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jeudi 18 janvier 2024

Messages de la Théophanie

 


J'ai repris depuis quelques temps la rédaction de mes souvenirs d'enfance, entreprise étonnante, parfois déroutante et même douloureuse. Et coup sur coup, je tombe sur deux vidéos qui m'ont rejetée plus de cinquante ans en arrière. J'avais envoyé à Dany la chanson de Trenet "Nationale 7", et youtube m'a proposé un reportage de 1968 sur cette route légendaire. Et que vois-je? Tout a été tourné entre les Blaches et Donzère, autour de Pierrelatte, où maman tenait l'Hôtel du Rocher. Le mistral souffle, les cigales chantent, et voilà le patron du Fer à Cheval, un relais routier, avec qui maman avait des relations professionnelles, il va faire ses courses, et l'espace d'un éclair, je revois l'épicier de l'époque, son grand nez et son béret... Tout cela si vivant, bien qu'en noir et blanc, il me semblait que je n'avais qu'à pousser une porte pour retrouver la cuisine de l'hôtel, son odeur de café, les croissants frais et maman qui fredonnait, la cigarette au bec, en garnissant un plateau pour les clients... 

Mais cette porte est malheureusement fermée, et je vois tout cela en perspective, à l'autre bout de mon trajet de vie. Comme tout a changé... les gens d'abord, simples, contents de leur sort. Ils travaillent, ne partent pas en vacances, mais ils sont contents, ils sont à leur affaire, ils ne se plaignent pas. C'est que justement, c'était leur affaire, les patrons de routiers, le paysan dans son champ, avare de paroles, qui laboure encore avec un cheval et laisse l'entreprise à son fils, tous ces gens-là, comme maman, et comme mon beau-père, travaillaient pour eux et chez eux. On s'apprêtait à les priver de tout cela, et déjà, artisans et petits commerçants protestaient, je me souviens. La machine infernale était en route.




Le jounaliste n'avait que peu d'affection pour les Américains, on n'était pas encore complètement à leur botte, c'était l'année maudite qui nous a fait basculer dans l'idiotisme total, avec sa révolution de couleur en peau de lapin, son Cohn Bendit impudent, ses petits trotskystes pustuleux. Je me rappelle mes condisciples en transes qui se prenaient tous pour Sartre ou Juliette Gréco et moi, qui faisais déjà le mauvais esprit et n'adhérait pas du tout à ce cirque. La Nationale 7 était encombrée et dangereuse, bruyante et puante au delà de ce que je me représentais dans mes souvenirs. On avait peur de la traverser, c'est vrai. Les gens, encore normaux, sans prétention, naturels, avec un français correct, se ruaient vers le midi dans leur jouet à quatre roues, pourquoi n'étaient-ils pas au boulot ou en vacances dans toutes les régions du pays? "Vous ne les enviez pas?" demande-t-on au garagiste, aux patrons des routiers, au paysan qui ne partent jamais. Non, non, ça va, ils ont tous leur affaire, ils ont leur maison, parfois bruyante, au bord de la fameuse route, mais on s'habitue. Ils sont leurs propres maîtres, ce que ne sont déjà plus les employés des villes qui se déversent vers les bacchanales du sud, une fois par an, au risque de leur vie. 

Ce paysan, si ça se trouve, mon beau-père le connaissait, il connaissait tous les paysans de la plaine. Sa fille est secrétaire à Paris, mais le second qui n'était pas doué pour l'école, allait reprendre la ferme. Comme disaient les profs de l'époque aux cancres: "L'agriculture manque de bras..." Mais de toute façon, le cancre en question, il ne voulait pas étudier. C'était peut-être pour cela qu'il étudiait mal. Parce qu'il n'entrait pas dans les cases. Mon beau-père avait eu son bac latin-grec; mais quand il s'était retrouvé en ville, il avait fait de la claustrophobie. A la ferme, il ne pouvait pas souvent partir, mais il était chez lui, il organisait son temps comme il voulait, il avait celui de se tenir au bord du champ et de regarder le ciel.



Deuxième vidéo, qui vient à ma rencontre: un an plus tard, en 1969, juste après la mort du père Grégoire Krug, dont il est question ici, j'arrivai à Paris pour étudier le russe aux Langues O, et mon professeur, madame Marcadé, en 70, m'emmenait à Vanves, pour me présenter le père Serge, père spirituel du père Grégoire, et les icônes de ce dernier. Les icônes du père Grégoire, ont été pour beaucoup dans ma conversion à l'Orthodoxie. Je dirais que trois événements culturels m'y ont poussée au départ: les romans de Dostoievski, le film de Tarkovski "Andreï Roublev" et les icônes du père Grégoire. J'étais allée au skite du Saint Esprit, et le père Barsanuphe m'avait fait une visite guidée, avec un cierge à la main. Il m'avait expliqué la structure symbolique des icônes, leurs couleurs, leur place symbolique dans l'architecture de l'église, les correspondances entre les unes et l'autre, et avec le rite, les chants... Je découvrais un univers médiéval vivant où tout était relié, les vivants et les morts, le passé et le présent, l'homme et le cosmos, où tout avait sa place complémentaire dans une cathédrale divine immémoriale. Je regardais ces icônes, et je les regarde à nouveau, en parallèle avec la vie du peintre, ce fol-en-Christ iconographe qu'était le père Grégoire. Je revois cette icône vivante qu'était le père Serge, et tous ceux qui tournaient autour de Vanves, madame Marcadé, Ouspenski, le père Barsanuphe, dont je n'avais pas entendu la voix depuis des années. Je découvre même des icônes que je ne connaissais pas. Je redécouvre celles que je connaissais. "Le père Serge enseignait sans parler", me disait son fils spirituel, le père Jean. A l'époque, je n'avais pas besoin de comprendre le slavon d'église, ni même les livres ascétiques auxquels je n'ai jamais trop accroché, parce que j'étais toute dans la contemplation inépuisable de ces icônes magnifiques, de ces visions, je voulais aller dans ce monde, celui que me dévoilait le père Grégoire, et qui manquait à ma jeunesse des années soixante-dix, abasourdies de politique sinistre, de débauche vulgaire et de consumérisme béat. Je trouvais une issue lumineuse et insondable à la modernité opaque, à ses mensonges, son manque d'intensité, de véritables sentiments, en un mot, ou plutôt en deux, ou plutôt en trois, d'amour, d'espérance et de foi. 

