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mercredi 23 août 2023

Un hommage de prix

 


Une vidéo m’a extrêmement inquiétée, ce matin, au réveil. C’est un procureur, une femme visiblement sincère, furieuse et compétente, qui prend à partie le gouvernement russe, au cours d’une réunion avec celui-ci, au sujet de l’introduction du rouble numérique qui conduit au crédit social à la chinoise, donc plus ou moins ce qu’installent les pays occidentaux, contre lesquels la Russie est en guerre, sous l’étendard de la Tradition, des valeurs humaines et chrétiennes éternelles. Xavier Moreau, qui pèche souvent par excès d’optimisme, avait une fois expliqué que ce rouble numérique serait destiné aux transactions internationales, mais que l’on conserverait le rouble papier. C’est une question importante. Déjà, le fait que la Russie ait emboité le pas aux mesures Covid et à la vaccination quasi obligatoire m’avait plongée dans le désarroi. Maintenant, cette même Russie envoie tout un rapport à l’ONU dénonçant les labos d’armes biologiques en Ukraine et le caractère voulu et délibéré de la plandémie dont on essaie de refaire le coup aux populations occidentales, j’ose espérer qu’elle ne retombera pas dans l’ornière de la couche-culotte sur le nez et de la piquouse douteuse... L’intervention du procureur est courageuse, claire et convaincante, si cela est installé, il ne fera guère meilleur ici que partout ailleurs, à quoi bon envoyer alors au front les braves jeunes gens de Russie ? Ce qui me manque, dans l’affaire, est cependant la réponse du gouvernement incriminé, il est bon d’avoir les deux sons de la cloche. Le site qui diffuse l’intervention diffuse aussi une interview du poète et compositeur Alexandre Rosenberg comme si après « s’être tu » sur la guerre en Ukaine, il avait compris et déploré, mais cette interview, je l’ai vue, et elle n’est pas du tout dans cet esprit, elle est ici présentée sous un faux jour. Bien sûr qu’il déplore, qui ne déplorerait pas ? Moi aussi je déplore. Mais il soutient la Russie et cela fait une grosse différence. Alexandre Rosenberg est un honnête homme, un juif qui est exactement le contraire de Zelenski, Soros, Harari, BHL, Glucksmann et autres nazisionistes sournois, et il a très bien compris ce qu’ils sont en train de faire : détruire fondamentalement la civilisation à laquelle il appartient, comme nous autres, et qu’il aime, la détruire moralement, spirituellement, culturellement et physiquement. Il serait évidemment très consternant de s’apercevoir que le gouvernement russe, au fond, va exactement dans le même sens que toute cette bande maléfique et ses suppôts ou comparses. Malheureusement, rares sont les gouvernements qui n’adoptent pas des technologies utilisées par les autres, d’abord pour ne pas etre dépassés par le concurrent et ennemi potentiel, ensuite parce que les hommes de pouvoir ne résistent pas à ce qui peut leur en donner davantage. De nos jours, ils ont tous été formés par des visions du monde matérialistes et plus ou moins cyniques, que ce soit à l’est ou à l’ouest, à tout le moins, une conception des choses brutalement utilitaire. Ici, on n’a pas l’impression d’avoir affaire à des psychopathes délirants, comme en occident, et l’on reste dans la couleur locale, comme me l’ont dit mes cosaques quand j’ai emménagé à Pereslavl : «Tu as bien choisi ton endroit, au moins, à Pereslavl, les bandits sont russes ». Mais enfin bon.... je ne me donnerai pas le ridicule de discuter de ce qui est du ressort de politologues entraînés, je fais part de mon inquiétude par acquis de conscience. J’accueille volontiers les éclaircissements éventuels. Tout cela pour dire que, même si je soutiens la Russie et, à priori,  son gouvernement, souvenons-nous du psalmiste, lui-même roi :« Ne mettez pas votre espoir dans les princes et les fils des hommes, en eux il n’est point de salut ».

https://vk.com/away.php?to=https%3A%2F%2Fyoutu.be%2FGwoRPzKuZTc&post=19879744_14414&cc_key=

https://youtu.be/8oxkQHu6_8U

https://vk.com/away.php?to=https%3A%2F%2Fwww.infotrad.fr%2F2023%2F08%2F18%2Fla-russie-publie-un-rapport-de-2000-pages-prouvant-que-letat-profond-et-les-grandes-societes-pharmaceutiques-ont-fabrique-la-pandemie-de-covid%2F&post=19879744_14379&cc_key=

J’ai eu la bonne surprise de découvrir un article élogieux que Nicolas Bonnal a consacré à mes poèmes, à la diffusion tout ce qu’il y a de plus confidentielle, et du reste, je les écris comme les oies migrent, parce que c’est dans mes gènes, non modifiés par l’ARN messager. Je les écris dans une grande solitude, c’est essentiellement ma chère tante Mano qui les lis et les commente. J’ai, il est vrai, ouvert un blog, l'Aube éventuelle, pour les publier et les classer, car bien entendu, je n’attends pas grand chose d’une publication papier, sinon de les mettre à la disposition de ceux que cela intéresse et d’en garder une trace matérielle. Il est exact, comme dit Nicolas, que cette publication est chère, il faut bien que ce genre d’autoédition déguisée prospère sur le dos des graphomanes.

https://laubeeventuelle.blogspot.com/

Lorsque j’ai écrit mon premier poème, ma défunte tante Jacquie m’avait dit qu’il était très mauvais, ce qui était peut-être un peu sévère, en tous cas, cela m’avait coupé les ailes, rien n’est pire que de mauvais vers ! Bêtement, je me laissais arrêter par mon ignorance des lois de la versification, dont aujourd’hui tout le monde ricane. Je les ai plus ou moins maîtrisées en étudiant les poèmes des autres, j’en étais d’ailleurs imprégnée depuis mon adolescence au lycée de Pierrelatte, où je lisais des pièces de Racine à haute voix avec des copines, façon le cafetier d’Uranus, et où je feuilletais le Lagarde et Michard pendant les cours de maths. C’est le folklore russe qui, en me conduisant à écrire des chansons, m’a donné l’élan pour écrire des vers, ce qui, à mon avis, était pourtant inscrit dans ma nature lyrique, et je regrette bien de ne pas l’avoir fait plus tôt. Je suis reconnaissante à Nicolas, esprit si cultivé, si libre et si original, d’avoir prêté attention à ce que j’écrivais presque en catimini et d’avoir pris la peine de disserter dessus, car c’est une vraie peine, cela demande du temps, de l’attention et de la réflexion, et aussi de la curiosité bienveillante, enfin de l’estime et de l’amitié. D’autant plus que je ne sais pas comment il trouve le temps et la force d’écrire tout ce qu’il écrit, de lire tout ce qu’il lit, de regarder tous ces films, il est vrai qu’il est plus jeune que moi, mais je suis quand même, depuis le berceau, une grosse flemmasse. Et cela ne s’arrange pas avec l’âge.

Pourtant, j’ai réussi à aller nager, hier, quel bonheur... J’ai volé encore une baignade à l’automne qui vient. Il faisait gris, les pêcheurs remplaçaient les baigneurs, mais l’eau était encore douce, fraîche au premier abord, mais ensuite si vivifiante, et j’ai pu contempler les saules, les nuages et leurs reflets, les canards... J’ai acheté un bonnet de bain au magasin de sport du Magnit, pour essayer la superbe nouvelle piscine de Pereslavl, bâtie par Gazprom, car je sens qu’aller nager devient une nécessité thérapeutique, mais bien sûr, même superbe, la piscine n’a aucun intérêt... J’ai horreur des bonnets de bain, mais c’est obligatoire, coup de bol, celui-ci n’est pas trop moche, et pas trop serré. C’est vraiment un coup de bol, et il n’y en avait qu’un, les autres étaient roses ou jaunes fluo ! Dans le genre fluo, j’ai déjà les claquettes en plastique, cela me suffit !

Skountsev m’a donné un cours, nous sommes restés une heure et demie sur la fameuse chanson des cosaques du Terek sur Ivan le Terrible, je crois qu’il me faudra des mois pour la maîtriser. « Elle est très difficile, me dit Skountsev, mais elle est vraiment belle.

