Une vidéo m’a
extrêmement inquiétée, ce matin, au réveil. C’est un procureur, une femme
visiblement sincère, furieuse et compétente, qui prend à partie le gouvernement
russe, au cours d’une réunion avec celui-ci, au sujet de l’introduction du
rouble numérique qui conduit au crédit social à la chinoise, donc plus ou moins
ce qu’installent les pays occidentaux, contre lesquels la Russie est en guerre,
sous l’étendard de la Tradition, des valeurs humaines et chrétiennes
éternelles. Xavier Moreau, qui pèche souvent par excès d’optimisme, avait une
fois expliqué que ce rouble numérique serait destiné aux transactions internationales,
mais que l’on conserverait le rouble papier. C’est une question importante.
Déjà, le fait que la Russie ait emboité le pas aux mesures Covid et à la
vaccination quasi obligatoire m’avait plongée dans le désarroi. Maintenant,
cette même Russie envoie tout un rapport à l’ONU dénonçant les labos d’armes
biologiques en Ukraine et le caractère voulu et délibéré de la plandémie dont
on essaie de refaire le coup aux populations occidentales, j’ose espérer qu’elle
ne retombera pas dans l’ornière de la couche-culotte sur le nez et de la
piquouse douteuse... L’intervention du procureur est courageuse, claire et
convaincante, si cela est installé, il ne fera guère meilleur ici que partout
ailleurs, à quoi bon envoyer alors au front les braves jeunes gens de
Russie ? Ce qui me manque, dans l’affaire, est cependant la réponse du
gouvernement incriminé, il est bon d’avoir les deux sons de la cloche. Le site
qui diffuse l’intervention diffuse aussi une interview du poète et compositeur Alexandre Rosenberg
comme si après « s’être tu » sur la guerre en Ukaine, il avait
compris et déploré, mais cette interview, je l’ai vue, et elle n’est pas du
tout dans cet esprit, elle est ici présentée sous un faux jour. Bien sûr qu’il déplore,
qui ne déplorerait pas ? Moi aussi je déplore. Mais il soutient la Russie
et cela fait une grosse différence. Alexandre Rosenberg est un honnête homme,
un juif qui est exactement le contraire de Zelenski, Soros, Harari, BHL, Glucksmann et autres
nazisionistes sournois, et il a très bien compris ce qu’ils sont en train de
faire : détruire fondamentalement la civilisation à laquelle il
appartient, comme nous autres, et qu’il aime, la détruire moralement, spirituellement,
culturellement et physiquement. Il serait évidemment très consternant de s’apercevoir
que le gouvernement russe, au fond, va exactement dans le même sens que toute
cette bande maléfique et ses suppôts ou comparses. Malheureusement, rares sont les
gouvernements qui n’adoptent pas des technologies utilisées par les autres, d’abord
pour ne pas etre dépassés par le concurrent et ennemi potentiel, ensuite parce
que les hommes de pouvoir ne résistent pas à ce qui peut leur en donner
davantage. De nos jours, ils ont tous été formés par des visions du monde matérialistes
et plus ou moins cyniques, que ce soit à l’est ou à l’ouest, à tout le moins, une
conception des choses brutalement utilitaire. Ici, on n’a pas l’impression d’avoir
affaire à des psychopathes délirants, comme en occident, et l’on reste dans la
couleur locale, comme me l’ont dit mes cosaques quand j’ai emménagé à Pereslavl :
«Tu as bien choisi ton endroit, au moins, à Pereslavl, les bandits sont russes ».
Mais enfin bon.... je ne me donnerai pas le ridicule de discuter de ce qui est
du ressort de politologues entraînés, je fais part de mon inquiétude par acquis
de conscience. J’accueille volontiers les éclaircissements éventuels. Tout cela
pour dire que, même si je soutiens la Russie et, à priori, son gouvernement, souvenons-nous du psalmiste,
lui-même roi :« Ne mettez pas votre espoir dans les princes et les
fils des hommes, en eux il n’est point de salut ».
