Fiodor est parti pour la guerre, Katia est allée avec moi, pour se remonter le moral, au restaurant "les Boyards" manger un menu carémique. Il y a pas mal de pertes sur le front, d'après ce que nous entendons dire. Il part volontaire, il est fils unique, il a deux gosses. Je commande des prières de tous les côtés. En passant, nous voyons des maisons décorées de drapeaux russes ou du drapeau du Sauveur non fait de main d'homme, sur fond rouge. La ville est en ce moment particulièrement moche, parce que la neige a fondu, mais la verdure ne lui a pas encore succédé, et rien ne vient adoucir ses disgrâces. On voit toutes les verrues et toutes les tumeurs qui bourgeonnent sur les maisons anciennes, et puis les maisons nouvelles, boursouflées et contrefaites. Mais la mairie illumine la nuit les bâtiments des siècles passés qui subsistent. C'est un phénomène nouveau.
A Belgorod, les bombes pleuvent sur les civils qui demandent nos prières. Les Ukronatos font la guerre aux civils, cela fait dix ans que ça dure. Mais soit on n'en parle pas, soit on met ça sur le dos des Russes, qui l'ont large, comme chacun sait.
Je suis tombée sur une vidéo d'Anatoly Livry et j'ai été particulièrement intéressée par son idée que l'Europe est l'objet d'un génocide et d'un dressage sournois depuis déjà bien longtemps (à 40 mn). Cela fait plusieurs générations qu'on assassine les Européens en masse en éliminant les meilleurs, de sorte que si nous continuons de la sorte, nous n'aurons plus que des cloportes, stupides, veules, minables et crédules, prêts à disparaître dans un melting pot de sous-hommes fabriqués pour ce rôle par une caste de demi-dieux transhumanistes. Déjà, la plupart des jeunes grandissent comme des enfants loups qui ne réalisent pas les acquisitions nécessaires au bon moment et poussent diminués intellectuellement et moralement. Bien sûr, il y a des miracles, des gamins génétiquement doués qui nous émerveillent, mais on fait tout pour les marginaliser et les exclure, car tout le domaine culturel est entre les mains d'une médiocratie contrôlée qui sélectionne systématiquement les siens. Il n'y a qu'à voir par quelle caste d'imbéciles, de fourbes et de criminels nous sommes maintenant gouvernés. De plus, on nous fait vivre dans un environnement affreux, antinaturel, profondément moche et étranger à la vie et aux valeurs humaines éternelles, ce qui bloque tout développement spirituel, esthétique, éthique, poétique. Ce qu'il dit sur les slavistes français est très judicieux, et je me demande par quel phénomène psychologique ces gens censés comprendre la Russie mieux que les autres font tout, avec une aversion méticuleuse, pour en brouiller la perception et en falsifier l'histoire à longueur d'antenne. J'en viens à penser que ce sont des agents recrutés. Ou bien simplement n'auraient-ils jamais eu leurs diplômes ni leur position si ils avaient eu un autre avis sur la question. Je me souviens de la haine trotskiste dont j'ai été parfois poursuivie quand j'étais en fac. Et pas seulement moi. L'une avait ses examens parce qu'elle était militante, l'autre était recalée parce qu'elle fréquentait des Russes blancs. Cela fait cinquante ans que nous nageons dans le "vomi trotskyste" dont il parle.
Je me dis souvent que depuis deux cents ans, Dieu fait ses moissons de justes, avant les derniers temps, et ainsi ne resteront que les pauvres êtres dressés par la Bête et marqués par elle, et un petit troupeau réparti dans les archipels lumineux que personne ne voit. Ainsi, le tri sera facile.
J'ai vu aussi la vidéo d'un adolescent qui a tout compris, et comme il est né normal, avec un bon fond génétique, il veut avoir une vie normale, celle d'un paysan qui a affaire à la nature et aux choses vraies. Mais je crains qu'on ne le laisse pas faire, car sa personne est une offense aux diminués et à leurs maîtres. Sa seule chance, c'est l'effondrement de tout ce système démoniaque. Au moment de cet effondrement, qui à mon avis ne manquera pas d'arriver, il aura un avantage par rapport à tous les autres, il saura couper du bois, faire pousser des légumes et élever des animaux. Et il en est conscient.
Ce que je trouve rassurant, c'est qu'en dépit de l'abrutissement et de l'avilissement organisés, émergent encore de telles personnalités. Cela me donne l'espoir que, dans les archipels lumineux, se préserve quelque chose qui permettra à l'humanité de reprendre pied, quand l'effondrement entraînera ceux qui en sont responsables au fond du trou noir qu'ils auront eux-mêmes créé. Il me parait parfois impossible, devant la catastrophe spirituelle et culturelle sans précédent qui est la nôtre, que nous puissions rétablir ce que nous avons mis des millénaires à acquérir et à transmettre. Mais peut-être suis-je trop pessimiste. A moins, bien sûr, que nous soyons au seuil du Second Avènement et du Jugement Dernier...
Mon beau-père me disait de tout laisser tomber et de devenir bergère dans la haute Ardèche ou les Alpes, c'était un sage. Maintenant, je suis trop vieille. Juste un petit îlot de l'archipel avec des chats, des fleurs et des mésanges, à Pereslavl-Zalesski.







