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samedi 8 juillet 2023

Messagers de joie

 Ce soir, le grondement lointain d'un orage se mêlait au carillon des églises. Après deux jours de chaleur, la pluie m'aspergeait de gouttes éparses et froides. Je venais de me séparer de six étudiants de l'institut saint Tikhon de Moscou venus pratiquer le français.

Ces jeunes gens sont les élèves de la fille de mon père Valentin, Macha. J'ai connu Macha quand elle avait leur âge, et elle a, à présent, celui que j'avais alors. Je n'avais pas très envie de recevoir toute cette équipe, j'étais fatiguée, mais je ne regrette pas de l'avoir fait, car le spectacle de cette jeunesse m'a grandement réconfortée. Ils étaient tous les six attachants, spontanés, purs, profonds. Macha avait désigné une responsable du groupe en la personne de Lolita qui, comme son prénom ne l'indique pas, est une sibérienne de l'Altaï. A part le prénom, Lolita est tout ce qu'il y a de plus russe, d'aspect et de mentalité. Elle est extrêmement intelligente, et m'a paru très forte, assez déterminée, elle lit beaucoup et partout,son sujet de prédilection, c'est Shakeaspere et les poètes de son époque, et elle voudrait aller à Cambridge mais, me dit-elle, "ce n'est pas vraiment le moment, je suis jeune, je peux attendre". Lolita trouve les moscovites bizarres, elle ne comprend pas leur inconsistance, leur absence de patriotisme. En fait, je crois que toute la Russie est un Donbass potentiel, à part Moscou et Saint-Pétersbourg. En partant, elle m'a emprunté les Pensées de Pascal.

En plus soft, cette étudiante déterminée m'a fait penser à Katia Kopylova, cette jeune diplomate d'une intelligence intimidante qu'on interviewe périodiquement..

Serioja a de l'humour et certainement un coeur assez tendre, il est le seul garçon du cours de français. "C'est amusant, lui dis-je. Dans notre cours de grec, au lycée, nous avions un seul garçon, aussi. Il est devenu homosexuel.

- Oh, mais cela ne m'arrivera pas!" s'exclame-t-il en riant.

Juste avant son départ, une autre jeune fille, Nadia, allongée sur mon hamac, me dit: "Laurence, quand vous chantez, on devine toute la nature derrière ces chansons, le folklore, c'est le chant de la nature. J'ai remarqué que la nature réagissait à ce que nous faisions, un jour, comme ça, j'ai chanté, et le vent s'est levé, j'ai pensé que j'étais une magicienne."

J'étais sidérée de voir que quelqu'un partageait avec moi ce genre d'expérience poétique: "En effet, lui répondis-je, et par exemple, un jour où je commençais à lire un psaume à haute voix dans la campagne, le vent s'est levé. Lorsque je joue des gousli dans le jardin, parfois c'est la brise, parfois les oiseaux, parfois la lumière, mais je suis absolument sûre que j'interagis avec tout ce qui m'entoure, les arbres, les oiseaux, les fleurs, les chats, l'air, et que toute la nature autour de moi est heureuse que je m'associe à son harmonie, à sa respiration, à son perpétuel chant de vie, je suis ravie que vous le ressentiez aussi."

Nadia m'a fait penser à mon amie Ania Ossipova, c'est le même style, une jeune femme sensible, intuitive, fine, très jolie. Son père est prêtre.

Il y avait dans le groupe une Ukrainienne, Liéra. Elle m'a dit qu'elle était souvent en butte aux reproches des petits libéraux, qui ne comprennent pas pourquoi elle a préféré, pour faire ses études, la dictature de Poutine au paradis démocratique européen::::.

Toute mon équipe chantait volontiers en choeur, ils ont chanté dans tout Pereslavl, des chansons populaires et aussi des chansons anciennes qu'affectionnaient déjà les enfants Asmus, quand je les ai connus; ces enfants Asmus qui ont à présent l'âge d'être leurs parents. Ils appellent  avec déférence Maria Valentinovna leur professeur, la gamine que j'ai rencontrée en 97 et qui reste pour moi Macha.