- Oui, elle est extraordinairement belle, et à l’écouter ou la chanter, on comprend que les gars chez qui elle se transmettait étaient complètement dans une autre dimension que la nôtre, c’étaient d’autres gens, baignés depuis le ventre de leur mère par cette beauté complexe et simple qui leur était consubstantielle, comme sa structure mathématique l’est à la plante, ou le nombre d’or à n’importe quelle architecture traditionnelle. La hideur de notre environnement contemporain reflète la pauvreté de nos âmes et de nos vies désertées par l’harmonie de l’existence.

- Nos plus grands compositeurs ont étudié ces chants, et même Pouchkine, tous en étaient imprégnés.

- Mais je pense qu’en occident aussi, c’était dans l’air du temps, cette culture populaire, et maintenant qu’on l’a éliminée et remplacée par de la merde, les compositeurs de génie, les écrivains et les poètes se font nettement plus rares... »

Il m’a remerciée d’avoir parlé, à l’émission de Malakhov, de la culture russe et cosaque, de lui-même et de ses fils. « C’est bien normal, lui ai-je répondu, il y a deux choses qui me poussent à participer à des émissions, ce qui par ailleurs est contraignant et épuisant, c’est de promouvoir mes livres et de témoigner de ma foi et de mon amour pour la Russie traditionnelle, de la nécessité vitale de sa conservation et de sa restauration. Sinon, à quoi bon, à mon âge ? »


Poésie : Laurence Guillon contre « les dévoués valets des Ténèbres »

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/08/21/poesie-laurence-guillon-contre-les-devoues-valets-des-tenebres/

Ce texte sur des vers rimés promis à de rares Happy Few (l’expression n’est pas de Stendhal

mais de Shakespeare comme toujours) s’adresse aux fans de Laurence Guillon, qui offre

l’originalité d’un blog double – de combat et de lutte contre les ténèbres du mondialisme ; et

de survie et résurrection intérieure, résurrection qui se passe dans le cadre qui lui convenait de

notre Russie orthodoxe et profonde. Le cas est assez exceptionnel : on pense à cette

autrichienne ministre persécutée (Karin K.) depuis, qui est aussi polymathe, et que Poutine

avait salué le jour de son mariage. Laurence poétesse est aussi traductrice, jardinière,

musicienne, chanteuse et peintre – elle m’a offert un très beau tableau solaire qui orne mon

deuxième appartement de travail dans mon bled andalou. Je ne peux malheureusement pas

dire que l’Espagne pourtant moins esquintée que leur hexagone ait gardé les vertus que

Laurence trouve en Russie profonde, à cent bornes de Moscou ? Mais Laurence est tout sauf

une illuminée, cette aventurière voit les choses telles qu’elles sont, c’est une mystique avec un

regard réaliste et parfois justement profane. Le mystique trop rêveur a vite fait de se faire

bouffer – esprit compris – par les Temps qui courent.


Soyons réalistes donc. J’ai demandé ses poèmes à Laurence par curiosité et aussi ai-je ajouté

parce qu’ils sont trop chers. Ancien poète amateur moi-même j’ai bradé les miens (écrits

depuis trente-cinq ans quand même) à trois euros sur Amazon. Et j’ai des couillons de lecteurs

qui tentent de revendre mon recueil à deux euros. La poésie est un risque à courir (on se fait

traiter de mirlitons par les amateurs de destruction massive) par les temps qui courent,

puisqu’il n’y a plus de lecteurs – ou peu s’en faut. Le mieux est de lui virer à Laurence une

somme sur un compte français et de recevoir le PDF. Ou carrément et courageusement

(achetez le couscous et les bougies avant) de commander le livre, si mon texte le justifie !

J’ai aimé le ton et les sujets guerriers des textes, et j’ai pensé au grandiose peintre

Desvallières, l’ami flamboyant de Léon Bloy, génie méconnu, mystique et expressionniste,

père de toute une tribu, et qui s’engagea sous les drapeaux à 53 ans pour défendre sa patrie,

dans cette guerre où les derniers nobles français moururent. Après on n’eut plus que des

électeurs et des consommateurs.

Laurence écrit dans son très grand poème l’Arche, toute consciente des enjeux apocalyptiques

actuels :


« Le monde s’ouvre en deux, comme un crâne brisé,

Coulent les ténèbres, avec le sang versé,

Où se noient emmêlés les bêtes et les gens,


Trop peu de coupables et beaucoup d’innocents. »


Je trouve malheureusement qu’il y a bien moins d’innocents que jadis, qu’il s’agisse de guerre

américaine, de vaccins, de credo climatique ou autre. Avant le paysan sacrifié par Napoléon

ou Gambetta n’était pas informé, maintenant son héritier présumé aime se désinformer, fût-ce

au risque de se faire écharper, affamer et ruiner. Le troupeau est enthousiaste comme dit

Céline avant la giclée de Quarante. Il aime le mensonge, il aime le chiqué.

Refusons alors leur sabbat (climat vaccin guerre totale) :


« Les voilà tous dansant sur nos tombes futures.

Et l’unique chose dont je puis être sûre,

C'est qu'à leur bal maudit, je n'irai pas valser

Sans doute je mourrai, mais sans avoir chanté

Les louanges du diable et de ses diablotins

Qu'encensent bégayant tous ces tristes pantins. »


C’est tout ce qu’on peut faire en effet : refuser de chanter avec ce pape (lui ou un autre) le

diable et ses sacrements.

Laurence visionnaire écrit ensuite dans son Echo secret des massacres :

« Voilà qu’arrive l’impossible...

Ces cohortes épouvantées

Devant le fracas des armées,

Et ces nuages invisibles,


Depuis ces villes écharpées,

Sont pleins des présences terribles

Que vous nous avez déchaînées,


Dévoués valets des ténèbres,


Malfaiteurs puissants et célèbres,

Aux âmes déjà remplacées

Par ceux qui vous les ont volées. »


Ce grand remplacement des âmes est en effet grandiose ; je cite toujours le film de Don Siegel

l’Invasion des profanateurs de sépultures. Nous voulions montrer que les gens devenaient des

légumes, disait ce maître du réalisme brutal et de Clint Eastwood. On est au milieu des années

cinquante : la télé bouffe tout, l’autoroute (voyez aussi Stanley Donen) aussi, et bientôt le

monde cybernétique qui inspirera à Debord des lignes superbes.

Le combat du système technétronique pour reprendre un terme célèbre passe par une censure

de la terre, une interdiction de tous les éléments : terre, air, soleil, eau. L’écologiste

informaticien rêve d’une terre brûlée (cf. Hawaii) et d’un homme affalé effaré (cf. Rousseau

Sandrine). En effet le diable veut nous priver de la nature pas seulement de la vie (voyez et

écoutez Harari sur les Territoires occupés).

Laurence écrit dans Joyeux Noël :


« C’est la terre qu’ils n’aiment pas,

Et qu’ils nous ont privée de voix,

Et puis le ciel bleu par-dessus,

Qui leur blesse par trop la vue.


Ils n’aiment pas la vie qui sourd

Des moindres failles du béton,

Tout ce qui brûle avec passion

Et sanctifie le fil des jours. »


C’est le sujet de mon libre sur la Destruction de la France au cinéma, France bétonnée et

remplacée dans les années soixante par un gouvernement soi-disant souverainiste. Voyez


Mélodie en sous-sol (ô Gabin à Sarcelles ville nouvelle…), Alphaville de Godard ou Play

Time de Tati pour comprendre.

Laurence ajoute :


« Ils sont laids, froids, méchants et bas

Mais on n’entend plus que leurs voix,

Leurs mille voix dans le désert

De nos pays prêts à la guerre. »


Les techno-démocraties sont toujours en guerre depuis des siècles, mais ces guerres sentent la

mort, elles ne témoignent jamais d’un excès de vie. De pures guerres d’attrition, celle de

Quatorze et de Quarante, des guerres voulues par la bulle financière « anglo-saxonne » (ouaf),

comme celle d’Ukraine. Une élite aux vues reptiliennes ou extraterrestres dirait-on.


Dans Cassandre (lisez le chant II de l’Enéide mon Dieu) Laurence écrit superbement :

« La bêtise aux cent mille bouches,

Le grand tohu-bohu du diable,

S’en va remplir ses desseins louches

En rameutant la foule instable,


Chien noir de cet affreux berger,

Glapissant à tous les échos,

Elle pousse à courir nos troupeaux

Sur les chemins qu’il a tracés.


