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samedi 11 septembre 2021

Korovine

 

la véranda de Korovine

Je fais un peu de tourisme avec Nil, à l'issue de son premier jour de travail, je l'ai emmené sur la colline d'Alexandre, d'où l'on a une belle vue sur notre lac nordique. Mais aujourd'hui, il commençait à tirer la patte, le rythme de travail est dur... Je devais aller chanter à la datcha-musée du peintre Constantin Korovine, grand ami de Chaliapine, qui y venait souvent. Korovine était un impressionniste russe, qui a écrit aussi ses mémoires sur la révolution. Il s'est retrouvé, comme Chaliapine lui-même, dans l'émigration, où il fait beaucoup de paysages français, ses tableaux russes ont massivement disparu dans la tourmente révolutionnaire.

 https://www.wikiart.org/fr/constantin-korovine

sur la colline d'Alexandre


J'aurais pu arriver le matin pour dessiner avec les peintres invités au festival, mais je n'ai pas eu le courage, car je devais me produire en fin d'après-midi. Et puis je pensais proposer à Nil de m'accompagner. Il n'était pas chaud. Il avait envie, mais il n'en pouvait plus. Je connais ça. Je suis parfois obligée de renoncer à des choses qui m'intéresseraient beaucoup parce que je sais que cela me surmènerait. Cependant, au dernier moment, il s'est décidé, et nous avons pris Aliocha avec nous. 

Aliocha essayait de communiquer, et Nil faisait tout son possible pour lui répondre, je faisais l'interprète aussi, mais je pense que le second parlera vite. Il n'hésite pas à se lancer, à utiliser les mots qu'il connaît. Il a envie d'y arriver. Aliocha et lui ont fini par utiliser la traducteur Yandex pour se comprendre.

La route était très jolie, beaucoup de grands pins sylvestres et de bouleaux, qui se couvrent de dorures à toute vitesse. Mais complètement défoncée. 

J'ai chanté sur une petite scène, une espèce de kiosque. J'avais choisi "rue saint Vincent", parce que Korovine avait vécu à Paris, peu de temps après la création de cette "romance urbaine", comme on dit ici, et puis elle est si poétique. Ensuite les Marins de Groix, des chansons de ma composition et une chanson russe aux gousli. J'étais très à l'aise, parce que l'atmosphère, si on fait abstraction de l'humidité, était très chaleureuse, avec des gens du musée de Pereslavl, des intellectuels moscovites. La datcha, modeste, avait beaucoup de charme. Des gens vendaient du miel, des champignons, des légumes du jardin. J'ai acheté des girolles et de vraies tomates. Nil a pu discuter, en français, en anglais, avec diverses personnes.

Après moi s'est produit un chirurgien local qui faisait du jazz avec son père. Le vieux monsieur avait l'air de se régaler, avec son clavier électronique. Les textes des chansons, en russe, étaient bien, le chirurgien jazzy tenait à utiliser sa langue, et il avait raison. Mais il est difficile de nationaliser le jazz, comme l'ont fait pourtant Charles Trenet ou Claude Nougaro. Le chirurgien a chanté sa version jazz d'une des principales prières orthodoxes, le Trisaghion. Là, je n'étais plus en phase. Il ne faut pas tout mélanger. Il a dit que l'évêque de Rostov n'avait pas du tout béni l'entreprise, et je le comprends. Le père Sérafim Rose, américain, disait que le jazz est une musique dépourvue de spiritualité. Et en effet, elle peut être agréable, moelleuse, sensuelle, sensible mais elle n'a pas d'échappée vers le haut. Elle ne met pas dans un état de prière.

Reste que ces manifestations culturelles dépourvues de prétention, avec des gens sincères et simples, se rencontrent assez peu en France, où tout ce qui est "créatif" a la grosse tête. 

Au retour, nous avons vu que la voiture qui nous précédait s'était arrêtée près d'un animal immobile, sur les pattes arrière. C'était un renard, pas du tout intimidé. Le conducteur lui a donné quelque chose à manger, et il s'est détourné pour emporter le cadeau dans la forêt.







