Je me suis résolue à envoyer mon livre aux éditions du Net. J’ai cherché vainement une répétition
que j’avais cru voir et qui ressortira trop tard, mais il faut mettre un terme aux corrections un jour ou l'autre.... J'ai préféré ne pas passer par l'affreux circuit des envois aux différents éditeurs de prestige et garder le contrôle de ce que j'avais fait. Mon livre sera immatriculé à la BN. Je n’écris
pas vraiment pour la postérité, car de postérité nous n’auront sans doute pas,
et je pressens que le français sera bientôt une langue morte. Mais bon,
j’aimerais que le livre parvînt à ceux qu’il peut enchanter et même, qui sait, éclairer. En attendant une traduction russe.
Il faut qu’il soit accepté, c’est-à-dire qu’on vérifie si c’est
publiable. Pour avoir la photo du tableau de Vaznetsov sur la couverture, je
dois payer 100 euros de droits à la galerie Tretiakov. En ce moment, je suis fauchée,
d’autant plus que je dois payer le garde-meubles et qu’il est beaucoup plus
cher que je ne le pensais. J’en ai pour 1500 euros. Et cela fait six mois que traînent toutes les procédures.
En fin
d’après-midi, je suis allée me promener avec Rosie et Rita, Rita n’aime pas
beaucoup marcher, plus qu’avant, mais c’est une chochotte. J’ai dû la porter
dans son sac. Je me suis aventurée dans le marécage que je traverse en hiver
pour rejoindre le lac, il est impraticable, j’ai rebroussé chemin, mais
rencontré des fleurs desséchées, qui
avaient une étrange présence, avec leur toupet d’étoiles blanches sur leurs
longs corp filiformes, des êtres muets, momifiés dans l’atmosphère
grise, humide et d’une intimidante immobilité.
J’ai
pris un autre chemin et ne l’ai pas regretté. Il m’a menée jusqu’au lac, à
travers une clairière brune, hantée par ces fleurs très communes qui sont
jaunes en août, mais affichaient maintenant d’écumeux plumeaux beige. Comme aurait dit la chevrière Nadia,
le Seigneur m’avait préparé un miracle de plus : sur le lac, cette
mystérieuse déchirure dorée, cette descente de lumière sous les ténèbres des
nuages, cheminement doré de célestes présences, et au foyer des branches nues, le feu silencieux du soleil.
Rosie
était très contente, allait, venait, chassait. J’étais remplie de beauté comme
une orange de lumière, mais j’avais mal partout. Je priais, pour les miens et
tout un tas de gens, pour le père Barsanuphe, et pour le métropolite Onuphre,
pour la sainte Russie, dont je suis heureuse de partager le destin ultime, la sainte Russie, la Russie des saints, que nul démon ne saurait vraiment diviser. Sur la crête, la chapelle qui marque l’emplacement du
monastère disparu me faisait presque discerner son fantôme, et je me souvenais
de ce que m’avait dit le père Constantin, que toute cette beauté et cette
sainteté étaient dans la mémoire de Dieu, et que nous les retrouverions
intactes, quand les gnomes à l’œuvre partout auraient fini leur affreux travail
de destruction. Une idée qui m’était venue également, ce n’est sans doute pas
un hasard si nous avons eu la même : c’est la réalité. Nous retrouverons
Alexandre Nevski et ses preux, et tous les Russes d’autrefois, et tout ce qu’ils
avaient construit avec amour et que l’on a saccagé avec tant de méchanceté.
Nous retrouverons le tsar Nicolas et ses enfants, c’est lui, le tsar éternel de
la sainte Russie, le tsar idéal, la miraculeuse fleur ensanglantée d’une
dynastie pécheresse, à la tête de la grande procession des siècles..
Sur le chemin du retour, une odeur de feu de bois m'a tout à coup rappelé la haute Ardèche, quand je la visitais avec Pedro, mon beau-père, et maman. J'en suis loin, de la haute Ardèche. Géographiquement. Mais sur un autre plan, peut-être pas tant que cela: deux terres mystiques pleines de nuées et de reflets, froides, sévères, exaltantes, rudes, lumineuses...
La
lune est pleine, et les étoiles sont visibles, car nous avons des nuits claires
comme de l’eau de roche, et un lampadaire cassé, ce qui permet de les voir
presque aussi nettement qu’à Cavillargues…
Gloire
à Dieu : je suis dans la même église que le métropolite Onuphre, qui a été
placé là où il est comme un étendard. Pour nous faire signe, dans la confusion.
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