Le père Grégoire peignait sans arrêt, et n'importe comment, sans se soucier de la qualité de l'enduit, ni des couleurs, ni du vernis, il peignait dans l'immédiat, et c'est ennuyeux, bien sûr, car ses icônes et ses fresques s'abîment déjà terriblement, mais à notre époque apocalyptique, on ne crée déja plus pour la postérité. Ici, je vois beaucoup d'icônes "bien peintes", avec un vernis, un enduit, une dorure, des couleurs impeccables, mais dans le meilleur des cas, ce sont des copies honorables, je vois rarement des icônes vivantes, et elles sont bien loin de l'extraordinaire intensité qui s'est révelée à moi dans ce skite, il y a plus de cinquante ans. Ces deux vidéos coup sur coup m'arrivant à la veille de la Théophanie, fête très importante pour moi et souvent accompagnée de révélations, m'apparaissent comme un puissant message: "Réveille-toi. Fais ce que tu as à faire. Cherche ce que tu dois trouver. Et décolle. Envole-toi enfin. N'as-tu pas perdu assez de temps? Ne t'avons nous pas convoquée alors? Ouvert le ciel au fond de cette humide église de banlieue, à la lueur d'un cierge?"

En ce qui concerne le naufrage qui s'annonçait alors et s'accomplit en ce moment, j'ai trouvé deux vidéos très complémentaires. Celle d'Emmenuel Todd:


et cette traduction d'une vidéo américaine:


Je dis complémentaires, car en elles se trouvent concentrée l'analyse presque complète de l'essentiel de nos problèmes. Emmanuel Todd est un homme extrêmement estimable par son sérieux et son objectivité, qui n'est peut-être pas totale, on est toujours enclin à interpréter selon sa sensibilité, mais  son honnêteté intellectuelle en fait une référence. Cependant, il n'aborde pas la question sous l'angle de la deuxième vidéo qui présente le pouvoir exorbitant de la mafia sur le gouvernement américain et les métastases qu'elle étend partout, y compris en Russie, par le chantage et l'intimidation. 

Dans les deux cas, cet historien, cette politologue perspicace oublient un paramètre que je prends en considération, et qui est d'essence mystérieuse. 


lundi 15 janvier 2024

Tradition

 


A trois heures et demie, tout à coup, il fait encore plein jour. C’est la première fois que je réalise vraiment que le processus s’est inversé, que la lumière revient. Quel bonheur.

Invitée par l’institut Philarète, j’ai fait un saut à Moscou. On m’a offert le taxi dans les deux sens et en plus j’ai vendu des livres. Je ne peux pas dire que j’ai tellement bien joué ni chanté, je me suis plantée quelques fois, et pour ce qui est de parler, j’ai parfois bien du mal à transmettre mes idées, j’ai l’élocution embarrassée, je cherche mes mots, je les cherche même en français. Mais les gens sont contents, ils en redemandent, ils me payent le taxi pour venir leur parler et leur chanter quelque chose. Ils m’ont reçue très gentiment, et j’ai vu Quentin le Belge, son ami Ivan, qui est un rapatrié russe récent, et n’a pas du tout une tête de Belge, il est vraiment russe à jouer dans une adaptation d’un roman de Dostoievski. Et puis Alexandre et Anna Messerer, les peintres. J’ai rencontré une dame charmante qui parlait très bien français. J’ai fait des mondanités.

On m’a demandé de raconter comment j’avais découvert la Russie, l’orthodoxie, pourquoi j’avais aimé l’une et l’autre, enfin en somme, de raconter ma vie. Et puis, quels sont les traits de la Russie éternelle qui subsistent de nos jours, et comment régénerer la Russie, retrouver ses sources, quelle projection dans l’avenir, etc... J’ai répondu comme j’ai pu, n’étant pas politologue, c’est-à-dire que j’ai résumé ce que je dis dans mon blog depuis sept ans. Je m’inscris dans un programme de témoignages d’étrangers venus vivre ici, tout cela est filmé et archivé.

L’institut Philarète a été fondé par le père Gueorgui Kotchetkov qui cherche à promouvoir l’usage du russe, à la place du slavon d’église, pour les liturgies. Cela n’est pas  très bien perçu, à commencer par mon père Valentin. J’en ai parlé avec mon amie Liouba, car à priori, je ne suis pas contre l’usage du russe, en tous cas, je suis pour que ce soit permis, or c’est ce qu’a fait le patriarche. On peut célébrer en russe, on peut aussi célébrer avec tous les usages des vieux-croyants, le spectre est large. Liouba préfère le slavon, qu’elle trouve plus noble et plus subtil, mais me dit-elle : « Au début de ma vie spirituelle, j’allais chez le père Gueorgui, parce que je comprenais tout. Et comme je ne savais rien, j’avais besoin de comprendre.

- Beaucoup de Russes, et aussi le vieux-croyant Skountsev, me disent que l’on ne comprend pas seulement par les mots, et puis qu’on peut faire l’effort d’apprendre un minimum de slavon. Quand je suis devenue moi-même orthodoxe, je ne comprenais pas grand chose, et effectivement, l’essentiel m’a été accessible au delà des mots, ce fut le cas de bien des Français convertis par le père Barsanuphe qui, eux, ne comprenaient absolument rien, et lisaient tout en traduction. Dans mon cas, j’ai été sensible aux icônes en premier lieu, les icônes sont, dit-on, de la théologie silencieuse, de la théologie en image. Et puis à la cohérence des rites, de la musique et de l’iconographie. Mais quand j’ai commencé à aller à Solan, j’ai vraiment apprécié de tout comprendre. Le père Barsanuphe se cramponnait au slavon, et dans son monastère auvergnat, ses quatre moniales célébraient en slavon, on se serait demandé pour qui, si n’étaient montés de Clermont-Ferrand des Serbes et quelques Géorgiens. Il me disait que les traductions étaient mauvaises. Le slavon et le russe sont naturellement moins éloignés, c’est un peu comme si nous célébrions en vieux français. Mais quand même, à Solan, je m’étais rendu compte que les offices étaient extrêmement pédagogiques, la dimension mystérieuse, c’est justement le rite et les icônes, mais les paroles ont leur importance, puisque le chant byzantin doit porter le texte avant tout.