Ces jeunes gens sont tous des enfants de famille nombreuse. Et le monde est petit, Nadia est amie avec la fille du cosaque Sakharov, Tania est la nièce du père Dmitri, qui officie avec le père Valentin. Les voir m'a remonté le moral: si la Russie élève encore de tels jeunes gens, tout espoir n'est pas perdu.

Je pensais au séjour que Macha avait fait chez ma tante Mano et mon oncle Henri, quand elle avait l'âge de ses étudiants. Mano était comme moi affolée à l'idée de recevoir ces deux jeunes filles. Pourtant, elle et Henri les avaient tellement aimées qu'ils m'en parlaient à chaque fois que je les voyais, et du reste, ils avaient laissé un souvenir identique à leurs deux invitées. Ils me disaient qu'ils avaient retrouvé la mentalité de leur jeunesse, une fraîcheur, une spontanéité, une pureté dont ils n'avaient plus l'habitude. Eh bien, 25 ans plus tard, en Russie, j'ai vécu la même chose qu'eux avec mes six visiteurs.




mardi 4 juillet 2023

Aperçu de Marseille

 


Immense fatigue, je fais trop de choses, et j'ai beau me promettre d'arrêter, je n'y arrive pas. Mais il faudra, pourtant, je n'ai plus l'âge... Je commets toutes sortes de maladresses, je me suis abominablement pincé un doigt, j'ai cru que je l'avais complètement écrabouillé, mais c'est moins terrible qu'il ne semblait au premier abord. Cela me gêne pour taper, pour faire la cuisine, et pour faire de la musique, aussi...

Je disais à Dany qu'en vieillissant, je réussissais à prendre une certaine distance psychologique, j'avais décidé, vers la cinquantaine, que pour ne pas péter les plombs, j'allais désormais vivre au jour le jour, " à chaque jour suffit sa peine", sans trop regarder ni en avant ni en arrière. Mais je crois que les choses me travaillent au niveau du subconscient. En ce moment, dans un sens, je suis contente d'avoir acquis ce recul, ou construit ces défenses, étant donné les circonstances, dans l'autre, je me rends compte que je n'ai néanmoins pas le contrôle de tout ce qui s'opère en moi.

J'ai appelé ma tante Mano, elle a pour une fois trouvé comment déclencher la caméra, et je l'ai vue, dans sa maison de Marseille, fort heureusement bien camouflée derrière un immeuble, indécelable depuis la rue, mais les désordres concernent surtout le centre et les magasins mis au pillage. Elle m'avoue avec retenue et distinction, dans son joli salon plein de meubles et d'objets de famille chargés de souvenirs, non pas "avoir la haine", ce serait trop vulgaire, mais éprouver une véritable détestation pour les responsables d'une situation qu'elle voudrait ne pas croire sans issue, et semble même étonnée de se voir la proie d'un sentiment aussi extrême, aussi peu convenable. Je le partage tout à fait, et même au delà, car là où elle voit de l'incompétence, je discerne de la malveillance à long terme et de la fourberie. Et pour ce qui est de l'issue, je ne déborde pas d'optimisme. J'étais bouleversée de voir cette très chère parente d'un autre âge, que j'ai connu, celui d'une douce France où il faisait bon vivre, où les gens étaient dignes et bien élevés, continuer à réagir comme elle l'a toujours fait, avec courage, et nous faisions chacune ce qu'il était séant de faire dans cette France-là: retenir ses émotions pour ne pas déstabiliser la personne aimée. Dieu veuille que nous nous retrouvions tous en Lui, quoiqu'il arrive...

