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lundi 9 janvier 2023

Moins 28 le matin

 


Il fait toujours très froid, entre moins 28 et moins 20, enfin ce sont des températures russes. La lumière sur le givre est féérique, féériques les vapeurs de nacre, les scintillantes paillettes de glace qui flottent dans l’atmosphère, et les visites de Nounours et d’Alba, avec leur épaisse fourrure craquante et gelée, leurs bons yeux et leurs gros nez noirs, des géants tutélaires, débonnaires et patauds, qui font la tournée de nos maisons et semblent les garder de tout mal par la vertu de leur innocente bonté.

Les cosaques fêtaient hier Noël, avec les habituels chants, lectures de poésies et discours d’oncle Slava,  pleins de bons sentiments. C’est quand même un peu trop toujours la même chose, et j’aurais la solution, des cours online à plusieurs avec Skountsev ; mais pour les remuer...

Même dans l’état actuel des choses, ce qu’ils font avec les enfants n’est pas inutile. Les garçons dansent, créent des rythmes sur les tambours, même le petit Savva qui n’a pas trois ans s’en sort bien.

Il faut grimper un escalier métallique très raide pour accéder à leur local, et j’ai cru que je n’allais pas y arriver. En plus de mes genoux, il y a les douleurs conséquentes à ma chute de l’autre jour. Je grimpe autant avec les bras qu’avec les jambes. Quand on est jeune, on n’imagine pas que monter un escalier puisse devenir un problème, et voilà que c’est le cas, c’est même difficile à réaliser, pour une adolescente attardée.

J’avais pris deux excellentes pizzas de Laurent au café, et j'ai opposé une résistance raisonnable à la galette des rois qui n'avait pourtant pas l'air dégueulasse. C'est un super cuisinier, un vrai piège, quoiqu'il vaille mieux se taper la cloche avec des plats cuisinés qu'avec des pâtisseries pleines de sucre. Je pense que je ferai mon anniversaire là bas, avec une raclette. Je me sens incapable de l'organiser à Moscou, cela me coûte cher, cela me prend du temps, et surtout, il faut aller là bas, trouver une place, trimballer des tas de choses, je sens que lorsque j’ai tourné les soixante-dix, j’ai franchi un stade dans la décrépitude. J’ai voulu les fêter avec faste, en annonçant que ce serait la dernière fois. Et en effet, je ne renouvellerai pas l’exploit. Je ne crois pas, d’ailleurs, que j’irai à Moscou avant le mois de mars.

Une Ukrainienne du Donbass, Angelina, mariée avec un Français, comme Yelena, réinforme à longueur de temps, et ce qu’elle dit est si terrible que j’en ai les larmes aux yeux, un sentiment de panique, d'horreur métaphysique. Les ukronazis déterrent les morts, endommagent les cadavres pour faire croire à des sévices de l’armée russe et les jettent dans des fosses communes. Ils gazent les soldats russes, comme en 14. Il n’y a pas de limite à la fourberie et à la cruauté de ces gens, ce qui me rappelle tout à la fois les bolcheviques de la première heure, et les nazis. Encore les nazis étaient-ils plus francs. Pendant ce temps, le Monde essaie de convaincre ses lecteurs, ce qui n’est pas difficile, que le culte de Bandera est consécutif à l’intervention russe, mensonge délibéré à l’usage du crétin bobo qui en réclame toujours davantage, comme le drogué sa dose. J’entends parler de ce culte de Bandera depuis huit ans, à vrai dire, dès la chute de l’URSS, les banderistes du Canada se sont jetés sur l’Ukraine pour terminer la guerre, à laquelle ils n’avaient pas mis fin.

