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mardi 22 septembre 2020

Colchiques dans mes prés

 Je suis tombée sur une photo qui m'a poursuivie toute la soirée d'hier, une vache squelettique hors d'usage jetée vivante dans une benne à ordure, et son expression quasi humaine de désarroi horrifié. C'est à ce genre de détails que la malédiction de la modernité m'apparaît dans toute son évidence, car si l'on a le droit de manger des animaux, selon la loi naturelle, on n'a pas celui de les traiter de cette manière, c'est ce qu'Ernst Junger appelait un péché contre la terre. J'ai sans arrêt des appels au secours de divers refuges russes qui m'arrivent, des animaux abandonnés après la saison d'été, les gens laissent derrière eux des chats et des chiens sans défense qui ne comprennent pas et cherchent du secours auprès d'humains dépassés ou indifférents. Si même j'avais le courage de recueillir encore l'un d'eux, lequel? Il y en a tant, et chacun vous tire des larmes.

Sur les conseils de ma soeur, et les siens sont toujours avisés, j'ai fait une sousoupe à Rita, avec de la viande hachée et de la macédoine de légumes, cela lui plaît bien davantage que Royal Canin ou Purina, je passerais bien tous mes emmerdeurs à la sousoupe maison, mais l'enthousiasme n'est pas unanime. Bien sûr, quand je pense à la façon dont la viande hachée est obtenue, je ne me sens pas très bien, mais les boîtes et sachets de nourriture pour animaux, c'est pareil...

Dernièrement, je lisais sur Facebook que Frédéric de Hohenstoffen avait le goût des expériences et que pour savoir à quoi ressemblait la langue adamique, il avait ordonné à des nourrices de nourrir des bébés sans leur parler ni leur sourire et ceux-ci étaient tous morts. Je pense que n'importe quel être humain doué d'empathie, en phase avec la nature, sait sans vérification expérimentale, que tout être vivant, à part peut-être les amibes et les insectes, a besoin d'interactions affectueuses pour se développer et vivre, mais ce roi n'a pensé qu'à satisfaire sa curiosité, au mépris de toutes autres considérations, ce qui est déjà un trait typiquement moderne, et du reste, cette sinistre expérience a été répétée avec des singes à notre époque pour "prouver" l'importance de ces interactions. La chose me paraît si évidente, que je ne comprends pas le besoin de la démontrer en faisant vivre à de petits êtres innocents un abandon atroce. Je vois l'aboutissement de cette mentalité dans les expériences sociales du XIX et du XX° siècle, consécutives à la révolution anglaise, puis française, puis russe, et maintenant dans l'expérience transhumaniste à laquelle tentent de nous soumettre tous des créatures de cauchemar aux yeux de poissons morts.

Je repensais à tout ceci à l'église, et je comprenais que même les plus grand saints s'accusent de tous les péchés de la terre, qu'ils ne commettent pas, et n'ont souvent jamais commis, parce que la toile d'araignée du mal nous englue tous plus ou moins, et que l'humanité est Une. Un mal qui n'existe pas dans la nature, un mal qui nous est spécifique, et qui laisse la vache horrifiée dans sa benne à ordure, les chats et les chiens incrédules et bouleversés, avec leurs yeux qui ressemblent à ceux des enfants. Car nous participons sans même le vouloir, nous sommes pris dans un engrenage très ancien qui peut à peu nous broie avec le merveilleux cosmos dont nous sommes indignes, ce temple de la vie que nous profanons tous les jours, je suis convaincue que le Christ n'est pas venu à n'importe quel moment, il est venu à la veille de ce processus "scientifique" qui est en train de détruire la vie, d'une façon particulièrement vile et abominable, et sans doute son premier avènement a-t-il donné à la création, à l'humanité le répit millénaire du moyen âge. Il m'apparaissait indispensable de nous associer à cet effort rédempteur de la prière, non seulement pour nous mêmes, mais pour tous, pour arrêter cette machine infernale, la machine infernale de la modernité qui est celle du démon, l'antique et plus que jamais actuelle statue de Moloch.

Je suis allée prier saint Pantaleimon d'intercéder pour que je survive à mes animaux et qu'aucun d'eux n'ait à subir le triste destin de ceux que le décès de leur maître jette à la rue. Chocha a dans les quinze ans, le jour où partira cette emmerdeuse qui porte sur moi un regard extatique, j'aurai certes beaucoup de peine, mais aussi le sentiment d'avoir rempli mon contrat et de ne plus avoir à me faire du souci pour elle. Après, j'ai la caractérielle Georgette, onze ans, qui me prouve son amour en détruisant les portes et le mobilier, et en pissant dans les endroits les plus bizarres. Les autres sont encore des jeunots.

Je me sentais honteuse de ne pas faire davantage d'efforts spirituels, car ainsi que le disait Dostoievski dans les frères Karamazov, si  notre goutte d'eau personnelle est pure, c'est toute la mer humaine qui s'en trouve purifiée. Et cela soulage aussi mystérieusement la souffrance générale. Or cette souffrance, et surtout la souffrance muette des innocents que personne ne plaint ni n'écoute, que personne n'a individuellement la force ni les moyens de soulager ni même de regarder en face, atteint des proportions si inimaginables qu'on a du mal à comprendre comment Dieu nous supporte encore.

Un chien jaune et craintif est venu rôder chez moi pour la deuxième fois. Il a un collier. La première fois, j'avais poussé des cris, car je craignais pour Rita et les chats, et il était parti épouvanté. Aujourd'hui, il est parti avant les cris. Je ne les ai pas poussés. Il s'est arrêté pour me regarder d'un air méfiant.

Je jardinais. C'est vraiment toute une histoire d'aménager un jardin. Il faut penser à tout, au volume que prendront les arbres, à l'ensoleillement, au sol... surtout un jardin comme le mien, ce marécage. Le fait navrant qu'on prévoie quatre maisons derrière celles de mes voisins d'en face induit la nécessité d'un écran de verdure, car ces constructions seront sûrement affreuses et possiblement énormes. Je laisse pousser les pruniers contre lesquels il est de toute façon inutile de lutter... Les constructions éventuelles sont ma terreur, on peut créer des protections naturelles, mais à moins de vivre dans un sous-bois, il est parfois difficile de se protéger des monstres, selon leur emplacement, l'ampleur de leur taille et de leurs difformités.

J'ai des colchiques ravissants, qui me rappellent la chanson préférée de mon enfance, "colchiques dans les prés" que je chantais avec ivresse dans la voiture de mon grand-père. C'est mon cadeau de l'automne, avec le sedum que je prenais pour une plante exclusivement méridionale avant de venir ici. Et aussi les asters. Les framboisiers m'offrent encore une baie de temps à autre. Et après la floraison inattendue de la dauphinelle, voici qu'une de mes clématites, qui fleurit au printemps, me prépare une dernière merveille qui aura sans doute le temps d'éclore, on annonce un été indien d'environ une semaine.





mercredi 26 août 2020

Chevaux dans la nuit

photo du film Andreï Roubliov de Tarkovski

En France, en plus des "incivilités" ce délicieux euphémisme destiné à jeter un voile pudique sur les viols collectifs de gamines, les agressions sauvages contre de paisibles citoyens, les pillages, les profanations et les incendies qu'en d'autres temps commettaient les huns, les tatars, les sarrasins, les pirates et les grandes compagnies, on s'attaque aux équidés, à coups de poignards, on les mutile, on les torture, on les tue.