J'ai eu tout un échange avec le journaliste Igor Drouz et certains de ses lecteurs. Ukrainien, il pense que son pays fait ontolgiquement partie de la sainte Russie et commentait la décision de Zelenski d'obliger ses administrés à parler anglais, en signe d'indépendance nationale, sans doute... Il rapprochait cette démarche des prédécesseurs bolcheviques de cet individu nazisioniste, qui forçaient les Russes a apprendre l'Allemand, car c'était la langue de Marx, et leur idéal était de transformer les paysans russes en prolétaires allemands. J'ai tout de suite établi le parallèle, nous en avons discuté, il m'a dit qu'il avait pourtant, comme tous les Russes, beaucoup aimé la France, celle d'autrefois, sa littérature, sa culture, mais qu'il avait senti, chez nos grands auteurs du XIX°, une absence totale de spiritualité. C'est intéressant, parce que moi aussi, raison pour laquelle j'avais du mal à les lire à quinze ans, ils me fichaient le cafard, je lisais plus facilement le théâtre du XVII°, Racine et Molière, j'ai beaucoup aimé Flaubert, mais plus tard. C'est pourquoi j'ai été positivement aspirée par Dostoievski dans l'orthodoxie et le "monde russe", j'y retrouvais un moyen âge perdu et des fenêtres lumineuses par lesquelles échapper au sordide d'une existence humaine dépourvue de transcendance. Je me sens très proches d'Igor Drouz, de sa vision des choses, je traduis parfois ses articles. Ils volent haut, les commentaires de ses lecteurs aussi, il est vrai qu'il est croyant... Ses lecteurs me recommandent la prière assidue dans l'arche russe, face à l'Apocalypse qui vient. 

Au dessus de la maison d'Ania, le ciel m'a tracé un ange.



 


jeudi 29 juin 2023

Oooh!

 


J'ai une fois de plus accepté de faire une télé et j'aurais mieux fait de m'abstenir, car cela m'a fait perdre beaucoup de temps et d'énergie. Une fois de plus sur les étrangers qui vivent en Russie et s'y trouvent bien. Les étrangers en question étaient très sympathiques, un Anglais immense, amateur de bains de vapeur, qui vit à Vladimir, un Africain installé à Krasnoïarsk avec sa femme russe, un jeune Allemand avec la sienne... Jason s'était laissé filmer, mais il était sagement resté à Pereslavl. Je vais essayer à l'avenir, dans la mesure du possible, de me limiter à ce qui peut constituer un témoignage spirituel et culturel. Là, c'était un talk-show avec un public, et chaque fois qu'apparaissait sur l'écran ce que l'on avait filmé chez moi, icônes, tableaux ou autre, j'entendais une rumeur enthousiaste: "Oooh!" et "aaaah!" Quelle impression étrange!

De plus, j'avais oublié les clés de l'appartement des Asmus, qui me permettent de ne pas dépendre d'eux quand je suis là bas. Du coup, le lendemain de l'émission, je suis partie dès le matin pour rentrer chez moi. Car j'ai à l'horizon une présentation de livre à Rostov que je dois préparer. Et j'avais besoin d'air, de vent, de nuages, de paix.

Je me sens à Moscou comme un ours en cage. Je ne comprends pas comment j'ai pu y passer seize ans, par quelle étrange malédiction nous sommes tous obligés de gagner notre subsistance dans le bitume et le béton, le bruit et la puanteur, au lieu de vivre comme tous les êtres vivants, sous le ciel, sur la terre, avec les arbres, les oiseaux, la lumière, le cosmos! Je souhaite avoir encore un peu de temps à passer ici-bas pour récolter une partie de tout ce dont j'ai été privée, et me reproche souvent de ne pas avoir écouté mon beau-père, de ne pas être devenue bergère ou institutrice de campagne. 

Néanmoins, j'étais contente d'apercevoir mon père Valentin, de discuter un peu avec lui, et j'ai vu aussi sa fille Macha. La situation actuelle prive Macha et ses étudiants de la possibilité de pratiquer le français, elle cherche le moyen de remédier à cela, et voudrait me les adresser, pour que je leur parle et les emmène au café la Forêt: "Vous êtes tout un nid là bas, et personne n'en profite!"




