Cinq petits degrés, vent et pluie. Nous avons visité le kremlin de Rostov. La salle des icônes était fermée, impossible de les voir. Nous avons suivi le chemin de ronde qui nous menait d'église en église autour de cet endroit féérique, et sera bientôt fermé pour l'hiver. Nil regrettait que le café français ne fût pas à Rostov, mais Pereslavl aussi était féérique, avant que son administration et ses habitants ne l'eussent saccégé à ce point, et il n'est pas dit que le même destin ne menace pas Rostov.
Les fresques sont si profuses que l'on peut difficilement tout regarder. C'est un grouillement de scènes bibliques ou évangéliques, de saints, d'auréoles, d'anges et de séraphins, il faudrait éditer des albums, avec des fragments de ces fresques. Quelle lumière, quel mouvement serein, concentré et harmonieux habitent cette foule de personnages divins et paradisiaques... Nul doute que ceux qui les ont peints et ceux qui les regardaient en étaient eux-mêmes perpétuellement remplis. J'entendais les plaintes du vent à l'extérieur, il faisait gris, sombre et froid. Dans la première église, deux types proposaient de chanter gratuitement pour les visiteurs. Je pensais que ce ne serait pas terrible, à voir leur air de fonctionnaires blasés, mais quand ils ont commencé, il m'a semblé que j'étais soulevée dans les airs et j'ai senti monter un afflux de larmes. Le psaume 50: "Aie pitié de moi, ô Dieu selon ta grande miséridorde et dans ton immense compassion, efface mon péché..." C'était un chant très ancien, avec un "isson", une basse continue. Ils étaient seulement deux, et c'était comme si tous ces anges, séraphins et chérubins qui se bousculaient sur les piliers et les voûtes s'étaient mis à chanter en même temps. C'était une façon de nous démontrer quelle acoustique régnait dans les églises anciennes, et de nous pousser à acheter leur disque, mais je crois qu'il se passait quelque chose de plus miraculeux que l'acoustique. Ce chant faisait partie de la routine de ces deux bonshommes. Mais les hiérarchies angéliques présentes sur les voûtes leur faisaient pourtant écho, qu'ils fussent ou non conscients eux-mêmes du phénomène...
Ensuite, nous sommes allés à Godenovo voir la Croix miraculeuse. En dépit de la Croix, et de la jolie petite église de campagne où celle-ci a été cachée si longtemps et où elle est toujours, cet endroit me met mal à l'aise. Ces photos géantes de la famille impériale le long de la route, j'aime profondément la famille impériale, je compatis à son sort affreux, mais ces photos, le simple principe de ces panneaux énormes, me rappelle trop les portraits de Lénine ou de Staline. On a commencé à édifier cette grosse réplique de sainte Sophie de Constantinople qui sera là bas complètement déplacée. On dirait qu'on va faire du sanctuaire de la Croix quelque chose dans le genre de Lourdes.
La dernière fois que j'y étais allée dans les mêmes dispositions, vénérer la Croix m'avait procuré le même sentiment de grâce que l'écoute du psaume au milieu des séraphins et de leur immobile tourbillon. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, Dieu m'avait déjà parlé. J'avais perçu cette symphonie visuelle, ces chatoyantes et immobiles présences dont le mouvement et le foisonnement s'envolaient sur les ailes de ces deux voix devenues multitude...
J'ai fait prier pour les orthodoxes malades que je connais.
Sublime texte Laurence ; voyez lecteurs notre livre de prières (prix coûtant), traduction Stourdza.
RépondreSupprimerhttps://www.amazon.fr/Livre-pri%C3%A8res-orthodoxes-Traduction-Alexandre/dp/B09BJRBV97/ref=sr_1_2?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=NICOLAS+BONNAL+PRIERES&qid=1632236095&sr=8-2