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mardi 17 octobre 2023

Au séminaire de Iaroslavl

 

le monastère de Tolga

Le lendemain de la présentation de mes chroniques au café, il m'a fallu aller au séminaire de Iaroslavl, qui m'avait invitée à raconter ma vie et à chanter, sur la suggestion du père Mikhaïl, chez qui j'ai mis des tableaux. Le matin même m'appelle un monsieur français que je connais et qui a décidé de partir en Russie. "Il nous faut apporter aux Russes notre témoignage de Français", me dit-il.  C'était bien de cela qu'il s'agissait au séminaire, mais j'avais autant envie d'y aller que de me pendre.  Je me sentais faible, somnolente, à bout de nerfs, et ne savais même comment j'allais conduire pendant deux heures, à travers la pluie, sur cette route fatigante et dangereuse. Mais ce qui est dit est dit...

Le séminaire se trouve dans les vieux quartiers de Iaroslavl, qui sont rééllement féériques, avec ce mélnage d'églises médiévales fantastiques et de maisons baroques ou art nouveau. C'est l'ancienne mairie d'avant la révolution, et elle a été très bien restaurée, par l'Eglise. J'ai été accueillie par Andreï Grigorievitch, qui enseigne là bas, un homme charmant, et un prêtre tout aussi charmant, le père Artemi, qui a garé ma voiture dans la cour de l'établissement. Je ne savais pas trop ce que j'étais censée faire. Plus ou moins, parler de moi, de mon itinéraire,"apporter mon témoignage de Française". Ce que j'ai fait, et j'ai chanté une complainte bretonne sur la Vierge Marie et saint Jean Baptiste, la déploration d'Adam, des vers spirituels, je ne sais pas comment j'y suis arrivée, mais j'y suis arrivée. J'avais l'impression d'être au XIX° siècle, comme si le bâtiment avait la propriété de nous emporter à l'époque de sa construction. Une rangée de jeunes filles en uniforme nous a chanté des chants d'église, très bien, d'ailleurs, avec des voix pures et bien accordées. Une fillette naturelle et convaincue nous a récité un poème d'Essénine d'une façon vibrante. Le joueur de gousli Alexeï a interprété lui aussi des vers spirituels, et je regrette qu'il ne soit pas plus près, sa femme et lui ont l'air de prendre tout cela au sérieux, elle est musicologue. L'assistance était bienveillante, enthousiaste. A la fin, un prêtre est venu me demander mon prénom afin de prier pour moi, car je l'avais profondément touché. Une jeune femme m'a remerciée d'être venue: "Si vous saviez ce que cela représente pour nous et pour nos étudiants, ils se souviendront toute leur vie de ce que vous leur avez dit ce soir:" J'étais si émue que j'avais peine à retenir mes larmes. 

Andreï Grigorevich n'arrêtait pas non plus de me remercier, et brûlait de m'emmener chez Pavel et Anna, des enfants spirituels du père Basile, chez qui je devais passer la nuit, parce que leur repas menaçait lui aussi de brûler ou de refroidir. Le père Artémi nous a emmenés chez eux en voiture, et en chemin, devisait avec moi sur Pereslavl, dont il est originaire, sur les transformations malheureuses qu'a subi la ville, les pollutions répétées du lac, dont l'eau était autrefois cristalline. 

Pavel et Anna ont acheté une grande maison dans un quartier de datchas, près du célèbre monastère de Tolga, qui est très ancien et très beau. J'ai admiré la façon dont elle a été construite, bien mieux que la mienne. Mon infecte chienne, qui n'avait pas été acceptée avec un enthousiasme sans mélange, parce que le couple a deux magnifiques chattes écossaises aux oreilles pendantes, s'est dépêchée de me couvrir de honte en pissant sur le tapis, malgré une promenade préalable dans le jardin. 

En dépit de cela, le repas excellent a été très chaleureux, nous avons appelé le père Basile, tout surpris de me voir là. Andreï Grigorievitch m'a demandé si je reviendrais, et le père Mikhaïl, entrevu au séminaire, aimerait aussi me voir, je trouve que Iaroslavl est un peu loin, surtout en hiver, mais ils sont si touchants, avec leurs visages inspirés, bons et sincères, et me témoignent une telle affection que je ne vais pas pouvoir faire autrement... C'est une très belle ville, j'imagine combien elle devait être ravissante il y a plus d'un siècle, lorsqu'elle n'avait pas subi de destructions ni de ruine...