Le gouvernement "ukrainien" entend, avec la complicité de l'UNESCO, transférer dans les musées d'Europe les icônes, reliques et objets sacrés de la Laure des Grottes de Kiev, soi-disant pour les protéger des bombardements russes, lesquels bombarderaient tout ce qu'on veut, mais pas la Laure, très vénérée chez eux. Toujours la même fourberie, la même vilenie foncière, de la part de gens qui haïssent toute espèce de christianisme, et qui expédient ces trésors à des fonctionnaires dont la profanation et le sacrilège sont la seconde nature, au point qu'ils ne comprennent même plus ce que ces mots-là veulent dire. Je suppose que les "orthodoxes"éclairés et démocrates, amateurs de carmagnoles autour des chrétiens persécutés, seront ravis de voir tout cela dispersé irrémédiablement à droite et à gauche. Mille ans de spiritualité orthodoxe russe jetés dans les réserves d'établissements indifférents à toute espèce de religion, sous l'égide de gouvernements fondamentalement christophobes. Il ne se passe pas de jour sans qu'on brûle ou profane une église, qu'on supprime un calvaire ou déboulonne une Vierge ou un saint Michel, mais il faut d'urgence dispatcher dans les tiroirs poussiéreux des divers musées de l'Europe woke les reliques vénérées de la sainte Russie. Cela rappelle tellement ce qui se passait en Russie bolchevique, c'est quasiment la même signature. Et les mêmes criminels. 

Ce sont aussi les mêmes qui ont excité comme des pittbulls les slaves contre les slaves, et se fichent éperdument de voir leur sang couler. Et même au contraire, ils s'en délectent, comme leurs prédécesseurs. Ils vont racler le fond des quartiers et des villages pour enlever les derniers hommes de n'importe quel âge et les sacrifier à leur Moloch insatiable. Faire disparaître les Européens blancs et chrétiens est leur unique souci, et si leur pouvoir vacille, ils comptent bien qu'il va écraser en tombant le maximum d'entre nous. J'entends et vois des témoignages qui me rendent malade, et encore, je n'en regarde pas les trois quarts, par souci de préserver mon équilibre mental et ma paix intérieure. 

J'ai répondu à Nicolas Bonnal, citant les considérations sur la Russie d'une série d'intellectuels distingués, que la Russie était ce qu'elle était, mais que telle qu'elle était, elle tenait le coup, non parce qu'elle est irréprochable ou miraculeusement préservée de toutes les tares de la modernité, mais parce qu'il n'était pas possible, sauf à la veille des trompettes de l'Apocalypse, que ce qu'on appelle l'Occident triomphât, car Dieu dans l'état où est Super-Sodome, ne peut ontologiquement pas se trouver de son côté. 

La Russie contre l’Antéchrist ? Un petit mot à notre amie Laurence Guillon qui vit en Russie dans un endroit merveilleux et médiéval (et menacé…) et qui conteste les données d’Estulin : oui, comme par hasard la Russie est toujours nulle, bureaucrate, débandée, corrompue, africaine (dixit Arestovitch), mais elle leur tient la dragée très haute. On prie pour la Russie, Laurence, on ne peut faire que cela du soir au matin. C’est Elle ou notre extermination (numérique, pharmaceutique, gastronomique, sexuelle, écologique) intégrale dans cet antimonde occidental et dans l’autre, plus satanique, où ils nous retiendront, JE LE SAIS. Daniel Estulin a beaucoup baissé depuis plus de dix ans. No comment sur Hillard (relire Bordiot, Moncomble, Carroll Quigley plutôt)… Lire mon Dostoïevski et la modernité occidentale où je dis tout de cette affaire. Lire Crocodile, Journal, l’Idiot, les Possédés, tout y était, et imparablement. Prions. En Occident seul le Démon a tous les droits.

