En rentrant des courses, j'ai à nouveau trouvé Alba installé dans la niche que j'avais mise pour Nounours. Alba peut s'y coucher au sec, sur un lit de foin, et il apprécie, tout fond, tout est terriblement humide et boueux, dans la niche, il est à l'abri. Nounours, lui, n'a jamais voulu y aller. Je vois déjà pointer des feuilles de primevères, certaines plantes ne les ont même pas perdues, sous l'épais edredon de la neige. J'éprouve un bonheur particulier à manger les baies que j'avais congelées, et qui me restituent le goût sauvage de l'été dernier, à la veille de l'été suivant...
L'électricien n'en finit pas de refaire mon installation, je refais plus ou moins ce qu'on m'a fait il y a six ans, parce que j'ai la hantise de l'incendie et que dans les maisons en bois, il faut tout mettre sous baguette, pourquoi ne l'ont-ils pas fait alors? Il me parle beaucoup, mais je ne comprends rien, car il avale tous les mots. Il reste convaincu qu'en occident tout est mieux, et qu'ici tout va devenir épouvantable; il a un ami qui est aux Etats-Unis, et lui fait des récits enthousiasmants de sa vie là bas. Cependant, comme il est patriote, il ne s'en ira pas. Il est certain que lorsque je suis partie la première fois, en 94, tout le monde me regardait comme une folle, ici comme en France, et les raisons que j'avais de le faire m'étaient très personnelles. Je me souviens avoir dit à la matouchka communiste du père Valentin, dont la petite-fille, revenue de France avec sa mère, l'avait indignée en déclarant qu'ici tout était moche, que malgré mon choix, je la comprenais! Mais maintenant, les choses ont changé, et les perspectives aussi sont bien différentes. Mon électricien ne voit pas celles de son pays dans le bloc eurasiatique, et ne dépasse pas le mythe occidental dont le monde entier commence à être désabusé, les illusions sont tenaces.
Nous avons souvent des funérailles de soldats, ici, c'est une ville de garnison. Ces disparitions de jeunes gens sont terribles, et j'ai froid dans le dos quand je pense aussi aux conditions de vie des civils du Donbass. Tout ceci aurait déjà pris fin si les malfaiteurs de l'OTAN ne s'en mêlaient pas, mais ce bordel est leur oeuvre depuis le début, qu'ils soient en train de déraper dans leur propre merde ne les rend que plus enragés. J'ai particulièrement apprécié le mandat lancé par le CPI contre Poutine pour "enlèvements d'enfants". Mieux vaudrait en effet les laisser à la merci des bombardements punitifs, comme ils en subissent depuis huit ans, ainsi que des trafiquants d'organes et de chair fraîche pour ogres pervers. Aucun journaliste de service ne s'est jamais préoccupé, par exemple, des orphelins du Donbass emmenés par les Ukrainiens et dont personne n'a plus jamais entendu parler... Que sont-ils devenus? Aucun ne s'est non plus offusqué du discours de Porochenko, au début de cette tragédie, proclamant que "leurs enfants vivraient dans des caves, tandis que les nôtres iraient normalement à l'école". Cela passait crème, aucun CPI ne s'en est mêlé.
Je suis pleine de compassion quand je lis le blog de Panagiotis sur la Grèce, détruite avec la complicité de son gouvernement de larbins plus ou moins mafieux, et que je vois venir le tour de la France, tandis que trop de gens avalent le discours officiel sur l'Ukraine, laboratoire depuis huit ans de ce qui nous attend tous, y compris la Russie, si le cours des événements n'est pas infléchi. Ce qui se passe en ce moment en France paraît surréaliste. Je suis fascinée de voir de braves gens haranguer les "forces de l'ordre", qui sont plutôt les serviteurs du chaos, en espérant éveiller de la solidarité chez des sbires qui n'ont rien de commun avec le peuple qu'ils répriment et qu'on a sélectionné pour leur brutalité obtuse. Une amie me disait au téléphone que la lecture du Maître et Marguerite était l'antidote jubilatoire à la dépression ambiante, parce que Boulgakov s'était évadé dans ce livre des horreurs de la vie soviétique où il baignait, et en effet, je l'ai lu et relu moi-même pour les mêmes raisons; car pour moi, le ver était dans le fruit de la France, dès les années 70 (et même bien avant...). Les bandes dessinées de Lauzier donnaient une très exacte description des milieux pré-bobos, de leur malveillance, de leur vilenie, de leur vanité, de leur mesquinerie rageuse, et ce sont ceux-là qui sont au pouvoir à présent, après avoir opéré, depuis deux générations, la séléction rigoureuse de leurs semblables, ne laissant pas arriver ceux qui pouvaient leur porter la contradiction ou leur faire de l'ombre. La fac de Vincennes dans les années 70 était une enclave totalitaire de stupidité déchaînée et de laideur crasseuse qui me donnait une vision glaçante de la période bolchevique passée et du hideux délire woke à venir. Cinquante ans plus tard, les ravages opérés sur la société française sont encore pires que ce que je pouvais craindre. J'avais bien raison de détester ces créatures des ténèbres, j'avais bien compris à qui nous avions affaire. D'ailleurs, dès que j'ai vu Macron, j'ai su qu'il nous apportait la mort. Je ne comprends même pas comment on peut accorder le moindre crédit à ce traître de mélodrame. Je suis persuadée que les paysans d'autrefois, comme mon beau-père, auraient tout de suite flairé le malfaiteur fini, pour faire confiance à Macron et à ses semblables, il faut être dégénéré, décervelé et n'avoir plus aucun discernement. Il est vrai que c'est ce qui arrive aux pauvres êtres qui n'ont plus ni racines, ni foi, ni culture. Et tout a été organisé en ce sens depuis des décennies... Il paraît que le niveau d'ignorance et celui de l'indigence de la langue sont descendus largement au dessous de la cote d'alerte.
En réalité, une société saine aurait explusé ces agents pathogènes spontanément, ils n'auraient eu sur elle aucune prise. J'ai bien peur que le peuple français ne se soit jamais remis d'abord de la Vendée, ensuite de la guerre de 14, ainsi que de la sécularisation forcenée qu'on lui a fait subir.
Beaucoup de gens me posent des questions sur l'émigration en Russie. Je propose deux sites qui se sont fait de ce thème une spécialité, un site américain, avec le père Gleason, qui a fait venir 40 familles de compatriotes orthodoxes, et celui d'Alexandre Latsa, Français russifié, qui connaît le problème:
Il est bien connu que les Français n'émigrent pas facilement, qu'ils en viennent à y penser est significatif. Même moi qui étais tellement fascinée par la Russie, je n'ai envisagé de le faire qu'après la perestroïka, et de façon définitive pour deux raisons, l'orthodoxie et le conflit que je sentais venir, que je voyais ourdir, depuis pratiquement trois décennies. Et puis, même si, comme disait la petite-fille de la matouchka, la Russie était beaucoup plus moche, beaucoup plus détruite, j'avais justement l'impression qu'elle ne me mentait pas, qu'elle me renvoyait sans fioritures la vérité du monde qu'avaient enfanté le progressisme et le matérialisme partis d'occident pour infecter le reste du monde.
Un ami m'écrit qu'il ne pourrait exister sans sa terre, ce que je comprends, le problème est que ce lien est rompu pour beaucoup de nos contemporains. J'ai moi-même le sentiment que si j'avais suivi les conseils de mon beau-père et que j'étais devenue bergère en Haute Ardèche, je ne serais jamais partie. Et même je ne suis pas sûre que j'aurais trouvé les forces de le faire si j'avais, contre l'avis de ma soeur, acheté la petite maison dont le jardin et la terrasse ornée d'une glycine m'avaient tellement séduite, à Saint-Laurent-la-Vernède. Le lien à la terre existe, il est atavique, j'ai des fantasmes de coquelicots sous le mistral, j'ai souvent la larme à l'oeil en voyant les photos de Suze-la-Rousse postées par une Russe venue y rejoindre son mari français. Cependant, quand j'étais en France, j'avais aussi des flashes du jardin de ma datcha, et maintenant, j'aurais le plus grand mal à m'arracher à mon lopin, où j'ai déployé de grands efforts de créativité avec un amour attentif...
