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lundi 19 juin 2023

Un mythe

 


La cuisine neuve m’a coûté cher mais me change la vie. Elle est pratique, facile à nettoyer, quand je fais la vaisselle, dans mon évier profond, je ne prends plus des hectolitres d’eau sur les pieds.

J’ai beaucoup travaillé pour préparer la présentation de Parthène au café, l’exposition qui l’accompagnait, le concert... Et j’ai déployé sans aucun doute de vains efforts. Il y avait peu de monde, et j’ai mal chanté, je me suis trompée dans une chanson que je connais bien, et que j’avais bien mise au point. Il faut dire que j’étais perturbée par un événement qui me laisse perplexe. Quasiment la veille de ma prestation, j’ai appris fortuitement par Katia que des amis moscovites très chers exposaient le même jour et la même heure que moi, ce qui m'interdisait de me rendre à leur vernissage, et je n'ai pas trop bien compris pourquoi ils ne me l'avaient pas annoncé, j'aurais mis le mien à un autre moment. En réalité, même si je n'avais pas eu la présentation le même jour, j'aurais pu complètement ignorer qu'ils étaient ici, puisque je n'en avais pas été prévenue. Il faut sans doute se faire à l'idée que, n'habitant pas Moscou, je suis tombée dans les ténèbres extérieures de la province, où l'on vous oublie purement et simplement.

Ania Ossipova a adoré mes chansons, mais c’est normal, c’est une émanation  directe de la sainte Russie,  une personne à la fois très sensible, très artiste et très orthodoxe. Je veux dire qu'elle a apprécié le contenu, car pour ce qui est de l'interprétation, je n'étais pas franchement au top... En elle mon livre trouve son public, j’aimerais qu’il fût connu des gens qui lui ressemblent. J’ai éclaté de rire en l’entendant nous raconter : « Chez nous Laurence est devenue un mythe. Mon père la respecte beaucoup. Ainsi, quand mes parents envisagent de faire quelque chose dans la maison que je trouve de très mauvais goût, je leur dis : « Voyons, vous ne pouvez pas faire cela, qu’en penserait Laurence ? » Et les voilà immédiatement réduits à un silence piteux ! »

L’affection et le respect de ce vieux communiste intelligent, bon, mais irrémédiablement incroyant,       me touchent particulièrement !

Nous sommes allées ensuite, avec elle, Katia et Larissa Fickmann, dans une pizzeria, et aujourd’hui, je me suis consacrée au jardin, pour oublier ces déceptions. Je crois que je vais, une fois terminés mes souvenirs d’enfance, si j’arrive à m’y replonger, me limiter à l’iconographie, à la poésie, et aux chansons. Plus d’expositions, plus de romans. Je n’ai pas envie de faire sans arrêt des mondanités, je suis trop vieille. C'est triste, mais les gens lisant de moins en moins, on ne sait plus pour qui on écrit, et si on ne le fait pas déjà dans une langue morte.

Le matin, je suis allée à l'église au premier service, car j'étais réveillée à cinq heures, et je voulais avoir du temps devant moi, avant la présentation. C'était l'évêque qui officiait, monseigneur Théoctyste. La fête de tous les saints Russes. Quand je suis venue baiser la croix, à la fin, monseigneur m'a regardée avec un air profondément étonné mais très gentil: "Eh bien alors? Vous n'avez pas communié?

- Heu non, il faut le faire tous les dimanches?

- Pourquoi pas?

- Je ne me suis pas préparée, je préparais mon exposition... la prochaine fois, pardonnez-moi..."

Pendant qu'il distribuait sa bénédiction, les gens le contemplaient avec tellement d'amour. Je pensais à ce qu'il venait de me dire. Pourquoi lui ai-je demandé pardon de ne pas avoir communié, dans une affaire qui se passe essentiellement entre le Christ et moi? Sans doute parce que le prêtre qui officie est investi de l'Esprit Saint, naturellement. Je pensais aussi à mon amie Liouba et à son histoire des anges qui se manifestent à travers n'importe qui, la vendeuse du supermarché, le facteur, ou bien, plus classiquement, un évêque... 

1 commentaire:

  1. "des anges qui se manifestent à travers n'importe qui, la vendeuse du supermarché, le facteur, ou bien, plus classiquement, un évêque" Oui, absolument, j'ai déjà constaté cela tout au long de ma vie… et c'est toujours une consolation, une joie, un retournement de la tristesse en joie ! Maxime

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