https://vk.com/away.php?to=https%3A%2F%2Fyoutu.be%2FGwoRPzKuZTc&post=19879744_14414&cc_key=
J’ai eu la bonne surprise de découvrir un article élogieux que Nicolas Bonnal a consacré à mes
poèmes, à la diffusion tout ce qu’il y a de plus confidentielle, et du reste,
je les écris comme les oies migrent, parce que c’est dans mes gènes, non
modifiés par l’ARN messager. Je les écris dans une grande solitude, c’est
essentiellement ma chère tante Mano qui les lis et les commente. J’ai, il est
vrai, ouvert un blog, l'Aube éventuelle, pour les publier et les classer, car bien entendu, je n’attends
pas grand chose d’une publication papier, sinon de les mettre à la disposition
de ceux que cela intéresse et d’en garder une trace matérielle. Il est exact,
comme dit Nicolas, que cette publication est chère, il faut bien que ce genre d’autoédition
déguisée prospère sur le dos des graphomanes.
https://laubeeventuelle.blogspot.com/
Lorsque j’ai
écrit mon premier poème, ma défunte tante Jacquie m’avait dit qu’il était très
mauvais, ce qui était peut-être un peu sévère, en tous cas, cela m’avait coupé les
ailes, rien n’est pire que de mauvais vers ! Bêtement, je me laissais
arrêter par mon ignorance des lois de la versification, dont aujourd’hui tout
le monde ricane. Je les ai plus ou moins maîtrisées en étudiant les poèmes des
autres, j’en étais d’ailleurs imprégnée depuis mon adolescence au lycée de
Pierrelatte, où je lisais des pièces de Racine à haute voix avec des copines, façon
le cafetier d’Uranus, et où je feuilletais le Lagarde et Michard pendant les
cours de maths. C’est le folklore russe qui, en me conduisant à écrire des
chansons, m’a donné l’élan pour écrire des vers, ce qui, à mon avis, était
pourtant inscrit dans ma nature lyrique, et je regrette bien de ne pas l’avoir
fait plus tôt. Je suis reconnaissante à Nicolas, esprit si cultivé, si libre et
si original, d’avoir prêté attention à ce que j’écrivais presque en catimini et
d’avoir pris la peine de disserter dessus, car c’est une vraie peine, cela
demande du temps, de l’attention et de la réflexion, et aussi de la curiosité
bienveillante, enfin de l’estime et de l’amitié. D’autant plus que je ne sais
pas comment il trouve le temps et la force d’écrire tout ce qu’il écrit, de
lire tout ce qu’il lit, de regarder tous ces films, il est vrai qu’il est plus
jeune que moi, mais je suis quand même, depuis le berceau, une grosse
flemmasse. Et cela ne s’arrange pas avec l’âge.
Pourtant, j’ai
réussi à aller nager, hier, quel bonheur... J’ai volé encore une baignade à l’automne
qui vient. Il faisait gris, les pêcheurs remplaçaient les baigneurs, mais l’eau
était encore douce, fraîche au premier abord, mais ensuite si vivifiante, et j’ai
pu contempler les saules, les nuages et leurs reflets, les canards... J’ai
acheté un bonnet de bain au magasin de sport du Magnit, pour essayer la superbe
nouvelle piscine de Pereslavl, bâtie par Gazprom, car je sens qu’aller nager
devient une nécessité thérapeutique, mais bien sûr, même superbe, la piscine n’a
aucun intérêt... J’ai horreur des bonnets de bain, mais c’est obligatoire, coup
de bol, celui-ci n’est pas trop moche, et pas trop serré. C’est vraiment un
coup de bol, et il n’y en avait qu’un, les autres étaient roses ou jaunes fluo !
Dans le genre fluo, j’ai déjà les claquettes en plastique, cela me suffit !
Skountsev m’a
donné un cours, nous sommes restés une heure et demie sur la fameuse chanson
des cosaques du Terek sur Ivan le Terrible, je crois qu’il me faudra des mois
pour la maîtriser. « Elle est très difficile, me dit Skountsev, mais
elle est vraiment belle.
- Oui, elle est
extraordinairement belle, et à l’écouter ou la chanter, on comprend que les
gars chez qui elle se transmettait étaient complètement dans une autre
dimension que la nôtre, c’étaient d’autres gens, baignés depuis le ventre de
leur mère par cette beauté complexe et simple qui leur était consubstantielle,
comme sa structure mathématique l’est à la plante, ou le nombre d’or à n’importe
quelle architecture traditionnelle. La hideur de notre environnement
contemporain reflète la pauvreté de nos âmes et de nos vies désertées par l’harmonie
de l’existence.