 Sur Facebook, j'ai trouvé une vidéo sur des Français installés ici, qui participaient à une manifestation commerciale, à Moscou. Parmi eux, le gentil Sébastien, dont j'ai parlé dans une précédente chronique:

https://www.facebook.com/eric.leprovos/posts/10226486945178740?__cft__[0]=AZX6yq8negEgP-qXbLEJA5hguyZAv_cyD8GZPVlDpbMEJ_VzQ7KHAn0EtVEfwOGOPDtIHwwNHaiZ4evykb3AJ54VG0oDwQAOTBWCWvZKzGfblX8bxBAy0hiD1HkWatD1aIyW3NUtW2vqIiKaF_kfm2Fy&__tn__=%2CO%2CP-R

A mettre en parallèle avec ce lien-ci:

 https://www.facebook.com/laurence.guillon.10/posts/10223614522824867?__cft__[0]=AZUvHkQ3H8e7KbAgCiN5Jkb6EMkaUc9WhhjeLKyAs6XHZltq9xUfP5YTI2pNav00-Rrvz9umDIxoAvPSfsH41erCvfhPrKO_10Z3AYDDl6mJlRH7_l17SjWNiTjT8ziSQEJaiDcyoKnR878xgmBbqYDtB5a54DEbJtKfk129zTLDww&__tn__=%2CO%2CP-R





mercredi 8 septembre 2021

Nil

 


Hier soir tard, j'ai vu arriver Nil, qui vient tenter sa chance ici. Il avait fait un faux départ avant le vrai, pour cause de pass sanitaire, de test, et autres joyeusetés de la maison de fous covidienne. Ce matin, sans grasse matinée, le voilà parti visiter la ville. Gilles me téléphone pour nous demander de venir au plus vite rencontrer Didier, mais je ne savais pas comment contacter le jeune homme. Or il était déjà rentré de son petit tour, mais par discrétion, restait dans son trou, nous avons donc foncé au café.

Nous avons fait connaissance sur place, je vois que Didier est circonspect. Mais j'ai de l'espoir, car Nil me paraît avoir une bonne mentalité, d'aplomb, autonome, dégourdi, simple et pas sot. 

Didier a voulu me faire la bise, puis s'est tout à coup enquis s'il le pouvait: est-ce que j'étais vaccinée?

- Non, et toi tu l'es?

- Bien sûr!

- Alors tu as peur de me contaminer?

- Non, j'ai peur que toi, tu ne me contamines!

- Je ne suis pas malade! 

- Pourquoi tu ne fais pas le vaccin?

- Parce que je suis complotiste.

- Ah ça ne m'étonne pas de toi!"

Il y croit. Il reste contagieux, n'est dispensé d'aucune mesure, du moins en France, s'il y va, parce qu'ici tout le monde s'en fout, mais il y croit. Il a fait le vaccin russe, le Spoutnik V.

Il a tracé de Pereslavl un tableau assez peu engageant, l'hiver; c'est mort, le climat est terrible, marcher devient l'hiver très difficile, à cause du verglas. Nil trouve l'endroit très dépaysant, plus rien à voir avec Toulouse. Quand ma cousine était venue me voir, elle avait trouvé la Russie plus dépaysante que la Thaïlande. Il est sidéré par le mauvais goût chaotique de toutes les maisons plastifiées qui poussent n'importe comment et n'importe où. Et subjugué par le lac, qu'il trouve immense, et les nombreuses églises. Je lui ai montré l'embouchure de la rivière Troubej, l'église des Quarante Martyrs, celles du centre. Je lui ai fait faire la promenade du marécage, derrière chez moi, pour qu'il sût ou aller prendre l'air. Nous avons rencontré une vieille et son troupeau de chèvres, contemplé dans le vent froid et humide l'horizon nordique.  

