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chez la Forêt... |
Hier, j'ai fait faux bond à Ilya Komov et sa femme Olga, qui exposait ses magnifiques tableaux dans un beau village plus loin que Iaroslavl. La perspective de six heures de bagnole aller et retour avant et après les mondanités m'a tout à coup complètement découragée, même si je ne conduisais pas. Je suis encore fatiguée...
J'ai eu le même jour la surprise de voir arriver Yana et Olga, qui a perdu son mari cet automne et reste inconsolable. Elle n'avait même pas pu revenir à Pereslavl dans leur datcha, mais elle y a été obligée par un problème de plomberie urgent. Je m'entends très bien avec l'une et l'autre, car elles sont sensibles, profondes et intelligentes. Yana est même plus que sensible, elle est écorchée vive.
Nous sommes allées déjeuner dans un restaurant affreux mais où l'accueil et la cuisine sont parfaits. Il est affreux surtout à l'extérieur, à l'intérieur, c'est supportable. Il imite les maisons hollandaises, à cause de Pierre le Grand qui adorait la Hollande. On ne peut pas dire que cela s'intègre très bien.
En dépit des affiches comminatoires et de tout le bric-à-brac covidien sanitaire, personne ne nous a emmerdées avec les masques et les QR codes. Mes deux amies ont observé que malgré tous les problèmes de Pereslavl, on y respirait un air de liberté et de joie de vivre qu'on ne trouve plus nulle part ailleurs.
Nous avons pris le dessert au café la Forêt, où nous avons trouvé Gilles et Lika, qui connaissent bien Olga.
Ce matin, je suis allée me promener dans le marécage, car il fait froid, tout est recouvert de givre, sous une lumière irréelle. Avant l'aube, qui vient tard, le ciel brillait d'étoiles. J'avais mis Rita dans le sac à dos, avec un lainage, car elle est frileuse.
La neige et le givre transfigurent tout, même les maisons moches, dont les vitres réflechissent des rayons d'or comme des boucliers fantastiques. Je n'ai pu aller jusqu'au lac, car j'ai assez vite constaté que malgré les températures très basses, l'eau n'avait pas complètement gelé entre les roseaux et les herbes sauvages, et qu'il risquait de m'arriver la même mésaventure que l'année dernière. Avec des bottes de feutre, je serais rentrée sur des éponges mouillées et par - 15... J'ai dû me contenter de le regarder de loin, à travers les roseaux scintillants. Il me semblait que je m'enfonçais dans une contrée enchantée, que j'arrivais chez la Reine de Neiges, conte qui m'avait tellement fait rêver dans mon enfance. Des failles éblouissantes s'ouvraient dans les ombres bleues des sous-bois, où des arbres cristallisés s'éclairaient tout à coup comme des lampes de Gallé. Les herbes sèches déployaient à la rencontre de l'énorme et fulgurant diamant solaire des dentelles étincelantes, et j'allais, fascinée comme un papillon par sa lumière, aspirée par ce gouffre aveuglant, suivant tantôt des tunnels bleus, tantôt le chemin blanc qui serpentait entre deux ressacs de végétations figées translucides. Tout à coup, j'ai vu une silhouette noire, s'approcher lentement de moi, un homme avec un vélo, et je l'ai reconnu, il va chercher son eau régulièrement à la souce de saint Corneille. Il m'a reconnue également: "Vous vous promenez?
- Eh oui, comme vous voyez...
- Vous avez raison, c'est bon pour la santé, et je vous conseille d'aller chercher votre eau à la source.
- Oui, mais il faut trimballer ça ensuite à la maison...
- Ca conserve, vous voyez, moi, je suis sportif, ancien champion de l'Union Soviétique. Dites-moi, quel âge avez-vous?
- Bientôt 70 ans...
- Vous ne les faites vraiment pas. Moi, je suis de 1949, j'en ai 73...
- Vous non plus!
- Votre mère faisait sans doute jeune, comme la mienne, c'est génétique tout ça!"
Et en effet, il reste très beau pour son âge, le sportif, avec des yeux verts d'animal, je ne saurais dire si c'est de félin ou de rapace, transparents et un peu obliques. Il a une moustache, qui était toute gelée! A mon avis, il doit être assez autoritaire, le genre à vous faire accomplir des exploits physiques pour vous maintenir en forme...
J'ai lu un article fascinant, effrayant aussi, mais cela me paraît très plausible. La création de Dieu est un grand organisme que nous perturbons de plus en plus, et les ondes agissent négativement sur l'eau, dont nous sommes tous composés, ce qui pourrait induire, plus encore que la pollution ou la surexploitation, la disparition de la plupart des espèces, dont la nôtre.. Et pour ce qui est des propriétés de l'eau, j'avais lu sur le sujet le livre d'un savant japonais très convaincant, avec des photos de cristallisations harmonieuses, sous l'effet de la musique classique ou de la prière, ou aberrantes, sous l'effet de musiques discordantes ou de bruits agressifs, d'insultes, de cris de haine. Le professeur Montagner s'intéresse aussi à cette question, ce qui permet à tous les nuisibles de le traiter d'illuminé. Or je vois, dans ce qui est décrit là, à la fois la preuve de l'existence de Dieu, ou d'un principe sacré inhérent à la nature, et du caractère salvateur et indispensable de la musique, sans parler évidemment de la prière, mais la prière et la musique vont souvent de pair. J'ai pensé aux moments où je jouais des gousli dans mon jardin, et où j'entrais en communion avec le ciel, les nuages, les fleurs et les oiseaux. Je leur faisais du bien, et je réintégrais leur ordre cosmique. Nous savons donc ce qu'il nous reste à faire pour essayer de compenser la cacophonie démoniaque et le chaos que la civilisation du progrès technologique mortifère a introduit dans le tissu du vivant.
https://www.morpheus.fr/processus-global-dextinction-de-la-vie/?fbclid=IwAR1Z4YbN5PslHrVVjNEDkOFvg_h7UAZjuFo7lqiSsAg2ZJySnl8n2UV4TXk
Dans le silence du royaume de la Reine des Neiges, traversé par le vent, je priais sur le komboskini rapporté de Solan, faits de "larmes de la Mère de Dieu", ou larmes de saint Joseph, des graines lisses et grises, et je voyais se révéler tout le mystère de cette nature assoupie qui m'entourait et me recevait en déployant à ma rencontre ses étoffes magiques et ses rayons muets.