- Nos plus grands
compositeurs ont étudié ces chants, et même Pouchkine, tous en étaient
imprégnés.
- Mais je pense
qu’en occident aussi, c’était dans l’air du temps, cette culture populaire, et
maintenant qu’on l’a éliminée et remplacée par de la merde, les compositeurs de
génie, les écrivains et les poètes se font nettement plus rares... »
Il m’a remerciée
d’avoir parlé, à l’émission de Malakhov, de la culture russe et cosaque, de
lui-même et de ses fils. « C’est bien normal, lui ai-je répondu, il y a
deux choses qui me poussent à participer à des émissions, ce qui par ailleurs
est contraignant et épuisant, c’est de promouvoir mes livres et de témoigner de
ma foi et de mon amour pour la Russie traditionnelle, de la nécessité vitale de
sa conservation et de sa restauration. Sinon, à quoi bon, à mon âge ? »
Poésie : Laurence Guillon contre « les dévoués valets des Ténèbres »
Ce texte sur des vers rimés promis à de rares Happy Few (l’expression n’est pas de Stendhal
mais de Shakespeare comme toujours) s’adresse aux fans de Laurence Guillon, qui offre
l’originalité d’un blog double – de combat et de lutte contre les ténèbres du mondialisme ; et
de survie et résurrection intérieure, résurrection qui se passe dans le cadre qui lui convenait de
notre Russie orthodoxe et profonde. Le cas est assez exceptionnel : on pense à cette
autrichienne ministre persécutée (Karin K.) depuis, qui est aussi polymathe, et que Poutine
avait salué le jour de son mariage. Laurence poétesse est aussi traductrice, jardinière,
musicienne, chanteuse et peintre – elle m’a offert un très beau tableau solaire qui orne mon
deuxième appartement de travail dans mon bled andalou. Je ne peux malheureusement pas
dire que l’Espagne pourtant moins esquintée que leur hexagone ait gardé les vertus que
Laurence trouve en Russie profonde, à cent bornes de Moscou ? Mais Laurence est tout sauf
une illuminée, cette aventurière voit les choses telles qu’elles sont, c’est une mystique avec un
regard réaliste et parfois justement profane. Le mystique trop rêveur a vite fait de se faire
bouffer – esprit compris – par les Temps qui courent.
Soyons réalistes donc. J’ai demandé ses poèmes à Laurence par curiosité et aussi ai-je ajouté
parce qu’ils sont trop chers. Ancien poète amateur moi-même j’ai bradé les miens (écrits
depuis trente-cinq ans quand même) à trois euros sur Amazon. Et j’ai des couillons de lecteurs
qui tentent de revendre mon recueil à deux euros. La poésie est un risque à courir (on se fait
traiter de mirlitons par les amateurs de destruction massive) par les temps qui courent,
puisqu’il n’y a plus de lecteurs – ou peu s’en faut. Le mieux est de lui virer à Laurence une
somme sur un compte français et de recevoir le PDF. Ou carrément et courageusement
(achetez le couscous et les bougies avant) de commander le livre, si mon texte le justifie !
J’ai aimé le ton et les sujets guerriers des textes, et j’ai pensé au grandiose peintre
Desvallières, l’ami flamboyant de Léon Bloy, génie méconnu, mystique et expressionniste,
père de toute une tribu, et qui s’engagea sous les drapeaux à 53 ans pour défendre sa patrie,
dans cette guerre où les derniers nobles français moururent. Après on n’eut plus que des
électeurs et des consommateurs.
Laurence écrit dans son très grand poème l’Arche, toute consciente des enjeux apocalyptiques
actuels :
« Le monde s’ouvre en deux, comme un crâne brisé,
Coulent les ténèbres, avec le sang versé,
Où se noient emmêlés les bêtes et les gens,
Trop peu de coupables et beaucoup d’innocents. »
Je trouve malheureusement qu’il y a bien moins d’innocents que jadis, qu’il s’agisse de guerre
américaine, de vaccins, de credo climatique ou autre. Avant le paysan sacrifié par Napoléon
ou Gambetta n’était pas informé, maintenant son héritier présumé aime se désinformer, fût-ce
au risque de se faire écharper, affamer et ruiner. Le troupeau est enthousiaste comme dit
Céline avant la giclée de Quarante. Il aime le mensonge, il aime le chiqué.