Petit saut à Moscou, pour diverses raisons, et pour remonter le moral de mon amie Yana, dont le mari vient de mourir. Le même jour, je suis allée à l'office funèbre, puis rencontrer un monsieur français qui m'a bien aidée, je suis passée à la banque, je suis revenue pour le repas des funérailles et j'ai terminé la soirée chez Dany... J'étais crevée, et je suis revenue le lendemain sous la pluie battante, mais voilà que le soleil est de retour, sur la neige sale qui fond maintenant vraiment.
Yana est une femme encore très jolie, très vulnérable; et j'avais grande compassion de la voir rester veuve. "J'ai eu tellement de mal à en trouver un comme lui, s'est-elle exclamée au repas en fondant en larmes, et voilà que je l'ai perdu!" Comme je la comprends, comme il doit être cruel de perdre un mari qu'on a eu tant de mal à rencontrer, et de nos jours, on a souvent beaucoup de mal, surtout quand on est une personne vulnérable au tempérament atristique. "Cela ne m'est jamais arrivé... ai-je confié plus tard au père Valentin.
- Oui, mais dans votre cas, je pense que l'environnement français contemporain n'a pas dû vous faciliter les choses..."
Je me souviens d'une amie ravissante, qui avait trouvé son mari très tard et me disait qu'elle avait l'impression d'être miraculée. Et elle ajoutait: "Il est pur..."
Génia, le défunt, était manifestement très aimé de tous ceux que le deuil avait rassemblés et dont je connaissais une partie. Comme souvent avec les Russes, j'avais l'impression que nous fondions tous littéralement dans l'amour réciproque, comme du beurre au bain-marie. J'avais hésité à prendre ma vielle, mais la première fois que j'avais vu Génia, je lui avais chanté un vers spirituel, 'la petite route du Seigneur", et il avait versé une larme. J'ai donc pensé qu'il fallait le chanter à ses funérailles.
Dès que Yana a vu l'instrument, elle m'est tombée dans les bras: "Oh, vous allez chanter? Je n'osais pas vous le demander, et vous y avez pensé!"
J'ai pris soin de préciser que Génia, parce qu'il était bon et que nous allions tous prier pour lui, ne passerait pas à côté de la petite route, ni du paradis et de son arbre merveilleux...
La petite route du Seigneur, enregistrement de 2011
Avec ma tante Mano, qui est restée toute sa vie auprès du même homme, en vertu de la grande qualité morale de l'un et l'autre membres de son couple, nous avons évoqué un fiancé que ma mère avait eu avant mon père, et que Mano trouvait adorable. A 16 ans, maman avait eu la maturité de lui dire: "Jacques, si vous ne pouvez m'imposer à vos parents, je ne vois pas comment nous pourrions passer notre vie ensemble". Mais le pauvre garçon, qui avait alors épousé l'élue de sa famille, laquelle n'avait pu elle-même épouser celui de son coeur, n'avait jamais oublié maman et toujours parlé d'elle.
De nos jours, il n'y a souvent ni exigence ni respect, et les gens se marient par peur de la solitude, lassitude, ou parce qu'ils ne peuvent trouver le courage de rompre une liaison de hasard, mais il y avait alors ces pressions sociales et familiales qui pouvaient briser la vie de jeunes gens sérieux, désireux de mener une vraie vie de couple, et n'imaginant même pas qu'il pouvait en être autrement.
J'ai pas mal discuté de la situation générale, avec le père Valentin, entre deux portes, et il m'a rapporté une citation du saint patriarche Philarète de Moscou qui disait à peu près: "Il faut aimer ses ennemis, abhorrer ceux de l'Eglise, et combattre ceux de la Patrie".
J'ai regardé une émission avec un politologue orthodoxe russe, Mikheïev. Il parlait de la confiscation de la laure de Kiev par Zizilenski et le gros mitré placé à la tête de la filiale de Constantinople. Les gens se rassemblent en foule pour essayer de sauver les lieux de cette profanation évidente, que va-t-il leur arriver? Le ministre de la culture parle des nombreux saints couchés dans les Grottes depuis des siècles comme de "pièces de musée", ce qui est tout dire. Mikheïev dit très justement que le gouvernement ukrainien est en tous points semblable au gouvernement bolchevique, applique les mêmes méthodes, pour les mêmes raisons, que cela soit ou non mâtiné de néonazisme, de néopaganisme, de libéralisme ou tout ce qu'on veut: le fond de l'affaire, c'est la destruction du christianisme, c'est la haine du Christ, et aussi de la population slave indigène, qu'elle soit ou non consciente de la manipulation.
J'avais bloqué sur FB deux orthodoxes qui me piaillaient aux chausses le jour où l'une d'elles m'avait déclaré que si l'Eglise était persécutée en Ukraine, c'est qu'elle était "l'émanation du KGB", ce qui prouve bien qu'elle n'avait rien suivi mais reprenait avec enthousiasme les calomnies médiatiques débitées depuis des années, au mépris de toutes les avanies subies par de dignes hiérarques et de fervents croyants. Car en Ukraine, l'émanation du KGB, c'était le "patriarche" autoproclamé Philarète, et c'est pourquoi on avait, contre toute attente, choisi Alexis II pour succéder à Pimène à la chaire patriarcale de Moscou, dont il était pourtant le locus tenens. Il y a longtemps, de surcroît, que le SBU ukrainien est beaucoup plus proche du KGB originel que le FSB russe actuel. D'où l'échec de Philarète, au moment de la Perestroïka: le KGB de l'époque l'avait avisé qu'il ne se mêlait plus des affaires de l'Eglise.
Une artiste peintre russe libérale publie une photo d'un paysage du Donbass ravagé par les combats et se demande comment la Russie pourra jamais se laver de cela, qui retombera sur ses enfants, ceci, cela et le reste. Elle ne se pose pas une minute la question de savoir d'où tout cela provient, la Russie est coupable de tout, par définition; elle est la seule à bombarder, et tout ce qui pourrait contredire cette vision unilatérale est de la propagande de Poutine. Les huit ans d'atrocités au Donbass, cela n'intéresse pas ce genre de personnes. Pas plus aujourd'hui qu'alors. Le fils du père Parfionov, qui fait à Vladimir de si beaux pastels, a été tué à la guerre. Beaucoup d'amis de mon électricien sont morts également. Comme d'habitude, tandis que des dindes et des dindons comme cette artiste peintre ou ces orthodoxes, marchent dans les plus sombres combines, les meilleurs sont tués en priorité. Et cela, d'ailleurs, des deux côtés.
La jeune femme enceinte, soi-disant rescapée d'une maternité bombardée par les Russes, dont les médias français avaient fait leurs choux gras, est à présent à Moscou, et figure sur la liste "Mirotvorets" des ennemis de l'Ukraine à abattre, pour avoir tenté de rétablir la vérité sur cette affaire. On a publié un article et une traduction à ce sujet sur VK: https://www.kp.ru/daily/27475/4730640/
« J'ai survécu et j'ai dit la vérité. Maintenant pour l'Ukraine, je suis un ennemi » : le sort de la « Madonne de Marioupol
Nous avons rencontrés la "Madonne de Marioupol" Marianna Vyshemirskaya. Nous l'avons trouvée à ... Moscou.
Il y a exactement un an, le 9 mars 2022, la photo déchirante d'une fille enceinte de Marioupol s'est répandue dans le monde entier. Elle se tenait avec une éclaboussure de sang sur le visage dans le contexte d'un immeuble aux fenêtres brisées. "Les Russes ont bombardé la maternité !" cria l'Occident. "Nous avons besoin de plus de sanctions !" - a exigé le vice-président américain Kamala Harris.
Sanctions, bien sûr, ajoutées.
Qu'est-ce qui ne va pas avec cette fille maintenant ? Où est-elle?
Cette photo a fait le tour du monde il y a un an avec une fausse légende. La fille dessus est Marianna Vyshemirskaya. Elle a raconté ce qui s'est réellement passé
"Il n'y a pas eu de raid aérien"
Marianne a 30 ans. En fait, elle est née à Donetsk, mais lorsqu'elle s'est mariée, elle a déménagé à Marioupol, deux ans avant le début de l'opération spéciale, alors que la ville était encore sous le contrôle de l'Ukraine. Marianna a gardé son blog, purement féminin - sur les cosmétiques, les nouveautés en matière de produits de beauté. Elle comptait plus de 30 000 abonnés selon les statistiques. Mais tout cela ne peut être comparé à la renommée mondiale qui lui est tombée à la veille de la naissance de son enfant.