Et comme il y va volontiers,

Le grand troupeau des imbéciles,


A l’abattoir sans barguigner,

Se pressant pour doubler la file. »


Le troupeau des imbéciles a été fabriqué artificiellement par la culture et l’art moderne (lisez

Jacques Barzun, qui en parle bien, un autre exilé lui aussi) ; mon ami Paucard avait

excellemment titré : la crétinisation par la culture – et par la télé, et par les médias, et par

l’immobilier, et par l’économie, et par les vacances, et par la politique (mais quel futur gentil

candidat de droite fera enfin la guerre à la Russie, merde ?).

C’est Alain Soral qui disait l’autre jour que la France ne pourrait être sauvée que par un

miracle : que c’est juste !

Car la France est tombée plus bas que la plupart des pays, même d’Europe. Et comme je l’ai

montré, ce n’est pas parce qu’elle est une victime ; c’est parce qu’elle l’a voulu. C’est le coq

hérétique, ou comme dit Van Helsing dans le Dracula de Coppola la concubine de Satan, et

depuis longtemps.

Très beau poème aux teintes géographiques : Aigues-mortes, Saintes-Maries. Laurence pense

à Saint Louis tandis que l’emplâtre revote Macron :


« Aigues-Mortes, Saintes-Maries,

Aux quatre vents bien élargies,

Reviendra-t-il jamais le saint roi d’autrefois

Dans sa robe de lys, sur son blanc palefroi ?


Aigues-Mortes, Saintes-Maries,

Verrons-nous demain déferler,

Sur vos ruines de sel blanchies,

De sombres foules d’étrangers,


De conquérants et de bandits,

De bateleurs et d’usuriers,

Qui vendront vos fils au marché


Sous l’amer soleil du midi ? »


Quand on est Français sincère et lucide on a de quoi désespérer – j’en sais quelque chose.

Laurence écrit sans hésiter dans la Fin du jour :

« Je meurs sans descendance et j’en rends grâce à Dieu,

Sur l’autel de Moloch, je n’étendrai personne.

Pas de fille soumise au plaisir des messieurs,

Pas de garçon brisé par le canon qui tonne. »


Sur l’imbécillité cosmique qui frappe ce peuple depuis longtemps (revoir Drumont, Céline ou

Bernanos) Laurence écrit un texte admirable, l’abîme :


« L’abîme s’élargit et le tumulte croît

Sur la terre entière, le grand tohu-bohu…

Mais la France ébahie ne le voit toujours pas

Et n’entend pas les voix de ses anges perdus.


Elle ne comprend pas que déjà tout finit,

Qu’en bradant son honneur aux bandits de rencontre,

Elle dut en concevoir tous ces horribles fruits

Qui, mûris à présent, vont et partout se montrent.


Etrangers à la terre et bien trop loin du ciel,

Nous voici pourrissants dans cet entre-deux,

Sans idées, sans patrie, sans famille et sans Dieu,

Mollusques accrochés au néant démentiel. »


Mollusques accrochés au néant démentiel : je parlais Desvallières, on dirait du Goya. Il

faudrait être Tarkovski pour filmer un texte comme celui-là. J’aime Voir les textes, pas les

lire.

Pour se raccrocher on a les animaux (je repense toujours à Leopardi et à ses oiseaux) ; dans

Hommage notre poétesse écrit :


« Mon gentil petit chien, vas-tu me pardonner

De recueillir si tôt ce chien qui te ressemble ?

Malgré tout, je le sais, dedans l’éternité,

Nous nous retrouverons à jamais tous ensemble.

Et tu ne seras plus, là-bas, aussi jaloux,

Car d’amour jaillissant nous ne manquerons point. »

L’amitié des animaux est un don divin comme on sait (elle peut aussi devenir un don pour

crétins, tout étant parodié en nos temps retournés) ; alors Laurence ajoute :


« Et toi, pendant neuf ans, mon joli petit chien,

Tu fus le gai soleil des instants quotidiens,

Gracieux comme un lutin.

Je t’ai porté là-bas, dans notre monastère,

Je t’ai bercé longtemps dans le vent de l’été,

Qui croyait avec toi pouvoir encore jouer,

Puis j’ai dû te coucher, souple et doux, dans la terre

Pour la première fois, j’ai dû t’abandonner. »


Parfois Laurence sur son blog écrit des phrases fulgurantes sur son paysage russe, et surtout

sur le ciel. Je ne me suis jamais risqué à décrire le ciel moi (trop peur qu’il me tombe sur la

tête !) ; mais dans l’Arc-en-ciel elle écrit :


« De tous ces plats d’argent renversés sur les champs,

Coule le lait de la lumière qui s’étale,

Et dans les blancs remous de cette gloire pâle,

De scintillants oiseaux montent tourbillonnants.


Au loin, l’ourlet bleui des collines dormantes

Borde de noirs labours et des vignes crispées,

Les nuées soulevées basculent, chancelantes,

De lourdes draperies au nord-ouest épanchées.


Et sous leurs plis violets s’esquisse l’arc-en-ciel… »

C’est très beau, innocent, et cela me mène à mon poème préféré, que je ne commenterai pas :


Pressentiment


« Il est des jours d’été pleins d’automne secret,

Comme au sein d’un beau fruit l’obscur noyau repose.

Leur lumière est plus douce et leur vent est plus frais,

Je ne sais quel mystère imprègne toutes choses.


Sur le ciel trop brûlant passe un voile doré

Qui donne à la nature un fond glorieux d’icône,

Les arbres s’illuminent et les prés desséchés

Font au nimbe solaire un drap de paille jaune.


Et mon cœur s’éclairant, pareil au verre frêle

De la lampe allumée, couvant la jeune flamme,

Laisse monter sereine à timide coups d’ailes,

La lente adoration qui embrase mon âme. »


On a ici un bel héritage de cette culture française qui n’existe pas. Mais pas de

commentaires !


Dans Sainte Rencontre, Laurence écrit sur les astres et la Croix :


« Le vieillard Siméon prit le petit enfant,

Qui portait les étoiles dedans son corps langé,

Et vit dans ce moment jusqu’au fond le passé

Qui monte vers demain sous le flot des instants.


La grande croix du temps qui perce nos destins,

Irradiant nos larmes d’une lumière sans fin,

Instrument de supplice qui jette sur nos vies

L’éclat écartelé qui les réconcilie.


Verticale des siècles dans la mer éternelle,

Astre des jours plongé sous l’écume actuelle,

Qui tremble à la surface de l’océan profond

De l’antique existence au centre des éons. »


Ici on se promène dans le cosmos et à travers le temps.


Dans Croquis sinon Laurence renonce à nos alexandrins et affronte un mètre brutal :


« Ruissellement

Roucoulements

Tout petit chant

Intermittent

File une abeille.

Le grand azur bascule à l’orée des murailles,

Lisses, lents déplacements, très hauts lacis

Des martinets précis.

Le soleil assis sur le toit,

Rêve et balance ses pieds d’or.

L’ombre bleue le boude à l’écart,

Sous les loques lourdes de la pierraille,

Fuyant l’effroyable et douce lumière… »


On arrive à l’acédie, thème qui me préoccupe depuis toujours ; j’en ai parlé dans mon Graal et

dans mon livre sur Cassien. Les moines les premiers ont vécu cette épreuve qui frappe aussi

des chevaliers dont Galehot :


« Mon cœur est sourd

Comme le plomb,

Etanche et lourd

Et sans passion.


Lampe sans feu,

Miroir sans tain

Des vieux chagrins,

Vide de Dieu.

Pourquoi Seigneur

Me laisser choir

Dans ce trou noir

Et sans lueur ? »


Il y a un ton saturnien (le plomb) qui évoque Verlaine bien sûr et le titre même du recueil de

Laurence : A l’ombre de Mars. Les planètes et leurs métaux, une belle alchimie…

Dans Vieil ami on a un ton hugolien, quand la nature parle (cf. Stella : « un vent frais

m’éveilla, je sortis de mon rêve… ») :


« Le vent frais me caresse et sa chanson me suit,

De l’orée de mes jours à leur issue prochaine,

Mon plus fidèle amant me chante la rengaine

Dont jamais ne fut las mon cœur par trop meurtri.


J’écoute autour de moi son verbiage indistinct,

Ses cent chuchotements et ses multiples ailes,

Dans les remous d’azur du glorieux matin

Qui célèbre toujours son enfance éternelle.


Je passerai bientôt, mais son mouvement bleu

Et sa folle oraison ne prendront jamais fin.


Je laisserai sur terre à ses jeux incertains

La trace de mes pas et mes derniers adieux. »


Quel beau chuchotement éolien tout de même. J’ai toujours sinon pensé que trois quatrains

aussi c’est mieux que deux quatrains et deux tercets.