Le cheval est dans la tradition slave un symbole de vie, associé au soleil et au printemps. Il figure, stylisé, partout dans l'art populaire. Sur le faîte des maisons, il protégait les occupants de celles-ci. Sur la chemise du marié brodée par sa fiancée, il était censé favoriser la fertilité et chasser les mauvais esprits. Chez des barbares normaux, du type huns ou mongols, je doute qu'on en soit jamais arrivé à torturer et tuer des chevaux pour le plaisir . Et cela me paraît  un  signe particulièrement sinistre. Mais le produit de trois ou quatre générations de cerveaux lavés ne déchiffre plus les signes et ne les comprend plus. J'avais lu dans les écrits du père Vsévolod Schpiller comment les cosaques des armées blanches, quittant la Crimée sur le dernier bateau en partance, pleuraient en voyant leurs chevaux désespérés les suivre à la nage, et cela m'avait paru le symbole le plus tragique de la révolution et de son programme d'extermination de ce que la société russe comptait de plus noble. Les aggressions sadiques commises par des créatures des ténèbres sur des chevaux en France me paraissent celui de l'achèvement d'un processus qui a pourri mon pays à mort, il me semble tristement complémentaire de l'incendie de Notre Dame, et aussi de l'infanticide légalisé. Un pays où les églises brûlent, où l'on assassine les bébés et où l'on torture les chevaux a perdu toute bénédiction. Que dire encore des viandards associant les massacres indignes qu'ils font de la faune sauvage avec leurs racines, alors qu'ils ne connaissent plus ni leurs traditions, ni leur folklore, ni leur foi, et je dirais même ni leur terre qu'ils surexploitent n'importe comment, ni leur bétail qu'ils font vivre dans des conditions concentrationnaires?

Je voudrais croire qu'un miracle sauvera la France et que la Russie ne suivra pas jusqu'au bout le même chemin. Un chemin de perdition qui fut très court mais me paraît tragiquement irrémédiable, un peu comme celui qui sépare la prostituée du coin de la rue de la communiante qu'elle fut, du moins dans les chansons de Fréhel, quand il y avait encore des communiantes et des petites filles. A tel point que me submerge un écoeurement indicible. Je survole toutes ces clameurs de détresses sans écho, de haine, d'indignation, et ces doctes commentaires, et ces mensonges éhontés qui trouvent toujours preneurs, ces justifications passionnées de ce qui est injustifiable, ces impudentes inversions accusatoires, et je n'ai plus envie de jouer. Ni de justifier ou d'expliquer mes propres positions, mes propres tâtonnements, d'autant plus que si je suis de plus en plus persuadée  que notre monde du progrès et des lumières est un asile de fous, un bordel où l'on perd figure humaine, un abattoir, je ne peux souvent pas l'expliquer à des gens qui n'ont plus les récepteurs pour comprendre ce qui leur est arrivé et même, ne veulent surtout pas le savoir, car cette horreur est trop vertigineuse. Et puis, la laideur insensée, la vulgarité de notre quotidien sont devenues à beaucoup de gens absolument intrinsèques. Leur opposer des arguments n'a même plus de sens. C'est sauve qui peut. Et sauve qui tu peux, et qui le veut. La lumière ne peut rien pour les aveugles, à quoi bon leur allumer des cierges? Déjà, si l'on arrive à garder le sien allumé, on a bien de la chance....



 
Fréhel: les filles qui la nuit s'offrent au coin des rues
 
 
Lioubè: le cheval

mercredi 5 août 2020

Tryptique

Hier, j'ai vu arriver mon amie Yana, son mari Génia, et un ami à eux, Denis, tous trois artistes peintres. Nous nous sommes retrouvés au café la Forêt, et Génia m'a brusquement annoncé qu'il avait un cadeau pour moi. Il a sorti un paquet plat, qu'il a défait: c'était un ancien tryptique dont manque un volet, celui de saint Jean Baptiste, avec le Christ et la Mère de Dieu, en bronze émaillé. J'ai été si saisie que j'en ai eu les larmes aux yeux. N'était l'absence de saint Jean Baptiste, le tryptique est en parfait état, il est très beau. Ces icônes étaient en général des icônes de vieux croyants. J'ai pensé à mon ami belge Nicolas, qui les collectionne. Le cadeau provenait de la collection du père de Yana qui les recueillait à l'époque soviétique.
Puis nous sommes allés rejoindre Olga et Oleg, qui ont une datcha près du monastère saint Nicolas, et avec lesquels je m'entends très bien. Nous devions aller nous baigner au lac, avant de dîner. Par un raccourci, ce n'est pas très loin de chez eux. Nous sommes passés devant une énorme maison disgracieuse plantée dans un endroit qui aurait dû rester sauvage, à l'approche du lac, sur un terrain marécageux dont cette masse perturbe l'écosystème. C'est celle de la procureure, qui l'a imposée à la mairie, et s'est dédouanée en promettant d'aménager un parc avec des jeux pour les enfants, qui tombe en putréfaction au milieu du marécage, et dont personne n'avait vraiment besoin.
Cependant l'endroit où nous nous sommes baignées, nous les femmes qui avions un maillot, pendant que les hommes restaient pudiquement à fumer sur le ponton, était très beau, et nous nagions à la rencontre des nuages avec la vue sur le clocher des Quarante Martyrs, et au loin le monastère saint Nicétas, tout blanc sur la berge bleu foncé.
Olga nous a raconté qu'il y a des années, elle avait fait un rêve, sur cet endroit, elle nageait au dessus de pièces Napoléon en or, et voyait la Mère de Dieu qui lui faisait signe de venir à l'horizon du lac. Puis elle la précédait jusqu'à la colline d'Alexandre, lui indiquant d'aller y faire son salut, et dans la file de pèlerins qui s'élevait, un homme chauve l'attendait. Or par la suite, elle a rencontré Oleg, qui n'a plus de cheveux, comme l'homme du rêve. De plus, elle a appris qu'on soupçonnait dans le lac la présence d'un trésor laissé par les Français, et chaque année, les prêtres vont bénir les eaux en procession. J'ai trouvé ce rêve superbe.
Quand nous nous sommes rapprochées de la berge, j'ai entendu les cris déchirants de Ritoulia, qui guettait le large, car j'avais disparu derrière les roseaux. D'après nos hommes, elle s'était même jetée à l'eau, dont elle a peur, pour essayer de me rejoindre, mais elle n'était pas allée bien loin.

photo Génia
Nous avons beaucoup discuté ensuite sur la terrasse décorée par une abondante vigne vierge, façon vitrail art nouveau. Nous avons parlé de la Russie et de la France que tout le monde avait visitée, et Olga parle français et connaît pas mal notre pays. Nous étions tous d'accord sur les manipulations du covid et les tentatives d'installer une dictature mondiale et de faire disparaître les populations de civilisation chrétienne, qui gênent les corporations et leurs intérêts uniquement mercantiles. Pour le reste, mon slavophilisme n'agréait pas vraiment Denis, qui est certainement libéral et pense que les Russes n'auraient jamais rien fait de bien sans les étrangers. Olga disait qu'à Paris, discutant avec un ami sans précautions politiquement correctes, elle avait senti son malaise, et la désapprobation de l'entourage, elle avait senti qu'elle touchait à des tabous, qu'elle compromettait leur équilibre, car le programme inculqué avait tellement pénétré leur psychisme que de le remettre en question pouvait le faire exploser. C'est ce qu'un autre ami, dans une lettre, appelle les verrous psychologiques consécutifs à des décennies de conditionnement sournois. "Les gens pareillement programmés deviennent vite agressifs, parce que le programme leur sert de structure" a conclu Olga. En effet, et s'ils sont à ce point programmables, c'est qu'on a effacé leurs repères culturels et spirituels et brisé le lien transgénérationnel, la tradition. Elle m'a dit qu'une telle pression devait être éprouvante pour les gens qui ne partageaient pas le point de vue admis; car toute réelle discussion était impossible. C'est là d'ailleurs un des symptômes du totalitarisme. J'ai passé toute ma jeunesse sous cette pression qui était grande dans les milieux "culturels" dès les années 70, peut-être même avant.
Olga est très intelligente, très pénétrante, et c'est un vrai bonheur pour moi de m'entretenir avec elle.