- Tu comprends, en effet, les gens peuvent apprendre le slavon, mais ils ne le font pas forcément, et parfois, ils essaient mais n’y arrivent pas. Il ne faut pas leur compliquer trop les choses. Je trouve bien qu’on nous laisse le choix. »

Le père Valentin lui-même n’est pas d’ailleurs fondamentalement contre l’usage du russe, mais contre toutes les innovations qui accompagnent possiblement son adoption, et c’est aussi mon avis. A Solan, tout est en français, mais tout est canonique, c’est le mont Athos en français. Le slavon relie la Russie actuelle et la Russie ancienne, et c’est aussi une langue commune à tous les slaves orthodoxes. C’est un élément qui complique la question. On n'a pas envie de briser ce lien liturgique avec le passé et avec des peuples frères.

La communauté que j’ai vue a une chapelle dans son institut, tout est fait avec beaucoup de simplicité et de goût, mais l’iconostase est symbolique, une structure en métal, sans icônes, il n’y a que très peu d’icônes, d’ailleurs. Or l’iconostase sépare mais elle relie, aussi, que deviennent la Déisis, les icônes des douze Fêtes? Et puis, il y a des moments où Dieu s’efface de notre vie et des moments où Il se révèle, le fait de fermer ou d'ouvrir les portes, de laisser voir ou de cacher le sanctuaire selon les moments de l'office me paraît avoir tout son sens. Paraît-il que les premiers chrétiens n’avaient pas d’iconostase, mais je me méfie des usages perdus que l’on récupère, nous ne savons pas vraiment comment tout cela se pratiquait à l’époque, nous avons un tout organique qui s’appelle l’Eglise, avec sa Tradition, c’est une construction millénaire qui a sa cohérence. Les premiers chrétiens, jusqu’à l’apparition du Suaire, représentaient aussi le Christ comme un éphèbe grec imberbe... Bernard Frinking avait découvert que les Evangiles étaient chantés et que les gens les savaient par coeur, et je suis persuadée qu’il avait raison, les gens apprenaient tout par coeur à l’époque, et ils chantaient pratiquement tout, l’Evangile d’autant plus. Cependant, je n’ai jamais été très convaincue par la reconstitution qu’il faisait de tout cela. Justement parce que c’était une reconstitution. Ce qui est transmis est parfois modifié mais vivant, ce qui est reconstitué pas forcément. 

J'ai entendu parler d'un film, que je n'ai pas encore vu, mais j'ai compris qu'il était dans le genre progressiste et critique, cela s'appelle "les passions selon Matthieu", et si j'ai bien compris, c'est l'histoire d'un séminariste que son entourage pousse à se marier pour pouvoir être ordonné prêtre, et ensuite il rencontre une jeune femme qui est à l'opposé de tout ce qu'il est et croit, mais il en tombe amoureux. Un jeune séminariste, au visage particulièrement sympathique et lumineux, commentait ce film en disant qu'il n'avait pas aimé la façon caricaturale dont on représentait les prêtres, et ensuite, j'ai vu un débat entre un prêtre, sa femme, et le metteur en scène, qui se disait orthodoxe, mais affirmait qu'il fallait sortir l'Eglise de sa bulle, lui reprochant d'être hors du monde et loin des besoins de la jeunesse, car enfin, la plupart des gens qui se marient de nos jours savent qu'en cas de mésentente, ils pourront toujours divorcer, et les prêtres ne le peuvent pas, ne peuvent pas se remarier. Et puis il fallait dissocier l'Eglise de tout le fatras russe, y laisser entrer le jazz etc... Je l'écoutais et voyais une magnifique taupe forer ses tunnels dans le sol de l'orthodoxie pour y répandre absolument n'importe quoi. Déjà, depuis la mienne, de jeunesse, je me méfie de ceux qui la flattent et veulent tout lui faciliter, c'est comme cela qu'on a élevé chez nous tant de moules et de nouilles. Si un prêtre se marie avec l'idée qu'il peut éventuellement refaire sa vie, il n'y a plus d'engagement ni d'exemple donné aux fidèles. Bien que naturellement, je compatisse beaucoup aux difficultés des gens mal mariés, ou des prêtres que leur femme laisse tomber, et cela arrive malheureusement. Mais glisser dans la conscience des gens que tout cela est bien trop difficile, et que l'Eglise pourrait leur faciliter la vie, et puis leur permettre aussi de rendre tout cela plus jazzy, tout en égratignant au passage la culture russe qui n'a vraiment pas besoin de cela, j'ai trouvé cela un peu too much... J'ai exprimé mon avis dans les commentaires, j'ai dit que j'étais Française, que j'avais choisi l'orthodoxie justement parce qu'elle était hors du monde, de ce monde, et que je n'avais nulle envie de voir arriver dans l'Eglise toute la vulgarité et la bêtise que je ne savais plus où fuir. J'ai ajouté que j'avais vu le résultat de la permissivité que l'on prônait là, où cela nous avait conduits. Pour l'instant, je n'ai eu aucune réponse de personne!

 Un ami perplexe m'envoie des messages d'un Français de la haute qui sont à la fois stupides et dingues, à un point terrifiant. C’est le genre de choses que je lisais chez les Ukrainiens au moment du Maïdan. On a l’impression d’avoir affaire à des fous, des possédés, qui délirent de haine dans une fantasmagorie qui les dévore, comme les damnés les flammes de l’enfer. Ceux-là sont vraiment prêts à griller des enfants à la broche, pourvu qu’ils soient des « barbares » ! Et eux, aveugles volontaires, déchaînés et bornés, on les caractérise comment ? Ils ne voient rien et n’entendent rien, derrière la tonitruante sarabande de leurs démons, et j’imagine que cela puisse se poursuivre dans l’au delà, que dans les siècles des siècles, ils continueront à éructer sur les Russes, alors qu’ils ont si bien su perdre leur pays tout seul et l’ont déjà livré à des invasions dont il ne se remettra jamais. Que pensent-ils que Poutine ferait de la France? Gérer un pays comme la Russie est déjà bien assez compliqué, mais des hallucinés, envahis par toute l'Afrique, contrôlés par l'Amérique, son UE et son état profond, et contents de l'être, se préoccupent d'une fantasmatique conquête russe... Cela me fait penser à certaines féministes, horrifiées par l'idée du viol quand il est commis par un blanc, mais tout-à-fait disposées à l'excuser dès lors qu'il est infligé par un ou même plusieurs agresseurs exotiques.

