je regarde leurs visages neufs et radieux, je n'ai jamais connu une telle expression à ma tante Jacquie, au centre, celle qui, d'ailleurs, avait horreur des photos de famille, parce qu'elles lui fichaient le cafard. Dieu veuille leur rendre cette joie et qu'elles exultent en Lui, comme elles le faisaient dans la mer... 




My heart belongs to daddy...