Parallèlement, on m’envoie un article du Point sur le vilain patriarche Cyrille, agent du KGB etc... et bien que je ne sois pas fana du patriarche Cyrille, qui pourtant, ces temps-ci, remonte dans mon estime, il faut quand même savoir que si l’Eglise fut obligée de louvoyer pas mal au temps de l’URSS, le KGB n’existe plus depuis 30 ans, et si un hiérarque était à coup sûr un de ses agents zélés et actifs, c’était le pseudo patriarche Philarète de Kiev, sur lequel j’avais traduit un article que l’on m’avait finalement demandé de ne pas publier. A tel point que cela lui a coûté la place de patriarche qu’il convoitait et pour laquelle il était le mieux placé, étant locus tenens du patriarche précédent, Pimène. Il comptait bien sur ses appuis du KGB pour l’avoir mais voilà, c’était la perestroïka, et le KGB lui a répondu qu’il ne s’en mêlerait pas. Laissés libre de leur choix, les hiérarques ont élu avec enthousiasme le patriarche Alexis, de bienheureuse mémoire, personne ne voulait de Philarète qui avait dénoncé je ne sais combien de prêtres, et qui, ulcéré, s’est rabattu sur les banderistes et proclamé patriarche de Kiev. Cela, ni le Point, ni la Croix, ni le Monde, ni tous les sites orthodoxes de France et de Navarre, à part les plus rebelles d’entre eux, et cela ne fait pas grand monde, n’en parleront jamais. On m’a maintes fois répondu que cela n’intéressait personne, et on a joyeusement laissé le patriarche Bartholomée aggraver la position de l’Eglise ukrainienne ancestrale et canonique sur commande de la CIA, en fabriquant son machin autocéphale avec métropolite d’opérette et icônes de Bandera. Que retombe sur les complices de tout cela le sang des prêtres assassinés et les larmes des chrétiens persécutés. Tous les témoignages que je lis et que je vois serrent le coeur. Je ne voudrais pas avoir favorisé cela, même par indifférence. Un prêtre a été attaqué au couteau et gît à l'hôpital entre la vie et la mort. D'autres sont privés de leur nationalité ukrainienne et du droit à résider chez eux. L'admirable métropolite Longin, qui a élevé des centaines d'orphelins, se voit retirer ces enfants.

Mon père spirituel m’a assurée du contraire mais à la limite, je m’en fous que le patriarche ait collaboré ou non avec le KGB ou le FSB. Bartholomée et le pape collaborent avec la CIA, et cela me paraît pire, car le FSB n’est plus le KGB, et même quand le KGB était encore là, comme dit mon père spirituel monarchiste et anticommuniste, il avait au moins le sens de l’Etat. La CIA est une pieuvre mafieuse supranationale qui sème partout la désolation, la corruption et l’abomination, nous préparant une tyrannie à côté de laquelle le nazisme et le bolchevisme seront d’aimables plaisanteries. Ici, quels que soient leurs défauts et leurs péchés, nous avons encore des êtres à peu près humains au pouvoir et pas des formes vides remplies de démons, pareilles à ces insectes que des larves ont peu à peu dévorés de l’intérieur. Que beaucoup de gens en occident refusent de les voir tels qu'ils sont est bien regrettable pour tout le monde, même si cela les rassure cinq minutes, plus dure sera leur chute... Mais moi je les vois: un vrai casting de film d'épouvante. 

Qu'on le voit ou qu'on ne le voit pas, Dany me dit que cela ne change pas grand chose. Il est vrai... Finalement, beaucoup de commentaires sur les sites des médias officiels français manifestent une lucidité grandissante à l'égard de toute cette bande, mais qu'est-ce que cela change concrètement? La police devient pléthorique, d'un côté ils ruinent les gens, les excluent et les calomnient, de l'autre ils les tabassent et les éborgnent, et personne ne sait comment s'en débarrasser, si Dieu ne s'en mêle pas, or c'est là dessus que je compte, sur l'intervention divine. Et sur ses instruments.

samedi 7 janvier 2023

Noël glacé

 