Pour remettre les pendules à l'heure: https://www.youtube.com/live/R4HRWQPV6BU?si=fFjttrqsDixrp0FM



 

mercredi 10 janvier 2024

Trente ans



 Aujourd’hui, j’ai senti que l’hiver se tournait vers le printemps, à la qualité de la lumière, à la couleur du ciel. Autrement, il fait toujours assez froid, mais juste ce qu’il faut pour avoir une belle neige propre et sèche et ne pas trop déraper. Katia a eu la même impression que moi. Elle est passée me voir avec sa mère. J’avais heureusement de quoi les nourrir, car j’avais assisté à l’office funèbre puis au repas de commémoration de la mère de notre vendeuse de cierges Natacha, que je trouve très chaleureuse et très marrante. La défunte, sur les photos, me paraissait avoir quatre-vingt-dix ans, mais non, elle en avait quatre-vingt-quatre, soit douze de plus que moi, eh oui. Elle était communiste, et d’après ce qu’on en disait, très autoritaire mais très bonne et elle s'est quand même confessée et a communié . Sa fille lui a dit, au moment où elle déclinait : « Mais tu voulais vivre jusqu’à cent ans..

- Eh bien je n’y suis pas arrivée... »

Je regardais cette frêle poupée dans le cercueil, on sentait vraiment qu’il n’y avait plus personne dedans. Cela m’a tout à coup rappelé les enveloppes de cigales que je trouvais autrefois, après leur mutation, brunes et vides.

Le repas était très chaleureux, assez gai. Il y avait la famille, quelques paroissiens, dont moi, le père Alexeï, notre recteur, le père Andreï, et le père Alexeï qui vient d’être ordonné, un jeune homme. Le recteur a beaucoup plus d’humour qu’il n’en donne l’impression au premier abord.

Je me faisais la réflexion que tout le monde semblait prendre cette mort très calmement, on évoquait la vieille dame avec amour, on racontait des anecdotes sur elle, parfois drôles. Chez les Asmus aussi, la mort semble presque une formalité, alors que chez nous, dans notre famille, elle a toujours été si tragique, si scandaleuse, nous étions tous si inconsolables, moi la première, et pourtant, je suis croyante. Même la mort de Chocha, je ne l’ai pas bien vécue.

Pourtant, je me souviens que pour la mort de ma tante Baby, qui fut atroce pour elle et pour les autres, j’avais filé chez le père Barsanuphe, mon père spirituel de l'époque. Il avait été si consolant, que j’étais rentrée apaisée et presque joyeuse, je marchais vers la gare en regardant les étoiles, et rien ne me semblait irrémédiable ni étanche, le cosmos était là, et Baby avait rejoint les nôtres dans quelque repli du temps que Dieu avait prévu à cet effet.  Cela s’est produit il y a cinquante deux ans. Baby avait trente quatre ans, j’en avais presque vingt. Au même moment, ma cousine avait déclaré que Dieu n'existait pas, parce que si Baby avait été auprès de Lui, elle se serait débrouillée pour nous le faire savoir.  

L'archimandrite Basile Pasquiet fête ses 30 ans de Russie. Je fêterai les miens à l'automne de cette année, avec un intermède de six ans en France, nous étions arrivés au même moment, à plusieurs mois de différence. J'ai fait un départ beaucoup moins sportif et radical que le père Basile, mais je pense aussi que Dieu m'appelait, c'est ce que nos expériences ont en commun, avec la date de notre arrivée, parce que pour le reste, je suis une petite joueuse.

C'est aujourd'hui le 30e anniversaire de mon arrivée en Russie. Dieu m'appelait dans ce grand pays qui m'était totalement inconnu et dont je ne connaissais pas la langue. Seule la foi m'a conduit dans cette grande aventure, cette nouvelle et incroyable odyssée. J'étais comme notre père Abraham qui a entendu la volonté de Dieu.

"L'Éternel dit à Abram : Quitte ton pays, ta génération et la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai" (Genèse 12:1).
Mon but était de devenir un fils de l'Église orthodoxe et d'entrer à l'école des grands moines de la Sainte Russie.
Dieu a décidé de m'envoyer en Russie à un moment critique pour elle. Rien ne m'effrayait, j'étais prêt à tout, la seule chose dont j'avais peur était de ne pas justifier l'appel divin.
Les épreuves étaient nombreuses et parfois difficiles à supporter, mais je sentais la présence du Seigneur et sa grâce. Sa main m'a soutenue et j'ai toujours gardé sur mes lèvres ces paroles de l'Écriture : "Le Christ est ma force, mon Dieu et mon Seigneur". Aujourd'hui, je le remercie pour tout ce qu'il m'a donné. Pour mes maîtres et mes pères, en particulier Monseigneur le Métropolite Barnabé, pour la famille spirituelle qui s'est formée autour de moi au cours de ces 30 années, et pour mes amis fidèles.
Tous ceux qui m'aident, me soutiennent, me supportent, me réconfortent et veillent sur ma santé, je les remercie chaleureusement et je prie pour chacun d'eux, afin que Dieu leur donne en retour sa grâce et sa miséricorde.
Je remercie Dieu pour tout, pour les peines et pour les joies.



lundi 8 janvier 2024

Le tsar et les ados

 

Une amie de Iouri, Elena, qui a une petite maison d’édition, me propose de me récupérer après que mon éditeur précédent a mis la clé sous la porte sans prévenir. Elle est intelligente, profonde, sensible, idéaliste et honnête. Mais je pense qu’elle n’a pas les moyens de payer des traductions. J’ai Epitaphe en cours de traduction, mais je ne pourrai pas faire plus sans sponsors. Il me reste à souhaiter qu'Epitaphe devienne un best-seller, pour elle et pour moi...

Elle m’a écrit sur Iarilo et Parthène des choses qui me sont allées droit au coeur et m’a demandé la permission de citer mes chroniques. Echange de bons procédés, je la cite sur moi-même !