dimanche 2 août 2020

Le contrat


J'ai trouvé un oiseau mort dans la cuisine, ce matin au réveil. C'est l'oeuvre de Monsieur Moustachon, le plus adorable des chatons, si débonnaire avec tous les autres animaux, si éperdument épris de la créature qui a pris en pitié sa bonne bouille intelligente, innocente et charmeuse. Il tue tout ce qui bouge avec une adresse extraordinaire, et j'en suis malade. Mon geste charitable a causé la perte de je ne sais combien de passereaux.
Je suis allée à l'église en me poussant, et pourtant, une fois sur place, j'ai senti tout le bien que me faisaient la liturgie, et la présence de cette assemblée bienveillante et touchante. J'ai vu les enfants Rimm, Dounia, Gricha et Fédia qui sont gracieusement venus me saluer. J'ai dit à Gricha: "Voilà notre hardi cosaque", et il est resté très sérieux, mais j'ai vu qu'il n'en pouvait plus de fierté.
Puis je suis allée au café français, dans l'arrière-salle discrète, on se croirait à Chicago au moment de la prohibition. Dans tout Pereslavl, les masques sont, Dieu merci, vraiment rares. A Moscou, en revanche, d'après Dany, on recommence à mettre la pression, à coller des amendes aux commerces tolérants, et à traquer les gens qui ne sont pas masqués jusqu'aux yeux, de bonnes âmes jouent les redresseurs de torts et les dénonciateurs, comme en France, le pays des droits de l'homme, et c'est le même genre de public bobo ou coco. Parallèlement, je vois Sobianine affirmer pour la deuxième fois qu'il n'y aura pas de seconde vague, ni de confinement. Allez comprendre. Ce qui est sûr à mes yeux, c'est que tout cela pue et que les gens assez neuneus pour faire confiance aux autorités, de quelque pays qu'elles soient, de nos jours, auront un réveil difficile. Quand je vois ce qui se passe en France, mon coeur se serre. Ces gens qui enfilent docilement leur muselière, sans être alertés par le fait qu'au plus fort de la crise, provoquée ou non, amplifiée à dessein ou non, les masques étaient introuvables, le gouvernement punissait ceux qui en vendaient et proclamait qu'ils étaient inutiles, et maintenant, on le leur rive sur la gueule, en plein été caniculaire, et en fin d'épidémie, et tout le monde se plie à la chose sans questions, et même fait la police avec ceux qui s'en posent. Vous ne trouvez pas bizarre que l'on ait commencé, en haut lieu, à nous prédire "une deuxième vague" dans deux mois, et deux mois plus tard talam, talam, masquez vous tous partout? Les gens ont peur du virus, mais j'aurais bien plus peur, à leur place, du gouvernement, des médias, des médecins vendus aux labos. Pendant ce temps, la diversité qui tabasse, égorge, viole tous les jours que Dieu fait s'en fout complètement, des masques, à part ceux qu'elle met de toute éternité sur la figure de ses femmes. Et elle continue à arriver par bateaux entiers, sans masque, et sans tests, et sans quarantaine. Les masqués à sa merci continuent de trouver ça normal. Je vois des victimes sanglotantes s'étonner d'en avoir pris plein la gueule, et de ne rencontrer aucune aide, aucun soutien, elles qui étaient de si gentils membres actifs du camp du bien,  appliqués au vivre ensemble, si ouverts à la diversité, comment est-ce possible? N'est-ce pas le comble de l'injustice? Et elles continuent à traiter de fachos ceux que leur sort indigne, c'est proprement fascinant. En revanche le masque, alors ça, les gars, c'est capital, et on ne saurait être assez sévère avec les contrevenants, dès lors qu'ils n'appartiennent pas aux communautés qui en sont dispensées, mais plus simplement à la communauté nationale du franchouillard d'origine. Vous êtes prêts à les porter toute votre vie? Surveillés en permanence par les caméras, les applications de traçage, les voisins obligeants, quand vous ne serez pas coursés, écrasés et tabassés par les "jeunes"? Privés de vos restaurants, cafés et petits commerces, de vos artisans, de tout ce qui faisait notre art de vivre et qui est voué à la disparition par les maîtres du monde? Le nombre de victimes du covid, toujours changeant et toujours flou, et très peu fiable, justifie-t-il de mener désormais une telle existence? Et le jour où l'on vous fera le chantage, rester enfermés et masqués ou accepter n'importe quel vaccin douteux administré par des dingues et des mafieux, vous n'aurez pas l'ombre d'un soupçon et d'une hésitation avant de vous y soumettre? Moi si, et même en Russie, où l'on nous annonce un "vaccin russe", pour la bonne raison que tout est trop louche, trop incohérent, trop suspect, et que je ne crois pas à un vaccin bricolé à la va vite, pour des virus qui mutent tout le temps, alors qu'on s'applique à dénigrer et supprimer un traitement qui marche et qui est notoirement sans danger.
Un communiste me parle de civisme, je considère que dans son cas, c'est plutôt du suivisme. Mais c'est là qu'on voit la profonde parenté entre totalitarisme capitaliste et totalitarisme communiste. On la voit de plus en plus nettement. Cette complicité de la gauche avec une oligarchie de milliardaires délirants. Cette foi aveugle, plus intolérante, fanatique et meurtrière que toutes les religions, surtout chrétiennes, abhorrées de ses sectateurs, dans le Progrès technique, qui pourtant apparaît de plus en plus clairement comme un marché de dupes, un pacte avec le diable. Cette haine de la nature, de ses lois, de sa réalité, de la création et de son Créateur. Une haine de la nature qui est au fond une haine de la vie et de tous ceux qui y tiennent, au nom d'une survivance mécanique et contrôlée dans un enfer hors sol, bétonné et surveillé, où l'on nous transforme en biomasse anonyme et hagarde.
J'ai rêvé de ma mère, il y a quelques jours. Il me semblait qu'elle n'était pas morte, mais perdue, je la cherchais avec angoisse. Hier, j'avais besoin de faire un petit travail de couture, et ne trouvant pas ce qu'il fallait, je suis allée explorer sa boîte à ouvrage, qui est venue jusqu'ici avec mon déménagement. Je l'ai ouverte, je l'ai trouvée telle qu'elle l'avait laissée il y a plus de dix ans, car elle ne s'en servait plus quand elle était malade. Cela m'a rappelé le jour où j'avais vu, quinze ans après sa mort, le porte-monnaie de ma grand-mère là où elle le gardait, dans le tiroir de la table de la cuisine, mon grand-père n'ayant jamais eu le courage de l'en retirer. Je me trouvais en Russie, avec sur les genoux la boîte à ouvrage de maman, ses dés, une pile, un couvercle de boîte, un taille-crayons échoués là, presque la trace invisible de ses gestes. Je pensais à toute cette Atlantide française derrière moi, engloutie par l'océan noir du malheur que personne n'a su voir venir ni empêcher de déferler, malgré les avertissements des Cassandre conspuées. Et je ne sais même pas si je reverrai ceux que j'aime là bas, et vers qui l'enfant indestructible que j'ai toujours conservé en moi voudrait pouvoir encore courir pour se cacher, mais ils ne peuvent désormais plus rien pour lui.
Cependant, à l'église, j'ai senti le soutien de l'autre monde, ou de l'origine du monde, le soutien divin. Dans la panique et la tristesse, il se manifestait avec une discrète assurance. Sur le plan spirituel, je n'aurai pas réalisé grand chose, mais la seule chose que je peux dire, c'est que je me confie, c'est que je fais confiance. Je me mets entre les mains de Dieu. Comme tous ceux que je retrouve à la cathédrale le dimanche. C'est cela notre contrat,et c'est le seul que je sois vraiment capable de respecter.