Un dernier texte, le Lac final alors que la patrie trahie s’en est allée :


« Et je me souviendrai, devant l’espace ouvert,

De la mer vivante et douce, des rivages

Où j’allais tout enfant cherchant des coquillages

Dans la tiédeur salée, dans les parfums amers.


Large mer des larmes, ma douce France enfuie

Je m’écarte de toi comme on quitte un tombeau,

Sur nos tendres années implacablement clos,

Gisant silencieux en notre terre trahie. »


SOURCES

Laurence Guillon, à l’ombre de Mars.

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https://www.amazon.fr/Perceval-reine-%C3%A9tudes-litt%C3%A9rature-

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dimanche 20 août 2023

Suaire

 



Je ne suis pas allée à l’église, parce que je suis fatiguée, les séances de station debout prolongées, j’essaie de ne pas en abuser, j’ai mal partout. Et puis à vrai dire, j’ai eu ma petite Transfiguration hier, ma dose d’énergie et d’amour, cela me suffit pour quelques temps. Je pense que Dieu comprend, ainsi que me l’avait dit un jeune prêtre à Vologda : « Dieu n’est pas conformiste. »

J’ai vu Charles Gave discuter avec Arnaud-Aaron Upinsky, un entretien brillant. Upinsky est persuadé que le Suaire de Turin est authentique, et qu’il reflète la Résurrection, car ce n’est pas un faux fabriqué, à moins d’avoir crucifié spécialement quelqu’un pour obtenir l’empreinte que nous avons, et même ainsi, si le linge imprégné de sang avait été ôté par des moyens ordinaires, il se serait produit un arrachement qui n’aurait pas permis une image aussi précise. Enfin je ne vais pas refaire l’histoire des études scientifiques sur le Suaire, mais tout ce que j’ai vu sur la question me paraît extrêmement convaincant, et cela fait longtemps que je m’y intéresse. Arnaud-Aaron Upinsky, esprit éminemment scientifique l’est aussi, et fait toutes sortes de considérations sur ce qui pousse des gens à nier l’évidence, soit par impossibilité d’aller contre leur idéologie, soit par peur d’aller contre les idées admises, d’être exclus de la compagnie des gens sérieux, et il établit le parallèle avec d’autres cas, où les gens s’alignent sur l’opinion officielle, même quand elle est aberrante, même quand elle nous est imposée, comme dans les sectes, par un désir de manipulation. C’est extrêmement intéressant, il démontre ainsi la destruction de la culture et de l’esprit des enfants par l'Education Nationale, à partir des années 60. Il fait débuter le processus de l’introduction des maths modernes, que j’avais très mal vécue, car j’avais eu déjà le plus grand mal à enregistrer des rudiments des maths classiques, quand on m’a définitivement déstabilisée en seconde avec cette innovation, j’avais 0,5 de moyenne en maths, l’année du bac !



Mais la question qui m’est venue à l’esprit, c’est pourquoi, convaincue que je suis de l’authenticité du Suaire, dont l’extraordinaire empreinte ne s’explique pas sans admettre quelque chose qui ressemble à la Résurrection, je n’en suis pas profondément métamorphosée, vibrante de ferveur, brûlante d’amour, pourquoi je manque de patience, d’assiduité, d’humilité, de foi, de confiance etc... Pourquoi je pense à mes pieds et à mon dos quand la consécration met le Christ au milieu de nous, par exemple, et pourquoi j'ai préféré rester chez moi ce matin plutôt que de courir, joyeuse, à l'église, et ainsi de suite. Je connais des chrétiens qui, pour ainsi dire, "ne déplanent pas", selon l'expession hippie de mes jeunes années, et moi, j'aurais plutôt l'impression de décoller rarement.

L’esprit est prompt mais la chair est faible... Pourtant, je sais que la foi travaille en moi comme la levure dans le pain, et que malgré tout, même si la bêtise et l’imposture me mettent encore souvent en fureur, je suis beaucoup plus indulgente que dans ma jeunesse. Et puis j'ai ces moments où, tout à coup, Dieu me rejoint et m'encourage, comme en ce jour de la Transfiguration... C'est comme si on m'allumait le coeur, qui devient chaud et m'éclaire. Charles Gave dit qu'il ne sait pas pourquoi il fait tout ce qu'il fait, que simplement, il a reçu des dons et s'efforce de les transmettre. C'est aussi ce que je ressens. Par moments je me demande pourquoi je me mets tant de choses sur le dos, mais j'agis sans doute comme les oies migrent: j'obéis à une nécessité intérieure qui me dépasse.

 Il est tombé des trombes d’eau, et il fait encore assez chaud, de sorte que les moustiques sont complètement déchaînés, j’en ai rarement vu autant, et de si actifs, surtout en fin d’été...Ils sont petits et teigneux, embusqués dans l'herbe où je cherche mes poires. Il me faudrait tondre, mais d'avoir changé de débroussailleuse me provoque toutes sortes d'emmerdements. La bobine est difficile à changer, il y faut des forces herculéennes, or j'avais bien précisé au vendeur que c'était moi, la vieille, qui tondait chez moi et que je devais pouvoir faire toutes les manipulations sans le secours d'un bonhomme qu'il me faudrait trouver et supplier quinze jours avant qu'il ne se déplace... Mais il n'y a rien de plus obtus que les mecs en la matière, enfin ce genre de mecs, ils n'écoutent même pas ce que je leur raconte, pour eux, ce que je raconte est forcément à côté de la plaque.

samedi 19 août 2023

Transfiguration

 


Je suis tombée sur deux articles de Claude au sujet de l'Eglise ukrainienne:

 ORTHODOXOLOGIE: LE SYNODE ALBANAIS DÉNONCE LA CALOMNIE BLASPHEMATOIRE DU CLERGÉ DE CONSTANTINOPLE

ORTHODOXOLOGIE: Les autorités brisent les portes des bâtiments monastiques de la Laure

Je n'ai pas de mots pour décrire mon écoeurement. Que les créatures des ténèbres à l'origine de ce trou noir infernal s'acharnent sur ce qu'il y subsiste de points lumineux est assez compréhensible, mais que des orthodoxes, des descendants de Russes émigrés parfois illustres, s'associent à ces infâmies et les justifient, cela dépasse toutes mes facultés de compréhension. Je ne reviendrai pas sur le rôle de Constantinople dans ce consternant méfait. Mais j'ai été particulièrement frappée par l'insulte du prélat grec à l'encontre du métropolite Onuphre: "Il a un esprit russe fanatique et égaré". 

C'est intéressant, plus que les considérations déshonorantes et stupides de sites où on le traite de "soviétique", car c'est précisément là ce que tout le monde reproche au métropolite, à son clergé et à ses fidèles, non pas d'être "soviétiques", cela, c'est pour les imbéciles de lecteurs qui se croient toujours dans les années 30 du siècle dernier et cherchent de bonnes raisons de rester aveugles. Mais précisément d'être russe, ce qui signifie "fanatique et égaré", c'est ainsi qu'on voyait déjà les Russes au XVI¨° siècle, et ceux qui, en France, pour juger le métropolite et son Eglise, se réclament de la sainte Russie, la seule, la vraie, celle qui n'existe plus, ont tout faux. Elle existe encore, persécutée et honnie jusques et y compris par ceux qui devraient la défendre et s'associent à des néotrotskystes manipulateurs de néonazis hagards et à des mafieux satanistes pour la traîner dans la boue et la détruire. La sainte Russie, composée des trois Russie orthodoxes, dont certains feignent de croire qu'elles ont toujours été dissociées. Qu'ils aient au moins la décence de ne plus invoquer les saints Russes qui n'ont jamais, pour leur part, pratiqué de fractures dans ce saint corps irrigué par le même Esprit, et qui méritaient autant que le métropolite Onuphre, le qualificatif cité plus haut, lequel est pour moi un vrai compliment, presque un idéal de vie. Seigneur, fais de moi un esprit russe "fanatique et égaré"! 