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/06/28/un-petit-mot-a-notre-amie-laurence-guillon-qui-vit-en-russie-dans-un-endroit-merveilleux-et-medieval-et-menace-et-qui-conteste-les-donnees-destulin-oui-comme-par-hasard-la/

dimanche 25 juin 2023

Un chevalier

 Les jours vont désormais diminuer, bien que l'on ne s'en rende pas compte, nous avons passé le cap du solstice,  le grand oeil de l'année va commencer à se refermer...

Après la liturgie du petit matin, le père Andreï a discuté avec quelques paroissiennes dont je faisais partie, de l'évènement d'hier. Elles s'étaient fait beaucoup de souci, comme la plupart des gens que j'ai vus par la suite. Katia m'a dit qu'elle était restée paralysée d'angoisse devant son téléphone et s'était décidée à appeler... son homéopathe! Natacha, la vendeuse de cierges, craignait un remake du putsch d'Eltsine et les années de misère et de pillage qui avaient suivi. Tout le monde voyait à l'horizon le chaos du Maïdan, les règlements de compte, la guerre civile...Le père Andreï ne croit pas à un coup monté, il pense que Prigogine avait pris la grosse tête, et se félicite de la modération du gouvernement qui évite de verser le sang et de faire des vagues: "Cela n'a pas marché, car Dieu est avec nous, et aussi les saints biélorusses, dont c'est aujourd'hui la fête. Nous sommes chrétiens, nous n'avons rien à craindre". 

Je peux dire dans tous les cas qu'autour de moi, c'est le soulagement général. Cela dit, l'affaire n'est sans doute pas si simple, comme le suppose Dany. Certains pensent que le gouvernement lui-même
aurait pu monter une opération permettant de faire le ménage et de neutraliser des fonctionnaires qui trahissent. Prigogine aurait pu être poussé à la faute. Il aurait pu aussi vouloir provoquer une réaction, car des disfonctionnements existent au sein de l'armée, des irresponsables et des corrompus, mais à vrai dire, cela existait déjà du temps de la deuxième guerre mondiale et même de la première, et pas qu'en Russie... Il se peut aussi qu'il ait eu une crise d'hubris, ou plus prosaïquement, la grosse tête, et puis il s'est rendu compte qu'il n'était pas suivi. Car il apparaît que son aventure n'avait pas le soutien populaire, ni celui de l'armée, bien que j'ai vu des cosaques regretter qu'elle eût échoué. Quels que soient les disfonctionnements, on ne risque pas de déstabiliser un pays en guerre, quand on souhaite son bien.  

J'ai vu un homme à la liturgie, dont je suis presque sûre que c'est un guerrier venu du front, un grand type, digne et sévère, avec le genre d'expression intense qu'on voit à ceux qui vivent des expériences extrêmes, qui ont un destin, qui portent une croix. Il ne se rendait visiblement pas à l'église après le boulot et avant le chachlik dominical, j'étais impressionnée. Il ne lui manquait que le casque, la cote de mailles et l'épée, on peut dire qu'il les portait en filigrane. Selon la tradition, les vieilles font passer les hommes premiers, pour la communion, ou pour vénérer la croix, à la fin de l'office, mais lui s'est effacé avec autorité et compassion devant une grand-mère impotente. 

A vrai dire, beaucoup de ceux que je vois venir de là bas, ou s'exprimer de là bas, ressemblent à cet émissaire, plein d'humanité, de dignité et de noblesse... Même Maxime le joueur de gousli, que j'ai connu petit jeune homme fêtard, a été transformé par sa visite au père Nikita et au Donbass, il est devenu profond et son répertoire a changé.