- Lorsque ma photo est parue dans les journaux, j'étais totalement sans moyen de communication. Et j'ai tout découvert quand je suis rentré chez moi, à Donetsk. Je suis allé en ligne et - il s'avère que je suis victime d'un raid aérien russe. Bien qu'il n'y ait pas eu de raid aérien! De cette "gloire", je n'ai retiré qu'un seul moment positif - ma famille a découvert que j'étais en vie.
Soit dit en passant, l'Occident et l'Ukraine ont alors utilisé la photo de Marianna dans son intégralité - sur les couvertures de tous les médias. Mais après que la jeune fille ait raconté comment tout s'était réellement passé à l'époque à Marioupol, l'Ukraine l'a immédiatement ajoutée à sa célèbre base «Peacemaker» - où des listes d '«ennemis de la nation» sont affichées. Et l'Occident nulle part, même en petits caractères, n'a réfuté les couvertures de magazines avec Marianna. Il faisait comme si elle n'existait plus.
Et la voici, juste devant moi.
- Dis-moi, comment t'es-tu retrouvée sur ces clichés ?
- J'étais à l'hôpital numéro 3. Je voulais me rendre à la maternité n ° 1, qui était la principale à Marioupol. Mais le régiment Azov (une organisation terroriste interdite en Russie. - NDLR) a senti qu'il n'en avait plus besoin et a chassé tout le monde de là.
Dans la maternité où j'ai atterri, il y avait aussi des FAU. Pas directement avec les femmes en travail, mais dans le bloc suivant. Ils sont venus nous prendre de la nourriture et ont dit qu'eux-mêmes n'avaient pas de provisions. Quand je parle de cela, en Ukraine, ils écrivent que je suis un traître et que je les diffame. Mais je vous dis comment c'était. Ils se sont discrédités en occupant un bâtiment sur le territoire de l'hôpital, violant la Convention de Genève sur la protection de la population pendant les hostilités. Plus tard, j'étais dans le bâtiment où se trouvaient les Forces armées ukrainiennes. Leurs fenêtres étaient remplies de sacs de sable. Et dans nos chambres - verre ordinaire. Je veux dire, ils se cachaient juste derrière nous.
- Que s'est-il passé dans votre hôpital ?
- Le matin du 9 mars, tout était calme. Puis des explosions ont commencé à se faire entendre. Il n'y a pas eu "d'arrivée" dans notre maternité. Mais à un moment donné, les fenêtres ont été soufflées par l'onde de choc. Le verre a failli toucher mon lit. J'ai réussi à me couvrir d'une couverture. La panique s'ensuivit, bousculade. Tout le monde a couru. Ils m'ont poussée, je suis tombée sur les fenêtres, je me suis coupé le ventre et la tête... J'ai été l'une des derniers à partir, car j'attendais le moment de retourner dans la salle pour un sac avec des affaires. Je ne pouvais pas l'abandonner, il y avait tout pour l'enfant. Et il était impossible d'acheter quoi que ce soit autour.
Avez-vous vu que vous étiez photographiée ?
- Je n'ai pas remarqué tout de suite. Ce photographe était sans gilet "Presse". Tout en noir. Puis j'ai remarqué qu'il avait un appareil photo. Je lui ai demandé de ne pas me photographier. Il a dit : "Pas de problème." Mais, comme il s'est avéré, il n'a pas arrêté de me photographier.
"LES MILITAIRES RUSSES VIENNENT NOUS APPORTER DE LA NOURRITURE ET DE L'EAU"
Où avez-vous été évacué ?
- À l'hôpital de la ville. Le même jour, j'ai accouché. Mon petit et moi avons passé encore 2 semaines là-bas. Personne n'était autorisé à sortir, c'était dangereux dehors. Il n'y avait ni lumière ni chaleur. J'emmaillotais mon enfant sous les couvertures, le réchauffant de mon souffle. Il n'y avait pas d'eau, ils buvaient de la "technique", de la nourriture aussi. Il y avait des jours où nous n'arrivions à manger qu'un quart de tasse de soupe... Quand les Forces armées ukrainiennes sont parties, les militaires russes sont arrivés, ils nous ont immédiatement apporté leurs rations sèches et de l'eau. Et de l'eau bouillante en bouteille pour se réchauffer. Et puis j'ai pu partir pour Donetsk.
- Et avant cela, il y avait une possibilité de sortir de Marioupol? Lorsque la ville était sous les Forces armées ukrainiennes, on parlait de « couloirs humanitaires ».
- Oui, il n'y avait pas de couloirs ! L'armée ukrainienne n'a laissé personne sortir de la ville ! Certains, je ne sais comment, se sont infiltrés à travers eux. Peut-être pour de l'argent.
Quand je suis revenue à Donetsk, j'ai eu l'occasion d'aller en Turquie, où étaient mon mari (déjà ex), des parents. Et en Europe... J'y serais acceptée et retenu, si seulement je disais ce qu'ils veulent. Mais je n'avais pas un tel désir. Je voulais rentrer chez moi.
"COMMENT POUVEZ-VOUS DÉPLOYER DES TROUPES À PROXIMITÉ DES FEMMES ENCEINTES ?"
- Avez-vous commencé à parler de ce qui s'est réellement passé uniquement lorsque vous étiez à Donetsk?
- Non, pas tout de suite. De retour à Marioupol, à l'hôpital après l'accouchement, alors que la ville était encore sous les Forces armées ukrainiennes, des journalistes de l'American Associated Press sont venus me voir, je leur ai tout dit, comme vous maintenant. Mais ils n'ont laissé que ce dont ils avaient besoin. Et déjà à Donetsk, quand j'ai transmis toute la vérité, des messages d'Ukraine me sont parvenus - que je suis maintenant une ennemie pour eux.
Ont-ils écrit exactement comme ça ?
- Le plus offensant c'est qu'ils ont écrit des choses désagréables sur mon enfant. Ils voulaient ma mort et la sienne. Je ne comprends pas comment est-ce possible ? Et écrit notamment aux jeunes mamans. Mon âme s'est retournée. Je n'ai menti à personne. Mais j'ai pardonné à tout le monde, je n'ai aucune colère contre eux. Mais j'ai de grandes questions pour le commandement ukrainien - comment pouvez-vous donner des ordres de prendre position dans des bâtiments résidentiels, des hôpitaux ? Oui, même à côté de femmes enceintes ?
EN ATTENTE DU PROCES AVEC KHODORKOVSKY
- En conséquence, vous vivez maintenant à Moscou ?
- Je suis venu à l'invitation du Fonds national Rodina à un événement pour les enfants du Donbass. Et déjà à Moscou, on m'a proposé de devenir le visage de ce fonds. J'ai déjà fait de l'humanitaire, j'aime ça. Nous avons déjà voyagé en RPD, RPL, apporté de l'aide.
- Avez-vous amené votre fille avec vous ?
- Non, elle est à Donetsk, car elle ne va pas encore à la crèche. Et je ne gagne pas encore assez pour embaucher une nounou.
- Déjà installée à Moscou ?
- Oui, j'en ai l'habitude. Beaucoup de choses à faire et de rencontres. Et maintenant, les procès sont sur le point de commencer.
- Qui ?
- Avec Khodorkovski. Il a posté ma photo sur ses réseaux sociaux, et en dessous - une comparaison de Marioupol et de Leningrad assiégée. Il m'a simplement utilisée à ses propres fins, pour sa propagande. Je lui ai demandé de retirer la photo, mais il ne l'a pas fait.
Voulez-vous de l'argent de sa part ?
- Je veux juste qu'il supprime ma photo.
- Et avez-vous essayé de contacter les médias occidentaux qui vous ont imprimé sur les couvertures ?