dimanche 26 juillet 2020

Les cosaques de Pereslavl

Les cosaques de Pereslavl attendaient aujourd'hui Volodia et Marina dans le "parc russe" où ils ont leur quartier général. Ce parc russe, à l'entrée de Pereslavl, est une sorte de complexe touristique à thème patriotique, avec une architecture pseudo-typique du mauvais goût fantasmagorique habituel. Mais il faisait un temps délicieux, à vrai dire déjà un peu automnal, tiède, venté, et nous avons été reçus avec une chaleur touchante. Volodia est une célébrité dans le domaine du folklore cosaque. Avec Marina, ils ont chanté, et expliqué toutes sortes de traditions, donné des conseils. Les cosaques et leur progéniture ont montré ce qu'ils savaient faire, la danse du sabre et autres jeux guerriers, les chants. Je les trouvais tous gentils, purs, et pleins de bonne volonté. Le petit Gricha Rimm prenait son air sévère et viril, et restait collé contre l'ataman qui dirige tout cela, mais il est quand même allé danser avec les hommes!
J'ai rencontré un Français dont j'entendais parler depuis longtemps et qui habite Rostov, Iakov. En réalité, ce Français a des origines russes, ses grands-parents étaient cosaques du Don, et ont quitté la Russie au moment de la révolution. Sa mère venait de Suisse allemande et il a grandi à Nancy. Il y a 20 ans, il a opéré son retour en Russie, où il est marié avec plein d'enfants. C'est un ferronnier d'art. Nous avons commenté le mauvais goût qui nous consterne autant l'un que l'autre. "Je me retiens de plus en plus souvent de le souligner, bien que ce soit la chose qui m'indispose le plus, ici, cela me rend malade de les voir saccager ce que le pouvoir soviétique avait encore épargné. Mais j'ai peur de les agacer en  insistant trop.
- C'est vrai, moi aussi, mais quand même je ne me gêne pas trop pour le dire. Vous savez, il me semble que le plus souvent, les Russes ne savent plus qui ils sont, ils se cherchent, ils cherchent à se retrouver, comme nos cosaques, ici. Le pays a été terriblement abîmé culturellement, ils sont en quête de leur savoir-faire et de leurs traditions perdues. Ils sont en train d'essayer de sortir du processus dans lequel les Français sautent à pieds joints. Quand ils se rendent compte des pertes subies, évidemment. Ce que je ne supporte pas, ce sont ceux qui sont obnubilés par l'occident et méprisent leur propre pays...
- En France, les gens qui contestent le système et veulent effectuer un retour à la terre, ce qui est en soi une saine démarche, n'ont pas le désir de retrouver leurs racines culturelles et spirituelles, comme ici, au contraire, ils se lancent dans le shamanisme, le bouddhisme, l'hindouisme, l'islam, ils font de la musique exotique, africaine, indienne, iranienne, et s'ils font de la musique traditionnelle, ils ne manquent pas de souligner qu'ils ne revendiquent pas un tel adjectif pour eux-mêmes. A vrai dire, contrairement à l'orthodoxie, l'Eglise romaine me parait elle-même déracinée et déconnectée et je ne vois pas comment la France pourrait y puiser la force de se rétablir, alors que j'ai encore de l'espoir pour la Russie."
Cette impression d'avoir affaire à un peuple d'amnésiques à la recherche de leur passé, je l'avais eue fortement quand j'étais revenue la première fois en Russie, en 1990. et j'avais aussi découvert qu'avec des approches un peu différentes, nous avions subi ou subissions tous le même lavage de cerveau.
Skountsev pense que la pieuvre mondialiste est infiltrée partout, quand on cherche à l'expluser d'un côté, elle revient de l'autre, sous un autre label, une autre apparence. Et en effet, c'est ce que me disait déjà il y a 20 ans un ancien officier du KGB que j'avais rencontré lors d'une croisière sur les fleuves et les lacs du nord.
J'ai vu aussi le Suisse Benjamin, ou Veniamine, je ne sais même pas si on peut encore dire qu'il est suisse d'ailleurs, tellement il est naturalisé. Il était avec son bébé Savva. Il est heureux comme un roi, au milieu de son équipe de cosaques, dont l'aumônier est le père Andreï, ancien vieux-croyant, et ami du père Andreï de notre cathédrale..








Des cosaques de passage ont laissé derrière eux quelques cadavres


dimanche 19 juillet 2020

La mort des coquillages


Photo Thierry Legault
C’est avec consternation, et une sorte de terreur sacrée, que j’ai appris l’incendie de la cathédrale de Nantes et la disparition de son orgue vieux de 400 ans. Quand Notre Dame a brûlé, j’ai su que c’était le début de la fin, que tout l’héritage de la France encore miraculeusement conservé allait subir le sort de celui de la sainte Russie, qui n’existe plus qu’à l’état résiduel, et que risquent d'achever l’incurie, l’ignorance, la cupidité et la stupidité. La différence est que ce qu’il reste de Russes se mobilise avec l’Eglise orthodoxe pour tenter d’en sauver les vestiges, car ils sont considérés par ce petit troupeau comme quelque chose de sacré, il arrive même que des incroyants y tiennent encore par patriotisme.  Alors qu’en France, il serait plus difficile, me semble-t-il, de regrouper la résistance autour des merveilles léguées par nos ancêtres, et qui  sont non seulement belles, mais pleines de sens, car tout ce qu’on faisait au moyen âge était avant tout porteur de sens. Chaque sanctuaire était en soi un livre saint et un reliquaire, chaque sanctuaire est un message qui nous est adressé à travers les siècles, et je ne parle pas de la dimension mystérieuse qui, en Russie, fait même des icônes ou églises décadentes, qui ont perdu ce sens, et ne le transmettent pas, lorsqu'elles sont « imprégnées de prières », comme on dit ici, des objets chargés. Ainsi en est-il de l’icône sentimentale, académique et opaque devant laquelle priait saint Séraphin de Sarov. Dans cette perspective, le père Placide, par exemple, se souciait peu de l’authenticité des reliques car, disait-il, à partir du moment où des générations de gens avaient prié devant elles et les avaient honorées pendant des siècles, elles avaient quasiment la même vertu que des reliques authentiques. On voit même ici des copies d’icônes miraculeuses disparues prendre les vertus des originaux.
Même quand on ne comprend pas, faute d’avoir été élevé dans cet esprit, l’importance et le sens de ce langage visuel de l’architecture sacrée et de l’iconographie, il arrive qu’on le reconnaisse, c’était ce qui m’était arrivé dans ma jeunesse. On devine à l’harmonie générale de ce qu’on voit, qu’il s’agit d’un langage cohérent qui parle à l’âme sans passer par les mots, mais que les mots ou plus simplement le Verbe et l’Ecriture sous-tendent. Les instits et les profs laïcards nous disaient que c’était pour instruire de l’histoire sainte les analphabètes médiévaux, comme les affiches de propagande soviétique cherchant à persuader le paysan russe de l’importance de la mécanisation, ce qui prouve à quel point cet art leur passait déjà loin au dessus du bonnet, alors qu’il touchait n’importe quelle personne des siècles passés, en cela qu’il ne suppléait pas à l’écrit pour les ignares, mais apportait un complément spirituel indicible à ce qui était exprimé par la lettre.
La disparition programmée de tout cela depuis deux cents ans est une catastrophe, car tous les témoignages permettant aux âmes perdues de s’orienter seront bientôt éliminés, chaque église qui brûle est un phare qui disparaît dans les ténèbres montantes.  Mais les misérables antifas s’en réjouissent, dans leur vilenie sans remède, en clamant que les « seules églises qui éclairent sont celles qui brûlent ».
Pour un esprit médiéval, tout est signe sur le grand livre de la vie, ce que reflètent les sanctuaires anciens, et je trouve personnellement troublante la coïncidence de l’apparition de cette comète exceptionnellement belle avec les craquements sinistres qui annoncent de toutes parts le naufrage de notre Titanic. La France se meurt, la civilisation chrétienne se meurt. Le Français de base sent obscurément que cela va très mal, mais lorsqu’il revendique sa qualité de Français, il exhibe généralement le saucisson-pinard, une pinup dépoitraillée, la minijupe tricolore au ras des fesses et la cigarette au bec. Des gilets jaunes s’indignaient que l’on envisageât de restaurer Notre Dame, plutôt que de consacrer cet argent à « quelque chose d’utile », et malheureusement, plein d’homo soviéticus ont le même réflexe ici, et avec une haine écumante. En cela, on peut dire que la mutation a été réussie, du Russe obstinément médiéval de l’avant 17, en petit-bourgeois européen mesquin, comme nous en ont fabriqué par millions l’alliance satanique de la révolution et du capital, auquel la première a permis de prendre son essor, sans être plus gêné par un roi ou un tsar, une Eglise et des structures organiques millénaires qui limitaient les appétits des crocodiles.
Au moment où l’on apprend qu’un « réfugié » rwandais, employé par le diocèse, serait l’auteur de l’attentat, la main qui a craqué l’allumette, au moment où les gros abrutis de la LDNA se réjouissent bruyamment de voir incendier une cathédrale médiévale construite selon eux, avec l’argent de la traite des noirs qui n’existait pas en ce temps-là, je tombe sur cet échange de commentaires à propos de l’évènement :

