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lundi 18 février 2019

Retour au pays de ma visiteuse


J’ai accompagné hier Martine à l’aéroport avec un sentiment de tristesse, d’abandon, d’appréhension également, car les gens au pouvoir chez nous sont épouvantables, je vois arriver un avenir de cauchemar et ne sais même pas si la Russie l’évitera.
Elle a beaucoup plu à tout le monde par sa sincérité chaleureuse.
Avec le père Valentin, nous avons évoqué la situation générale. Il m’a demandé quelle était la différence entre mai 68 et les gilets jaunes : « Mai 68, c’étaient des étudiants trotskistes, maoïstes, et en gros, tous ceux qui sont au pouvoir maintenant et qui éborgnent et mutilent les gilets jaunes, lesquels travaillent souvent dur, mais ne peuvent plus vivre, et manifestent le week-end, parce qu’en semaine ils n’en ont pas le loisir. De plus 68 était sûrement une révolution colorée dirigée contre de Gaule qui gênait les Américains, l’OTAN et le projet européen. »
Comme j’ajoutais que je voudrais voir toute cette chienlit soixant- huitarde, les banquiers transnationaux mafieux  qu’elle sert et les idéologues transhumanistes, pendus haut et court, il a protesté qu’en tant que prêtre il ne pouvait participer à cela, mais qu’il pouvait du moins bénir de loin ! "Père Valentin, et si demain je vous confesse que les malades et les cyniques au pouvoir partout m'inspirent des sentiments peu chrétiens, qu'allez-vous  me dire?" Il m'a répondu en riant: "Eh bien... tout le monde est pécheur, je vous donnerai l'absolution!" Puis, à l’évocation des intrigues de Bartholomée et du métropolite Emmanuel, il s’est transformé en professeur Tryphon Tournesol furieux dans Objectif Lune. Au point que ma chienne s’est mise à grogner sur mes genoux. «Toi, lui dit-il alors, je ne t’ai rien demandé !
- Mais père, ne la grondez pas : elle vous approuve ! »
Il est parti d’un grand éclat de rire.
Il y avait ce matin, dans l’église, une morte qui attendait dans son cercueil la célébration de ses funérailles, après la liturgie.  Une vieille, la tête ceinte d’un bandeau orné d’icônes. Elle était terriblement inerte, mais elle avait un visage très paisible.
Avec Martine, j'ai fait, la veille de son départ, un tour sur la place Rouge. Les Russes laissent les décorations du jour de l'an jusqu'à la fin de l'hiver, car elles compensent l'absence de lumière. Nous avons visité l’église saint Basile le Bienheureux. Dans une des douze églises qui la composent, on diffuse en permanence de la musique liturgique de l’époque, très sévère, captivante, mais aucune des gardiennes ou vendeuses de souvenirs affreux n’est capable de me dire d’où elle sort et où l’on peut se procurer le disque. J’envisageais déjà d’écrire au conservateur, mais le père Valentin pense qu’il s’agit de l’ensemble d’un certain Yourlov, et me suggère d’explorer cette piste.
Ensuite, j’ai revu avec Martine le palais des boyards  Romanov, celui où vivait Nikita Romanovitch Zakharine, leur ancêtre,  qui apparaît dans mon livre Yarilo. C’est là qu’il recueille la famille de Fédia, puis Fédia lui-même. Cet endroit féerique est resté « dans son jus », et dans un état de conservation surprenant.  Les appartements des hommes, sombres et très intimes, avec leurs voûtes peintes, leurs petites pièces aux fenêtres de mica, leurs murs tendus de tissu précieux ou de cuir damasquiné et doré, leurs poêles de céramique, leurs meubles, leurs armes, les caves de pierre du XV° siècle. Et l’appartement des femmes, tout en haut, en bois, et très clairs, avec les bancs recouverts de tapis, les métiers à tisser et les quenouilles, une petite chaise et des jouets d’enfants, des coffres peints, du velours de Turquie découpé mais pas encore assemblé, pour confectionner un précieux caftan d’homme, car tout était réalisé en famille. Les garçons, à partir de six ans, avaient les cheveux coupés et passaient dans la partie masculine de la maison, où l’on entreprenait leur éducation de futur guerrier au service du tsar. Les filles confectionnaient les éléments de leur dot, pour leur mariage à venir. On mariait garçons et filles généralement à l’adolescence.  Car il n‘était pas question de courir le guilledou, même si les garçons le faisaient parfois, avec des paysannes ou des filles légères aux bains de vapeur.  Et il n’y avait pas officiellement de prostitution, juste des filles entretenues, parfois, par un seigneur mal marié. Ce joli palais parle d’une vie patriarcale vertueuse et sévère, où chacun est au service des autres, ou responsable des autres, et à chacun son devoir, sa fonction, sa place sacrée, sa croix.  Une vie simple, malgré le caractère très ornementé du décor, et des vêtements, dans une maison de proportions assez modestes, par rapport aux demeures seigneuriales européennes. Une vie contraignante, certainement adoucie (ou parfois compliquée) par une grande solidarité de clan, et beaucoup d’activités créatives et manuelles, chants, danses, contes, confections d’objets ou de vêtements, décors…
Un peu plus loin s’est conservé le palais des Anglais, construit pour l’ambassade anglaise qui fit suite au naufrage du bateau de Chancelor près de l’actuelle Arkhanguelsk. C’est devant ce palais que Fédia rencontre, dans mon livre, l’artiste anglais Arthur.




intérieur du palais, photo de Martine

intérieur du palais, photo de Martine

intérieur du palais, photo de Martine

intérieur du palais, photo de Martine








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