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samedi 3 octobre 2020

Le retour de la mascarade

 


Le 1° novembre, je fais une expo ici, à Pereslavl. J'ai donné des aquarelles à encadrer, plutôt anciennes, car j'ai peu dessiné depuis que je suis ici, et beaucoup écrit. Le peintre qui fait les encadrements m'a bien encouragée. Le beau temps m'incite à rester dehors, et du coup, je me remets à dessiner, mais en ce moment, j'utilise plutôt les crayons de couleurs. J'ai dessiné les maisons d'en face, car je sais qu'on va construire derrière, et que cela me gâchera sans doute tout le point de vue. Tel que je connais le mauvais goût triomphant qui sévit, je serais étonnée qu'on fît des maisons de proportions raisonnables et équilibrées. 

Aujourd'hui, je suis même allée dessiner sur le "val", c'est peut-être le seul endroit qui garde de jolies vues sur les églises du centre et la rivière. 

Je suis effrayée par le saccage systématique de toutes les vieilles villes provinciales. Il y a la cupidité et la connerie, mais pas seulement, comme l'a démontré cet échange que j'ai traduit entre deux personnalités qui exposent leur affreux programme et leur détestation des "merdes tsaristes" et de tout ce qui peut servir de terreau aux "conservateurs" (en France, on dirait les réacs)  et à la "plèbe". J'ai vu une photo de Nijni-Novgorod qui m'avait émerveillée: un massacre. Les oeuvres de Tatiana Mavrina, ces belles représentations de Serguiev-Possad dans les années 40, 50, 60 m'ont révélé qu'alors, malgré le stalinisme et le soviétisme, la Russie restait encore elle-même, en province. Je veux dire l'architecture n'avait pas encore trop souffert, et peut-être même les moeurs, car malgré la dictature, on sent que cette ville poétique et ravissante grouillait d'une vie capricieuse, nonchalante, anarchique, en un mot, russe. Un peu ce que j'avais encore trouvé à Pereslavl en 1999. Des gosses jouaient, faisaient de la luge et du patin à glace, on voyait passer des charrettes à chevaux, des chèvres et des vaches, des chiens et des chats, des poules et des oies, des amoureux, des grands-mères, des noces, des accordéonistes, et même des moines et des pèlerins. Maintenant, à l'exception du monastère, c'est une ville affreuse, banale, bruyante où il n'y a plus aucune vie spontanée apparente.

On avait réussi à arrêter le projet de construction des berges du lac, qui saccagera un parc national et sera, outre un désastre culturel, la mort écologique du lac déjà bien malmené. Mais les squales ne connaissent pas de repos, et apparemment, la municipalité est en train d'essayer de tourner l'interdiction. Le problème est que la lie de l'humanité ayant pris le dessus partout, elle se fout éperdument de toutes les valeurs humaines, spirituelles et culturelles et plus encore de notre opinion. Dernièrement, j'ai vu qu'un truand épais originaire d'Azerbaidjan avait mis la main sur la résidence moscovite du tsar Nicolas II et de sa famille, et la massacrait méthodiquement , avec son horrible goût de parvenu. J'ai vu sa gueule. La mettre en parallèle avec les visages de la famille impériale offre un raccourci saisissant de ce qui nous est arrivé en 100 ans à tous. Il y a de quoi pleurer à chaudes larmes.

Je regrette de plus en plus de ne pas être allée plus loin, j'ai manqué d'audace. Je pense aux personnages russes de mon dernier roman, et à leur communauté dans le nord, où ils finissent par oublier le monde extérieur. Ou bien aux vieux-croyants. Où aller, pour avoir la paix? Sans doute dans l'autre monde.

Sur les conseils de deux génies de l'informatique, je suis retournée au magasin où j'avais acheté l'ordinateur que le gamin a plongé dans les ténèbres. D'après leur consultation sur Skype, cela ne devrait pas être irrémédiable et je devrais au moins pouvoir récupérer mes dossiers. Mais ils n'ont pas de service après vente.... ils m'ont donné l'adresse d'un établissement qui fait tout cela. J'ai erré dans le quartier sans pouvoir le trouver, personne n'a pu me renseigner vraiment, ce doit être une officine logée dans une cave et connue des initiés.

Du coup, je suis allée jusqu'au supermarché Magnit faire quelques courses, et j'ai constaté que la propagande télévisuelle et l'agitation de Sobianine à Moscou faisaient ressurgir les masques. On a dû tancer le personnel du magasin pour animaux, car on m'a obligée à mettre un machin distribué d'office, une espèce de vague sopalin avec deux trous pour les oreilles, je suis profondément convaincue que le masque médical qui nous prévient sur l'emballage qu'il ne sert à rien ne sert effectivement à rien, mais alors le bout de papier Q avec deux trous pour les oreilles, laissez moi rire....

Cela m'a inquiétée. Je sais que tout cela prend moins bien qu'en France où les gens sont complètement hypnotisés, mais quand même, la manipulation est si énorme, si générale, le personnel politique et médiatique si pourri, qu'on se demande parfois ce que vont devenir les gens normaux. Je projetais d'aller à Moscou pour la fête votive de la paroisse du père Valentin, mais j'ai peur que  Sobianine ne bloque tout d'ici là et son intention est de consigner les vieux à la maison, comme je ne suis manifestement pas un perdreau de l'année, je risque de me faire arrêter dans la rue?

Dans quelles horribles mains sommes-nous donc tombés depuis que nous avons tué notre roi et notre tsar? 




 

 

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