Je connais des orthodoxes qui ne savent plus quelle église fréquenter en France, où elles ne sont déjà pas si nombreuses. Mais comment prier avec des gens qui s'associent aux carmagnoles de Kiev? Je ne le pourrais pas. J'aime, sans les connaître personnellement, le métropolite Onuphre, le métropolite Paul, le métropolite Luc, le métropolite Longin, le métropolite Arséni, leurs moines, leurs fidèles, ils incarnent tout ce que j'ai aimé dans l'orthodoxie, et plus particulièrement l'orthodoxie russe, "fanatique et égarée", la ferveur, le courage, l'amour, la folie en Christ. Je les aime en Christ, ils me sont proches en Christ. J'ai vu que les soutenait aussi le magnifique patriarche Porphyre de Serbie, un vrai guerrier de Dieu au visage noble et majestueux, un prince de l'orthodoxie. Dans cette histoire, il suffit de comparer les visages des uns avec les faciès des autres pour comprendre qui est qui...

https://spzh.news/en/news/75530-patriarch-of-serbia-congratulates-met-onuphry-on-enthronement-anniversary

J'attends avec confiance le retour de bâton, il ne manquera pas d'arriver. Quand on a l'esprit de Judas, l'entrée du paradis peut être difficile à forcer. Tous ces évènements m'auront au moins fait comprendre ce que c'est qu'une mentalité de traître. Et de qui je me sens profondément solidaire, et pourquoi. 

Je me suis traînée à l'église hier soir et ce matin, c'était la Transfiguration, le 'Sauveur des pommes", le jour où l'on bénit les récoltes. J'avais très mal aux jambes, j'étais très fatiguée, je suis souvent crevée aux changements de saison, et voici l'automne qui arrive. Je n'étais donc pas particulièrement en état de grâce. Et puis me sont venus au coeur tous les miens, morts et vivants, puis ces croyants d'Ukraine, persecutés par ces gnomes et vilipendés par ceux qui devraient les défendre... Je suis arrivée devant le calice les yeux noyés de larmes, et tout à coup, j'ai embrassé dans cet amour plein d'une tristesse impuissante, le père Vassili et sa femme, le jeune sacristain Vania, dont je voyais le pur et gentil visage concentré avec tant de gravité sur l'office qu'il remplissait,  et le vieux sacristain Vitali, Antonina et Valentina, Natacha, le père Andreï qui confessait dans son coin, et toute l'assemblée vers laquelle je retournais, pour prendre un morceau de prosphore et boire un peu de thé. Ma tristesse devenait lumineuse et splendide, elle s'était transfigurée. Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés, et que ceux qui le haïssent fuient devant sa face... 


Comme je nourris les oiseaux l'hiver, mon jardin est plein de tournesols qui ont poussé partout, et dont les têtes échevelées m'enchantent. Elles me rappellent le midi, les champs de ces fleurs dans la plaine de Pierrelatte, et aussi Egon Schiele et Van Gogh... C'est le cadeau des mésanges et des bouvreuils. J'ai déjà observé que des relations mystérieuses s'établissaient entre mon petit domaine et moi. Lorsque je pèle mes tonnes de poires sur la terrasse, je suis environnée d'un nuage de guêpes. Il y a des fruits plein le jardin, mais c'est autour de moi qu'elles viennent tourner, on dirait qu'à la façon des chats et de Rita, elles estiment que ce que je cuisine est meilleur que ce que je leur laisse. Cependant, elles ne me piquent pas. Les moustiques et les taons me gâchent la vie, mais pas les guêpes. 

vendredi 18 août 2023

Adieu l'été

 


Liena m’a passé un coup de fil. Elle a reçu la nationalité russe, revu sa mère, sa famille. Marioupol est en grande partie reconstruite, et on y vit paisiblement. Les gens lui font des récits fantasmagoriques des horreurs de la guerre, et cela ne correspond pas du tout à ce que racontent les médias de grand chemin. Je lui ai parlé d’amis, ex-soutiens du Donbass, qui disent maintenant sur la Russie des conneries qui font honte à lire. «Mais tu sais, me dit-elle, moi aussi j’ai des exemples. J’ai une excellente amie qui soutenait le Donbass depuis le début et qui a complètement viré de bord, elle ne veut même plus me voir. Son frère, qui a toujours soutenu les Ukrainiens, a vu de ses yeux vu, à Marioupol, que c’étaient précisément eux qui les tiraient comme des lapins, et pas les Russes, qui n’étaient pas arrivés, et il l'a dit. Cependant, il soutient toujours le pouvoir de Kiev ».

Cela m’a rappelé les communistes irréprochables dont parle Soljénitsyne et qui, envoyés néanmoins au Goulag, continuaient de professer leur foi dans le Parti et les lendemains qui chantent. Certains conditionnements sont si ancrés dans les cervelles qu’on ne peut anéantir le programme sans détruire le disque dur.

Je suis tombée sur une vidéo de Donbass Insider sur la trafic d’enfants et d’organes, cela va généralement ensemble, quoique les morts et blessés de la guerre soient aussi un vivier pour ce genre de récoltes. Des enfants qui disparaissent au Donbass, j’en entends parler depuis des années, bien avant qu’on retourne l’accusation contre les Russes, qui en ont évacué sur l’arrière pour les mettre à l’abri, souvent avec leurs parents. J’avais commencé à regarder auparavant un documentaire polonais sur cette question affreuse, mais je n’ai pas encore réussi à le voir jusqu’au bout, c’est absolument glaçant. Cette fille enceinte qui envisage sans frémir, en toute connaissance de cause, de vendre son bébé à des gens qui en feront une exploitation pornographique, avant de le sacrifier avec des raffinements de sadisme pour le revendre en pièces détachées... Elle s’en fout, cela ne la concerne pas, elle s’en débarrasse et pourra s’acheter une voiture avec le fric. Je veux dire, même si ce n’était pas son propre enfant, cela serait en soi insoutenable. Mais ce bébé croit innocemment dans le ventre de cette extraterrestre qui lui prépare un destin de cauchemar. Je dis innocemment, mais peut-être ressent-il à qui il a affaire, pauvre gosse... Le journaliste demande à l'un de ces trafiquants s’il ne craint pas la justice divine. « Non, répond-il, Dieu n’existe pas, car s’Il existait, avec ce que j’ai fait, il y a longtemps que je serais mort. »

https://vk.com/away.php?to=https%3A%2F%2Fodysee.com%2F%40donbassinsider%3Ab%2Fconference-ukraine-enleve-enfants-vendre-reseaux-predocriminels-fr-27072023%3A1&post=19879744_14327&cc_key=

http://dondevamos.canalblog.com/archives/2023/08/12/40007105.html#utm_medium=email&utm_source=notification&utm_campaign=dondevamos

Je pense qu’à partir du moment où l’on a permis certaines pratiques au nom de considérations « humaines et raisonnables », on a ouvert la porte aux pires des démons. Je me souviens que la mère Hypandia n’approuvait pas les transplantations d’organes, eh bien quand on voit où celà mène, on se dit qu’il vaut mieux mourir quand c’est l’heure plutôt que de participer à des choses pareilles... Et quand à l’avortement, dont la contestation arrache des cris scandalisés à la plupart des bourgeoises françaises, les « victimes de viol », les « victimes d’inceste » etc... il a habitué tout le monde à considérer l’enfant à naître comme un amas de cellules encombrant, pourquoi ne pas en faire quelque chose de rentable ? Au nom de la science ? Et puis, si l’on découpe un foetus de trois mois pour l’extirper de son nid, pourquoi pas un enfant prêt à naître ou un enfant déjà né ? Du reste, la créature du documentaire le dit, à un moment, c'est un amas de cellules, quand on est si petit, on ne souffre pas...

Un ami me fait part de son indignation devant la mise à mort de l’Eglise ukrainienne, la persécution de ses dignes hiérarques et de ses croyants fervents, la mise-à-sac de la Laure de Kiev, et l’exhibition au Louvre de ses icônes profanées. Et tout cela sous les applaudissements enthousiastes des soutiens orthodoxes, parfois d’origine russe, des néo trotskistes nazisionistes, trop heureux de finir le travail bâclé de la révolution bolchevique, et de tordre le cou à ce qu’il reste de la sainte Russie. En effet, au vu de tout cela, on se demande ce qu’attend le feu du Ciel, car nous avons depuis un bon moment outrepassé Sodome et Gomorrhe... cependant, justement, on nous a prédit l’abomination de la désolation, pour les derniers temps, il faut peut-être s’y préparer, je dois dire que j’ai du mal. Et d’autre part, il se peut que la justice immanente se fasse l’instrument de la justice divine, c’est souvent le cas.