D’abord, je dois dire que dans mes années d’enfance et d’adolescence, j’étais passionnée par Ivan le Terrible. J’ai pratiquement grandi non loin de la Sloboda. Nous avions une datcha près d’Alexandrov, que je considérais comme ma seule véritable maison, et ces coins comme ma petite patrie. Chaque année, je visitais la Sloboda. Vers 13 ans, j’achetai et lu un roman de deux tomes sur Ivan le Terrible et le métropolite Philippe et ensuite sur ses motifs, j’écrivis une pièce historique en vers. Alors je dessinai au pastel le portrait du tsar par Vaznetsov, et il resta quelques temps sur mon mur... en gros, le thème m’est proche. Et votre traitement du type psychologique du Terrible me semble très exact. En tous cas, selon ma conception. Et de même votre description du tsar Fiodor, que l’on abaisse habituellement d’une façon très injuste, ce qui m’a toujours blessée. Le roman lui-même est écrit de façon captivante, on n’a pas envie de le laisser, on a envie de le lire jusqu’au bout. Le second tome m’a davantage intéressée que le premier, et j’y ai rencontré un motif que je voulais jouer dans un récit, mais je n’ai jamais pu m’y mettre. Vous écrivez là que le tsar se retrouve entouré d’enfants, comme s’ils étaient les seuls à pouvoir le supporter. Dans mon récit, je voulais mettre en scène le tsar dans ses dernières années et un enfant (le fils d’un serviteur, peu importe), qui aurait simplement eu compassion de cet être à l’âme malade,  réellement très malheureux, et en lequel celui-ci aurait vu ce qu’il était lui-même, avant que les boyards ne l’eussent perverti, lui-même, tel qu’il aurait pu être, s’il avait eu une enfance normale ; il aurait vu et pleuré sa propre âme pure et capable d’aimer, perdue sans retour. J’aurais voulu jouer ce motif. Et je l’ai trouvé chez vous.

Ivan le Terrible, c’est d’abord une immense tragédie. La sienne et celle de la Russie. Si Anastasia était restée en vie, il ne se serait pas produit en lui cet effondrement, et nous aurions eu un tout autre règne, celui du début de son gouvernement. Le gouvernement d'un Tsar par nature exceptionnellement doué, un gouvernement glorieux, sur le plan militaire, civique et culturel. Un véritable épanouissement de la Russie... Tout aurait continué comme cela, sans perte fatale ni intérêts particuliers et infidélité de tous les côtés, quand près de son lit de douleur, même les plus mesurés (Sylvestre) discutaient de la manière de priver son héritier du trône, et il serait entré dans l’histoire comme un second « soleil de la Terre russe ». Mais tout cela lui a brisé l’âme, et la seconde moitié de son règne, c’est déjà un autre homme, un homme malade, qui se torture et torture. Une personnalité coupée en deux. Et le bilan de cette division, de ces affaires sanglantes et de cette débauche, ce sont les troubles et l’effondrement au lieu de la gloire et de la puissance, que laissait prévoir le début de son règne.

Je ne peux pas me faire « l’avocate » du Terrible. Beaucoup de ses actions sont beaucoup trop graves et cruelles. Et les tentatives actuelles de le présenter comme un « saint » me paraissent en quelque sorte... également un genre de maladie. Le bourreau ne peut être mis au rang de ses victimes, même s’il a beaucoup souffert lui-même... Mais je ne peux pas ne pas pleurer ce Souverain tel qu’il fut au début et tel qu’il aurait dû entrer dans l’Histoire. Tel qu’il fut prévu par Dieu. Et le sort de la Russie, qui n’a pas vu se réaliser ce souverain. Et je ne peux pas examiner sa personnalité et son destin sur un seul plan, sans prendre en considération toutes les facettes, c’est-à-dire, à proprement parler, les causes de cette tragédie. Vous l’avez, je me souviens, comparé à un personnage de Dostoievski. Oui, mais d’une autre dimension... Ici, c’est un abîme, sombre, effrayant. Mais en même temps, attirant en cela que le crime et le châtiment s’interpénètrent, le méfait s’allie au tourment et au remords, et l’on a envie de comprendre, de saisir. Ce n’est pas le mal qui est intéressant en lui-même, mais ce mélange de choses inconciliables. Et bien sûr, la comparaison avec Staline ou autres morts-vivants du même genre, est complètement déplacée. Chez les Staline et leurs semblables, aucun remords de conscience n’a jamais été évoqué, en raison de l’absence d’organe correspondant... C’étaient des tueurs pragmatiques, qui anéantissainet les gens « avec énergie et en masse ». Aucun « Dieu qui se bat avec le diable », mais seulement le diable triomphant. Et en ce sens, ils ne sont pas intéressants.

Très étrange est la réaction de celle qui « défend » Basmanov. C’est aussi une espèce de folie... D’après moi, vous l’avez plutôt réhabilité. D’ailleurs, c’est une image très réussie.  Je ne jugerai pas de la véracité historique, mais comme personnage, comme exemple d’homme aspiré par l’abîme qui trouve quand même la force de lui résister, comme exemple de rétablissement d’une âme quasiment damnée sans retour. C’est intéressant d’un point de vue psychologique, et plein d’enseignement d’un point de vue spirituel.

Je suis très touchée qu'ayant grandi dans des pays et culture différents, et à des époques différentes, nous ayons ressenti toutes deux les choses de la même manière, et à peu près au même âge, comme si le tsar cherchait vraiment un écho dans les coeurs d'enfants. Je crois profondément que le tsar Ivan était tel que nous l'avons compris; peut-être son âme cherchait-elle à nous le faire percevoir. C'est pourquoi je prie pour lui. Je prie le métropolite Philippe d'intercéder pour mon livre et ceux que j'y ai fait figurer.  Je trouve infiniment plus intéressant, respectueux et productif d'essayer de comprendre ce personnage dans sa complexité paradoxale que d'en faire le saint qu'il n'était pas, ou une caricature idéologique. 

Son idée que la Russie aurait eu un tout autre destin si Anastasia n'était pas morte et si Ivan n'avait pas perdu le nord me fascine, je ne m'étais pas posé la question. Car en effet, il aurait pu lui donner une grande impulsion, tout en la gardant orthodoxe, sans les dérives occidentalistes des Romanov. Cela aurait peut-être pu éviter à toute l'Europe, en gardant un second pôle chrétien puissant et différent, de verser dans le maelstrom ténébreux du judéo-protestantisme anglosaxon qui a fini par se transformer en trou noir, aspirant la Russie dans sa chute. Je me demande à quoi elle aurait ressemblé à la fin de son règne, s'il n'avait été perturbé de la sorte.