Pour Nil, la France est quasiment morte. même sa langue est en train de mourir. Arabisée, vulgarisée, mutilée. Il est convaincu, comme moi, que c'est le résultat d'une politique délibérée. Et aussi que l'abominable processus a commencé à la Renaissance. Ce processus, en Russie, a débuté beaucoup plus tard. Il restait superficiel jusqu'à la révolution. Ensuite, il a été imposé avec la brutalité que l'on sait, mais si les cicatrices sont profondes, il reste encore de la vie dans ce grand corps du peuple russe. Je lui ai dit que s'il apprenait le russe assez rapidement, il ne s'ennuierait pas à Pereslavl; et ce d'autant plus qu'il est orthodoxe. Il y a suffisemment sur place de personnalités pittoresques, attachantes et aussi créatives.

Demain, il attaque à quatre heures du matin, serein.




dimanche 5 septembre 2021

Soirée française et jardinage d'automne

     Entre deux nuages et deux averses, dans le vent glacial, j'ai réussi à passer l'essentiel de mon dimanche dehors. Plus question de hamac, il n'a pas le temps de sécher, mais je jardine. Je ne me suis réveillée qu'à neuf heures, et j'ai manqué la liturgie. Il faut dire que j'avais passé la soirée chez Gilles, que j'étais revenue à deux heures du matin, et qu'au milieu de la nuit, j'ai été revéillée par ma sonnette électronique, qui délire complètement. Et j'ai eu du mal à me rendormir, car j'étais hantée par le récit hideux de la mort de la princesse de Lamballe, lu la veille sur Facebook, peut-être l'épisode le plus honteux, le plus atroce de notre histoire. Il est vrai qu'elle a connu d'autres lynchages dégoutants. Mais quand même...

 J'organise le jardin pour l'année prochaine, j'ai des choses à transplanter. J'ai passé la débroussailleuse et constaté que la mare que je voudrais créer existe pratiquement déjà, j'enfonce dans l'eau jusqu'aux chevilles, pas étonnant que des grenouilles s'installent chez moi. J'ai allumé le chauffage, et j'apprécie de me retrouver dans une atmosphère sèche et douce après les exploits de la journée...

J'étais tombée sur Gilles et Maxime au café français, et ils m'avaient invitée à Koupanskoié le même soir. Il y avait également leur associé Nicolas et sa charmante femme russe, et puis un jeune Français, Sébastien, qui produit et commercialise ici de la charcuterie française, avec sa jeune femme russe, tout aussi charmante, et leurs trois enfants, gentils et discrets, pour des enfants! Nous avons beaucoup plaisanté sur ce dernier sujet, avec mon expérience d'institutrice au lycée français et ma chienne qui déteste les gosses!

Ils avaient prévu un barbecue, mais il faisait un temps de fin d'octobre, pluie, vent glacial, obscurité, car les longs crépuscules polaires ne sont plus qu'un souvenir, nous dégringolons à toute vitesse dans l'orbite du solstice d'hiver et ses ténèbres. J'étais assise sur le perron avec la femme de Nicolas. Les hommes s'affairaient autour du brasier, dans la nuit noire de la pinède. Les néanderthaliens devaient avoir quelques moments difficiles, quand on y pense. J'avais un verre de pinard, et le saucisson aux truffes de Sébastien pour me remonter le moral. Gilles nous a suggéré de rentrer, car décision avait été prise de manger à l'intérieur. A l'intérieur, il faisait bien chaud, grâce au poêle à pellets. Ca marche vraiment bien.

La soirée était très gaie, dans le genre français. Beaucoup de bonne bouffe! Les merguez et les chipolatas de Sébastien, il fait même des caillettes, je n'en avais pas mangé depuis des années. Le velouté aux cèpes de Maxime, ses cèpes au persil et à l'ail, cèpes ramassés autour de la maison, dans les bois de pins. Le raifort alsacien de Gilles, ses sirops naturels importés d'Alsace, mirabelle, grenadine. Je ne buvais plus de vin, car je devais prendre le volant pour revenir à Pereslavl... Curieusement, pour des pâtissiers, pas de dessert!

Le second sujet de plaisanteries, c'était le café et son pâtissier génial et grognon. tout le monde fait des prières ardentes pour que Nil, qui arrive demain soir, tienne le coup! Car Didier pourrait bien finir par s'en aller, il n'est plus tout jeune. Gilles et Maxime ont cherché un moyen de récupérer Nil à l'aéroport, pour lui éviter de galérer et l'amener directement chez moi, et ils l'ont trouvé. 