Refusons alors leur sabbat (climat vaccin guerre totale) :
« Les voilà tous dansant sur nos tombes futures.
Et l’unique chose dont je puis être sûre,
C'est qu'à leur bal maudit, je n'irai pas valser
Sans doute je mourrai, mais sans avoir chanté
Les louanges du diable et de ses diablotins
Qu'encensent bégayant tous ces tristes pantins. »
C’est tout ce qu’on peut faire en effet : refuser de chanter avec ce pape (lui ou un autre) le
diable et ses sacrements.
Laurence visionnaire écrit ensuite dans son Echo secret des massacres :
« Voilà qu’arrive l’impossible...
Ces cohortes épouvantées
Devant le fracas des armées,
Et ces nuages invisibles,
Depuis ces villes écharpées,
Sont pleins des présences terribles
Que vous nous avez déchaînées,
Dévoués valets des ténèbres,
Malfaiteurs puissants et célèbres,
Aux âmes déjà remplacées
Par ceux qui vous les ont volées. »
Ce grand remplacement des âmes est en effet grandiose ; je cite toujours le film de Don Siegel
l’Invasion des profanateurs de sépultures. Nous voulions montrer que les gens devenaient des
légumes, disait ce maître du réalisme brutal et de Clint Eastwood. On est au milieu des années
cinquante : la télé bouffe tout, l’autoroute (voyez aussi Stanley Donen) aussi, et bientôt le
monde cybernétique qui inspirera à Debord des lignes superbes.
Le combat du système technétronique pour reprendre un terme célèbre passe par une censure
de la terre, une interdiction de tous les éléments : terre, air, soleil, eau. L’écologiste
informaticien rêve d’une terre brûlée (cf. Hawaii) et d’un homme affalé effaré (cf. Rousseau
Sandrine). En effet le diable veut nous priver de la nature pas seulement de la vie (voyez et
écoutez Harari sur les Territoires occupés).
Laurence écrit dans Joyeux Noël :
« C’est la terre qu’ils n’aiment pas,
Et qu’ils nous ont privée de voix,
Et puis le ciel bleu par-dessus,
Qui leur blesse par trop la vue.
Ils n’aiment pas la vie qui sourd
Des moindres failles du béton,
Tout ce qui brûle avec passion
Et sanctifie le fil des jours. »
C’est le sujet de mon libre sur la Destruction de la France au cinéma, France bétonnée et
remplacée dans les années soixante par un gouvernement soi-disant souverainiste. Voyez
Mélodie en sous-sol (ô Gabin à Sarcelles ville nouvelle…), Alphaville de Godard ou Play
Time de Tati pour comprendre.
Laurence ajoute :
« Ils sont laids, froids, méchants et bas
Mais on n’entend plus que leurs voix,
Leurs mille voix dans le désert
De nos pays prêts à la guerre. »
Les techno-démocraties sont toujours en guerre depuis des siècles, mais ces guerres sentent la
mort, elles ne témoignent jamais d’un excès de vie. De pures guerres d’attrition, celle de
Quatorze et de Quarante, des guerres voulues par la bulle financière « anglo-saxonne » (ouaf),
comme celle d’Ukraine. Une élite aux vues reptiliennes ou extraterrestres dirait-on.
Dans Cassandre (lisez le chant II de l’Enéide mon Dieu) Laurence écrit superbement :
« La bêtise aux cent mille bouches,
Le grand tohu-bohu du diable,
S’en va remplir ses desseins louches
En rameutant la foule instable,
Chien noir de cet affreux berger,
Glapissant à tous les échos,
Elle pousse à courir nos troupeaux
Sur les chemins qu’il a tracés.
Et comme il y va volontiers,
Le grand troupeau des imbéciles,
A l’abattoir sans barguigner,
Se pressant pour doubler la file. »
Le troupeau des imbéciles a été fabriqué artificiellement par la culture et l’art moderne (lisez
Jacques Barzun, qui en parle bien, un autre exilé lui aussi) ; mon ami Paucard avait
excellemment titré : la crétinisation par la culture – et par la télé, et par les médias, et par
l’immobilier, et par l’économie, et par les vacances, et par la politique (mais quel futur gentil
candidat de droite fera enfin la guerre à la Russie, merde ?).
C’est Alain Soral qui disait l’autre jour que la France ne pourrait être sauvée que par un
miracle : que c’est juste !