- Différents journalistes sont venus me voir, à l'exception des Ukrainiens. J'ai donc accordé une interview au journaliste italien Giorgio Bianco. Certes, il n'est jamais sorti dans les médias, il l'a publié sur sa chaîne YouTube, mais même cela a été immédiatement bloqué. De l'armée de l'air britannique, Marianne Spring a fait beaucoup de matériel avec moi, bien qu'avec ses remarques, mais quand même ... Et le reste des médias occidentaux, avec qui j'ai parlé, ont fini par ne pas publier d'interview avec moi. Pourquoi auraient-ils besoin d'une vérité inconfortable ?
Si j'en crois la météo, c'est notre dernier jour d'hiver, qui s'en va en beauté. Il a fait moins quinze cette nuit, au matin, j'ai trouvé les vitres de la véranda brodées de givre, et au delà, au dessus des isbas, un ciel rose où flottait une demie lune blanche. Demain, il fera déjà plus cinq, et on annonce de la pluie pour la semaine prochaine! Mais aujourd'hui, après le soleil matinal, tourbillonnent de gros flocons immaculés; et je suis des yeux leurs volutes obsédantes, ultime féérie avant la boue puis la verdure renaissante.
J'ai ramassé le sommet de mon saule rongé par les deux affreux, Nounours et Alba, enfin je les soupçonne fortement. Mon idée est de faire prendre racine à ce débris pour le planter. J'essaie de me consoler en me disant que le saule pleureur nain avait aussi souffert, il n'en restait qu'un petit bout, mais il a repris et poussé d'un mètre cinquante l'été dernier.
Une artiste-peintre locale m'a demandé de venir rencontrer, dans son atelier, un Français qui est parti il y a un an, juste avant l'intervention, avec sa femme russe. Ils vivent maintenant dans un village près de Nijni-Novgorod. Ce Français est devenu orthodoxe déjà en France, mais il ne supportait plus la propagande ni le climat délètere et hostile, y compris dans sa paroisse. Cependant, il avait envie de voir des compatriotes: là où il est, il n'y en a pas des masses. C'est pourquoi l'artiste a fait appel à moi. Et elle l'a emmené aussi au café la Forêt, pour rencontrer Gilles, le lendemain. Je n'y suis pas allée, parce que j'ai besoin de m'isoler, de me recentrer, de me recueillir, de faire mon carême, principalement en m'évitant les mondanités, et en me livrant à la contemplation et à la création.
Cette artiste, dont la spécialité est de peindre des chats dans un style illustratif, veut lancer à Pereslavl un carnaval des chats annuel. Chacun doit avoir un masque de chat et un costume, mais un beau costume, éventuellement historique, pour associer l'événement à Pereslavl, et pour en faire quelque chose d'esthétique. Moi, je veux bien, mais deux choses me dérangent: d'abord, cela prend du temps, de faire un costume, un masque, et ensuite, tout cela est censé prendre place rituellement le premier dimanche de mars, cela arrivera au moment de la maslennitsa, avant ou juste après, quant le carême débute dans la concentration extrême... "Oui, m'objecte-t-elle, mais pour la mairie, c'est une période creuse touristique, et cela ferait venir un peu de monde dans les hôtels. Et puis tout le monde n'est pas croyant ni pratiquant...
- En effet, mais moi, si..."
Je fais le carême sans fanatisme, mais j'ai besoin de le faire, et d'autant plus dans un contexte où on m'invite sans arrêt. J'ai besoin de ce recul, de cette orientation vers l'éternel. J'étais paniquée à l'approche de cette période, et je me rends compte à quel point j'en avais finalement besoin, à quel point elle m'est bénéfique. Et d'autre part, le carême est suivi, à Pereslavl, le café français s'en rend compte. Pas sûr que le carnaval des chats tomberait très bien...
On est forcé de constater que dans tous les pays, les démons ont leurs élevages d'imbéciles malléables, prêts à se jeter dans la rue au signal pour détruire leur propre pays avec enthousiasme. C'est ce qui est arrivé à l'Ukraine, c'est en train d'arriver à la Géorgie, j'ai prié saint Gabriel, qui lui-même priait pour la Russie, de tempérer le processus, évidemment manipulé. On voit tous les fuyards russes passer la fontière en sens inverse, quel cirque...
Parallèlement, dans les pays de l'est qui se retrouvent au mains de l'OTAN et de son UE féale on manifeste souvent pour ne pas se laisser entraîner à la boucherie où on tient tellement à les jeter, par gouvernement compradore interposé.
A propos de la manipulation ukrainienne, que je voyais à l'oeuvre depuis la première révolution orange, en 2004, voici un document à l'usage de ceux qui, à l'instar du métropolite de Daru, se font tourner la tête par les agents ukrainiens qui noyautent les paroisses françaises:
Cela, je l'ai vu passer dès 2014, quand personne ne voulait en entendre parler, nulle part, surtout pas dans ces mêmes paroisses françaises. C'est ce genre de choses qui m'a vaccinée contre la presse "démocratique" à géométrie variable. C'est plus convaincant que les fake news que me postaient des orthodoxes pour me désabuser! Un jour pas mal de gens auront honte d'avoir cru d'emblée la propagande antirusse, et cautionné tout cela. La question est pourquoi? Parce que bien que le communisme soit une idéologie occidentale, inculquée au moyen d'une rééducation féroce par des gens qui, en majorité, méprisaient les Russes et les détestaient, il reste un moyen de stigmatiser ceux-ci et de leur mettre sur le dos tout ce qui ne va pas sur la planète et, en fin de compte, malgré leurs protestations d'amour pour la "vraie Russie" qui n'est pas celle d'aujourd'hui, ceux qui boivent les calomnies avec avidité font la preuve que le communisme n'est pour rien dans leur russophobie, il n'en est que le prétexte, et on la trouve chez des slavistes distingués aussi bien que chez des descendants d'émigrés. On la trouvait déjà chez les occidentalistes russes du temps de Dostoievsky...
Si avoir adhéré à une dictature idéologique de gré ou de force devait stigmatiser les peuples pour l'éternité, alors il faudrait traiter la France de la même manière, avec son absurde révolution maçonnique et sa dékoulakisation vendéenne féroce, ou même surtout l'Angleterre, ce cancer de l'Europe, avec sa tumeur maligne américaine. Et puis enfin, toutes ces ex républiques sur lesquelles l'Amérique, et tout ce que ce terme recouvre, s'est jetée comme la vérole sur le pauvre monde, ont largement participé à l'Union soviétique et à tout ce qui s'y est passé, en bien ou en mal. Et n'ont aujourd'hui d'existence et de frontières que parce qu'elle les leur a données, sur des bases arbitraires, les privilégiant systématiquement par rapport à la Russie. En ce qui concerne la Géorgie, elle a fait cadeau à la Russie de Staline, et ni l'Ossétie ni l'Abkhazie, d'après l'ouvrage historique d'un Ossète que j'ai traduit autrefois, ne se considèrent comme parties intégrantes de son territoire.
Les plus lamentables des Géorgiens, avec l'aide de toujours les mêmes malfaiteurs, feront de leur pays un trou noir comparable à l'Ukraine. Il ne faut pas se donner si inconsidérément aux visages pâles à la langue fourchue, comme les Ukrainiens, pour quelques brioches distribuées par une mégère terrifiante, et des chimères européennes.
Mais elles ont la vie dure, ces chimères, mon électricien, pourtant patriote, reste absolument persuadé qu'en Europe, coulent des ruisseaux de lait et de miel. Les gens n'aiment pas remettre leurs représentations en question. C'est pourtant ce que j'ai fait, car, bien que russophile depuis mon adolescence, je croyais cependant dur comme fer que l'Amérique nous "protégeait". Elle nous protégeait comme le racketteur ou le souteneur, d'un danger qui n'en était pas un, car je suis à présent convaincue que même Staline n'ambitionnait pas d'avaler toute l'Europe, avec qui il était plus profitable à l'URSS de commercer. Il s'est donné un glacis pour protéger son fief, et point à la ligne. Les diverses félonies et atrocités commises par l'OTAN m'ont assez vite ouvert les yeux. Dès les années 90.
Cependant, j'étais encore loin de pressentir le caractère absolument sinistre, fourbe et maléfique des gens à la manoeuvre. Je l'ai compris avec la Yougoslavie, puis le Donbass, puis le délire Covid...