J'ai discuté météo, jardin et fleurettes avec une autre grand-mère, tout en rejoignant ma voiture. Je l'avais toujours trouvée morne et peu bavarde, mais la conversation l'a bien éveillée. Rien de tel que les jardins pour rapprocher les vieilles. 







samedi 24 juin 2023

Fête des pivoines

 


Je me suis laissée attirer à la fête de la pivoine, pour chanter quelques chansons. Cette fête est organisée par un pépiniériste anglais et sa femme russe, ils ont de très belles fleurs, j'ai eu droit à un bouquet. Sinon, il y avait tout le kitsch habituel. Je me demandais ce que j'allais faire là au milieu, avec mon répertoire traditionnel et mes instruments discrets, entre deux coups de karaoké tonitruant... Eh bien, ce fut quasiment un triomphe, les gens étaient très contents!

Un petit garçon est venu me dire: "Grand-mère, vous n'achèteriez pas une armoire à clés à mon copain qui les fabrique? Il s'est donné tellement de mal pour les faire!" J'ai acheté à cet artisan en herbe l'objet dont je n'avais pas besoin mais que j'offirai à l'occasion, car je l'ai trouvé très joli, naïf et sans prétention, sincère. Du coup, les deux amis m'ont aidée à porter mes affaires jusqu'à la voiture. 

J'ai vu aussi le stand des bénévoles qui s'occuppent des animaux abandonnés; ils essayaient de caser leurs pensionnaires, et de collecter de l'argent. C'est une chose qui me fend toujours le coeur, l'humble détresse des animaux, ces tragédies innombrables, un vrai tonneau des Danaïdes de la souffrance injuste; et aussi celle des personnes qui essaient de les aider, qui courent sans arrêt après le fric, et qui se font souvent insulter par des redresseurs de torts, indignés par la sollicitude portée à nos éternels souffre-douleurs.

Cette fête m'a permis d'oublier cinq minutes le coup de poignard dans le dos porté par le "patriote" Prigogine à son pays, qui est pourtant en train de gagner sur le champ de bataille, et aussi sur le plan diplomatique et économique. On mesure à la joie de nos adversaires la qualité de cette action d'éclat, un vrai cadeau pour eux. Dans ces cas-là, je fais comme au cinéma quand il se passe quelque chose de pénible et d'angoissant, je ferme les yeux et j'attends. J'attends déjà d'être en mesure de digérer l'évènement. A moins qu'il n'y ait là derrière quelque chose qui nous échappe, on peut dire qu'il  a des précédents historiques, et que dans les cuisines du diable, on nous concocte toujours les mêmes recettes.




jeudi 22 juin 2023

Mercredi cosaque


 Mes amis m'avaient prévenue de leur exposition deux jours avant, je ne l'avais pas vu, c'était sur Telegram. Ils n'y ont pas pensé à l'avance, et moi j'avais prévu quelque chose. C'est bête, mais ça arrive...

J'ai eu de touchants messages, notemment d'Olga Kalachnikova, émue par la profondeur de mon âme russe! Et à propos d'âme russe, je ne sais plus quelle émission de télé me convoque pour en parler, et j'y vais, pour expliquer une fois de plus à quel point j'ai aimé une culture que méprisent trop souvent les descendants de ceux qui la transmettaient. J'en ai parlé au père Valentin, qui approuve cette mission de témoignage.

Hier soir, c'était le mercredi des cosaques, sous l'église de la Transfiguration, un bel endroit, dans la lumière du couchant, un peu trop de moustiques, heureusement dispersés par le vent. Les enfants m'ont accueillie comme une vieille tante bien aimée, Maxime était contrarié que je n'eusse pas pensé à apporter la vielle. Je saurais qu'il en jouera vraiment, j'envisagerais de lui en offrir une, mais c'est beaucoup plus cher qu'une balalaïka, et si j'offre de tous les côtés, je finirai SDF sur le parvis... Je pourrais lui en prêter une, j'en ai deux, la deuxième demande des réglages, que l'artisan ne peut plus me faire, car très malheureusement, il est mort brusquement d'une thrombose. Dernièrement, j'ai vu qu'un moine dans la force de l'âge était mort de la même manière, dans l'entourage des Viguilianski, et j'aimerais savoir, car j'ai mauvais esprit, si ce moine et Vassia Ekhimovitch avaient été vaccinés contre le Covid. Ma tante Jackie faisait des relevés de température pour voir si l'histoire du réchauffement planétaire n'était pas une vaste blague, et je me fichais d'elle, alors qu'elle avait probablement raison. A mon grand soulagement, j'ai vu que le gouvernement russe se préparait à sortir de l'OMS. C'est sûr que cela serait logique et urgent, dans le contexte...