Car la France est tombée plus bas que la plupart des pays, même d’Europe. Et comme je l’ai
montré, ce n’est pas parce qu’elle est une victime ; c’est parce qu’elle l’a voulu. C’est le coq
hérétique, ou comme dit Van Helsing dans le Dracula de Coppola la concubine de Satan, et
depuis longtemps.
Très beau poème aux teintes géographiques : Aigues-mortes, Saintes-Maries. Laurence pense
à Saint Louis tandis que l’emplâtre revote Macron :
« Aigues-Mortes, Saintes-Maries,
Aux quatre vents bien élargies,
Reviendra-t-il jamais le saint roi d’autrefois
Dans sa robe de lys, sur son blanc palefroi ?
Aigues-Mortes, Saintes-Maries,
Verrons-nous demain déferler,
Sur vos ruines de sel blanchies,
De sombres foules d’étrangers,
De conquérants et de bandits,
De bateleurs et d’usuriers,
Qui vendront vos fils au marché
Sous l’amer soleil du midi ? »
Quand on est Français sincère et lucide on a de quoi désespérer – j’en sais quelque chose.
Laurence écrit sans hésiter dans la Fin du jour :
« Je meurs sans descendance et j’en rends grâce à Dieu,
Sur l’autel de Moloch, je n’étendrai personne.
Pas de fille soumise au plaisir des messieurs,
Pas de garçon brisé par le canon qui tonne. »
Sur l’imbécillité cosmique qui frappe ce peuple depuis longtemps (revoir Drumont, Céline ou
Bernanos) Laurence écrit un texte admirable, l’abîme :
« L’abîme s’élargit et le tumulte croît
Sur la terre entière, le grand tohu-bohu…
Mais la France ébahie ne le voit toujours pas
Et n’entend pas les voix de ses anges perdus.
Elle ne comprend pas que déjà tout finit,
Qu’en bradant son honneur aux bandits de rencontre,
Elle dut en concevoir tous ces horribles fruits
Qui, mûris à présent, vont et partout se montrent.
Etrangers à la terre et bien trop loin du ciel,
Nous voici pourrissants dans cet entre-deux,
Sans idées, sans patrie, sans famille et sans Dieu,
Mollusques accrochés au néant démentiel. »
Mollusques accrochés au néant démentiel : je parlais Desvallières, on dirait du Goya. Il
faudrait être Tarkovski pour filmer un texte comme celui-là. J’aime Voir les textes, pas les
lire.
Pour se raccrocher on a les animaux (je repense toujours à Leopardi et à ses oiseaux) ; dans
Hommage notre poétesse écrit :
« Mon gentil petit chien, vas-tu me pardonner
De recueillir si tôt ce chien qui te ressemble ?
Malgré tout, je le sais, dedans l’éternité,
Nous nous retrouverons à jamais tous ensemble.
Et tu ne seras plus, là-bas, aussi jaloux,
Car d’amour jaillissant nous ne manquerons point. »
L’amitié des animaux est un don divin comme on sait (elle peut aussi devenir un don pour
crétins, tout étant parodié en nos temps retournés) ; alors Laurence ajoute :
« Et toi, pendant neuf ans, mon joli petit chien,
Tu fus le gai soleil des instants quotidiens,
Gracieux comme un lutin.
Je t’ai porté là-bas, dans notre monastère,
Je t’ai bercé longtemps dans le vent de l’été,
Qui croyait avec toi pouvoir encore jouer,
Puis j’ai dû te coucher, souple et doux, dans la terre
Pour la première fois, j’ai dû t’abandonner. »
Parfois Laurence sur son blog écrit des phrases fulgurantes sur son paysage russe, et surtout
sur le ciel. Je ne me suis jamais risqué à décrire le ciel moi (trop peur qu’il me tombe sur la
tête !) ; mais dans l’Arc-en-ciel elle écrit :
« De tous ces plats d’argent renversés sur les champs,
Coule le lait de la lumière qui s’étale,
Et dans les blancs remous de cette gloire pâle,
De scintillants oiseaux montent tourbillonnants.
Au loin, l’ourlet bleui des collines dormantes
Borde de noirs labours et des vignes crispées,
Les nuées soulevées basculent, chancelantes,
De lourdes draperies au nord-ouest épanchées.