Lorsque je travaillais à Moscou, je détestais le mois de mars, encore si hivernal, un printemps qui, en France, serait considéré comme un hiver rude, et cela au moment où on n'en peut plus du mauvais temps. Mais ici, c'est une autre affaire, j'observe qu'en fin de compte, ce premier mois du printemps est le plus beau de l'hiver. Tout scintille au premier soleil, il fait encore très froid la nuit, mais le jour, le fond de l'air est doux. Le ciel dégèle avant le lac, et de grandes et légères banquises de nuées dérivent au dessus de nous, des ombres courent, des rayons fusent, des giboulées s'abattent, pleines de lumière, au loin l'horizon s'assombrit, mais les flocons étincellent. Hier matin, tout était givré, un fantastique univers de dentelles, aujourd'hui, tout resplendit, et le vent souffle, il est tombé beaucoup de neige, brillante, légère, immaculée. D'ici quinze jours, peut-être même avant, tout cela va commencer à fondre, et j'en profite comme je profite des derniers feux et des dernières tiédeurs de l'automne, de cette féérie somptueuse que l'hiver nous offre avant de partir. Son départ sera brutal, comme cette étrange bascule polaire des jours qui commence à s'accentuer vertigineusement, c'est comme un oeil qui s'ouvre, de plus en plus grand, et la clarté s'y déverse.
C'est le moment de dessiner, car les mois précédents, il faisait trop froid pour cela. Et je sens que d'ici quelques jours, ce sera fini, la neige se changera en boue, il faudra attendre le moment ou l'herbe ressurgira, avec les crocus et les jonquilles.
J'ai vu avec consternation que mon petit saule crevette, qui avait fait une si belle poussée, a été cassé en deux, et je soupçonne Nounours ou Alba d'avoir commis ce méfait. Je l'avais planté il y a deux ans et il m'aurait déjà, cette année, partiellement caché la terrasse de mon voisin et ses occupants sous l'oeil desquels se trouve tout mon jardin. J'en aurais pleuré. Les saules poussent ici à une vitesse supersonique, mais quand même, je lui avais donné une jolie forme, une longue tige coiffée d'une couronne, et il me faudra encore patienter deux ans pour faire écran aux observateurs de ma vie et ne plus avoir l'impression d'être une ourse dans sa fosse au zoo, attendant qu'on lui jette des poissons... Et puis surtout, je tremble à l'idée de déprédations ultérieures, je n'ai plus l'âge d'attendre dix ans pour avoir des arbres qui ressemblent à quelque chose. Rosie aussi se précipitait sur tout ce qui poussait pour l'arracher ou le ronger.
Un jeune Français m'a appelée hier, il était rentré en France, et on l'a arrêté, parce que sur les réseaux sociaux, il avait commenté l'épisode de la jeune Cassandre et sa pancarte "Qui?", au moment du Covid, en fournissant des graphiques parlants et gênants. Bien qu'au regard de la loi, il n'y ait pas vraiment moyen de l'inculper, la juge, pour lui pourrir la vie, parce que, comme il est souvent allé en Russie, il lui avait caché son passeport, et pour l'empêcher d'y retourner, l'assigne à résidence depuis des mois, sans procès, et pour une durée illimitée, le soumettant à son arbitraire. Du jour au lendemain, une vie peut être suspendue aux décisions d'un petit fonctionnaire haineux. C'est un beau garçon, catholique tradi, gilet jaune. Une cible...
Il y a quelques temps, j'ai vu la déclaration d'un cinéaste, Sergueï Debijev, auteur d'un documentaire sur les îles Solovki, "le saint Archipel". J'y suis particulièrement sensible, car mon pèlerinage d'il y a déjà presque cinq ans m'avait profondément impressionnée, et ce qu'il en dit correspond à ce que j'avais ressenti. De plus, ses considérations sur les conséquences en Russie des événements actuels et la possible évolution de la société me semble répondre aux espoirs de pas mal de gens autour de moi. J'ai donc transcris tout cela, heureusement pour moi, il parle de façon très claire.
Transcription
Vous savez, comme dans le mécanisme des
montres chères, il y a des pierres précieuses sur lesquelles
s’appuient les axes de tous les engrenages qui tournent autour d’eux, il
y a dans l’état, et dans le monde peut-on même dire, des centres spirituels sur
lesquels tourne toute cette époque. Et ce ne sont pas des centres commerciaux, ce
sont ces puissantes enclaves, ces lieux imprégnés de prière, ou ces récéptacles
énergétiques où se fait l’histoire, où se fait la prière pour nous tous, où les
hésychastes débouchent sur un sens profond, où se déroule vingt quatre heures
sur vingt quatre une prière incessante. Par ailleurs, les gens peuvent ne pas le ressentir. Beaucoup peuvent même ne pas le savoir. Et en ce sens, les Solovki
m’apparaissent comme comme le lieu le plus sévère et le plus intéressant de
ce travail spirituel parce qu’aux Solovki, au monastère, la composante
touristique est complètement absente, il n’y a pas de ces rangées interminables
de boutiques de souvenirs et de petits cafés ou autres que beaucoup de
monastères, par ailleurs, utilisent. C’est la sévérité nordique du monastère
qui dit tout. Quand on regarde ces murs faits de blocs énormes, on ne comprend
même pas comment cela a pu être fait de main d’homme, quelles astuces d’ingénieurs ont pu être employées. Sans la providence divine, on ne comprend
simplement pas comment c’est possible. L’été qui dure au mieux un mois, la nature rude, la froide mer Blanche, c’est de là que vient le caractère
de la communauté, cette sévérité, ces offices vingt quatre heure sur
vingt-quatre, et on comprend combien ce centre spirituel est important, quelle
puissante influence il exerce sur de nombreux processus sociaux.
Il est
clair qu’il y a beaucoup de centres de cette sorte, , on peut les citer, c’est
bien sûr Jérusalem, l’Athos, et tous nos monastères innombrables et
magnifiques. Mais nous avons décidé de commencer par les Solovki, car il y a là
quelque chose qui sort de l’ordinaire, provenant de la manifestation extrême
de cette sévérité et de cette force que l’on ressent là bas, car lorsqu’on se
trouve aux Solovki, on est tout simplement dans l’éternité. On comprend qu’elle
existe, cette éternité, et qu’on est dans une sorte de relation avec elle, et
au bout de littéralement une semaine, on oublie l’existence du monde extérieur,
on comprend que la présence de Dieu sur terre, ce n’est pas une figure de
style, c’est une énergie absolument réelle qu’on cesse de percevoir comme une
expression littéraire.
Vous savez, auparavant, à l’époque soviétique,
venaient à Valaam des ferrys sur lesquels, pour tout dire, tout le mode buvait,
se livrait à la débauche et faisait la fête. Ensuite, on courait sur l’île
avec des chansons et des feux d’artifice et on repartait. Eh bien avec les
Solovki, ce n’est pas pareil, y venir
avec de tels objectifs, ce n’est pas pensable et il faut dire qu’il convient
même de faire attention, si on y vient pour faire la bringue, on ne sait pas du
tout comment ça peut tourner. Et c’est cette incapacité des gens à comprendre
que tout est sérieux, que tout est honnête, que ces temps que nous vivons sont très transparents, que tout peut y être discerné très nettement. Et si tu fais
quelque chose de bien et de plus spirituel et sincère, tu recevras en réponse
quelque chose d’équivalent. Mais si tu fais le malin, alors ce qu’on appelle le
karma immédiat te revient dans la figure, pour s’exprimer en termes
hindouistes.
C’est pourquoi débarquer aux Solovki juste comme
ça n’est pas facile, d’abord parce que la route elle-même ne l’est pas, en
hiver, n’y parvient qu’un petit avion de 12 places toujours complet, la période
de la navigation est très courte, il y a très peu d’hôtels. Il y en a un très
cher, de 8000 à 25 000 roubles la nuit, et il est toujours plein. Il y a
des chambres chez l’habitant mais il faut aussi réserver six mois à l’avance,
c’est pourquoi les Solovki sont un endroit où on peut pas aller comme ça à
l’aventure. Il faut s’y préparer et comprendre pourquoi on y va. La visite des
Solovki est une épreuve spirituelle sérieuse ; parce que si tu viens en
train, par exemple, puis en bateau, tu ne sais pas comment sera la mer Blanche
ce jour-là et si tu ne vas pas te retourner les tripes à bord. Et ce sera le
cas, parce que le calme est rare, là bas. Ensuite il y a là bas les voyages à
Anzor, une ile magnifique, très puissante et mystérieuse, vraiment très forte,
avec son église du Golgotha, une ile surprenante et là, beaucoup de voyages
s’accompagnent de pénibles épreuves pour l’organisme.