   - V. Z. Ce n’est pas grave. Il suffit que tous les chrétiens se mettent dans la prière et s’en remettent à notre Sainte Mère Marie ! Les édifices ne sont pas aussi importants que les âmes !

-  R. R. Un chrétien endormi c'est le triomphe du diable

-  V. Z. Exactement et il fait tout pour ça à travers la lucarne «magique » !

- R. R.  Les Soldats Du Christ on pour but de sauver notre patrie, notre foi et non pas comme des cathos fragiles, mais bien solides campés sur leurs deux pieds. Nos églises nous allons les défendre, notre foi aussi.

    Un pour tous, tous pour DIEU.

- V.Z. Notre Foi, notre Croix certainement car ce n’est pas du matériel. Le reste n’a que valeur vénale. Soyons logiques. Ils veulent que nous réagissions, que nous prenions les armes ? Prenons le contrepied de ces inversés du bocal. Chantons, louons Celui qui nous a permis de venir et d’expérimenter ici-bas. La colère est œuvre des ténèbres, la Joie, la Louange, la vraie Foi est œuvre Divine. Restons ou mettons-nous dans cette démarche et cette énergie, vibrons haut et fort l’Amour Inconditionnel, l’Amour Universel et ces forces obscures n’auront aucune prise sur nous. Restons soudés et solidaires, comme tu dis les deux pieds bien ancrés et rien ne pourra nous ébranler !

Dieu veille sur tous ses enfants, sans jugement, faisons-en autant !

 Ne jugeons pas, n’ayons comme seule «arme » notre Foi !

 Je ne parle pas de religions qui ne font qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien de Foi en l’Energie Divine qui est en toute chose et en tout être vivant du virus à l’humain en passant par les plantes et tous les animaux.

 Nous ne sommes que ondes, fréquences, vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.

    La seule chose que nous devons défendre est notre âme. Ne la souillons pas avec la violence !

- R. R. Croire en Dieu sans l'adorer dans son église, c'est comme aimer sa femme sans jamais lui faire l'amour.

- E. S. Il faut lire l'évangile en grec. Le Christ n'a pas fondée une "église" mais une assemblée. L'église est la récupération et la création par l'état romain d'une idéologie à son service.


Je salue tout d’abord la santé psychologique et spirituelle de R.R. Un chrétien chevaleresque, un vrai Français. Sur ce qu’il dit, je n’ai pas de commentaires à faire, c’est V.Z. qui m’atterre. « Ce n’est pas grave », dit-elle « les édifices ne sont pas aussi importants que les âmes ». Oui, en effet, c’est théoriquement vrai. Le père Basile trouve que j’attache trop d’importance au sort de sainte Sophie, et me prédit que tout sera détruit, certes, certes, je reconnais que j’ai du mal à passer par-dessus la disparition de tout ce qui nous a été légué, pour les raisons que j’expose au début de l’article. Mais « Ce n’est pas grave » ? En tant qu’orthodoxe, je ne peux pas dire que la destruction d’une église, d’une icône, d’une relique n’est pas grave, et cela pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. L’iconoclasme qui a suivi Vatican II a donc produit des hordes de « cathos fragiles », comme les appelle R.R,, pour lesquels l’incendie de Notre Dame, celui de la cathédrale de Nantes, ce n’est pas grave, et qui ne lèveront pas le petit doigt pour défendre ce patrimoine qui leur est devenu complètement étranger. J’insiste : ce ne sont pas des petits gauchistes élevés par le trotskisme soixante-huitard, mais des catholiques. V.Z. enfonce le clou de notre cercueil : tout ça c’est du matériel, donc cela n’a aucun intérêt, elle vit dans l’abstraction pure. La cathédrale est même quelque chose de « vénal », elle n’a plus aucune idée de ce qui présidait à l’édification d’un tel monument, et n’est pas pourvue des récepteurs permettant de comprendre ce qu’il a à nous dire. C’est-à-dire que pour être idéologiquement clean, un bâtiment religieux doit être pauvre, utilitaire, minimaliste et moche, comme les églises en béton des années 50, avec des slogans neuneus du genre «Dieu vous aime » et des photos de petits enfants du tiers-monde, beaucoup plus intéressants que les nôtres dans le rôle du prochain à chérir, bien que beaucoup plus lointains sur le plan géographique et culturel. Nous en arrivons logiquement à l’assertion suivante :  

Je ne parle pas de religions qui ne font qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien de Foi en l’Energie Divine qui est en toute chose et en tout être vivant du virus à l’humain en passant par les plantes et tous les animaux.

 Nous ne sommes qu’ondes, fréquences, vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.

Elle conteste l’idée même de religion, et bien sûr de dogme et de rituel, c’est-à-dire l’Eglise, cette Eglise qui met en communion transversale tous ceux qui en font partie, dans le plan du présent, et dans le plan du passé, et qui les relie justement avec les bâtisseurs de la cathédrale de Nantes et l’artisan de son orgue. Elle vibre, petit atome solitaire, avec l’énergie divine, voilà ! Toute cette expérience, toutes ces révélations antérieures, elle n’en a pas besoin. Entre parenthèses, les plantes et tous les animaux sont pourtant bien aussi matériels que la cathédrale, ou bien celle-ci n’est-elle pas investie de cette vibration salvatrice ? En tous cas, elle n’est pas branchée dessus, ça c’est clair. Que l’idée même de l’Eglise soit réduite dans la tête de ces gens à des dogmes et des rituels dont  ils ne comprennent absolument pas le sens est attesté ensuite par un troisième personnage : Le Christ n'a pas fondé une "église" mais une assemblée. L'église est la récupération et la création par l'état romain d'une idéologie à son service. En grec, justement, église veut dire assemblée. En réalité, le mot russe qui concrétise cette notion dépasse largement le sens d’assemblée, il s’agit d’une mise en communion dans le corps du Christ, et ce mot a la même racine que celui qui signifie cathédrale, de sorte que pour un esprit médiéval comme le mien, la cathédrale est la concrétion de cet esprit de la communion en Christ, comme le coquillage est le produit de l’animal qui l’habite. Le rituel qui s’y déroule est la manifestation de l’existence de cette communauté trans temporelle et trans spatiale, le dogme est la loi interne qui garantit le legs de l’Esprit, un peu comme le code ADN permet de répliquer le vivant sans engendrer n’importe quoi. Apparemment, pour beaucoup de gens, ce code de l’Eglise est complètement brouillé, et l’on voit surgir ce genre de moutons spirituels à cinq pattes ou à trois têtes qui vont chacune nous raconter quelque bêtise paradoxale, mais compatible avec la confusion politiquement correcte ambiante, et la religion du futur vibrante et new age.