Il fait extrêmement froid, -28 ce matin. J'ai beaucoup de mal à sortir, emmitouflée, j'ai peur de tomber, bien que la neige ait un peu adouci la glace. Comme je regardais les mésanges, hier, voleter dans le poirier où je mets leur mangeoire, j'ai vu quelque chose de chatoyant et de doré, au travers des saules, et je me suis demandé ce que c'était. C'était la lune, ronde et encore bien blonde, qui se retirait vers l'horizon, dans un ciel déjà complètement diurne.
J'ai vu conseiller le livre: "la sainte Russie contre l'Occident". A mon avis, ce serait plutôt l'Occident contre la sainte Russie, depuis que j'observe le déroulement des choses. D'après le compte-rendu, c'est comme d'habitude une interprétation tordue, et subtile, à l'usage de ceux qui veulent justifier leur position, celle qu'il vaut mieux avoir pour ne pas être exclu. Outre que j'ai du mal à lire, j'aurais pour commencer du mal à me le procurer, au fond du pays Maudit où je vis avec les Schtroumpfs. Un ami, descendant des empyrées où il plane, écrit en commentaire: "Mon Royaume n'est pas de ce monde etc..." Je me souviens que Bernard Finking détestait tous les saints princes, empereurs, tsars et guerriers. C'est un vrai problème, auquel j'ai souvent songé. Faut-il tendre résolument sa gorge aux barbares et renoncer purement et simplement à exister? Le christianisme est-il une forme de suicide par persécuteurs interposés? Et que faire, quand des populations subissent des exactions et des atrocités invraisemblables, s'en laver les mains et attendre notre tour et la fin des temps? J'ai vu ma jeune amie Anna Ossipova, qui est venue me donner une belle icône de sa main. Cette pieuse jeune femme, comme le père Basile, pense que la Russie est la dernière arche et m'a parlé de la prédiction d'un saint staretz, comme quoi elle tiendrait le coup jusqu'au Jugement Dernier, que c'était là sa finalité. Idée que sans avoir eu connaissance du saint starets, j'ai développée dans Yarilo.
J'ai vu la vidéo du dernier office dans la Laure des Grottes à Kiev. Le métropolite Paul expose, en retenant ses larmes, ses considérations sur l'événement, invitant les uns au repentir et les autres à la patience. Sur le fait que ceux qui confisquent ce lieu saint n'en sont pas les héritiers, et c'est du reste ce que disait le saint patriarche martyr Tikhon aux bolcheviques: ce que vous nous prenez n'est pas à nous, mais au peuple russe et à ses ancêtres, c'est le bien commun que vous dilapidez. De même, l'Eglise ukrainienne, depuis le baptême de la Russie par saint Vladimir, est-elle l'héritière de tout ce qu'ont transmis ses membres et leurs ancêtres, mais sans doute le patriarche Bartholomée, dans son petit Phanar turc, est-il heureux d'avoir lâché les impies et les imposteurs sur la Laure, pour qu'elle soit profanée comme sainte Sophie, non par les musulmans, mais par son métropolite de carnaval et ses parrains qui n'ont strictement rien de chrétien? La ferveur autour du métropolite est grande, on chante un chant populaire de Noël: "Le Christ est né, réjouissez-vous." Les cloches sonnent avec tant de conviction, elles sonnent face à l'abîme, avec l'étrange joie des martyrs. 




Slobodan Despot continue sa réfléxion sur le totalitarisme imbécile qui s'empare de l'occident. Dans le précédent numéro de son Antipresse, un scientifique développait un parallèle entre les périodes totalitaires de l'humanité et le chaos qui préside à la naissance des étoiles. Si je suis encline à établir ce genre de liens, il me semble qu'ici, il faudrait admettre que le totalitarisme nous inhérent, et revient de façon cyclique, or je crois personnellement que c'est un phénomène moderne. Il y a eu des tyrannies, des empereurs ou des rois féroces, mais je pense que les distances, les traditions, les modes de vie, engendraient des contre-pouvoirs, ménageaient des gardes-fous, des issues, le désert, la forêt, le "champ sauvage"; dans l'antiquité ou au moyen âge, il était difficile de tout contrôler. Les sociétés d'avant la période moderne et ses utopies ou dystopies meurtrières, mutilantes, avilissantes, étaient des sociétés organiques. L'occident et les pays qu'il a infectés, sont devenus fous d'avoir voulu créer de toutes pièces des sociétés Frankenstein avec les morceaux de celles qu'ils avaient minutieusement assassinées et dépecées. Maintenant, que ces trois siècles de totalitarisme soient les prémices ou la matrice d'un processus qui nous dépasse, cela est fort possible.
Il évoque le rhinocéros de Ionesco, dont j'avais discerné la profonde vérité dès que je l'avais vu à la télé, quand j'avais seulement treize ans. Le rhinocéros, animal brutal qui fonce droit devant lui, comme symbole de la bêtise idéologique aveuglée des masses modernes.
Il fait allusion à une nouvelle que j'avais hésité à divulguer: la mère Macron avait proposé un "geste architectural", comme dit son affreux époux, pour remplacer la flèche de Notre Dame, sous forme d'un obélisque phallique jaillissant de deux boules dorées. Cela paraît fantasmagoriquement absurde, mais notre monde devient d'une absurdité fantasmagorique, comme me l'a dit ce matin Natacha, la vendeuse de cierges de la cathédrale. J'avais vu dans l'incendie de Notre Dame le signe de notre fin. Mais si les Français laissent planter sur elle le sexe de madame Macron, je pense que cela scellera le destin de leur pays, comme à Sodome la tentative de viol commise par les habitants sur les anges que Dieu leur avait envoyés. Cela fait trop longtemps que nous profanons tout, la création, la nature, la beauté, l'innocence, la sainteté, la vertu et l'on se demande non seulement comment Dieu nous supporte encore mais comment la Terre ne nous a pas encore vomis d'une manière ou d'une autre.