De sorte que voilà, mais je ne veux effrayer
personne, bien sûr, il y a là bas des offices étonnants par leur profondeur,
leur vérité, qui induisent un stade d’approfondissement, car les Solovki sont un
endroit étonnemment imprégné de prière, et l’on y sent l’héritage de saint
Germain et de saint Zossime.
Parler de ces puissants noeuds spirituels doit
ouvrir les yeux des gens sur le fait que tout ne se passe pas seulement dans
les villes, au gouvernement, dans les écoles et les cinémas, que la vie a de
multiples facettes dans sa structure spirituelle, et comprendre que oui, nous
nous heurtons sans arrêt au monde matériel, il nous influence et tout et tout,
mais ce monde s’est peu à peu si complexifié, que la quantité d’informations
qui tombe sur chacun de nous au même moment est impossible à assimiler, c’est là un processus délibéré pour plonger les gens dans la confusion. Ce n’est
pas seulement que sont apparus de nouveaux vecteurs de toutes sortes
d’informations. Il me semble que c’est un processus concret, délibéré de la
part d’ennemis du genre humain, appelons les choses par leur nom, qui, dans un
paroxysme infernal, essaient de défaire l’homme en lui enlevant des morceaux de
son temps, de son âme, de son intellect, de son besoin d’utiliser des
informations. Et il faut dire qu’ils y sont arrivés dans une bonne mesure,
parce que depuis le moment où l’humanité est passée de l'orientation vers certaines
maximes philosophiques, certains dogmes spirituels à cette utilisation
incontrôlée de diverses sortes d'images et d'informations bruyantes, cela a
beaucoup affaibli les gens. Et
maintenant la question qui se pose, c'est le travail sur le côté spirituel de
l’homme, son coeur, son sentiment du Mystère, sur ces profondeurs cousues en
l’homme par défaut, sur ces centres intérieurs spirituels qui sont endormis au moment
présent. Or c’est ce lien entre les
centres de force extérieurs et des fils conducteurs intérieurs invisibles qu’il
faut renouer, et le pèlerin qui va en pèlerinage ne donsidère pas tout cela
comme un simple voyage touristique, mais il comprend qu’il part à la recherche
d’une nouvelle expérience spirituelle, d’une révélation, d’un apaisement, que
c’est important, que ce n’est pas une action superficielle pour cocher une
case.
Je suis allé au mont Athos, ce sont des choses qui
se trouvent en dehors de la zone du monde contemporain empoisonné par l’idée du
progrès, voilà, d’après moi, le Progrès, c’est une idée absolument fausse,
c’est l’emmêlement, le crochet auquel l’homme s’est pris en temps voulu et qui
l’ont pratiquement détourné. Comme on a détourné, par exemple, notre pays l’Empire russe, de la voie magistrale qu'il suivait vers la ville insvisible
de Kitej, vers des concepts importants, tout cela fut on ne sait pourquoi
défiguré par ces chimères matérialistes, et l’on s’est efforcé de faire de
l’Homme une sorte de biorobot qui ne réfléchit pas par lui-même sur ce qu’il
fait ou sur ce qu’on lui dit.
Mais peu à peu, après qu’on ait surmonté ces choses liées à la
révolution et à l’athéisme, et cette chimère communiste socialiste, sont
arrivés d’autres ennemis, peut-être encore plus forts extérieurement avec leur
pseudo culture agressive, éclatante, impudente et en bien des aspects,
démoniaque, qui ont fait de nous des consommateurs disciplinés, à qui l’on
donne pratiquement des instructions de vie. Ces instructions se résument à ce
qu’on doit naître, étudier, finir un institut, mettre maximum un enfant au
monde, ce qui en soi, est déjà révélateur, prendre un crédit pour toute sa vie,
le rembourser, et pour finir, on nous brûle, ou on plante un arbre sur nos restes.
Il me semble que la vie de l’homme a un autre
sens, qu’il n’est pas né pour juste remplir une fonction, et quitter ce monde dans la
déception, qu’il a quand même une mission, qu’on l’a conçu créateur, et dans le
monde contemporain, il n’est pas facile de changer ce tableau. Et ne pas le
faire, si on est doué de quelques possibilités, j’estime que c’est simplement
commettre un crime. Si on regarde cela de l’extérieur en se moquant, je suis
plus intelligent que tout le monde et je sais comment il faut faire, alors on
voit à sa façon. C’est pourquoi si on quelque chose à partager, il faut le faire,
et y mettre toutes ses forces, son talent, son expérience, et toute son âme,
sinon il faut reconnaître qu’on ne fait que perdre son temps sur cette terre
maudite.
Les orthodoxes ont une approche sérieuse du
cinéma, malheureusement les films orthodoxes, et pas seulement orthodoxes, les
films documentaires dans leur ensemble, ont du contenu mais la forme est si
ringarde, poussiéreuse et ennuyeuse qu’on en peut pas les regarder, et l’on
doit surmonter cette situation de façon à faire des films qui touchent le coeur
des gens profondément croyants qui comprennent ces pensées profondes et
sacrées. Il est indispensable que se crée une harmonie entre la contenu de ce
qu’on veut dire, et la forme, parce que dans le monde contemporain, la forme a
pris une grande importance. L’expressivité du film, la qualité de la prise de
vue sont en soi le moyen d’une exposition brillante et inspirante et à mon
grand regret, je peux compter de tels exemples sur les doigts de la main. Mais
c’est partout u problème, et il me semble qu’à l’heure actuelle, la conscience
de ceci commence à se manifester au niveau du gouvernement.
Dans tous les cas, en Russie, tout récemment, le
président a publié toute une liste, pour ainsi dire, de thèses fondamentales
sur lesquelles la politique de l'État devrait être fondée et la vie de la
société en tant que telle, or les valeurs traditionnelles, la religion et la
famille y sont au premier plan.
De sorte que la compréhension que c’est une guerre
entre la lumière et les ténèbres qui se déroule maintenant sous nos yeux, et en
ce sens, j’estime que nous avons beaucoup de chance, car nous sommes au premier
rang pour le voir. Nous nous trouvons maintenant en plein coeur de l’Histoire,
et personne ne sait ce qu’il adviendra, si les gens continuent à ne pas avoir
de bases spiirituelles, si leurs assises traditionnelles sont faibles, ils n’ont
aucune défense, ils ne sont pas en position de vaincre. Or la guerre se déroule
au plan des idées, c’est là qu’est le nerf de cette guerre, au plan de
l’esprit, et ne se joue ni en Ukraine, ni avec l’Europe, ni avec le globalisme,
c’est une guerre des grands principes, et si on les comprend profondément, si
on comprend que la tradition, ce n’est pas le passé, mais l’éternité, si on
comprend que la vie de l’Homme ne se résume pas à des biens matériels, du
confort et des plaisirs de 5 minutes, mais que chacun de nous est quand même
l’objet d’un plan divin, que chacun a sa mission, si tu as cette vision des
choses, alors tu es fort, alors tu es un guerrier de l’esprit, tu es
invincible.
Il me semble que ceux qui prennent les décisions
ont enfin commencé à écouter les sages qui transmettent ce que je dis depuis
des années et nous arrivons maintenant à un moment historique où le Mystère se
révèle, à ce point de l’existence où il devient difficile de feindre, et les
libéraux mondialistes ne sont déjà plus capables de se cacher, soit ils fuient
les lieux où ces opinions traditionnalistes existent, soit ils se transforment
en traîtres et en ennemis.