J'ai discuté avec Aliocha et Slava de choses et d'autres, c'est-à-dire en ce moment, principalement de politique, de la Russie, de l'Ukraine, de la France. Ils ont eu vent de l'agression de Bordeaux qui m'a également impressionnée. A ce propos, j'ai admiré l'illustration du dernier article de Nicolas Bonnal qui a fait fort dans l'humour noir: 


Aliocha me dit que le problème, c'est la "tolérance". " Nous, les Russes, nous sommes gentils. Je suis gentil. Mais si on s'attaque aux miens, je pense que je peux devenir absolument quelqu'un d'autre et éventuellement tuer. Tout cela se fait d'une façon fourbe et progressive, et nous ne devons pas le tolérer, nous devons être fermes, nous ne devons pas nous laisser intimider par eux, c'est nous qui devons les intimider, ou bien il ne restera plus rien de notre pays. Au moment des femen, du maïdan etc... ici aussi, nous avons eu des agents qui sont venus pour provoquer des histoires, des agents payés, comme en Ukraine. Comme en Ukraine, ils ont scié les croix, celle de la montagne d'Alexandre, celles qui marquent l'emplacement des anciennes églises. Nous sommes tous venus les restaurer la nuit même, et le matin, nous les attendions, prêts à en découdre. Ils n'ont pas touché leur paye et ils sont partis la queue basse. C'est comme cela qu'il faut faire, il ne faut pas discuter, il ne faut même pas les laisser parler."

J'étais très intéressée, car je ne me doutais pas qu'il y eût alors ce genre de tentatives jusque dans la province russe.

J'ai vu à deux reprises des mises-en-garde concernant une attaque nucléaire sous faux drapeau en Ukraine. Le faux drapeau et les exactions terroristes sur les populations civiles sont la marque de fabrique de la mafia otanesque, et je n'en serais pas trop étonnée, après le bombardement de l'usine nucléaire et la destruction du barrage qui pollue toute la mer Noire, et qu'on attribue aux Russes; lesquels, s'ils avaient voulu provoquer cette catastrophe, n'avaient qu'à ouvrir les vannes, comme ils n'avaient qu'à les fermer, en ce qui concerne le pipe-line Nord Stream. Aussi, je le dis solennellement, si la chose se produit, je ne croirai pas une minute que les Russes en seront les auteurs: https://vk.com/wall-202486267_204695 et https://vk.com/video620124042_456241049

Si les Russes finissent par expédier une bombe de ce type, ce sera en toute dernière extrémité, j'espère qu'on ne les amènera pas à ce point critique. Il n'est pas certain d'ailleurs qu'ils l'envoient alors sur l'Ukraine.

Mon opinion est qu'une certaine mafia très riche et très puissante, n'ayant pu récolter le butin de 1917, à cause de Staline et de la russification du communisme, et pensant pouvoir le faire en 90, où tout marchait si bien avec Eltsine, est devenue complètement enragée quand Poutine a mis un point final au pillage illimité.

Ce qui se double d'une haine antislave atavique et rabique, et d'une détestation idéologique du christianisme, plus particulièrement orthodoxe, et de tout ce que la Russie incarne. 

Chez nous même, il s'est passé ce que stigmatise Aliocha. Nous avons été bien gentils, beaucoup trop. Nous avons été tolérants.


 





lundi 19 juin 2023

Un mythe

 


La cuisine neuve m’a coûté cher mais me change la vie. Elle est pratique, facile à nettoyer, quand je fais la vaisselle, dans mon évier profond, je ne prends plus des hectolitres d’eau sur les pieds.