R.R. a raison de parler de cathos fragiles. Il n’y a pas grand-chose de ferme et de centré dans de telles âmes qui flottent comme des algues déracinées sur l’océan des vibrations énergétiques. D’une certaine façon, je ne nie pas que tout soit traversé par les énergies divines, et pour moi, la matière même est spirituelle, elle est émanation de l’Esprit, perpétuellement engendrée par son Souffle. Mais c’est précisément ce que me disent les somptueuses coquilles laissées sur les tristes rives de nos derniers temps par le travail et la prière commune de nos ancêtres. Si ces bâtiments sont si profondément harmonieux et si mystérieusement chargés, c’est qu’ils ne sont pas le produit d’un unique architecte qui fait tout exécuter par des corps de métier, sur ordre d’un riche et puissant commanditaire, mais celui d’un effort et d’une prière collective qui avait cristallisé de cette manière, unissant tous les acteurs de l’affaire, depuis le seigneur et les marchands jusqu’au tailleur de pierres, et le paysan qui les nourrissait. Même l’orgue, plus tardif, que de travail, que de savoir-faire, que d’amour, que de sens de la musique universelle n’y avaient pas mis ceux qui l’avaient fait et qui nous l’avaient légué… Mais les cathos fragiles se foutent eux-mêmes de la cathédrale et de son orgue, tout cela est trop matériel et trop vénal pour eux, et c’est sans doute parce qu’ils ne m’offraient pas de m’inscrire dans le puissant et vital Esprit qui avait engendré tout cela que j’ai préféré devenir orthodoxe et que j’ai fini par partir en Russie. Toutes nos magnifiques cathédrales, nos cloitres et églises romans, sont trop souvent devenus des coquilles vides pour ceux-là même qui prétendent encore venir y prier, et qui préfèrent un hangar en béton démocratique, avec les photos des « réfugiés » qui ne rêvent que de leur faire la peau.

C’est très difficile à vivre, mais le  père Basile a raison, tout sera détruit par les gnomes. Si Dieu permet que le feu des impies consume nos cathédrales, c’est qu’il y a trop de V.Z. et plus assez de R.R., sans parler des légions infernales et de leurs gardes rouges noirs. A quoi bon laisser tout ceci à des gens qui n’y comprennent plus rien ? Moi-même je sentais dans ma jeunesse à ce point le hiatus entre ces merveilles sacrées et ceux qui y allaient le dimanche que j’ai fini par me convertir dans une église émigrée installée dans le garage d’un pavillon de banlieue, parce que si pauvre fût-elle, elle m’offrait la splendeur vivante de ses icônes pleines de sens, de son rituel plein de noblesse. 

Je regardais les gisants du duc de Bretagne et de sa femme, encore cette fois épargnés par l’incendie de la bêtise haineuse et de la vilenie déchaînée : ils nous parlent d’un autre peuple qui était nous. Beaux et nobles, couchés dans leurs draperies, bien loin des gnomes, des orques, et des immondes satrapes en costars du Mordor, des empereurs  usuriers de la modernité hideuse, ils nous attendent déjà dans les profondeurs de l’océan éternel, là où la  rouille n’attaque pas et où le ver ne ronge pas, dans la lumière sans déclin, dans la Jérusalem céleste. Et la comète posée sur l’archange saint Michel, tout au sommet du mont du même nom, vient me le confirmer de son éclatant paraphe.

    vendredi 17 juillet 2020

    Retour à Moscou

    Je me suis lancée dans un séjour à Moscou, le premier depuis début février. Je devais faire réviser ma voiture au garage Renault. J'ai donc revu le père Valentin, Xioucha et Dany, j'ai fait des courses. Je suis allée travailler les gousli avec Skountsev. Malgré les cours sur Skype, j'aurai besoin de rencontres périodiques, parce que lorsque nous sommes face à face, il prend la guitare ou la balalaïka pour jouer avec moi, et me donner le rythme, je dois m'adapter à lui et le suivre, et c'est un moment très important.
    Nous avons bu le thé et bavardé. En traversant des cours d'immeubles, sur le chemin du métro, il me dit: "Regarde toutes ces voitures, les gens en ont souvent deux par famille.
    - En effet, mais ce qui m'étonne, c'est qu'on ne cesse de nous dire que les Russes sont tellement fauchés, alors qu'en Europe, c'est l'abondance..."
    Il a rigolé: "C'est juste, et puis nous, au moins, on n'a pas de guerre.
    - Et pas d'invasion! A part l'Asie centrale...
    - Oui, mais ils sont quand même calmes, la dernière fois que j'ai été en France, il y a des endroits où je n'en menais pas très large..."
    Il m'a donné du miel de Lipetsk, il connaît par là bas un businessman cosaque qui consacre son fric à entretenir une réserve naturelle, avec des troupeaux de chevaux, de chèvres sauvages, et il restaure aussi une église. Cela m'a amusée, car dans le roman que je termine, il y a le même type de personnage qui restaure un village du nord et y crée une communauté à laquelle s'agrègent des Français exilés par la force des choses...
    Autre détail curieux, voyant sur mon téléphone un dessin que j'ai fait de l'opritchnik adolescent Fedia Basmanov, héros de mon roman précédent, il a pensé que c'était un autoportrait, comme du reste ma cousine Françoise, qui avait cru voir un dessin de moi dans ma jeunesse. Or comme Flaubert proclamait que madame Bovary, c'était lui, j'ai moi-même l'impression que  Fedia, c'est moi. Ou mon double. J'avais l'impression d'avoir un air rêveur, doux et inoffensif, et deux personnes me reconnaissent dans l'opritchnik Fedka Basmanov!
    Le père Valentin semble avoir eu le Covid. La faculté lui avait prédit qu'avec son âge et son asthme, s'il tombait malade, il mourrait. Or il n'est pas mort et n'a même pas eu de fièvre ni de toux, mais il a perdu le goût et l'odorat pendant un certain temps. En revanche le père Valeri a été hospitalisé et semble avoir des complications cardiaques, c'est ce qu'il nous a dit quand nous l'avons rencontré dans un magasin.
    Le père Valentin pense que le Covid est largement utilisé par les "élites" pour nous contrôler, et n'exclut pas l'idée, que je lui ai proposée, d'un virus lâché sciemment sur le pauvre monde, dans le cadre d'une troisième guerre mondiale de la mafia contre les populations. C'est une idée très répandue en Russie et que je partage, avec des nuances possibles. Car tout est si complexe et si tordu que les gens normaux comme vous et moi peuvent se tromper facilement. Cependant l'instinct de conservation, l'expérience des canulars qu'on nous a déjà montés, les avertissements de gens au jugement desquels on se fie et le discernement créent une sourde impression d'ensemble fort inquiétante.
    Le père Valentin croit que le vaccin  russe, par la vertu de Poutine, ne sera pas suspect comme le vaccin Gates globaliste, ce sera un vaccin souverainiste, mais on m'a envoyé la photo et le pedigree de celui qui le négocie, et je ne le sens pas vraiment, allez savoir pourquoi. Il est russe, lui, ou c'est un mutant?.
    https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%94%D0%BC%D0%B8%D1%82%D1%80%D0%B8%D0%B5%D0%B2,_%D0%9A%D0%B8%D1%80%D0%B8%D0%BB%D0%BB_%D0%90%D0%BB%D0%B5%D0%BA%D1%81%D0%B0%D0%BD%D0%B4%D1%80%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87?fbclid=IwAR0ykF5c8R7UpkUL2Gd14enYF075Z3JQtr9udzQgj74U4WjLMGMoCTqkr2A
    En 1996, il est diplômé de l'Université de Stanford avec les plus grandes distinctions avec un BA en économie. En 2000, il a obtenu son MBA de la Harvard Business School avec la plus haute distinction (Baker Scholar).