Le troisième sujet, tout aussi inépuisable, c'était l'ambassade, les expatriés et le lycée français, ainsi que certains de ses enseignants, en toute affection par ailleurs... Je me disais: "C'est bien les Français, la bouffe, la rigolade, charrier les uns et les autres!" Je me réchauffais, mais j'avais l'impression que j'allais être malade, eh bien non. L'apéritif nuit et brouillard n'a pas laissé de traces!

Sébastien m'a plu infiniment, il a une bonne bouille de vrai Français, simple, gentil, travailleur, courageux et honnête, et ce sont ceux-là que fait partir le gouvernement, avec son délire covidien et ses gardes verts du sud. Et sa femme est également bien sympa, elle semble intelligente et naturelle. Une belle famille. Pas étonnant que leurs gosses soient si supportables! Xénia connaît même Sacha Viguilanskaïa, qui avait l'un d'eux dans ses groupes de russe, au lycée, et elle l'estime beaucoup. Pour l'instant, ils vivent à Moscou, c'était leur premier séjour à Pereslavl.

Quelque chose me dit que notre petite communauté va grandir. En dehors des Français, d'autres Européens arrivent ici, et même des Canadiens et des Américains.

J'ai du mal à envisager que le jardin, c'est bientôt fini, que tout s'endort et se fane, la fête est terminée.


c'était il y a seulement quelques jours...


on va voir comment seront l'an prochain les deux malheureux thuyas...


vendredi 3 septembre 2021

saint Spiridon et sainte Gertrude

J'ai appris la mort subite, pendant son sommeil, alors qu'il venait de lire ses prières du soir, d'Oleg, le mari d'Olga. C'était un homme fin, cultivé et très bon, très croyant, qu'elle avait rencontré après un premier mariage difficile, d'une façon un peu miraculeuse, ils s'entendaient très bien. et moi, je m'entendais bien avec l'un et l'autre, c'étaient certainement ceux avec lesquels j'avais ici les meilleures relations, mais je les voyais surtout l'été, car ils n'ont ici qu'une datcha. C'est mon amie Yana qui me les avais présentés, lors d'un séjour ici, dans le monastère voisin de leur maison. Yana est-elle même du genre hypersensible et délicat. Elle vient me voir de temps en temps, avec son mari. 
Je plains beaucoup Olga, perdre un mari avec lequel on s'entend bien, c'est dur. Moi, je n'ai pas de mari du tout. Mais justement, j'imagine à quel point ça manque quand on en a eu un. Cette nouvelle m'a beaucoup affectée.


 Oleg est avec Olga sur la droite. Je les avais vus tout récemment.
Mémoire éternelle....

Aujourd’hui, la mère de Génia s’en va, avec sa copine et son chat et j’ai pitié de celui-ci, qui avait pris l’habitude de la liberté. Mais c’est un emmerdeur dominant qui pisse partout, je n’avais vraiment pas besoin de lui, et quand je pense qu’elle avait proposé de me le laisser en attendant de s’installer dans sa prochaine maison ! Ses affaires aussi, j’aurais dû les garder. Finalement, la propriétaire de la prochaine maison prendra les affaires à l’avance. Mais pas le chat, qui attendra à Moscou son nouveau domaine.

Dès lundi arrive Nil, le fils de mon amie orthodoxe et littéraire, Anne. Il va tenter sa chance au café français. Je le sens bien, car il est très motivé pour émigrer en Russie, et comme il n’est sûrement pas imbécile, il devrait y arriver, la pâtisserie est tout un art, mais il ne faut pas obligatoirement être Léonard de Vinci pour le dominer. Il faut quand même aimer ça, mais il me semble que ce n’est pas dénué d’intérêt, c’est beau, odorant et bon. Si cela marche, je serai ravie pour tout le monde, et pour moi-même qui garderai un pâtissier français sur place. Et je rendrai grâce à saint Spiridon, à qui j’ai régulièrement demandé son intercession dans cette affaire. Car justement, saint Spiridon, les affaires, c’est son truc.