J’ai beaucoup travaillé pour préparer la présentation de Parthène au café, l’exposition qui l’accompagnait, le concert... Et j’ai déployé sans aucun doute de vains efforts. Il y avait peu de monde, et j’ai mal chanté, je me suis trompée dans une chanson que je connais bien, et que j’avais bien mise au point. Il faut dire que j’étais perturbée par un événement qui me laisse perplexe. Quasiment la veille de ma prestation, j’ai appris fortuitement par Katia que des amis moscovites très chers exposaient le même jour et la même heure que moi, ce qui m'interdisait de me rendre à leur vernissage, et je n'ai pas trop bien compris pourquoi ils ne me l'avaient pas annoncé, j'aurais mis le mien à un autre moment. En réalité, même si je n'avais pas eu la présentation le même jour, j'aurais pu complètement ignorer qu'ils étaient ici, puisque je n'en avais pas été prévenue. Il faut sans doute se faire à l'idée que, n'habitant pas Moscou, je suis tombée dans les ténèbres extérieures de la province, où l'on vous oublie purement et simplement.

Ania Ossipova a adoré mes chansons, mais c’est normal, c’est une émanation  directe de la sainte Russie,  une personne à la fois très sensible, très artiste et très orthodoxe. Je veux dire qu'elle a apprécié le contenu, car pour ce qui est de l'interprétation, je n'étais pas franchement au top... En elle mon livre trouve son public, j’aimerais qu’il fût connu des gens qui lui ressemblent. J’ai éclaté de rire en l’entendant nous raconter : « Chez nous Laurence est devenue un mythe. Mon père la respecte beaucoup. Ainsi, quand mes parents envisagent de faire quelque chose dans la maison que je trouve de très mauvais goût, je leur dis : « Voyons, vous ne pouvez pas faire cela, qu’en penserait Laurence ? » Et les voilà immédiatement réduits à un silence piteux ! »

L’affection et le respect de ce vieux communiste intelligent, bon, mais irrémédiablement incroyant,       me touchent particulièrement !

Nous sommes allées ensuite, avec elle, Katia et Larissa Fickmann, dans une pizzeria, et aujourd’hui, je me suis consacrée au jardin, pour oublier ces déceptions. Je crois que je vais, une fois terminés mes souvenirs d’enfance, si j’arrive à m’y replonger, me limiter à l’iconographie, à la poésie, et aux chansons. Plus d’expositions, plus de romans. Je n’ai pas envie de faire sans arrêt des mondanités, je suis trop vieille. C'est triste, mais les gens lisant de moins en moins, on ne sait plus pour qui on écrit, et si on ne le fait pas déjà dans une langue morte.

Le matin, je suis allée à l'église au premier service, car j'étais réveillée à cinq heures, et je voulais avoir du temps devant moi, avant la présentation. C'était l'évêque qui officiait, monseigneur Théoctyste. La fête de tous les saints Russes. Quand je suis venue baiser la croix, à la fin, monseigneur m'a regardée avec un air profondément étonné mais très gentil: "Eh bien alors? Vous n'avez pas communié?

- Heu non, il faut le faire tous les dimanches?

- Pourquoi pas?

- Je ne me suis pas préparée, je préparais mon exposition... la prochaine fois, pardonnez-moi..."

Pendant qu'il distribuait sa bénédiction, les gens le contemplaient avec tellement d'amour. Je pensais à ce qu'il venait de me dire. Pourquoi lui ai-je demandé pardon de ne pas avoir communié, dans une affaire qui se passe essentiellement entre le Christ et moi? Sans doute parce que le prêtre qui officie est investi de l'Esprit Saint, naturellement. Je pensais aussi à mon amie Liouba et à son histoire des anges qui se manifestent à travers n'importe qui, la vendeuse du supermarché, le facteur, ou bien, plus classiquement, un évêque...