    En 1996-1999, il a travaillé à la banque d'investissement Goldman Sachs à New York et à la société de conseil McKinsey & Company à Los Angeles, Moscou et Prague [1].

    En 2000-2002 - chez IBS, jusqu'au 8 novembre 2001 - Directeur général adjoint, puis jusqu'au 29 mai 2002 - Directeur général du département Conseil en gestion [2] [3]. En 2002-2007, il a été premier directeur de investissements dans le fonds Delta Private Equity, puis - le directeur général et partenaire [4] [5] En 2005-2006 - le président de l'Association russe du capital-investissement et du capital-risque (RAVI) [6].

    2007-2011 - Managing Partner et président du fonds Icon Private Equity Private Equity. Conduit un certain nombre de transactions importantes pour le marché de l'investissement russe: la vente de Delta Bank à General Electric, de Delta Credit à Société Générale, des actions de CTC Media à Fidelity Investments, et d'autres.

    En 2010, il a été inclus dans la liste des jeunes leaders mondiaux [ru] du Forum économique mondial de Davos [7].

    Depuis avril 2011 - Directeur général de la société de gestion du Fonds d'investissement direct russe. Sous sa direction, le RDIF a mis en œuvre plus de 70 projets d'un volume total de plus de 1,4 billion de roubles, couvrant 95% des régions de la Fédération de Russie, et a conclu des partenariats stratégiques avec des co-investisseurs internationaux de premier plan de plus de 15 pays pour un montant total de plus de 40 milliards de dollars [8].

    En 2011, il est devenu le seul Russe dans la notation des «100 professionnels les plus influents du secteur du private equity au cours de la dernière décennie» par le magazine Private Equity International [1]. Dans le cadre de l'année de la présidence russe du G20 (G20), il a dirigé le groupe de travail Business 20 (B20) sur l'investissement et les infrastructures.

    Par décret du président de la Fédération de Russie, Kirill Dmitriev a été nommé l'un des cinq membres du Conseil des entreprises du BRICS, ainsi que l'un des trois membres du Conseil consultatif des entreprises de l'APEC.

    Il a été élu vice-président de l'Union russe des industriels et entrepreneurs.

    Membre des conseils d'administration de Rostelecom [9], Gazprombank [10], Mother and Child [11], Russian Railways [12], Transneft [13], Rosseti [14] et du conseil de surveillance de l'entreprise Alrosa [15]. Il est membre du conseil d'administration de l'Université d'État de Moscou et du théâtre Mariinsky.
    KA Dmitriev prononce un discours après avoir reçu l'Ordre de la Légion d'honneur. Gauche - Ambassadeur de France en Russie A.-S. Bermann. 19 novembre 2018

    Le 16 janvier 2017, Dmitriev est devenu le premier représentant russe à rencontrer à Davos Anthony Scaramucci, conseiller du président élu américain Donald Trump, au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. [16] Le 22 juin, CNN.com a publié un article reliant Anthony Scaramucci et ce réunion avec des enquêtes sur le Fonds d'investissement direct russe, mais le lendemain, l'article a été supprimé parce qu'il «ne répondait pas aux normes éditoriales de CNN» [17].

    Le 30 novembre 2017, le fondateur de la société militaire privée américaine Blackwater, Eric Prince, a annoncé lors d'une audience du Congrès que le 11 janvier 2017, il avait rencontré Kirill Dmitriev aux Seychelles. Cette information provenait du témoignage de Prince devant des membres de la commission du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis lors de l'enquête sur une éventuelle ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016. Selon des sources anonymes du Washington Post, le but de la réunion, qui a été médiatisée par les Émirats arabes unis, était censé établir un canal de communication secret entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Au cours des auditions, Prince a nié cette information, déclarant qu'il n'avait discuté avec le chef du Fonds d'investissement direct russe Kirill Dmitriev d'aucun "canal de communication" entre les États-Unis et la Russie [18] [19].

    En février 2019, Dmitriev a été l'un des premiers hauts dirigeants et hommes d'affaires russes à se prononcer en faveur et à se déclarer prêts à se porter garant du chef arrêté du fonds Baring Vostok Capital Partners, Michael Calvey, et d'autres employés du fonds [20]. Quelques jours après son arrestation, Dmitriev a envoyé des pétitions au tribunal de la ville de Moscou, au tribunal de Basmanny et au comité d'enquête pour changer la mesure de contrainte pour les personnes arrêtées impliquées dans l'affaire Baring Vostok en assignation à résidence [21]. Par la suite, le tribunal Basmanny de Moscou a libéré Michael Calvey, le fondateur du fonds d'investissement Baring Vostok, assigné à résidence [22].Parle couramment l'anglais, négocie avec des partenaires étrangers sans interprète.
     


    Dans le métro et partout, le masque et la distance sociale sont prêchés par des slogans et des affiches et tous les gens qui ont une position officielle se promènent muselés. Les autres font semblant, ou ne portent rien. C'est vrai qu'au bout d'un certain temps, le doute s'installe... En tous cas chez les Russes. Les Serbes se soulevent carrément contre une deuxième tournée de muselage. Il faut dire qu'ils se soulevaient déjà quand tout cela a commencé, fort opportunément pour leur gouvernement de satrapes pourris. Alors maintenant, on ne la leur fait plus, peut-être même qu'ils se fichent d'être malades, la liberté ou la mort. Et c'est de cela qu'il s'agira sans doute bientôt pour tout le monde. La liberté, la dignité et même l'intégrité physique, en un mot notre humanité, ou la mort. Peut-on envisager de vivre masqué jusqu'à la fin des temps, de faire l'amour comme les chiens pour ne pas échanger nos souffles, de ne pas aller voir ses vieux parents, de ne pas voyager? Ah mais le vaccin est là pour vous sauver, bonnes gens, sauf  que d'après ce que j'ai vu, il faudra en refaire un tous les ans, parce que les virus ça mute. Nous serons accro au vaccin, comme on l'est à l'héroine. Pas de vaccin, pas de vie, pas d'autonomie. Comme c'est pratique pour installer une tyrannie mondiale et tondre les moutons à intervalle régulier. On comprend que les solutions alternatives de savants gêneurs soient immédiatement traînées dans la boue et la dérision.
    Quand on pensait aux armes biologiques, on imaginait qu'elles seraient employées par un pays contre un autre pays, mais je pressens qu'on est arrivé à quelque chose de plus original, les salauds de tous les pays contre la population universelle. La caste des surhommes contre la "populace", le populo, le bétail qu'on peut faire disparaître, diriger et croiser à volonté, l'avenir c'est la ferme des mille vaches pour tout le vivant, y compris les humains surnuméraires, la biomasse que des vampires en costar comptent saigner à leur guise.
    Évidemment, des peuples comme le peuple serbe ne font pas du tout l'affaire des extraterrestres qui nous gouvernent. En revanche, les Français qui se mettent à quatre pattes devant ceux qu'on amène pour les exterminer et croient à toutes les calembredaines qu'on leur raconte, pourvu qu'on ne les réveille pas du songe progressiste, hédoniste et politiquement correct des trente glorieuses, on peut dire qu'ils ont été bien dressés...
    C'est du reste une des raisons qui m'ont poussée vers la Russie, avec toutes les cicatrices que lui ont laissée l'expérience communiste, j'avais l'impression d'y voir la modernité telle qu'elle était, sans fards. J'avais l'impression d'y être plus éveillée et environnée de gens plus lucides. Ce qui d'ailleurs n'est pas toujours vrai.
    Au fait, je ne sais pas si vous avez remarqué, tous les Charlie charlots, mais depuis qu'on nous a sorti le Covid du chapeau, plus de terrorisme, c'est un hasard?
    Et chose curieuse, le Covid ne frappe jamais les manifestants des Black Live Matters, il est raciste, lui aussi, il n'aime pas les noirs.