L’été prend fin aujourd’hui, dans un prélude pluvieux à un refroidissement progressif.  Je suis allée hier nager dans la merveilleuse rivière Troubej. Je descends au fil de l’eau, en brasse, pour contempler ce qui m’entoure, et jouir du silence et de ses sons discrets. Puis je remonte en dos crawlé, pour détendre ma colonne vertébrale et mes muscles atrophiés. Alors défilent au dessus de moi de blancs nuages sur un ciel d’azur, et les feuillages écumants des saules qui moussent et s'écartent dans la lumière. Ce ne sont pas seulement toutes les fibres de mon corps qui se relâchent, mais aussi tous les noeuds de mon âme qui se défont.

Soudain, j’ai vu une nageuse blonde, et arrivant à son niveau, me suis exclamée, surprise : « Katia ! » Pereslavl est une ville où même quand on va nager dans un endroit désert, on croise quelqu’un que l’on connaît !

Je me remets à dessiner, j’ai essayé de le faire au bord de la rivière, mais comme j’étais à l’ombre sous le couvert des arbres, je me suis fait dévorer par les moustiques, bien que théoriquement, au mois d’août, ils soient censés nous foutre la paix. Je n’ai donc pas tenu longtemps. Et chez moi, c’était pareil. Seule la terrasse reste fréquentable, car il y a de l’air, et du soleil, ils aiment l’ombre et la vapeur immobile. Des hordes de choucas se jettent sur mes poires, ils me regardent avec inquiétude, malgré leur apparence patibulaire, mais il y a largement assez de fruits pour eux et pour moi, ils s’attaquent d’ailleurs aux plus mûrs, qui sont aussi les plus inacessibles, sur les branches du sommet. Je pense au célèbre tableau, emblème du printemps russe « les freux sont arrivés », où l’on voit un bouleau encore dénudé couvert de ces oiseaux noirs. Je pourrais faire un pendant à cette oeuvre : « Les choucas se préparent à partir ! »

Inachevé, pour cause de moustiques...

 

De l’été, c’est le dernier jour,

Limpide et doux comme le miel,

Comme les mots de bel amour

Qu’on adresse au Coeur éternel.

 

L’air est suave et déjà léger

Folâtre, enfantin, lumineux,

Il nous vient de ta bouche, ô Dieu,

Qui respire en tout ce qui est.

 

Au fil fugace des flots verts

Glisse mon corps régénéré,

Sous les nuages à l’envers,

Les vagues des saules grisés.

 

L’eau d’or tour à tour tiède et fraîche

Apporte les fragments perdus,

Cassés, froissés et puis fondus

Du ciel d’azur aux berges rèches...

lundi 14 août 2023

Mondanités estivales

 

Rita, au café, surveille mon porte-monnaie...

Je suis très fatiguée, au point que je ne peux rien faire,j'ai le dynamisme d'une méduse échouée. Génia Kolessov m’a dit que lui aussi, par temps orageux, n’était plus bon à rien. Nous sommes climatodépendants et ici, le climat, c’est quelque chose... 

Vendredi soir, la belle-fille du Français Jean-Pierre, Taïssia, donnait un concert au bar du café. Elle chante, avec une  voix magnifique, des chants populaires, accompagnée par deux violoncellistes. Son interprétation est très personnelle, et quand elle nous invitait à chanter avec elle, ce n’était guère facile, il est possible qu’il en soit de même pour moi, du reste. Quand on chante en solo, c’est le problème, le folklore se chante surtout en groupe. Mais c’était très beau, et cela fait connaître des chants et une culture que les gens ont tendance à oublier, dans laquelle trop souvent ils n’ont pas été élevés. Ils découvrent ou redécouvrent cette quintessence de l'âme russe qui m'a si profondément envoûtée et qui nous vient de si loin, peut-être de notre origine commune. 



Samedi, j’avais le festival des gens heureux de Boris Akimov, où je ne me produisais pas, et heureusement, car un orage se promenait entre Pereslavl et Moscou, et j’étais l’ombre de moi-même. J’avais mal à la tête depuis déjà trois jours. Je voulais voir Ania Ossipova et ses merveilleuses réalisations dans le style traditionnel. Quand je suis arrivée, il était encore tôt, mais elle avait déjà beaucoup vendu. J’en étais très heureuse pour elle, son mari était très fier. Son équipière ne semblait pas vendre autant, mais elle fait exclusivement des matriochkas, on n’a pas toujours besoin d’une matriochka... Elles sont simples, dans la tradition des matriochkas authentiques, telles qu’on les faisait autrefois, mais bien sûr, il s’est trouvé des gens pour lui reprocher de ne pas leur faire de gos yeux avec de grands cils, façon Disney, et de ne pas les barioler d’or et de toutes sortes de couleurs clinquantes, en accord avec les barrières en profnastyl rouge pétard, les portails en faux fer forgé doré doublé de plastique jaunasse et autres horreurs dont se délecte le malheureux produit de la modernité post-soviétique... 



Taïssia devait se produire à cette fête, mais j’étais trop fatiguée pour l’attendre, et je l'avais déjà écoutée au bar. Il y avait un autre groupe, je ne l’ai pas attendu non plus, mais le lendemain, Katia m’a invitée à venir l’entendre dans le foyer de l’église du Signe, où elle chante le dimanche. J’y suis allée, pour Katia et parce que l’évêque y était aussi, mais je pressentais que cela n’allait pas trop me plaire, et en effet, cela ne m’a pas plu, je me suis emmerdée comme un rat mort. Deux dames à mes côtés partageaient mon point de vue. Les musiciens avaient de bonnes bouilles, la soliste ne chantait pas mal, les guitaristes jouaient correctement, mais c’était ennuyeux comme la pluie, cela me rappelait la variété américanoïde des années 60 avec des toutoubidou et des chababadada, quelque chose qui ne ressemble ni aux Russes, ni aux Français, ni peut-être même aux Américains, en fin de compte. Dans le genre contemporain j’aime mieux Dania le balalaïker, même si je ne raffole pas toujours de son répertoire, il se donne tellement, il a tellement de tempérament, qu’on est pris malgré soi, il fait de ces emprunts quelque chose de complètement personnel. Ou bien le country de Jason, qui sent le tabac, la bière, le café et le vent du petit matin qui vous dissuade, par sa fraîcheur, d'aller vous tirer une balle dans le crâne au réveil. J'observais avec surprise que l’assistance appréciait énormément, à part mes voisines et une amie de Katia. Du coup, la chanteuse était intarissable, il n’y avait plus moyen de l’arrêter.

Après le thé en commun, Katia a proposé d’aller au restaurant « le Hérisson repu » où, pour une fois, il y avait de la place, avec son amie. Elle nous a confié son désir d’écrire, elle tient un journal depuis des années, mais cela lui fait peur, car elle voudrait « vivre et aimer ». J’ai connu cela, je ne vivais pas, je n’aimais pas, et je n’écrivais pas non plus, à part, comme elle, un journal. « Ecrivez, lui dis-je, le reste viendra en plus... et s'il ne vient pas, au moins vous aurez écrit.»

Son père, écrivain connu, lui disait qu’écrire était une sorte de strip-tease psychologique et spirituel, que si l’on avait peur de dénuder et exposer son âme, ce n’était pas la peine de s’y mettre. Je pense qu’il a raison, et c’est effrayant, en soi, car cela se produit à notre insu. Certains qui n’ont pas grand chose à montrer de ce côté-là, dénudent leur vide, et nous entretiennent de cela avec beaucoup de complaisance. Ils en rajoutent d'ailleurs souvent dans l'exhibitionnisme. 

Submergée par les poires, j'essaie de faire face, je les fais sécher, je congèle des compotes, des clafoutis, je fais des confitures, et il y en a toujours autant, le malheureux poirier croule et se brise de tous les côtés. Ce soir, le père Vassili est venu avec sa femme et leurs nombreux enfants, ils en ont emporté trois cageots pleins. Le plus petit, depuis sa poussette, me souriait en mangeant la récolte. La matouchka me parlait de son Kouban méridional où pousse tout ce qui pousse en France, les abricotiers, les pêchers, les cerisiers, les noix, la vigne... cela sentait déjà tellement l'automne, malgré la tiédeur, rafraîchie par le vent du soir.