Le lendemain matin, avant de me ramener au séminaire et à ma voiture, Anna m'a fait visiter le monastère de Tolga. Je l'avais vu il y a très longtemps, dans les années 90. Il a été complètement restauré, les fresques, les carreaux de céramique, tout a été refait, les jardins sont devenus un but de promenade, même pour les simples touristes, sur l'étang nagent des canards et des cygnes, il y a un peu trop de petits massifs à mon goût, mais c'est un très bel endroit. Les moniales ont constitué un parc de cèdres de Sibérie, et cultivent des plants, elles en ont donné quatre au père Basile. Leurs cèdres sont encore jeunes, mais j'imagine ce que ces arbres splendides doivent donner avec le temps, et de me trouver en leur puissante compagnie m'a fait un bien extraordinaire, alors que j'étais fatiguée et gelée. L'air, autour d'eux, est plus pur, il sent bon, et leur murmure si grave ressemble à une prière, je ne doute d'ailleurs pas que c'en soit une, "que tout souffle loue le Seigneur".

Ensuite, elle m'a emmenée dans une église vénérer les reliques de saint Ignace Brianchaninov. Il y avait une magnifique icône médiévale de la Vierge du Signe, que j'ai priée pour la France et la Russie, et tous les gens que j'avais vus au séminaire, ainsi que Pavel, Anna, et la mère d'Anna, une adorable vieille dame, qui aime comme moi les fleurs et les orchidées. Les fresques qui couvraient les voûtes étaient à mon avis contemporaines, mais elles s'inscrivaient très bien dans l'architecture, il régnait dans les lieux une paix mystérieuse où l'iconostase s'ouvrait comme un livre enluminé. En revanche, j'ai été sidérée par la mine renfrognée de la jeune moniale qui tenait la boutique attenante. Elle était franchement désagréable et réfrigérante, et je me demande toujours, dans ces cas là, qui ne sont pas rares, ce qui a décidé ces jeunes personnes à prendre le voile, si leur prochain leur paraît si insupportable. 

Le froid est arrivé, des lambeaux d'or tremblent encore dans les forêts brunes, mais cela devient bien austère. Au retour, j'ai chargé la mangeoire des oiseaux en pensant aux tournesols qui viendront danser dans mon jardin à la belle saison...

Les cèdres




L'endroit où est apparue l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu de Tolga



Audace

La chaîne SPAS diffuse un extrait d'une homélie du métropolite Arsène, après qu'on a tiré sur la Laure de Sviatogorsk, située sur le territoire contrôlé par l'Ukraine. Le métropolite dit ouvertement que c'est l'Ukraine qui ouvre le feu sur son monastère.

https://vk.com/spastv?z=video-55490878_456495207%2F3a01d52248c2e89c8d%2Fpl_wall_-55490878

 "Dites-moi, quels ennemis visait-on en tirant sur notre saint monastère? Des vieilles de quatre-vingts ans, les enfants qui vivent ici? Les femmes et les paralysés qui se trouvent ici? Ceux qui se tiennent dans l'église et prient la Mère de Dieu? Et on commence à inventer toutes sortes d'histoires, je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la tête malade de cet homme, pour qu'il lève la main, et tire sur l'église de la Mère de Dieu. Les tirs proviennent d'une arme, et c'est confirmé par la police et le Ministère des Situations Extrêmes et les enquêteurs venus ici, qui a une portée de 500 à 900 m., sur notre monastère, sur l'Eglise de la Mère de Dieu. Si c'étaient, comme disent certains, des saboteurs, pourquoi ne les a-t-on pas arrêtés?  Pourquoi a-t-on tiré à sept heures du matin, quand le soleil est déjà levé, que tout est visible et audible, qu'on ne peut se cacher nulle part? Et tout cela avec une impunité évidente? Pourquoi fallait-il tirer sur notre saint monastère? C'était juste de la folie? La haine de la Mère de Dieu? La haine de ceux qui vivent ici, dans ce saint monastère, parce qu'en plus d'y vivre, ils y prient? Quel fut le motif de cet homme? A quelle confession il appartenait? S'il est orthodoxe, comment sa mère pourra-t-elle prier devant l'icône de la Mère de Dieu pour son retour sain et sauf? S'il est catholique, les catholiques aussi vénèrent la Mère de Dieu, en Pologne et partout. S'il est protestant, eux aussi vénèrent le Christ et la Mère de Dieu. S'il est musulman, la vénération pour Mariam est inscrite dans leur Coran. Si tu es juste un mécréant, et déteste tout ce qui est religieux et te considère comme athée, ou peut-être païen, alors tu es quand même un être humain, et tu dois comprendre que tu tires sur un monastère où vivent des gens comme toi, des enfants, des femmes, des vieux, qui se sont rassemblés ici depuis leurs maisons détruites, leurs villages brûlés. As-tu un sentiment humain de compassion, ou bien n'es-tu pas un homme mais une bête, capable de tirer sur un saint monastère?"