Nicolas Bonnal m'a envoyé un article très intéressant, un commentaire d'extraits du journal d'un écrivain de Dostoievski, consacrés à sa visite de l'Angleterre, et c'est assez complémentaire de nos réflexions sur Ivan le Terrible. Quand j'avais lu Dostoievski, j'avais eu l'étrange impression qu'à seulement quelques décennies de ma naissance, dans un monde irrémediablement coupé de ses sources par la modernité, existait encore un empire qui gardait  le contact avec les siennes, une foi médiévale, une société paysanne et aristocratique presque exempte de bourgeois, mais si, il y en avait, Pierre le Grand avait massivement transformé ses nobles en fonctionnaires, il y en avait suffisemment pour permettre l'avènement de la "grande révolution"... Dostoiveski s'en rendait compte, il discernait la contamination de son univers encore sain par cette atroce maladie occidentale dont l'Europe était en train de crever, sous l'apparent triomphe anglais qui parasitait la terre entière. Quand j'avais lu les descriptions des bas-fonds de Londres par Jack London, j'y avais d'ailleurs vu la préfiguration du Goulag. Une transformation du peuple en une foule d'esclaves mécaniques corvéables à merci par ceux-là même qui, au lieu de le gouverner, se conduisent en colonisateurs. 

J'ai mis un moment à mettre le nez dedans, je ne sais d'ailleurs pas comment fait Nicolas pour lire autant, écouter et regarder autant, et trouver le moyen de recenser tout cela, de correspondre et d'écrire, moi, je suis en complète surchauffe, et réponds à la définition du problème donnée ici par Ariane Bilheran: 




J'ai regardé une flash-mob dans un centre commercial à Saratov, où les participants entonnent des chants de Noël traditionnels, et cela m'a complètement fascinée. C'est l'irruption d'une autre dimension dans un univers factice et moche, dont elle souligne tout à coup le caractère insupportable, avilissant, anti humain. Les gens écoutent, enchantés, leurs visages changent. Il leur arrive l'écho de ce qui était profondément nous, de cette lumière, de cette innocence, de cette espérance, et la hideur de leurs oripeaux utilitaires saute tout à coup aux yeux avec une évidence épouvantable, des oripeaux d'esclaves, de bouffons. C'est peut-être pour éviter ce genre de prises de conscience que l'on nous prive de tout cela et qu'on atrophie les organes spirituels qui permettent de le percevoir?




dimanche 7 janvier 2024

Crèche

 

 


Nous avions moins vingt-trois pour Noël, il a fait jusqu’à moins trente sept, la nuit. C’était très beau, un royaume de verre et de lumière froide et radieuse, entre deux pans de nuit étoilée qui tombent à cinq heures et se relèvent à neuf heures... Mais j’ai pitié des oiseaux, et aussi des chiens, que tous ne laissent pas entrer chez eux, quelle que soit la température, de tous les animaux abandonnés et même de ceux qui sont sauvages.

Ma voiture est restée coincée sur le parking du supermarché où j’étais allée acheter de l’eau, car ma canalisation avait gelé. Elle avait démarré comme une brave petite Renault, mais il m’aurait fallu la laisser chauffer ou rouler plus longtemps, une fois arrivée au but, elle a déclaré forfait, mais deux jours plus tard, quand je suis venue avec le voisin, elle est repartie tout de suite, comme une grande, et depuis, ne m’a plus laissée tomber.

Le plombier non plus, il est venu tout de suite, et il m’a rétabli l’eau, j’avais oublié de boucher un trou d’aération de la cave. Rouslan considère qu’il est mon plombier personnel, car il n’en revient pas des gentillesses que j’ai écrites sur son compte et distribue mes chroniques autour de lui !

Je suis allée aux vigiles, mais pas à la liturgie de minuit, je suis allée à celle du matin. Il y avait de nombreux enfants, et une atmosphère très chaleureuse. Je me disais que même si souvent je devais me pousser pour aller à l'office, mon temps était complètement transfiguré par ces fêtes qui ponctuent l'année, qui l'éclairent, qui lui donnent un sens et une beauté interne. La femme du père Vassili, qui continue à venir chez nous, bien que son mari officie maintenant aux Quarante Martyrs, m'a souhaité de fêter encore beaucoup de Noël comme celui-ci, et justement, je me demandais combien j'en verrais encore: cinq, dix, quinze? Je lui ai répondu: "Oui, je voudrais bien avoir le temps d'enterrer tous mes chats", ce qui l'a bien amusée. 

Je n'étais pas assez habillée, et frigorifiée. Au café français, où je suis allée après, c'était juste, question température, il m'arrivait dessus des courants d'air froid. Que je plains ceux qui sont dehors, hommes ou animaux, ou qui ne peuvent se chauffer. Une de mes mésanges s'était réfugiée dans une barquette de margarine que j'ai pendue pour les nourrir. Elle y prenait le soleil qui ne chauffait pourtant pas beaucoup. 

Vers le soir, je suis retournée au café, car des folkloristes y montraient une crèche sous forme de spectacle. Habituellement, il y a un petit théâtre, avec des poupées et des bougies, mais là, les filles avaient préféré faire une crèche interactive, et les poupées étaient distribuées au public, où il y avait plein de gosses. Elles éclairaient ponctuellement le personnage qu'elles faisaient parler, et projetaient ausssi des ombres au plafond. Tout était extrêmement joli, les poupées, les effets lumineux, et les chants, et je pensais à l'importance de telles représentations pour des enfants abreuvés de culture dépréciée, défigurée, vulgaire. Il y avait là suffisemment de beauté pour les faire rêver longtemps. Nous avons tous chanté ensemble des chants de Noël. Les folkloristes s'installent chez nous, dans un village près de Pereslavl, et depuis trois ans, essaient de faire renaître les traditions, et vont quêter en chantant de maison en maison, avec une étoile, et si ce fut assez difficile au début, car on n'a plus affaire à des isbas nomales mais à des "cottages", avec des palissades métalliques et des portails automatiques. Mais les gens en ont pris l'habitude et les attendent.

Un couple de jeunes voisins, Vitia et Macha, m'ont invitée ensuite chez eux, j'y suis allée à pied, sous les étoiles, sur la neige crissante. Les enfants ont voulu nous réciter des vers, la bataille de Borodino, et puis ils ont chanté des chansons. Ils étaient intarissables. La mère d'un de ces petits acteurs, m'a montré une place en Italie, noire d'Africains, c'est le cas de le dire, à l'occasion du jour de l'an. Les Italiens n'osent plus sortir, me dit-elle. J'avais le coeur serré. Adieu, Italie, brillante, splendide Italie, te voilà livrée avec un paquet cadeau, que restera-t-il de toi et de la France, et de tous les pays victimes de ce forfait dans dix ans? Les Russes ont peur qu'il leur arrive la même chose. 