D’autre part, ils étaient fort nombreux dans les
lieux publics, dans les milieux de la télévision et du journalisme, , dans le
milieu intellectuel ou « créatif », metteurs en scène de théâtre,
cinéastes, écrivains, et pour eux, maintenant, ce n’est pas simple, parce que
le temps est venu où il deveint clair qu’ils remplissaient l’agenda de
quelqu’un d’autre, l’agenda a changé, les gens comprennent peu à peu que la
voie où ils les poussaient n’était pas la bonne, que c’était un cul-de-sac, en réalité très court, la voie de la géhenne
de feu, et on commence à en sentir la chaleur... Et tous ces discours, et ces
promesses que tout le monde sera heureux, que chacun aura son heure de gloire,
que le principal, c’est le confort et la satiété, et suffisemment d’argent,
mais du sens personne ne parle. Tout cela est mis entre parenthèses, et ceux
qui parlaient des valeurs traditionnelles, de l’importance de la compréhension
de ces principes religieux, ont été repoussés dans une position marginale.
Or maintenant, ces pôles changent et je suis sûr
que peu à peu, ces gens qui ont cette vision du monde (que tous doivent être
pareils, comme des pingouins, être bien sages, payer ses crédits et avoir une
conception multiculturelle des choses, des valeurs communes à toute l’humanité,
tous ces trucs tolérants), ils n’auront bientôt plus de place dans le monde, en
tous cas dans notre monde traditionnel. Ils le comprendront eux-mêmes. Il
commence à se produire en ce moment ce qu’on pourrait appeler une épuration
naturelle. C’est-à-dire que ce processus nr’a pas été enclenché, du genre nous
allons maintenant trouver tous les ennemis et les expulser, ce sont eux-mêmes
qui s’en vont, parce qu’ils comprennent que le sol vacille sous eux, ils n’ont
pas de bases, dans une socité traditionnelle, ils n’ont pas de fondations, ils sont comme au sommet d’une aiguille, et
c’est pourquoi je crois qu’il faut trouver et promouvoir des gens nouveaux dans
l’espace de la société, et il y en a forcément, mais ils ne se battront jamais
eux-mêmes pour une place, c’est le travail du gouvernement de les trouver, de
les persuader, de leur demander de s’occuper d’affaires d’importance nationale.
Telle que la retransformation d’une population en peuple ; c’est là le
problème le plus important de nos jours, car la destruction de la société
traditionnelle a provoqué l’atomisation de chacun dans l’isolement. On leur a
donné des buts illusoires, et un système illusoire de conceptions. Lequel ?
Tu es le plus important, tu es le meilleur, tu dois recevoir de la vie tout ce
que tu veux, , tu sais tout mieux que les autres, tu es le plus intelligent,
l’opinion générale ne doit absolument pas t’intéresser, tu dois sans cesse
satisfaire ton appétit de consommation, et moi, moi, moi, moi... Et maintenant,
voici un temps qui s’appelle « Nous ». Et alors que cette question a
qu and même pleinement émergé, « moi » ou bien « nous »,
il apparaît que « Moi », c’est celui qui ne veut pas participer aux
affaires de l’Etat, qui se moque du passé comme du futur, il ne s’intéresse qu’au
jour d’aujourd’hui, être bien, au chaud, manger de bonnes choses, dormir dans
un bon lit.
C’est là le point que nous avons atteint aujourd’hui,
c’est-à-dire que les pôles changent de place sous nos yeux, et nous allons voir
ce que ça donne. Nous sommes à l’intérieur de l’Histoire et j’estime que nous
avons beaucoup de chance d’être vivants au moment où le monde se trouve dans un
processus de destruction, nous voyons tout cela arriver et nous ne pouvons
faire de pronostics d’avenir, même pas au sujet de demain. Même ceux qui
prennent les décisions au plus haut niveau, ils ne savent pas ce qu’elles vont
donner. Aussi fasse le Ciel que la providence non seulement s’en mêle, comme elle
l’a déjà fait, je le crois, mais qu’elle
nous conduise, au besoin au travers des épreuves, au travers parfois des
déceptions et la destruction de nos représentations précédentes, sur une voie
cependant lumineuse et nous garde de l’apocalypse approchante, qui nous attend
tous, comme on le sait, mais il est en notre pouvoir de la rencontrer avec un
certain bagage spirituel et de repousser les choses, car plus nous serons
nombreux à approcher de ce final spirituellement enrichis, plus il nous sera
facile de continuer à faire face à notre vie personnelle dont il est
constemment question.
Mais je crois qu’à l’heure actuelle, la providence
divine se manifeste de faàon très visible, et ce que nous obesrvons aujourd’hui,
c’est effectivement une grande bataille, la grande bataille des forces de la
lumière avec les forces des ténèbres. Et j’espère que dans tous les domaines,
le cinéma, où déjà disparaissent des salles tous ces démons dans le genre de
Batman, et le théâtre, où nous verrons sans doute de plus en plus de mises en
scène classiques, et dans les arts plastiques où dominentt toute cette folie et
toutes sortes de déchaînements sataniques, la musique, la littérature, tout
doit changer. Et en conséquence les gouvernants et leur relation avec les gens.
De sorte que la transformation de ceux-ci, d’une population, d’un éléctorat, en
un peuple uni, armé d’idées puissantes et lumineuses, c’est la principale
tâche, le principal but, et j’espère que les événements iront précisément en ce
sens.
l'interview, pour les russophones
Extrait du film: le vieux moine dit que la Russie sera la dernière arche...
La routine, dépôt
chez les cosaques de vivres pour les soldats, nettoyage de la cour, nous
approchons de la débâcle, mais il neige, plus qu’au mois de février. Cependant,
il y a de la douceur dans l’air, les nuages dérivent, ils sont pleins de
lumière, j’ai vraiment de la chance que ma rangée d’isbas subsiste, ce sont
elles qui font de notre « petit coin », comme dit Ania, la voisine,
un endroit encore vivant et pittoresque. Je suis régulièrement assistée par mes
deux géants féeriques, Nounours et Alba. Ils sont gentils, touchants, ils
adorent venir chez moi. Assise sur la terrasse au premier soleil, j'ai fait un dessin de notre mois de mars rayonnant entre deux averses de neige.
C’était hier le
dimanche du triomphe de l’orthodoxie, commémorant la victoire sur l’iconoclasme
qui a profondément secoué la chrétienté au VIII° siècle. Liturgie épiscopale,
très longue, trois heures, et tout de suite après, visite par les paroissiens d’une
exposition sur Marie Skobtsov, sainte Marie de Paris, cette moniale russe qui, à
Buchenwald, était allée mourir à la place d’une jeune mère de famille. L’exposition
consistait en panneaux explicatifs avec des photos et des citations, dans l’église
voisine de la Mère de Dieu de Vladimir, commentés par l’auteur de deux livres
sur sainte Marie. Tout cela m’était relativement familier, car je suis devenue
orthodoxe dans l’émigration à Paris, et j’ai traduit avec une amie des Asmus la
vie de la fondatrice de Bussy, la mère Eudoxie, qui, d’ailleurs, n’était pas en
très bons termes avec la sainte, et cette dernière avait visiblement une forte
personnalité, comme dit mon père Valentin, les saints ne sont pas toujours
faciles à vivre ! En revanche, c’était certainement très exotique pour
tous les autres, pour les paroissiens locaux. Une dame a demandé si on était
bien sûr que mère Marie eût été canonisée par l’Eglise russe. Mais oui, bien
sûr, lui a-t-on répondu, puisque l’Eglise hors frontières s’est réunie au
patriarcat de Moscou...
Dans la foulée,
pratiquement, j’étais invitée à une exposition de peintures, à côté, des
dessins aux feutres de Pacha Morozov, qui est un excellent peintre, et j’y ai
fait des mondanités, ce dont je n’avais aucune envie, mais n’ai pas vraiment
regretté non plus.
Je pense souvent
à Ania Ossipova, si profondément russe, en dépit de parents communistes de chez
communiste, qui l’ont élevée dans la ligne du parti. Dans le même style de
mystère ou peut-être de miracle, j’ai vu une vidéo sur une jeune fille partie
vivre seule à la campagne, comme ses ancêtres, dans une petite isba impeccable,
où elle fait tout elle-même, en presque parfaite autonomie, elle a quand même l’électricité.
Elle doit avoir au moins vingt-trois ou vingt-cinq ans, car elle a étudié l’iconographie
à Saint-Serge, mais elle semble en avoir quinze. Un être pur, paisible, heureux
de ce qu’il a et de la liberté, de la plénitude que lui donne cette vie modeste
et active. Elle manifeste toutes les qualités du paysan russe d’autrefois, dont
l’amour du travail bien fait. A la question du journaliste, de quoi es-tu le
plus contente, elle répond « ma maison ».