    lundi 13 juillet 2020

    Formalisme

    La veille de la  fête  des saints Pierre et Paul, je suis allée aux vigiles à l'église des Quarante Martyrs. J'aime bien cette église, et on peut en profiter pour regarder le lac, qui, le soir, avait presque un air automnal, par ses couleurs assourdies et nordiques, ses eaux verdâtres où dérivaient des mouettes et des canards. Le recteur semble très fervent. Je voulais voir le père Ioann, qui était avant chez nous à la cathédrale, mais il n'était pas là.  Je vais aller à Moscou, demain, pour la première fois depuis quatre mois.
    Juste en face de l'église, une isba est en vente, elle semble en bon état, elle est petite, et son jardin aussi. Mais il n'y a que la rue à traverser pour aller prier, ou nager, ou regarder le soleil se coucher sur le lac, ou les barques glisser sur la rivière. Et ce n'est pas une hideuse baraque en plastique, c'est une isba en bois. 
    J'avais un pneu crevé, car les routes sont telles que ce genre de choses arrive, et pendant qu'on me le réparait, je vois un barbu s'approcher de Rita avec un air amène. Cet air amène, assorti d'un discours sur les grandes vertus de la fréquentation des animaux pour l'attendrissement des coeurs, m'a fait soupçonner un ecclésiastique. Comme il me parlait de son village, je lui ai adroitement demandé s'il comportait une église, et il m'a répondu qu'il y officiait. Il m'a dit qu'il y avait un Français, dans son village, un certain Jean-Pierre, qu'il travaillait à Moscou mais s'était replié dans sa datcha avec sa famille pour cause de Covid. Ce Français est orthodoxe, marié avec une Russe, installé pour de bon. Tout cela me disait vraiment quelque chose, et quand le prêtre m'a donné son nom et son numéro de téléphone, après m'avoir parlé de l'évêque, pour lequel il a la plus grande affection, et de sa page facebook, où il avait vu certaines de mes interventions, j'ai eu une illumination: le père André! Il m'avait fait visiter son église de campagne qui n'avait jamais fermé et qui était pleine d'antiquités dont on lui avait déjà volé un certain nombre. J'avais escaladé son clocher, et il m'avait aidée à redescendre avec beaucoup d'obligeance. C'est peu de dire qu'il a l'air gentil, on dirait la bonté incarnée.
    Jean-Pierre le Français dit au père André qu'en Russie, il y a de la spiritualité dans l'air, même après des décennies de persécutions et d'antithéisme, alors qu'en France, il avait l'impression que Dieu était complètement absent. C'est ce que m'a dit à son tour le père Vadim, de Moscou, passé inopinément chez moi avec sa femme, à propos de l'Amérique, où ils ont vécu des années.
    Comme je parlais des vieux-croyants restés si authentiques, quelqu'un m'a répliqué qu'ils étaient haineux et hérétiques. Pour ce qui est de l'hérésie, avec tous les emprunts malheureux faits aux catholiques et même aux protestants par l'Eglise russe depuis le XVII¨siècle, sans compter les dérives oecuménistes actuelles de certains clercs, je prefère penser, comme mon père spirituel, qu'ils sont schismatiques. et pour ce qui est de l'amabilité, Skountsev est tout ce qu'il y a de plus cordial, ses cosaques Nekrassovtsi aussi. En réalité, j'ai vu parfois des bigotes et bigots orthodoxes réfrigérants et raides comme la justice. Et Skountsev me dit qu'une femme de prêtre dans une paroisse où il enseigne fait la chasse aux contenus "immoraux" des chants cosaques, du genre "buvons un coup", ou certaines chansons un peu lestes, ou satiriques. La bigoterie et la pudibonderie sont deux défauts qui me révulsent et momifient la religion, la dévitalisent. J'ai peur d'ailleurs de m'y heurter si mon livre sort en russe.
    On dit que les vieux-croyants sont formalistes, mais j'ai vu des orthodoxes qui l'étaient tout autant. Il me semble surtout qu'ils ont gardé le sens du symbole, que depuis la renaissance et pour les Russes le XVII° siècle, nous avons perdu. Or je suis tellement imprégnée de cela, de cette appréhension cosmique, symbolique, médiévale de la vie, que je me demande parfois si mes contemporains ne sont pas des extraterrestres. Il y en a qui ne comprennent pas du tout la portée de l'incendie de Notre Dame, par exemple, et maintenant, il en est d'autres, qui ne comprennent pareillement pas celle de l'attentat commis par Erdogan sur sainte Sophie de Constantinople. Sainte Sophie, pour eux, c'est du décorum inutile, ils ne font pas la différence entre la beauté d'un sanctuaire, avec tout le sens qu'il recèle, et la salle de bains en or massif d'un émir arabe.
    Quand j'avais lu pour mon roman les récits de voyageurs étrangers en Russie ancienne, j'avais vu que les somptueux vêtements d'apparat des boïars et du tsar étaient liés à leur fonction, de la même manière que ceux des métropolites, des évêques et des prêtres, et que la cérémonie achevée, tous ces gens étaient habillés simplement, les moines d'autant plus. Mais tout étant ritualisé et sacré, les offices à l'église comme les réceptions du tsar ou des grands-princes se devaient d'être magnifiques, et de correspondre aux descriptions de la Jérusalem céleste. Ces vêtements étaient même prêtés aux dignitaires et ambassadeurs, qui devaient les rendre dans leur état initial. Quand les bolcheviques ont spolié l'église de ses biens, le saint patriarche Tikhon leur dit que ce n'était pas lui et son clergé qu'ils spoliaient, mais toute la Russie, toutes les générations de Russes qui avaient au cours des siècles constitué cet héritage. Car le patriarche Tikhon, comme toute la Russie jusque là et moi-même, était dans cette communion mystique trans temporelle et trans spatiale que l'homme moderne, si appauvri, ne comprend plus. Pour lui, Notre Dame ou Sainte Sophie ne sont plus son héritage, il n'a plus d'héritage, et n'ayant plus d'héritage, il n'a plus non plus de patrie.
    On m'a apporté du sable, pour rehausser certains endroits du jardin qui baignent dans l'eau, en unifier d'autres, et c'est un ouzbek  qui s'est chargé de répartir tout cela, bien que je me sois tapée moi-même une dizaine de brouettes. Il m'a pris cher, mais j'étais pressée. A la fin, il a voulu se rafraîchir, et je l'ai fait entrer, lui ai donné une serviette: "Paix à cette maison", a-t-il proféré.
    C'est beau, c'est évangélique. C'est traditionnel.