Les "valeurs occidentales" ne sont pas celles de la Vie, et ce ne sont pas celles de Dieu. en réalité, ce ne sont pas des valeurs, ce sont les vessies qu'on nous fait prendre pour des lanternes.
Parmi toutes les abominations qui ne cessent de prendre, au fil du temps, des formes de plus en plus évidentes et épouvantables, dans le tumulte de la maison de fous que devient l'humanité, on discerne des voix anciennes, des lueurs, des signes, des échos, et c'est à cela que se raccroche mon âme éperdue. Ainsi les cloches de la Laure de Kiev, la musique d'Arvö Part, venue d'on ne sait quels arrières plans du cosmos, de quels abîmes de lumière, en un siècle qui se vante si fort de ses ténèbres, et cet extrait de Georges Sand, qui m'y a fait penser: 

«Oui, allons, la vie ne se perd pas, elle se déplace. Elle s’élance et se transporte au delà de cet horizon que nous croyons être le cercle de notre existence. Nous avons les cercles de l’infini devant nous. C’est une gamme que nous croyons descendre après l’avoir montée, mais les gammes s’enchaînent et montent toujours. La voix humaine ne peut dépasser une certaine tonalité ; mais, par la pensée, elle entre facilement dans les tonalités impossibles, et, d’octave en octave, l’audition imaginaire, mais mathématique, escalade le ciel. Ceux qui sont partis vivent, chantent et pensent maintenant une octave plus haut que nous ; c’est pourquoi nous ne les entendons plus ; mais nous savons bien que le chœur sacré des âmes n’est pas muet et que notre partie y est écrite et nous attend.

Au delà, oui, au delà ! Faut-il s’inquiéter de ce peu de notes que nous avons à dire encore ? Et, quand nous avons souhaité le bonsoir au vivant qui ferme la porte et descend l’escalier, savons-nous si ce mot n’est pas le dernier que nous aurons dit dans la langue des hommes ?

Vivre est un bonheur quand même, parce que la vie est un don ; mais il y a bien des jours, dans notre éphémère existence humaine, où nous ne sentons pas ce bonheur. Ce n’est pas la faute de l’univers ! Les personnalités puissantes souffrent moins que les autres. Elles traversent les crises avec une vaillance extraordinaire, et, quand elles sont forcées de descendre dans les abîmes du doute et de la douleur, elles remontent, les mains pleines de poésies sublimes.»

(George Sand, Nouvelles lettres d'un voyageur)

 Notre Noël aura sa Pâques.

jeudi 5 janvier 2023

Couleur locale

 


Le lendemain de notre concert du nouvel an, arrivée de Skountsev, Marina, Kolia, Fédia, et toute une équipe. Le couple qui les avait amenés en voiture tirait une telle gueule que je me faisais du souci pour la suite, je me demandais quel genre de rabat-joie c’était là. Mais en fait, j’aurais dû me rappeler que tout génial qu’il soit, Skountsev est un immense emmerdeur, et la malheureuse famille était sans doute excédée, car ils se sont révélés tout à fait gentils, et le mari, Igor, m’a offert une belle lanterne de cheminot des années 50, un truc que j’avais été tentée d’acheter sur internet, et aussi un thermomètre que je trouve décoratif, avec un chérubin en bois, peut-être ancien lui aussi, Igor collectionne les objets anciens. Igor m'a aussi dégagé le portillon bloqué par la glace. 

 Au concert, comme je le craignais, il n’y avait pas assez de monde, beaucoup moins que pour le nôtre, qui était gratuit, et puis il y avait la veille les amis et parents de ceux qui se produisaient, enfin le temps est en ce moment très dissuasif. Cependant, il s’est terminé dans l’enthousiasme. Ma nouvelle voisine Macha était venue avec ses deux garçons, et je voyais que le petit Micha était subjugué, qu’il essayait de chanter, qu’il aurait voulu danser, mais qu’il n’osait pas, et cela m’a tellement rappelé ma triste vie d’enfant albatros, que je me suis levée et l’ai pris par la main : « Vas-y Micha, tu en as envie, danse, moi, je suis vieille, c’est trop tard ; mais toi, tu es un enfant, tu peux le faire, il ne faut pas avoir peur, il ne faut jamais avoir peur de se montrer tel qu'on est! » Et pour entraîner Micha, et bien que j’ai failli me casser la figure sur mes genoux arthrosiques, je me suis mise à danser, et Micha s’est lancé, et je sentais la musique me porter, comme si j’avais été soulevée par un ange. D’ailleurs, c’est à un ange que ressemble ce petit Micha, avec ses boucles blondes, ses yeux bleus et son minois russe. J'ai pensé, devant la force de cet afflux d'énergie que ne soutenaient pas mes guiboles, que les sources vives restaient en nous intactes, c'est le corps qui ne suit plus. 