Au réveil, j’ai trouvé la cuisine inondée de pisse de chat. C’est Chocha qui fait ça. Avant, c’était dans la salle de bains. A part les normaux, qui vont dans le jardin, les tarés font partout, sauf dans les toilettes chats, qui ne devraient pas avoir lieu d’être, dans une maison avec jardin et chatière. La chatière ne sert d’ailleurs que de porte d’accès à de nouveaux emmerdeurs. Et m’évite de faire le portier.

Je ne brutalise pas mes chats, mais je leur gueule dessus avec tant de fureur impuissante qu’ils sont épouvantés, mais cela ne les arrête pas pour autant. Chocha prend un air offensé, Blackos s’enfuit, c’est généralement à ces deux-là que je dois tous ces cadeaux. En réalité, la violence verbale est une violence. Je sais que je devrais surmonter cela, que c’est probablement pour éprouver ma patience que Dieu permet la misère que me font ces animaux insupportables. Chocha est d’une jalousie hallucinante, elle me voudrait pour elle seule, me couve d’un oeil énamouré, se vautre sur mon bureau, dont elle fait tout tomber, qu’elle couvre de poils et elle va jusqu’à pisser sur l’imprimante, tout ce qu’elle fait m’exaspère, mais elle mendie une affection que j’ai de plus en plus de mal à lui accorder. Ayant besoin d'imprimer un papier pour le signer et le scanner avant de le renvoyer, j'ai fait appel à la spécialiste de service, Valia. L'imprimante était collante de pisse à l'intérieur. Rien à faire, plus qu'à la changer et à tenir la prochaine sous cloche à fromage.

Blackos, même profil, il m’adore comme une déesse et me craint comme la peste, et pisse obstinément sur mon divan, dont je lave la housse tous les deux jours, ou bien il chie sous mon lit, et me suit d’un regard éperdu, attendant que pour ces attentions, je le comble de caresses et de mots doux en retour.

De plus, ce matin, j’ai trouvé un chat qui peut disparaître 15 jours et reparaître épisodiquement, je soupçonne qu’il a plusieurs maisons. Lui aussi dominant, emmerdant, impudent et cela perturbe le reste du troupeau. Je n’arrive plus à en avoir compassion, parce que trop, c’est trop. Ce n'est pas sainte Gertrude, la patronne des chats? 

Au point où j'en suis, j'échangerais six chats contre deux dogues.

A part ça, pluie et vent glacial. Il est un peu dur le changement de saison.           



jeudi 2 septembre 2021

Entre deux nuages

 


Un rayon de soleil apporté par un vent doux m'avait hier laissé espérer que je pourrais profiter un peu de mon jardin. J'avais des courses à faire, le temps que sèche mon hamac. Mais au sortir du Magnit, un ciel ténébreux annonçait un orage qui éclatat au moment où je garais ma voiture. Je crains que les séances de plein air ne deviennent rares et j'en éprouve une grande frustration. Signe sans doute de l'insuffisance de mon état spirituel. Mon âme ne sait pas trouver au fond d'elle-même la source de ce qui l'apaise au spectacle de la création. 

Aujourd'hui, je suis parvenue à jardiner et à jouer des gousli entre deux nuages. Ces nuages énormes étaient fort beaux, avec des lumières et des nuances étourdissantes. Des nuages d'automne, qui migrent, comme les oiseaux. Les topinambours ont pris cette année des proportions grandioses; et en effet, ils font partir la berce du Caucase, mais pas tout de suite, il faut qu'ils s'installent. Ils sont tout aussi envahissants, mais n'ont pas les mêmes inconvénients, et ils sont comestibles, et même excellents. J'ai cueilli mes quelques noisettes. L'année dernière, j'en avais eu trois, cette année, une quinzaine.