     


lundi 7 août 2023

L'été sur le tard

 Il fait soudain très chaud, mais l'automne russe, c'est dans trois semaines, le 1° septembre, des feuilles jaunissent et rougissent déjà. Je suis allée me baigner dans la rivière Troubej, mais en amont de la ville, dans un quartier resté très pittoresque. J'étais absolument seule, et je glissais dans une eau très fraîche, bordée de ravissantes plantes aquatiques, et traversée de reflets dorés et bleus, sous de gros nuages blancs chaotiques qui roulaient au dessus des saules brillants et gonflés comme des mongolfières prêtes a appareiller. Un canard solitaire prenait le soleil sur un ponton. J'ai fait un dessin, dans le fil du vent matinal. Et je remerciais Dieu, pour l'eau, les nuages et les saules, le canard et les libellules. 

Puis je me suis occupée de mon jardin, des framboises qui s'abîment si vite. Les poires commencent à dégringoler, je n'ai jamais vu une telle récolte se profiler, d'ailleurs, une grosse branche de mon arbre a craqué sous le poids, ce qui me désole.

A la liturgie, une famille inconnue m'a abordée en français. Le grand-père, qui m'avait paru typiquement russe, était aussi français que moi et se prénommait Jean-Pierre, tous les autres, sa femme, sa belle-fille, qui joue de la vielle-à-roue, et ses enfants, étaient russes. Nous sommes allés prendre le petit-déjeuner au café Montpensier, où je n'allais plus depuis qu'on avait refusé Rita que jusque là, on gâtait de toutes les manières. Mais le big boss de l'établissement a dû se calmer, Rita a été admise sans problèmes. En réalité, j'avais entendu parler de ce Jean-Pierre par le prêtre d'une église de campagne que j'avais visitée. C'est un monsieur charmant. Un prêtre qui était autrefois en poste à Cannes avec le père Antoni, le père Maxime, lui avait dit: "Comment? Vous ne connaissez pas Laurence?' Et il avait décidé qu'il allait faire ma connaissance. Il a découvert l'orthodoxie en se mariant, et il s'est fait baptiser, ce qu'il n'était pas jusqu'alors. Lorsque nous nous sommes quittés, il m'a couverte de signes de croix, comme un vrai Russe.

Je devais participer avec les cosaques au tournage de l'émission "Joue, mon accordéon", qui se faisait, ce dimanche après-midi torride, dans le "parc estival". J'aurais bien préféré rester au frais sur ma terrasse, mais je m'étais mis dans la tête que les cosaques seraient contents de présenter parmi eux une Française russophile qui chantait du folklore, je me faisais un devoir de soutenir la cause, d'autant plus que je rate souvent leurs réunions, la seule chose que je fais régulièrement toutes les semaines, c'est d'aller à l'église le dimanche matin. De plus, comme les chats avaient pissé dans ma seule paire de chaussures d'été présentable, j'avais mis des baskets blanches dans lesquelles je transpirais terriblement. 

A mon arrivée, pas de cosaques, et même pas beaucoup de monde. Puis j'ai vu Liocha et son tambour, quelques jeunes filles, et l'oncla Slava, avec son accordéon. Sur scène, se produisait une brochette de grand-mères, dirrigées par une vieille extatique, qui faisaient de l'imitation de l'ensemble Beriozka imitant le folklore, dans les années soviétiques. Oncle Slava me dit: "Tu es venue avec tes gousli?

- Oui, nous allons bien chanter?

- Oui, mais tu comprends, "Joue mon accordéon", c'est uniquement de l'accordéon, mais je vais demander si on veut bien te faire passer...

- Oh non, Slava, si je ne suis pas nécessaire, je préfère rentrer, j'ai très chaud et mal aux pieds, et je ne suis pas toute jeune...

- Bon, alors, oui sans doute il vaut mieux."

J'ai regagné ma terrasse avec bonheur, enlevé mes chaussures, savouré à l'ombre le peu d'air qui circulait, en pensant au midi de la France, où il peut faire 35 ou 40 à cette époque de l'année, finalement, me disais-je, tout est bien... En réalité, j'ai vu cette émission je ne sais combien de fois, quand j'étais en poste à Moscou, et je suis bien certaine qu'on n'aurait pas trouvé à y redire, peut-être même au contraire. C'est souvent kitsch au possible, mais à priori, tout ce qui est folklorique de près ou de loin y a sa place, une Française avec des gousli d'autant plus. Mais si Slava n'y tenait pas, je n'avais rien à y faire... J'aurais fait le pied de grue des heures, dans mes baskets trempées, en écoutant tout ce malheureux folklore russe dénaturé, c'est bien de moi d'aller toujours me créer des obligations qui n'ont pas lieu d'être! Une bonne leçon, que je n'oublierai pas! Les cimetières sont pleins de gens qui se croyaient indispensables.

Aujourd'hui, j'ai vu une artiste-peintre, qui avait séjourné chez moi un été, et qui m'a invitée à prendre le thé. Elle loue un appartement ici, que j'ai trouvé très bien, mais la propriétaire est odieuse, et lui parle comme à un chien, bien qu'elle paye régulièrement le loyer. Ici, le locataire n'a pratiquement aucun droit. Elle m'a raconté que les places de cimetière à Moscou étant rares et chères, on lui contestait la tombe de ses ancêtres, pour récupérer la concession et faire du fric avec. Elle devait aller s'occuper de cette affaire pénible, d'après elle, les gens qui dirigent l'endroit sont de vrais truands, et elle n'est pas trop armée pour les affronter. Elle m'a dit aussi qu'il y a deux jours, quand je me baignais en amont de tout cela, il y avait eu une catastrophe écologique au lac, une rivière empoisonnée, les poissons tués par centaines, la baignade interdite. Mais elle ne savait pas la cause de cet événement sinistre. Après avoir défiguré toute la ville, si maintenant on pollue le lac, je me demande comment on attirera les touristes dont tout le monde dit se préoccupper si fort... Cette nouvelle m'a consternée, la bêtise du triste produit qu'a enfanté la philosophie matérialiste du progrès exponentiel ne cesse de m'affliger et de m'indigner. 


Sur vkontakte, quelqu'un a mis une citation de Victor Hugo, issue de son roman Quantre-vingt-treize, qui m'est allée droit au coeur: ❝ La nature est impitoyable ; elle ne consent pas à retirer ses fleurs, ses musiques, ses parfums et ses rayons devant l’abomination humaine ; elle accable l’homme du contraste de la beauté divine avec la laideur sociale ; elle ne lui fait grâce ni d’une aile de papillon ni d’un chant d’oiseau ; il faut qu’en plein meurtre, en pleine vengeance, en pleine barbarie, il subisse le regard des choses sacrées ; il ne peut se soustraire à l’immense reproche de la douceur universelle et à l’implacable sérénité de l’azur. Il faut que la difformité des lois humaines se montre toute nue au milieu de l’éblouissement éternel. L’homme brise et broie, l’homme stérilise, l’homme tue ; l’été reste l’été, le lys reste le lys, l’astre reste l’astre.❞





Morceaux épars de lumière blanche

Qui flottent bleutés sur l’azur,

A la recherche d’avalanches,

Croulant aux pieds du ciel trop pur,

 

Sous les oiseaux pressés qui passent,

En jetant des ombres blessées,

Sur le jardin vert où se lassent

Des fleurs déjà presque fanées,

 

De quel corps céleste êtes-vous

Le rêve ou le lointain projet,

De quel esprit les songes doux,

Les jeux confus ou les secrets ?

 

Que médite le Créateur

Au ventre lourd de l’univers,

Brassant des astres les ardeurs

Dans le lait bleu des fleuves d’air ?

 

Où m’emmènent ses mains fermées

Sur l’effroi de mon coeur marri,

Qu’il emporte au sein des nuées,

Toujours palpitant et surpris ?

 

Comme un papillon chamarré,

Dérobé par l’enfant ravi,

Comme un passereau capturé,

Que le vent fit tomber du nid...

 

Aura-t-il de moi compassion

Quand au fil de l’éternité,

Je plongerai dans les éons,

De son oeil d’or sur moi fixé ?