Le jour suivant, j’avais à la maison, en dehors de la famille Skountsev, Veniamine, Gilles, le voisin cosaque Alexeï et les siens, la voisine Macha et ses deux angelots, Katia, Igor l’antiquaire, sa femme et son fils, c’était très chaleureux et plein de chansons cosaques, d’épopées, de vers spirituels. Je voyais que le petit Micha était à nouveau hypnotisé, ce que c’est que la mémoire génétique... Skountsev a montré comment fabriquer soi-même divers types de flûtes de roseaux. Marina a expliqué que les chants populaires avaient pour fonction de consolider les liens entre les gens, et avec leurs ancêtres. Les mariages duraient une semaine, pendant laquelle on chantait sans arrêt, pour assimiler les cultures réciproques, et introduire la pièce rapportée à l'histoire familiale. C'est en partie ce qui faisait des Russes un peuple si soudé, et c'est la raison pour laquelle on s'est tellement acharné sur cette tradition.





Laurent, le cuisinier de la partie restauration du café la Forêt, en dehors d’être très sympathique, fait une excellente cuisine. Il m’a apporté des lasagnes de sa façon, et les Russes de la table d’à côté m’ont dit : « Vous verrez, c’est grandiose ! » Et en effet, c’est d’une grande finesse, rien à voir avec tout ce que j’ai pu manger jusqu’à présent dans le genre lasagne, c'est la touche raffinée particulière de la cuisine française. Le jeune homme qui supervise le service est de style gay flamboyant. Très gentil, très aimable, très efficace, heureux de travailler, ce qui n’est pas le cas de tous les employés du lieu, mais gay de chez gay. «C’est bien, dis-je à Gilles, en plus des miroirs de style bistrot français, tu as aussi un représentant de la communauté LGBT pour faire couleur locale... on se croit vraiment en France !

- Non, non, me répond-il en éclatant de rire, il nous manque encore un black et ce sera parfait ! »

Des blacks il y en avait ces jours-ci au monastère Danilov, des pélerins orthodoxes nigériens, avec des visages d’une grande ferveur et d’une grande noblesse. De par son caractère antique, l'orthodoxie se naturalise facilement, de sorte que chacun peut conserver sa couleur locale tout en s'intégrant parfaitement dans l'Eglise.  

 

photo éparchie de Pereslavl

 

mardi 3 janvier 2023

country

 Les gens se bousculaient au concert gratuit du nouvel an dans le bar du café la Forêt. Et je crains bien qu'ils ne se bousculent pas à celui de Skountsev, à commencer par les cosaques, à qui l'on fait pourtant un prix, et la gratuité pour les enfants. Une connaissance qui voulait venir avec des amis m'a demandé "combien il y avait de cosaques dans le choeur?" Apprenant qu'il y en aurait trois (la salle est minuscule, et finalement, ils seront six), ils se sont tous décommandés. Il ne s'agit pas d'un choeur, il s'agit d'un ensemble. Parfois ils sont trois, parfois six, parfois quinze, cela dépend du local et des circonstances. Il parait que ces gens sont des amateurs de folklore cosaque. S'ils l'étaient vraiment, ils viendraient à quatre pattes écouter Skountsev, en dépit du verglas, même s'il chantait tout seul, car sans lui, le folklore cosaque aurait pratiquement disparu, c'est lui qui a initié l'intérêt croissant des cosaques pour leur tradition perdue, et pour tous les amateurs du genre, c'est une référence. Après l'épuration de Trotski, des cosaques, il n'en restait pas beaucoup, et tout ce qu'on présentait comme tel n'avait que peu de rapport avec la culture originale. J'en conclus donc que ces "amateurs de folklore cosaque" sont en réalité des amateurs de contrefaçon soviétique bruyante et pompeuse à cent cinquante choristes et corps de ballets, avec mouvements et sourires mécaniques, qui pour la plupart des rééduqués des décénnies passées, sont tout ce qu'ils connaissent de la question.