Je profitais de chaque moment du bonheur d'être dehors, de me gorger d'encore un peu de soleil, de me laisser bercer par le vent, de contempler les jeux de lumière à travers les fleurs et les vapeurs dérivantes... 


les topinambours


À cause d'une forte augmentation des prélèvements sociaux, ma retraite est passée de 810 euros à 600 et des brouettes. Mon complément retraite, qui déjà ne correspondait pas à ce qu'on m'avait annoncé quand je cotisais plein pot, est passé, "pour des raisons de solidarité", de 130 à 98. En revanche, les impôts sur le loyer de la maison de ma mère sont passés à 40%. Ce processus ne me surprend pas vraiment, et ne fera que s'accentuer. C'est une des raisons pour lesquelles je voulais vendre ma trop grande maison. Il va me falloir maintenant en aménager la moitié pour louer aux touristes en me garantissant un maximum d'intimité et pour eux de confort. À vrai dire, il se peut que le cocopitalisme transhumaniste nous spolie de tout au profit de ses féodaux mafieux. Ici, sans doute plus tard qu'ailleurs. Ou peut-être jamais, si les Russes se montrent moins dociles que les occidentaux et que Dieu leur vienne en aide.

Je ne sais pas comment on peut encore accorder la moindre confiance à ceux qui ont partout confisqué le pouvoir au profit de quelques ploutocrates psychopathes. Par peur de regarder la réalité en face, elle est plus effrayante que la cavale apocalyptique qui sert à nous museler et nous enchaîner tandis qu'on nous fait les poches et nous prive de nos derniers droits. Que des hiérarques chrétiens se prêtent à cela, par lâcheté, aveuglement ou complicité active, est perturbant. Mais pas si étonnant, quand on y pense bien. Un geronda athonite racontait que le diable lui avait montré plusieurs petites brides destinées aux patriarches, archevêques et évêques qui feraient sa volonté. "Et pour les simples fidèles, rien de prévu ?" demande le geronda. "Les simples fidèles suivent leurs hiérarques" répond le diable. Cette anecdote était rapportée dans une émission de la chaîne orthodoxe Spas, destinée, si j'ai bien compris, à convaincre les auditeurs de la nécessité de la piquouze universelle. Le présentateur soumettait à la sagacité de deux prêtres éclairés les considérations du célèbre starets Élie, qui vient de survivre à la covid à 90 ans, celles du geronda grabataire Gabriel, du mont Athos, et une interview du père Andrei Tkatchev, prédicateur de choc venu d'Ukraine. Eh bien le résultat est plutôt inverse à l'effet escompté. En tous cas, les commentaires ne soutiennent absolument pas le propos. Le célèbre starets Élie déclare que la maladie est le fruit d'une sorcellerie démoniaque délibérée aux objectifs ténébreux. Ah zut alors, "vous n'auriez pas du tenter ce vieil archimandrite du grand schème avec une question qui ne relève pas de sa compétence" proteste avec bonhommie un des prêtres éclairés. Pour ce qui est du geronda Gabriel, qui rapporte l'anecdote citée plus haut, et se montre beaucoup plus explicite sur les manœuvres des ploutocrates qui détiennent les organismes supranationaux impliqués, il a droit, de la part des prêtres éclairés, à des critiques beaucoup plus virulentes et désobligeantes: c'est un vieux Grec lointain, et pas un starets russe vénéré par tout le pays. D'ailleurs, observe l'un d'eux, geronda chez les Grecs ne veut pas dire starets, avec la signification qu'à pris ce mot dans la tradition russe, c'est juste une façon de s'adresser aux anciens. Mais cela ne passe pas mieux auprès du public, qui prend résolument fait et cause pour le moine grabataire. C'est ensuite le père Tkatchev qui s'exprime, mais là pas de surprise, tout le monde le connaît et sait ce qu'il pense. "C'est une question personnelle, dit-il en substance. Et qui doit rester soumise au libre choix de chacun. À celui qui est convaincu de la nécessité de le faire, je dirai:" Signe-toi au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et fais-le. À celui qui comme moi pense que tout cela s'inscrit dans un complot général, je dirai:" Ne le fais pas".