On a parlé des illusions que se font les Russes sur l'Europe, et me dit Macha, on ne sait plus que croire...  Je lui ai confirmé des choses dont souvent ils doutent, il n'est pas possible que cela arrive en Europe, mais si! Ne laissez pas pourrir votre pays comme on a pourri les nôtres. 

Il paraît qu'il y a de plus en plus de familles nombreuses, surtout à Pereslavl.

J'ai vu une nouvelle qui passe sans doute inaperçue en occident. Dans l'ancien diocèse du pape François, la foudre a frappé une statue de saint Pierre, l'auréole et la clé. Un commentaire a rappelé celle qui était tombée au Vatican, le jour de l'abdication de Benoit XVI, et les colombes de la paix attaquées par des corneille. 

https://spzh.news/ru/news/77796-molnija-udarila-v-statuju-apostola-petra-v-byvshej-eparkhii-papy-frantsiska

jeudi 4 janvier 2024

L'écho d'un coeur absent - Plus au nord

 Je viens de faire paraître un recueil de poèmes, les premiers que j'ai écrits. Après avoir commencé à chanter du folklore avec les cosaques, je me suis mise à écrire des chansons, puis des vers. Jusque là, j'avais eu trop de complexes, mais le folklore m'a appris à créer, comme les oies migrent, sans trop se soucier si les gens vous jettent des fleurs ou vous tirent des coups de fusil, par nécessité atavique. Bon, les fleurs, c'est quand même mieux que les coups de fusil.


Psychopompe

 

 

Lasse d’attendre et d’espérer

J’espère en Dieu.

Michel archange au ciel arqué

Ailes de feu, glaive dressé,

De nous auras-tu donc pitié,

Quand  nous viendrons à trépasser ?

Parmi les astres écumeux

Sur nous poseras-tu les yeux

Quand nous menant auprès de Dieu

Tu nous découvriras les cieux ?

 

Nous n’avons pas su, de nos ans,

Tirer de l’or et de l’argent,

Nous avons tout dilapidé,

Nous voici vieux et fatigués

Il n’est plus temps.

 

Bel Archange prend donc pitié

De nous et puis de nos parents.

Conduis-nous comme des enfants,

Avec eux dans l’éternité,

Dans les grands champs illuminés

D’après le temps.

 

D’après le temps qui a passé

Sur nous, sans qu’au fond de nos cœurs,

S’éteigne le reflet sacré,

Sous le vent sombre des malheurs.

 

Un peu de vie dans la poussière

Qui fleurira dans la lumière,

Si Dieu le veut et nous reçoit

Aux champs dorés de l’au-delà.

 



mardi 2 janvier 2024

Une année sans dragon

 


 Moins trente la nuit. Les animaux ont si froid que je donne même des croquettes aux pies et aux corneilles. Les passereaux essaient d’entrer, je sais que dans les isbas traditionnelles, ils entraient souvent dans la partie où l’on gardait les bêtes, ou dans la véranda, j’en ai même vu, il n’y a pas longtemps, qui hibernent dans un café, sur la route de Moscou. Mais avec mes chats, si je laissais entrer ces petits oiseaux, ils seraient croqués en un instant.

Le bon côté de la chose, c’est que la lumière est magnifique. Il y en a pour toute la semaine, après cela se réchauffe un peu, il fera dans les moins quinze. Le pire est que nous avons eu, avant cela, un redoux stupide, et tout a regelé à mort. J'ai mis des boules de Noël dans mon thuya, tellement j'en ai marre du noir et blanc.

J’ai vu hier un reportage sur trois étrangers qui vivent en Russie. C’était très intéressant, car l’approche est souvent de nous présenter comme des originaux, et là ce n’était pas du tout le cas. La première est une Allemande, directrice d’un fond d’aide humanitaire, Allemande de l’est, qui essayait de représenter à ses compatriotes ce qui se déroulait vraiment depuis neuf ans au Donbass. Elle explique que dès le départ, les médias européens ont fait le black-out complet, et qu’il était pratiquement impossible de faire arriver l’information réelle au public. On lui répondait que ce qui se passait au Donbass était un « fake de la propagande russe ». Dernièrement, elle a appris qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle, parce qu’elle était menacée d’arrestation. On l'accuse de "recevoir un salaire de Poutine" (c'est le cas de tous ceux qui vont à l'encontre de la doxa) et aussi d'avoir organisé, à la demande de leurs parents, un transfert de gosses du Donbass vers la région russe plus sûre de Rostov. Elle s’est retrouvée à Moscou, avec sa valise, elle est hébergée chez des amis. Elle a six enfants là bas, et elle est coincée ici. 

L’autre étranger est un Américain d’excellente famille wasp, son père était correspondant d'Associated Press à Moscou, lui-même parle un russe impeccable, il a travaillé à Moscou, s’y est marié, puis il est reparti aux USA, mais il avait pris la précaution de s’acheter un pied-à-terre à Moscou, ce qui lui a permis de se loger avec sa famille. En tant que journaliste pro russe et partisan de Trump, qui a filmé ce qui s’est réellement passé au Capitole au moment de l’élection frauduleuse de Biden, il est tombé victime du maccarthysme délirant qui règne dans son pays et tout l’Occident, et craignant lui aussi d’être arrêté, comme plusieurs des personnes qui en avaient été témoins, il s’est enfui en une semaine. Il se sent chez lui en Russie, et explique que la liberté, maintenant, c’est ici, et non plus chez lui, mais qu’il souffre d’être exilé et voudrait pouvoir être utile à son pays, dont il se sent toujours patriote. Il est orthodoxe. «La guerre en Ukraine a paradoxalement augmenté le capital de sympathie pour la Russie auprès des Américains, a-t-il expliqué, ils se rendent compte qu’on leur raconte des histoires, que tout cela est monté de toutes pièces. En ce qui me concerne, je souffre d’être exilé, mais je suis intérieurement apaisé de me trouver ici dans le juste camp, je suis écoeuré du degré de fourberie et de mensonges de la classe politico-médiatique en Amérique, le mensonge vient du diable. » Il considère que le gouvernement américain est l’ennemi de son propre peuple. Comme en France.