Krestina fait son bricolage, jardine, peint des icônes, coud elle-même ses vêtements de style
traditionnel, et joue du synthétiseur, à défaut d’un piano. Je trouvais d’utilité
publique de la présenter partout, à la télé, dans les écoles, mais en fait, j’ai
vu que c’était plus ou moins déjà le cas, c’est la vraie vedette, on la filme
sans arrêt. Un exemple de bonheur, de vie courageuse, simple et honnête, et de
modestie.
Quand j’étais
jeune, je détestais la ville, et après deux années de fac, je rêvais déjà d’être
bergère en haute Ardèche. J’ai rêvé toute ma vie du bonheur de Krestina, qui
est celui de tout être humain normal, en fin de compte, mais moins simple, je
redoutais de partir seule, je voulais vivre à la campagne avec un compagnon. Je
l’admire de s’en passer, et du reste, elle a certainement plus de chances d’en
trouver un là où elle est, autonome, calme, déterminée et joyeuse, que si elle
était restée en ville, à courir après des chimères, en menant, comme la plupart
des gens, une existence aliénée et stressante d'esclave tarifé.
C’est
officiellement le printemps, et l’on peut dire qu’il est dans l’air, les
oiseaux recommencent à chanter, chiens et chats batifolent, la lumière revient
et même le soleil. J’ai lamentablement séché le dimanche d’Adam et l’office du
pardon. La vieille Antonina me l’a doucement reproché et je le lui pardonne
parce que c’est le moment et qu’elle est adorable. La venue du carême m’a jetée
dans une sorte de panique boulimique et honteuse, j’étais revenue la veille de
Moscou, je n’avais pas envie de bouger, je regardais avec terreur arriver ces
offices interminables... Et puis bon, le lundi, je suis partie à l’église, et
je me sentais calme, réfugiée en moi-même. Je n’ai pas compris grand chose au
sermon de notre évêque, comme d‘habitude, heureusement qu’il est publié ensuite
sur le site de l’éparchie. Il a une voix sourde, peut-être que je le deviens
aussi, ou bien l’acoustique est mauvaise. En me donnant sa bénédiction, il m’a
demandé si j’avais une traduction du canon de saint André de Crète. Oui, bien
sûr, tout le triode avec le canon. Ce que j’ai saisi de son sermon, c’est que
saint André parle à son âme et s’entretient avec Dieu, ce que nous devrions
faire plus souvent.
Le lendemain et
le surlendemain, j’ai tout lu chez moi, le canon et les complies, car j’attendais
l’électricien, qui m’a tout laissé en plan avec le matériel au milieu. J’irai
demain à la cathédrale pour la dernière lecture, afin de ne pas traumatiser
Antonina. Je ne sais plus qui me disait récemment que si l’on ne comprenait pas
le slavon d’église, ce n’était pas grave, ça passait quand même. Eh bien je ne
suis pas d’accord avec cela. Lundi, j’avais trouvé online un canon en russe,
mais un russe archaïque, poétique et noble, je n’ai pas tout de suite compris
que ce n’était pas du slavon, je me disais : « J’ai dû faire des
progrès, je comprends tout ». C’est important de comprendre, quand même,
il y a un côté très pédagogique dans le canon, tous ces liens avec la bible, et
puis les grandes complies sont une vraie fontaine de grâce. Je lis cela et il
me pousse des ailes. C’est même étonnant. Je me souviens de ce que m’avait dit
le père Barsanuphe à propos de la prière : « Il y a des choses que je
ne peux vraiment pas vous expliquer, elles sont inexplicables, mais quand on
pratique la prière, c’est un fait d’expérience, ça marche. Faites l’expérience ».
Ca marche mais
pas à tous les coups. Il y a une attitude intérieure à avoir. Si on ne l’a pas,
les canaux sont fermés. En effet, il faut parler avec son âme, et s’entretenir
avec Dieu. Et lorsque s’établit et s’approfondit cette conversation subtile, on
doute de moins en moins, le coeur s’emplit d’une plénitude paisible, et l’on
pèche quand même, mais cela n’a plus la même importance, ce sont des accidents
de parcours, pourvu qu’on garde le contact, ils n’empêchent pas d’avancer.
Je pensais à ce
qu’a écrit cette femme sur le bonheur au bord des abimes infernaux, ces
fenêtres et ces portes qui s’ouvrent sur le paradis. Il y a quelque chose d’extraordinairement
profond, simple et merveilleux dans ce qu’elle décrit là, quelque chose que je
ressens de toute mon âme et qu’elle le ressente aussi est pour moi très
encourageant, je veux dire éclairant. Je peux lire d’un oeil distrait des
kilomètres de bondieuseries, sans que cela ne m’éclaire tellement, même parfois
au contraire, et voilà tout à coup ce signal venu d’en haut, d’autre part ...Tout cela fait place à l'insoutenable beauté d'une fleur, à la ligne d'horizon, à la miraculeuse légèreté des nuages. C'est comme si on nous envoyait des salutations de quelque part au dessus, de l'extérieur, nous indiquant: regardez ici, ne regardez pas en bas! Marchez sur l'eau, n'ayez pas peur!
Il y a quelques
temps, j’étais tombée sur la conférence que nous avait faite à Solan l’higoumène
de Simonos Petra, et qui m’avait alors donné de si précieuses indications. Il
disait que nous devions vivre avec les péchés dont nous ne pouvons nous
débarrasser, les porter comme une croix, les remettre à Dieu et c’est ce que je
fais. Le texte de Natalia a soudain légitimé mes échappées dans les nuages, les
étoiles, les feuillages, j’ai compris que c’étaient là des moments où notre
âme, notre corps et Dieu étions complètement en phase, en osmose, et se
baignaient dans cet échange. Alors on peut me dire tout ce qu’on veut, que Dieu
n’existe pas et que s’Il existe, c’est un parâtre qui nous martyrise, mais il
faut ne jamais avoir été dans cette osmose-là pour dire des choses pareilles.
Et pourtant, oui, il se passe des choses affreuses qui sont essentiellement le
fait des humains, et où Dieu n’a pas grand chose à voir, mais les incroyants
voudraient un Dieu dictateur qui « fît notre bien », que nous le
voulions ou non, comme tous les dictateurs de toutes couleurs et drapeaux, nous savons en
quoi cela consiste.
Je suis allée sur la page d'une dame très férue d'astronomie et de physique quantique, et de la spiritualité qui va avec; et sur le moment cela m'a donné le vertige. Certes, cela me confirme dans mon intuition que tout est sacré et que tout est lié, je ne sais même pas d'ailleurs comment on peut considérer les choses autrement, à moins d'être mutilé de son imagination, de sa sensiblité, de sa capacité à envisager les arrière plans et les intrications purement poétiques de l'existence. Mais c'est si énorme, qu'on a du mal à se représenter que Cela qui existe et qui nous porte, puisse avoir une relation personnelle avec nous. Pourtant, c'est justement ce dont me parlait la mère Hypandia: "Songez que cette Divinité n'a qu'une idée, dans son incommensurable puissance créatrice, c'est de converser avec cette toute petite âme que vous êtes." Le père André du monastère sainte Elizabeth de Minsk a fait lui aussi un sermon très intéressant, où il est question de nous mettre dès maintenant en conformité avec Ce vers quoi nous allons, et que c'était là le sens du carême, et peut-être aussi la raison de ma profonde panique, au seuil de celui-ci.
Et pourtant, la prière est rassurante, et puis "il y a plusieurs maisons dans la maison de mon Père", c'est-à-dire que, comme la Terre où nous sommes est faite à notre mesure, de sorte que chacun y trouve sa place, dans les douces plaines ou les rudes sommets, dans les villes ou les campagnes, sur le bord de la mer ou dans la forêt, et que nous ne voyons pas l'abîme de l'Univers qui la contient, ainsi le Royaume où nous allons est possiblement adapté à ceux qu'Il accueille, selon leur degré de maturation spirituelle. Mais enfin, c'est sûr que cela va nous changer, et qu'il faut s'y préparer...