Parallèlement Lavrov déclare que le but des Américains est de détruire l'orthodoxie orientale, ce qui est parfaitement exact. Il faudrait encore que les hiérarques de cette orthodoxie ne se prêtassent pas obligemment à cela sans réserve, consciemment ou pas. Je me permettrai d'apporter d'ailleurs une correction aux propos de Lavrov: c'est le but non pas seulement des Américains mais du mondialisme transhumaniste qui compte en Russie des soutiens actifs. Ce pays aux dehors souverainistes se plie plus ou moins aux instructions des structures d'asservissement que sont les organismes supranationaux, ou fait semblent de se plier, ou se plie sans se plier tout en se pliant.... Je suis bien obligée de le constater avec inquiétude et douleur, en priant Dieu que tout cela n'aboutisse pas. Et la haute hiérarchie, au lieu de dénoncer les manœuvres de gens qui veulent la destruction de l'église, vont en ce sens, sans discernement. À l'exception de starets, higoumènes, évêques isolés et d'une masse de fidèles non éclairés qui depuis des siècles se fient plus aux hommes de Dieu et fous en Christ qu'aux archevêques. 


ma récolte du jour


Mes liens du jour:ORTHODOXOLOGIE: Les États-Unis se fixent l'objectif de détruire l'unité du christianisme orthodoxe mondial, déclare Lavrov

https://russiepolitics.blogspot.com/2021/08/pass-sanitaire-perpet-loms-publie-un.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A%20RussiePolitics%20(Russie%20politics)&fbclid=IwAR2VWIsYVnTYomi8YkMGOYDd96yBOXqWTJ_1jymcUN-zz1C4xg4dthNq2c0




dimanche 29 août 2021

Au bercail

 

Robert

  Retour à Pereslavl. Les chats m'attendaient de patte ferme. Il faisait un temps doux et ensoleillé qui m'a permis de passer un moment sur mon hamac, avec Georgette, guettée par Blackos et Robert, et gardée par Rita. Les fleurs d'automne remplacent celles de l'été, et les premiers rameaux jaunes ou rouges se manifestent ça et là. Je commence à méditer les plantations et transplantations pour l'année prochaine. Les saules poussent à une vitesse intimidante, comme les arbres dans la jungle. J'ai ouï dire que mon voisin désastreux envisagerait de faire un canal de drainage le long de notre clôture, et de répartir de façon plus étendue la tonne de terre qui me surplombe. Reste que sa terrasse donne chez moi, et que tant que je n'aurai pas un écran d'arbre et des rideaux au crochet, j'aurai l'impression de vivre dans un aquarium.

  Avant de partir, je voulais avoir une conversation avec le père Valentin, mais il ne pouvait pas avant ce soir, et moi, je n'en pouvais plus de Moscou. Nous devions nous parler au téléphone, et je n'arrive pas à l'avoir. C'est le problème, quand je vais là bas, au fond, je n'arrive à voir réellement personne. Dans ma boite aux lettres, j'ai trouvé une lettre d'admiratrice, une jeune femme de Yaroslavl qui m'a vue à la télé, c'est évidemment très touchant. . Elle a fait de moi un portrait, dont elle m'envoie une photocopie, comment dire? Je préfère qu'on s'abstienne! 

Hier soir, comme Slobodan Despot et sa charmante femme se trouvaient de passage à Moscou, après les mois d'été passés dans un village perdu du nord, nous nous sommes tous retrouvés chez Dany et Iouri Iourtchenko, dans le théâtre de ce dernier, où nous avons passé une chaleureuse soirée. Iouri a parlé du Donbass, de ses pièces, de ses débuts de poète, de sa rencontre avec Dany et de son soutien actuel à un politicien communiste, non par idéologie, mais par patriotisme. Personnellement, si je conçois qu'une certaine forme de communisme national russe puisse être théoriquement préférable au cocopitalisme mondialiste avec dictature électronico-LGBT-sanitaire, je ne crois plus à grand chose en ce domaine. Et surtout, je pense, comme Valérie Bugault, que le système des partis est profondément pervers, qu'il nous divise et permet la confiscation du pouvoir par des ploutocrates oligarchiques, des apparatchiks mafieux et des idéologues psychopathes.