Notre concert était ce qu'on appelle bon enfant. Il y avait pas mal d'enfants, d'ailleurs, et des enfants qui se produisaient, un ensemble familial façon Jacques Martin dans les années 80, de la variété chantée par des gosses qui imitent les tics professionnels des adultes, sous l'oeil extatique de la mère. Katia, éblouissante dans une tenue chic et choc, participait à un petit concert de jazz, avec beaucoup d'entrain. J'y suis allée de mes chants de Noël, russes et français. Mais le grand moment de la soirée, pour moi, ce fut Jason l'Américain, mort de timidité, qui nous a chanté un country râpeux si authentique, avec tant de sincérité et de tempérament, entrecoupé de mots d'esprit et de considérations sur l'imperfection de son jeu, alors que si imperfection il y avait, cela n'avait aucune importance, de par la nature des chansons et de l'interprétation, c'était de la musique vivante et vécue, la voix même de son peuple, de son quotidien rude, et de son désespoir sous jacent, de son humour particulier. Jason est une des personnes les plus intéressantes, vraies et touchantes que je connaisse ici. Il a fait un tabac, malgré le goût du public pour la variété guimauve américanoïde, parce que tout de même, les gens ressentent la vérité, l'air frais qui entre par la fenêtre ouverte, quelque chose en eux, Dieu merci, réagit encore à cela.

Le verglas était tel que je n'ai pas pu ouvrir mon portail, bloqué par la glace, et j'ai descendu les trois marches de mon perron façon tobboggan pour éviter une chute de plus. Aujourd'hui, il neige, heureusement. Car on annonce - 28 pour la nuit de Noël...





dimanche 1 janvier 2023

Bonne éternité

 


Il pleut sur la neige, en ce premier janvier, il faudra la répétition au café pour me faire sortir, j'ai même séché l'eglise… Je n'avais personne pour le réveillon, et j'étais au lit à dix heures, avec un antinflammatoire, mais c'était juste ce dont j'avais besoin, la paix, et une nuit de vrai sommeil, sans douleurs, il ne faut pas abuser de ce genre de médicaments, mais c'est le premier de l'an. Et ce matin, un vrai petit déjeuner avec des tartines, ce que je ne fais plus jamais, pour éviter de peser 80 kilos. La flemme et le laisser aller, c'est l'organisme qui l'exige. Il est vieux, et il a été bien malmené de haut en bas et de long en large. Sans parler du coeur... que Dieu me pardonne.

Le jour de l'an n'a jamais rien signifié pour moi. Noël, si. Mais maintenant je le fête avec les orthodoxes. Ici, de toute façon, si on se repose ces jours-là ce n'est pas grave, les fêtes russes durent une semaine. On a tout le temps de se rattraper.

Noël, c'est une fête religieuse et familiale, mais que veut dire le jour de l'an? Je me souviens des foules hagardes et survoltées qui fêtaient le mythique an 2000, tout imprégnées qu'elles étaient de progressisme depuis les bancs de l'école, eh bien voilà, cela fait 23 ans que je suis allée m'abriter du délire de ce jour-là à Pereslavl Zalesski, dans la maison de vacances des artistes peintres, et nous nageons maintenant en plein bonheur des lendemains qui chantent, n'est-ce pas? Nous avons la science-fiction. Mais notre présent est-il radieux?

Pour moi la lumière ne provient pas de l'avenir inexistant, elle provient du passé, et de l'éternel, et nous bouchons tous les canaux qui leur permettraient de nous éclairer. Je nous souhaite à tous d'ouvrir ces fenêtres sur le passé, qui est notre culture, et sur l'Eternel auquel nous sommes voués. Je nous souhaite de retrouver le temps de vivre et de contempler, d'avoir une activité digne et utile que l'on accomplit avec respect et lenteur, avec le souci de la beauté et du sens, le souvenir des anciens et le souci des descendants, de la transmission de notre héritage plusieurs fois millénaire.

