Fédia et son fils Vania, gribouillis de l'auteur |
Dieu vous a donné une belle écriture, nous le savions déjà par Lueurs à la dérive qui nous l'avait fait connaître, et les textes bibliques que vous citez dans ce nouvel ouvrage, dans la langue de Lemaître de Sacy ou celle de notre bienheureux père Placide, s'enchaînent sans contraste, sans effort à l'intérieur de votre propre récit. C'est une joie!
Le tout forme un texte envoûtant tant les multiples personnages sont présents, vivants, dans un mélange indissociable de bien et de mal (à l'exception peut-être d'un seul, Maliouta Skouratov, tellement enfoncé dans le mal qu'il semble que pour le décrire, il était impossible de trouver quoi que ce soit qui puisse lui assurer un peu d'épaisseur humaine: il est tellement maléfique qu'il n'y a plus de personne en lui, comme s'il avait déjà revêtu la silhouette fantomatique des démons et des damnés). Mais tous les autres protagonistes sont bien vivants et on instaure avec eux une relation d'intimité, d'estime ou d'amitié, de peur ou de compassion. Leur présence naît de la qualité des multiples dialogues dans lesquels ils s'étudient, analysent et nous font part de leurs passions, en nous renvoyant symboliquement aux nôtres.
Après la violence du combat mené par Fédia, on pouvait craindre que sa conversion apparaisse comme une pièce rapportée, un happy end à l'eau de rose bon marché. En fait, pas du tout! La vie au monastère du Lac Blanc garde le ton viril des combats précédents. Il rappelle le "même si j'en meurs, je ne Le quitterai pas" de Job. Et cette mort est à la fois lumineuse et douloureuse.
Comment un tel livre va-t-il être reçu dans notre occident porté à la facilité? Vous n'y faites aucune concession, et vous avez raison! Mais on comprend que votre volonté d'atteindre le plus profond du cœur humain a dû vous demander un grand effort. Et je ne sais comment le public va réagir.
Il y a par ailleurs un autre aspect des choses qui aurait pu appeler une sorte d'annexe ou de note développée, bien que l'ouvrage soit déjà épais. Les occidentaux ne connaissent guère l'histoire de la musique russe avant le XIX° siècle. Nous nous sommes plongées dans une encyclopédie pour comprendre ce qu'étaient les gouzli et en quoi ils étaient des instruments encore magiques au XV° et au XVI° siècles. Et comment le chant sans autre instrument touche les personnages si profondément. A l'occasion, on aimerait en savoir un peu plus.
Le vers spirituel "Mon âme pécheresse" que le tsar aime à entendre chanter par Varia Basmanova, et qui est probablement du XVI° siècle, par l'ensemble Sirin
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