https://lesakerfrancophone.fr/olivier-renault-entretien-avec-valerie-bugault-pour-observateur-continental


Blackos, le chat de la sorcière et son balai




vendredi 27 août 2021

Ville connectée


 Avant le retour à Clermont-Ferrand de sa fille Alissa, j'ai voulu rendre visite au père Valentin, pour le voir et la voir. Et puis tant que les moscovites ne sont pas rentrés, on trouve encore de la place, il faut en profiter:. Je suis arrivée juste pour l'office de l'enterrement de la Mère de Dieu, qui précède demain la fête de la Dormition. Je n'ai rien compris aux lectures. Tout notre clergé était habillé de bleu, couleur des fêtes mariales, mais c'étaient des bleus si raffinés qui n'avaient rien à voir avec les bleus layette façon sainte Vierge fluo qu'on voit trop souvent.

Apres je suis allee chez Xioucha, ou je pensais que nous serions en petit comité, mais il y avait beaucoup de monde, enfants et ados des uns et des autres, j'étais complètement ahurie. Il y avait Thomas, le mari d'Olga, venu fuir ici les mesures insupportables de la France covidienne. Et un autre Français qui vit à Yaroslavl avec sa femme russe. Samuel, reparti en fin de visa, est en proie à des persécutions judiciaires dans notre démocratie modèle.

Alissa rentre la mort dans l'âme et même son fils aîné ne pense qu'à revenir en Russie le plus vite possible, le masque le rend dingue. J'espère seulement qu'on ne nous installera pas ici ce qu'on installe la bas. Nous comptons tous sur le "bordel russe" salvateur....

Car ici, à Moscou, le masque universel plane comme un nazgul, même si peu de gens le portent, et la camisole électronique se referme de plus en plus. Je commence à détester cette ville, la troisième Rome que j'espérais la voir redevenir. Elle prend tous les travers de ce que j'ai fui en occident, elle n'est plus que le fief d'un apparatchik louchon transhumaniste qui, à part son idiome, n'a plus rien de russe. Ma carte troïka étant vide, je vais pour la remplir, plus de caissières, mais des automates indéchiffrables que je n'ai jamais pu faire marcher. Ni avec une carte, ni avec du cash.

J'ai déjeuné à la chocoladnitsa avec une jeune femme qui m'a expliqué que je pouvais payer le métro directement par carte bancaire à un portillon spécial. OK. Mais dans les bus, et les trams, je n'ai pas pu faire marcher le système. J'ai vu qu'une caissière avait réapparu, et j'ai voulu recharger la troïka. La dessus la maritorne, derrière sa triple vitre avec hygiaphone inexpugnable, exige le port du masque. J'extirpe le machin de ma poche, l'accroche crasseux et de travers, sous mon nez, ce qui d'un point de vue sanitaire n'a aucun sens, mais l'important pour elle et pour tous les cons de sa hiérarchie jusqu'à Sobianine inclus, ce n'est ni sa santé, ni la mienne, mais l'acte de soumission qui est censé préluder désormais à toutes les étapes de notre vie dans les villes connectées du Meilleur des Mondes.

Après cela, munie de la troïka, je pensais aller en tram dans un magasin près de chez Xioucha mais pas de bol, on répare les voies, et marcher jusque là, je n'ai pas eu le courage.... 

Je pense qu'avec le temps, je ne viendrai quasiment plus. Car je n'ai jamais pu m'adapter au XX siècle, alors le XXI qui est encore deux fois plus merdique... C'est sans doute la qu'on voit qu'on vieillit. Encore que... Mon beau-père paysan haïssait la ville et ne pouvait absolument pas s'y adapter, quand elle était encore un organisme à peu près normal, avec des magasins et des cafés populaires, des artisans et des gens partout.

Alissa rêve qu'internet se détraque à jamais et malgré ses quelques avantages et les conséquences que cela aurait sur ma vie, moi aussi. Tout cela prend un tour sinistre quoique puisse en penser le métropolite Tikhon.