Fédia Skountsev, sa femme Natacha et leur fils Stilian ont envoyé leurs voeux, une chanson de quête traditionnelle, et le plus beau dans cette vidéo, c'est l'expression émerveillée du petit enfant qui grandira dans le droit fil du fleuve russe, irrigué par toute cette beauté et cette poésie immémoriales. Au rebours de ceux que leurs parents abreuvent de tohu-bohu synthétique, destructeur, abrutissant et étranger non seulement à la Russie, mais à l'humanité, qu'ils écoutent parce que le silence leur fait peur et qu'ils veulent paraître à la mode. Je gage que Stilian aura toutes les chances de ne pas devenir un ado stupide et maussade, malléable à souhait, attifé comme un clown et accroché à son téléphone.

https://vk.com/wall-67931946_3787

J'ai vu un documentaire sur la destruction systématique du folklore russe par le pouvoir soviétique et son remplacement par le succédané vulgaire et mécanique qui est tout ce qu'en connaissent beaucoup de Russes rééduqués dans le mauvais goût depuis la maternelle. Intentionnelle au début, cette destruction s'est poursuivie ensuite de façon automatique, parce que les fonctionnaires qui arrivaient aux postes de responsabilités et les citadins déracinés n'avaient plus aucune idée de la Russie dont ils venaient, ils n'en avaient que des représentations caricaturales, ils étaient eux-mêmes déjà spirituellement mutilés. Pourtant, cette Russie a résisté longtemps, à sa manière passive, humble et obstinée, on peut même dire qu'elle résiste encore, et aussi que la mémoire génétique n'est pas un mythe, j'en ai vu des exemples, d'une certaine façon, j'en suis un moi-même.

https://vk.com/video-207786357_456239038

Car en France, le processus est à l'oeuvre depuis encore plus longtemps, bien que de façon plus lente et plus insidieuse. Ce documentaire m'a démontré que la cancel culture ne date pas d'aujourd'hui, elle est inhérente à la modernité, au progressisme matérialiste bourgeois, dont les sectateurs, coupés de tout ce qui est normal par leur orgueil, leur stupidité et leur méchanceté, ont traité leurs propres populations comme les Américains ont traité les indiens, calomniant leurs victimes et supprimant toutes traces matérielles et historiques de ce qu'ils voulaient détruire, de "ces étoiles qu'ils avaient éteintes au ciel".  Les Américains étant les fils de la modernité, du délire occidental initié par la Renaissance, il n'est pas étonnant qu'ils se comportent aujourd'hui de la même manière avec le monde entier. Souvenons-nous que la première dékoulakisation a été inuagurée par l'Angleterre du XVI° siècle, celle qui a envoyé au malheureux Nouveau Monde ses puritains pour nous déclencher la tumeur maligne dont nous mourons aujourd'hui.


samedi 31 décembre 2022

Ni Charybde, ni Scylla

Nous avons un hiver de merde. Comme j'ai l'optimisme chevillé au corps, j'espère que janvier février nous apporteront un froid raisonnable et stable. Mais quand ça part mal... Enfin, on ne sait jamais.

Valérie n'ayant peur de rien et m'ayant vivement conseillé, qund elle était ici, de faire de l'exercice, j'ai décidé d'aller à pied chercher un colis à la poste. C'était difficile, une neige molle et poisseuse me collait aux bottes. Je suis arrivée crevée à la rue principale, et là, j'ai dérapé sur une plaque de verglas et je suis tombée à plat dos, j'ai cogné au niveau du coxyx. Une vieille m'a tendu une main secourable, et je me suis relevée, étourdie, pour récupérer Rita, échappée du sac à dos, où je l'ai remise aussitôt. Bon, rien de cassé, sinon, je n'aurais pas pu me relever, ni me traîner à la poste, mais j'avais et j'ai toujours très mal au bas du dos. J'avais déjà mal partout, à cause de l'arthrose, et des cahots dans la voiture, fait pas bon vieillir.

A la poste, il y avait une queue de quatre personnes, évidemment, et par dessus le marché, je m''étais trompée de téléphone. Enfin, c'est ce que je croyais, car lorsque je suis rentrée, excédée, en taxi, j'ai constaté que j'avais pris mes deux téléphones!

Moralité, il faut être un Français inconscient, ou ne pas avoir le choix, pour s'aventuer à pied dans les rues par un temps pareil. Je ne le ferai plus. Déneiger le terrain et le vélo d'appartement, ça suffit, comme exercice. A la limite, le marécage, si une neige épaisse recouvre le verglas.