Le troisième est un Anglais fortuné, entrepreneur, qui a repris avec amour la direction de l’usine de montres soviétiques Raketа, et met un point d’honneur à faire de la fabrication russe, du design russe, et à faire travailler des Russes, ce qui n'a pas toujours été bien compris ici, au départ. Le mépris des Russes pour leur propre culture le choque autant que moi. Il n’envisage pas de repartir, et à propos des expats qui l’ont fait, déclare : «On les a obligés à le faire, aucun de ceux que je connais ici ne l’aurait fait volontairement ou parce qu’ils se sentaient menacés ici. »

Un jeune journaliste est mort subitement, et un de mes amis a publié que cela commençait à bien faire, que de tous côtés, dans son entourage, mouraient comme des mouches des gens de trente-cinq ou quarante ans. J’ai un exemple parmi mes connaissances, mais je ne sais pas s’il était vacciné, une force de la nature, il est mort terrassé en une minute par une thrombose. Un autre ami, très âgé, a développé une leucémie foudroyante, ce qui m’étonne, dans la mesure où plus on est vieux, moins les cancers sont foudroyants, lui non plus, je ne sais pas s’il a été ou non piquouzé. Mais voilà que sur un site d’aide à divers malades, je vois un type de trente ans frappé par cette maladie bizarre, le syndrome de Guillain-Barré, qui, en France, sévit chez les vaccinés en tant qu’effet secondaire. De sorte que non, le vaccin russe ne semble pas avoir été un placebo, et je ne comprends absolument pas comment on a pu l’imposer à la population dans le contexte. Dès le départ de cette affaire, cela m’a terriblement inquiétée, avec le cirque des masques, le patriarche en larmes interdisant la Pâque et le métropolite Tikhon de Pskov exhortant ses ouailles à courir se faire injecter si elles ne voulaient pas mourir par millions. Toutes les déclarations que l’on prête à Poutine, depuis l’intervention russe, j’ai tendance à les relativiser, car elles peuvent relever de la «diplomatie », après tout, « l’Occident collectif », c’est la fourberie incarnée. Mais qu’il ait marché dans cette combine, je n’ai jamais pu le comprendre, et c’est ce qui me terrifie le plus. Ici, on a peut-être toujours la tendance soviétique progressiste à penser que le vaccin, c’est le salut, cela a peut-être été vrai un temps, cela ne l’est plus aujourd’hui, et au niveau du gouvernement, est-il possible qu’on ne s’en rende pas compte ? Comment concilier l’imposition à la population d’une saloperie mafieuse étrangère, qui a toutes sortes de conséquences tragiques, avec des discours d’indépendance nationale et une politique nataliste déterminée ? Et qui plus est, d’après Karine Bechet-Golovko, des corrompus de service essaient de faire repartir le truc, je ne pense pas que cela va tellement marcher, cette fois, et heureusement. D’ailleurs, la première fois, cela n’a pas marché aussi bien qu’en France, ici, c'était parfaitement supportable. 

Notre évêque Théoctyste et l’higoumène Pantaleimon étaient des partisans convaincus de la campagne sanitaire à la gomme, malgré leur grande intelligence. Ce sont des scientifiques, la science, c’est la science, qu’elle soit gangrénée par le fric mafieux et les dingues mondialistes n’effleure sans doute pas leurs esprits intègres... car c'est bien connu, c'est du conspirationnisme.

Quelqu’un a publié un dessin que je vois passer depuis quatre ans, seul le numéro de l’année change. Je pense souvent aux bacchanales de « l’an 2000 », tous les cons qui pensaient voir s’ouvrir devant eux l’avenir radieux prédit depuis 200 ans et des brouettes par les bonimenteurs du progrès exponentiel. Et nous voilà dans le « Meilleur des Mondes », il est vraiment super, en effet. On se demande toujours ce que le cancer qui nous rampe dessus va inventer pour nous détruire, on grille ici des métastases, les voilà qui ressurgissent ailleurs. On a l’impression d’un mal inlassable, déchaîné, qui ne recule devant aucune vilenie ni aucune cruauté, qui exploite, menace et pervertit tout, fait la guerre aux enfants en période de Noël, comme le tsar Hérode, bombardant les sapins et les centres commerciaux. Si je n’avais pas eu mon petit miracle de l’Archange saint Michel pour me remonter le moral, j’aurais tendance à considérer le nouvel an comme les gens du dessin.



A propos de Meilleur des Mondes, ce livre qui m'avait terrifiée quand je l'avais lu, à seize ans, c'est aussi le titre d'une revue où l'on retrouve tous les idéologues qui nous l'ont préparé, ce Meilleur des Mondes, ils le chérissent, ils le revendiquent, c'est le leur. Considérons chacun d'eux comme notre ennemi implacable et mortel. Car c'est bien le cas. Je nous souhaite à tous le secours vigilant de l'Archange Michel qui terrasse les démons. Nous en aurons bien besoin.

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Meilleur_des_mondes_%28revue%29

En Russie, les orthodoxes partent en guerre contre le "jour de l'an", qu'on a substitué à Noël à la période communiste, et qui vient perturber le carême de l'Avent. Cette année particulièrement, car c'est "l'année du dragon" chez les Chinois, et bien que nous ne soyons pas chinois, on fête chaque année toutes sortes de bestioles. Cette fois, le dragon a du mal à passer. Car c'est pour nous, un symbole démoniaque, que saint Georges foule aux pieds sur toutes ses icônes. L'environnement grouille de dragons rose bonbon, bleu ciel, dorés, argentés, irisés, avec de grands yeux bêtes, c'est un déchaînement de kitsch dégoulinant. J'ai eu droit à mon dragon adhésif au supermarché du coin, on m'a offert une serviette avec un dragon bleu des mers du sud, et des amis peu orthodoxes m'en ont même envoyé de fort artistiques, ce qui m'a valu d'être remise en place par des destinataires purs et durs à qui je les avais bêtement adressés. Aussi n'envisageai-je plus le dragon que sous une forme, comme dit le père Anton, "adaptée au monde russe", le chachlik! Puissions-nous avoir une année sans dragon. Celui qui nous gâche la vie a un corps de plusieurs siècles, et des têtes qui repoussent sans cesse, puisse-t-il terminer comme celui de saint Georges.