 


samedi 5 août 2023

Féodaux


Aller et retour à Moscou pour rencontrer Slobodan Despot, de passage avec sa femme Ioulia. A l'aller, j'ai mis deux heures pour faire 20 km: un accident. Au retour, bouchons, et un terrible orage, je n'y voyais plus à trois mètres. 7 heures de route en tout pour aller dans un restaurant serbe avec Slobodan! La fréquence des accidents est hallucinante, mais quand on voit comment on conduit... agressivement, impudemment, imprudemment. Avec une gossièreté et une inconscience totales. Même les routiers, autrefois sympas, deviennent de vrais malotrus stupides. 
Le restaurant était excellent, le Serbe de service ravi de servir un compatriote, et galant avec les vieilles dames. Nous avons évoqué les transformations de gens supposés normaux en rhinocéros barrissants et bondissants, que nous avons pu observer ces derniers temps autour de nous, et les raisons possibles de cet état de fait. Je lui ai parlé de la fac, où tout était en germe. "J'avais tellement horreur d'y aller, lui dis-je, que je traversais tout Paris pour cela, mais avant de monter dans le bus, je prenais un café à la porte de Vincennes pour me donner du courage...
- Et vous loupiez ainsi l'heure des cours, oui, j'ai beaucoup pratiqué cela moi-même!"
J'avais bu deux coups de raki, du raki aux coings et du raki aux abricots, cela me rendait prolixe... Je lui ai même raconté mon pèlerinage en Serbie, avec mon amie Béatrix, en 1972...
Ensuite, nous sommes allés chez Dany et Iouri prendre le thé et retrouver Ioulia qui nous y rejoignit plus tard. Un ami de Iouri nous a tracé un tableau consternant de la Russie, j'avais l'impression de l'entendre décrire la France, le féodalisme mafieux de l'appareil d'état, la destruction de la culture, de l'école, de l'hôpital... A vrai dire, je le comprenais assez mal, d'une part parce que je tombais de sommeil, et d'autre part parce qu'il n'articulait pas bien. "Cependant, s'exclame Iouri en riant et en conclusion, nous n'en sommes pas moins beaucoup plus libres que là bas, et notre société est beaucoup plus vivante! Peut-être l'habitude de la zone, nous avons développé des techniques pour vivre quand même!"
Le père Valentin m'a dit: "L'Occident est très hostile à la Russie, c'est un fait désormais complètement avéré. Il nous déteste, et déteste notre gouvernement. Tout gouvernement que déteste l'occident n'est forcément, pour nous, pas si mauvais qu'on le pense." 
Périodiquement, quand je lis les inquiétudes dont font part certains blogueurs que je respecte, par exemple Karine Bechet Golovko, je suis moi-même perturbée. On la critique dans ces moments-là, mais je trouve sain qu'elle pose et se pose des questions. Cependant, il y a des choses que je peux dire avec certitude. Du côté occidental, j'ai l'impression d'avoir affaire à des mutants, à des extraterrestres, à une nuisance d'une forme inédite, qui prend, dans le droit fil de notre catastrophe anthropologique majeure, une apparence idéologique pour tromper ses victimes, bien que ces prétextes soient de plus en plus suspects, aberrants, hideux et difficiles à avaler, même pour les plus décérébrés. Du côté russe, nous avons quelque chose de russe, et même de médiéval, dont on a déjà vu l'équivalent au temps d'Ivan le Terrible ou de Boris Godounov, on peut tomber dans la basse politique, mais on garde quand même relativement le sens de l'Etat et tout simplement, du bon sens, du sens commun. Ce ne sont pas des anges, mais nous restons dans un registre humain historique et connu. Qui plus est, ces féodaux, issus de l'appareil communiste; se fichent éperdument de ce que nous pensons, disons et faisons, pourvu qu'on ne se mette pas sur leur chemin.
Je lui ai parlé ensuite de la campagne de calomnies que menait certain site orthodoxe français contre l'Eglise ukrainienne, afin de justifier les persécutions auxquelles son créateur et ses lecteurs s'associent de fait. Cela me soulève tellement le coeur que je ne peux même plus commenter. J'ai écrit une fois que l'on atteignait là des abîmes d'ignominie, que l'on s'assimilait ainsi aux groins de cochons qui grouillent autour du Christ au Sanhédrin, sur les tableaux de la Renaissance, et il n'y a rien d'autre à ajouter. Ces gens-là vont à l'église et récitent des prières, c'est absolument vertigineux, quand on y pense... Mais bon, sur les fresques du Jugement dernier, on voit nombre de chrétiens et de gens d'église sombrer dans la géhenne... Le grand inquisiteur de Dostoievski n'est ni bouddhiste ni musulman, il est vrai qu'au moins, il n'est pas orthodoxe, mais aujourd'hui, tout devient possible.
Quand je les entends sussurer, façon faux-cul, que "le métropolite Epiphane déplore le refus de tout dialogue de la part du métropolite Onuphre"... Quel orthodoxe normal ne ferait pas la différence entre un véritable métropolite spirituel, et persécuté, et un personnage infréquentable, ordonné par un excommunié aux moeurs bizarres, propulsé par un patriarche aux ordres de la CIA, et avide de nuire au patriarche russe par rancune personnelle? Quel dialogue pourrait mener le métropolite Onuphre avec cette marionnette suffisante? Peut-être que saint Tikhon aurait dû dialoguer avec le traître à la tête de "l'Eglise rénovée" en 1918?
Au point où l'on en est arrivé, on ne peut que se détourner en secouant sur ces créatures des ténèbres la poussière de ses sandales...
Dans la foulée, je suis allée, mes sandales à la main, écouter Boris Akimov, interviewé par Katia au bar du café français. Boris Akimov est un businessman orthodoxe devenu gentleman farmer dans le village où ses parents avaient leur datcha, près de Pereslavl. Il parle beaucoup, avec des tas de digressions, j'avais un peu de mal à suivre. Il a écrit un livre où il fait des propositions pour une heureuse transformation de la Russie à l'horizon 2062. D'après ce que j'ai compris, sa vision des choses s'apparente à celle de Soljénitsyne dans son livre "Comment reconstruire notre Russie?" et n'est pas sans rappeler non plus certains courants français à la Louis Fouché, à la différence que Boris Akimov ne croit absolument pas à la politique. Il appelle de ses voeux une "monarchie populaire" qui nous débarrasserait du souci de ce genre de choses et nous permettrait à tous d'agir sur le plan local. Il citait en exemple une ville moyenne qui, avant la révolution, s'était dotée elle-même de toutes sortes d'infrastructures, grâce au zemstvo local et à ses marchands entreprenants. Devant le désastre de l'administration de la ville de Pereslavl, il espère qu'il sera possible de créer peu à peu une gestion locale autonome et sensée. Il a fondé l'association des "gens heureux" qui rassemble tous ceux qui font et transmettent quelque chose d'utile, artisans, paysans, commerçants mais aussi écrivains, artistes, musiciens. Il est aussi à l'origine de la participation locale au festival "Tom Sawyer Feast" qui consiste à rassembler des bénévoles pour repeindre de vieilles maisons traditionnelles, afin de rendre à Pereslavl un peu de sa poésie perdue, et d'attirer l'attention des habitants sur le massacre culturel en voie d'achèvement. Et de fait, cela marche, les volontaires sont de plus en plus nombreux et j'ai lu le commentaire d'une jeune fille qui se félicitait que sa génération fût moins indifférente que les précédentes à son patrimoine culturel.
J'adhère plutôt à sa vision, car je ne crois pas que la plupart des gens soient aptes à faire de la politique et à la comprendre, moi la première. Les gentils français qui nous verraient tous dans une sorte de vraie démocratie participative dont tout le monde serait acteur concerné et conscient ne se rendent pas compte de la difficulté de mettre cela en pratique. Si je suis monarchiste, c'est bien parce que depuis longtemps, j'ai réalisé que la démocratie était un mythe qui menait à la ploutocratie, au totalitarisme et à l'avilissement général. La politique m'a toujours emmerdée et dégoûtée, je ne m'en occupe que dans la mesure où elle présente un danger pour moi et pour tout ce qui a de la valeur et du sens à mes yeux. Et je ne procède que par intuition, parce que je n'ai certainement pas le temps ni la structure d'esprit pour explorer des milliers d'informations et les analyser. Déjà, tout ce qui est économique me passe loin au dessus du bonnet. Le système des partis est d'abord un leurre, ensuite un ferment perpétuel de discorde, et dans le contexte où nous sommes, celui qui arrive au pouvoir est forcément une espèce de prostituée qui a raconté n'importe quoi pour séduire les foules et satisfaire clients et commanditaires. Je me souviens d'un jeune Gilet Jaune proclamant: "Macron, c'est finalement moi qui le paie, c'est ma pute". L'ennui, c'est que si c'est bien nous qui le payons, il est la pute de quelqu'un d'autre, qui contrôle les flux d'argent et les détourne. Mais sur le plan local, et dans les domaines où nous avons des savoir-faire, nous pouvons tous agir, avec du bon sens et de la bonne volonté. Pour l'instant, nos "féodaux" laissent faire.

Boris Akimov