  Chez les cosaques, la veille, il n'y avait pas grand monde, ce qui nous a permis de discuter un peu, autrement, on récite des vers, on chante des chansons, on pratique des activités manuelles et on parle chacun à son tour. J'ai découvert qu'Alexeï, le roi du tambourin et des percussions, habite à 50 mètres de chez moi. Il veut venir me voir, organiser une petite journée voisins en été, avec guitare, tambours, accordéon etc... Il viendra même sans doute avant car Skountsev, qui est pour l'instant malade mais espère chanter mardi et débarque chez moi avec sa femme, son fils et un couple d'amis, voudrait rencontrer le lendemain du concert les cosaques qui le souhaitent. J'ai annoncé que ce serait la grosse commande de pizzas, car je serai très fatiguée, je le suis déjà. 

Je me sens intégrée dans toute une communauté.

J'ai eu aussi la visite de Nadia, que je n'avais pas vue depuis longtemps. Fabriquant des cierges dans sa petite roulotte, elle a réussi à s'acheter un terrain à une vente aux enchères. L'étape suivante sera d'y construire une maison, mais elle va déjà y placer son atelier et n'aura plus à lui chercher d'autre emplacement.


C'est la petite véranda que j'ai faite, au bout du couloir d'entrée, à la place de mon perron, côté voisin. Il manque un rideau pour masquer sa voiture. C'est pour ceux qui fument, et pour prendre le premier soleil en février mars....

 J'ai lu ceci, sur la page d'Israël Shamir:

Les Américains et les Russes prédisent l'Armageddon avant le Nouvel An. A vrai dire, le monde façon Schwab-président Biden est si répugnant qu'une fin horrible vaut mieux qu'une horreur sans fin. Maintenant, je pense que Poutine a lancé la guerre en Ukraine parce que sans cela, les russes n'auraient pas été prêts à une confrontation décisive. Les Américains jettent plus d'argent dans la fournaise qu'ils n'en ont. Si les Américains ne font pas marche arrière, que tout aille au diable. Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux. Mais on peut quand même encore battre les USA et la Pologne. Et les autres pays de l'OTAN ne s'en mêleront pas.

Американцы и русские - предрекают Армагеддон до Нового Года. Правду говоря, мир по лекалам Шваба и президента Байдена так отвратителен, что лучше ужасный конец, чем ужас без конца. Сейчас я думаю, что Путин затеял войну на Украине потому, что без войны русские не готовились бы к решительному противостоянию. Американцы бросают больше денег в топку, чем у них есть. Если американцы не сдадут назад, пускай всё летит в тартарары. Лучше умереть стоя, чем жить на коленях. Но все таки можно еще и победить - США и Польшу. А другие страны НАТО не полезут.

Je nous souhaite d'éviter tout à la fois la fin horrible et l'horreur sans fin. Après tout, le pire n'est jamais certain....


lundi 26 décembre 2022

Joyeux Noël 2. Le père Noël de Donetsk!

 


Coup de fil du SDEK, l'office qui me livre de temps en temps des colis, et dont le responsable me salue toujours en français: un paquet m'attend. Je suis étonnée, mais j'ai pu commander un truc que j'ai complètement oublié... Je file donc récupérer la chose. Cela pèse un os, et l'adresse m'intrigue: l'écrivain français Laurence Guillon, région de Yaroslavl! Arrivée chez moi, je déballe et trouve un petit sac à dos RT pratique pour aller se baigner à la rivière l'été. Ah, me dis-je, RT m'envoie ses voeux, après tout, j'ai fait plusieurs reportages avec eux, l'important, c'est que le colis ne soit pas piégé...

Tout de même je suis prise d'un doute, car dans le sac à dos, je trouve le receuil PoéZies d'un été russe, un paquet de cartes postales qui va me permettre d'en remettre une dose avec Ania, quelque chose qui ressemble à du thé, et un paquet de chocolats "faits à Donetsk"! Du coup, la lumière m'éblouit et j'y vais même de ma larme: ceci est la réponse immédiate à l'envoi de mes quinze cartes de voeux. 

Les poèmes du livre sont ceux de divers soldats qui sont au front...

Les cartes postales proviennent des jeunes peintres du studio de design et de graphisme "START", des poètes du studio littéraire "Pervosvet"' du Centre de création enfantine du quartier Kievski à Donetsk...

Je suis extrêmement touchée. Que Dieu les protège, les enfants et les soldats.




 

Parallèlement, j'ai regardé mon cher Sébastien Recchia qui nous souhaite aussi joyeux Noël sur fond de persécutions sournoises. Il est interdit de partout, et difficile à partager, et pourtant, nous avons bien besoin de sa lucidité, de son insolence, de son humour et de son courage: https://t.me/restezcouches/285