Et sous leurs plis violets s’esquisse l’arc-en-ciel… »
C’est très beau, innocent, et cela me mène à mon poème préféré, que je ne commenterai pas :
Pressentiment
« Il est des jours d’été pleins d’automne secret,
Comme au sein d’un beau fruit l’obscur noyau repose.
Leur lumière est plus douce et leur vent est plus frais,
Je ne sais quel mystère imprègne toutes choses.
Sur le ciel trop brûlant passe un voile doré
Qui donne à la nature un fond glorieux d’icône,
Les arbres s’illuminent et les prés desséchés
Font au nimbe solaire un drap de paille jaune.
Et mon cœur s’éclairant, pareil au verre frêle
De la lampe allumée, couvant la jeune flamme,
Laisse monter sereine à timide coups d’ailes,
La lente adoration qui embrase mon âme. »
On a ici un bel héritage de cette culture française qui n’existe pas. Mais pas de
commentaires !
Dans Sainte Rencontre, Laurence écrit sur les astres et la Croix :
« Le vieillard Siméon prit le petit enfant,
Qui portait les étoiles dedans son corps langé,
Et vit dans ce moment jusqu’au fond le passé
Qui monte vers demain sous le flot des instants.
La grande croix du temps qui perce nos destins,
Irradiant nos larmes d’une lumière sans fin,
Instrument de supplice qui jette sur nos vies
L’éclat écartelé qui les réconcilie.
Verticale des siècles dans la mer éternelle,
Astre des jours plongé sous l’écume actuelle,
Qui tremble à la surface de l’océan profond
De l’antique existence au centre des éons. »
Ici on se promène dans le cosmos et à travers le temps.
Dans Croquis sinon Laurence renonce à nos alexandrins et affronte un mètre brutal :
« Ruissellement
Roucoulements
Tout petit chant
Intermittent
File une abeille.
Le grand azur bascule à l’orée des murailles,
Lisses, lents déplacements, très hauts lacis
Des martinets précis.
Le soleil assis sur le toit,
Rêve et balance ses pieds d’or.
L’ombre bleue le boude à l’écart,
Sous les loques lourdes de la pierraille,
Fuyant l’effroyable et douce lumière… »
On arrive à l’acédie, thème qui me préoccupe depuis toujours ; j’en ai parlé dans mon Graal et
dans mon livre sur Cassien. Les moines les premiers ont vécu cette épreuve qui frappe aussi
des chevaliers dont Galehot :
« Mon cœur est sourd
Comme le plomb,
Etanche et lourd
Et sans passion.
Lampe sans feu,
Miroir sans tain
Des vieux chagrins,
Vide de Dieu.
Pourquoi Seigneur
Me laisser choir
Dans ce trou noir
Et sans lueur ? »
Il y a un ton saturnien (le plomb) qui évoque Verlaine bien sûr et le titre même du recueil de
Laurence : A l’ombre de Mars. Les planètes et leurs métaux, une belle alchimie…
Dans Vieil ami on a un ton hugolien, quand la nature parle (cf. Stella : « un vent frais
m’éveilla, je sortis de mon rêve… ») :
« Le vent frais me caresse et sa chanson me suit,
De l’orée de mes jours à leur issue prochaine,
Mon plus fidèle amant me chante la rengaine
Dont jamais ne fut las mon cœur par trop meurtri.
J’écoute autour de moi son verbiage indistinct,
Ses cent chuchotements et ses multiples ailes,
Dans les remous d’azur du glorieux matin
Qui célèbre toujours son enfance éternelle.
Je passerai bientôt, mais son mouvement bleu
Et sa folle oraison ne prendront jamais fin.
Je laisserai sur terre à ses jeux incertains
La trace de mes pas et mes derniers adieux. »
Quel beau chuchotement éolien tout de même. J’ai toujours sinon pensé que trois quatrains
aussi c’est mieux que deux quatrains et deux tercets.
Un dernier texte, le Lac final alors que la patrie trahie s’en est allée :
« Et je me souviendrai, devant l’espace ouvert,
De la mer vivante et douce, des rivages
Où j’allais tout enfant cherchant des coquillages
Dans la tiédeur salée, dans les parfums amers.
Large mer des larmes, ma douce France enfuie
Je m’écarte de toi comme on quitte un tombeau,
Sur nos tendres années implacablement clos,
Gisant silencieux en notre terre trahie. »
SOURCES
Laurence Guillon, à l’ombre de Mars.
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