"Voici des paroles très audacieuses, monseigneur, conclut le journaliste, très audacieuses".

Mon amie Liouba m'avait dit un jour que Dieu aimait les audacieux. Je prie pour ce métropolite tous les jours, ainsi que pour le métropolite Longin et ses orphelins, le métropolite Paul, le métropolite Luc, le métropolite Théodose et le métropolite Bessarion. Et aussi le métropolite Onuphre et son troupeau persécuté. Quand à ceux qui les conspuent: qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. 

Que la sainte Mère de Dieu le prenne sous sa Protection, que nous venons de fêter. 



samedi 14 octobre 2023

Beaucoup plus haut

 




Hier matin, je me suis fait une obligation d’aller voir l’expo de peinture « l’Atlantide russe », un mouvement d'artistes qui voyagent à travers la Russie pour peindre ce qu’il en reste. Je trouve l’initiative sympathique et c’était dans notre paroisse. J’y ai vu le père Pantaleimon, on attendait l’évêque. Le chef du mouvement m’a reconnue et m’a rappelé que c’était moi qui l’avais mis en relations avec ce dernier. Il y avait de jolis tableaux qui magnifient un peu la réalité, mais c’est souvent ce que je fais aussi. C’est drôle comme avec le père Pantaleimon, je ne suis pas très à l’aise, j’ai l’impression qu’il me trouve bizarre, mais c'est sans doute me donner trop d'importance, il ne trouve certainement rien du tout; ou bien c'est moi qui ne me trouve pas très bien. En réalité, j’ai toujours été un peu en dehors des clous, et la mère Hypandia estime que j’ai un chemin spirituel particulier, qu’elle respecte.  

L’évêque, je n’ai  fait que l’entrevoir, je suis rentrée chez moi, car je devais prendre un cours avec Skountsev. Il y a un peu de soleil entre les nuages, je voulais en profiter, après nous aurons de la pluie pendant dix jours. Les gens qui ont acheté la moitié d’isba de l’oncle Kolia sont en train de la massacrer, et en plus du préjudice esthétique, ils font du bruit. Le problème est que je ne peux pas cacher entièrement le désastre presque certain. J’ai un prunier qui perd ses feuilles en hiver, on ne peut le remplacer, car il est quasiment impossible à arracher, et derrière, c’est le canal. Rien qu’à leur voix, qui n’a plus rien de russe, on devine la mentalité des acquéreurs, et Ania m’a dit la même chose. Je devrais ressentir plus de compassion que d’agacement pour les produits de la modernité, ils sont comme les enfants-loups, qui n’ont pas fait leurs apprentissages à temps, mais à vrai dire, il me semble qu’il vaut mieux être élevé par des loups, que par la modernité. Avec les loups, on reste attardé, avec la modernité, on devient souvent bête et méchant. 

En fait, les gens conditionnés deviennent enragés dès qu’on touche aux certitudes qu’on leur a enfoncées dans le crâne, je le constate de plus en plus, avec l'Ukraine, ce n'était déjà pas triste, dans le genre, mais avec le Hamas et Israël, on va atteindre des sommets, et pour l'instant, je préfère me taire, et je pense que je suis loin d'être la seule. C’est valable pour les doxas politiques et c’est valable pour la culture, laquelle est d'ailleurs trop souvent victime des doxas. J’en ai parlé ce matin avec Sacha Joukovski, passé me voir, et avec Skountsev ensuite, sur Skype, à propos du folklore. Je disais à Sacha que les gens du Donbass, si attachés à leur langue, à leur appartenance à la Russie, n’avaient souvent plus aucune idée de leur culture, comme le regrette le père Nikita. Ils chantent du rap ou de la variété patriotique, qui sont loin, très loin d’égaler, sans parler du folklore, les chansons soviétiques de la guerre de 40, et ces dernières sont souvent abîmées par des orchestrations et des interprétations vulgaires et hideuses, même à Moscou. Sacha me disait que dans un village près de Belgorod, il avait voulu, avec les siens, enregistrer une nonagénaire, dont toute la famille se liguait pour l’empêcher de chanter, et elle avait dû se cacher dans le potager pour revêtir son costume traditionnel. Ils voulaient l’enregistrer chez elle, dans son humble maison, et les proches exigeaient que cela se passât chez eux, où il y avait des tapis, la télé et des tas de trucs affreux, signes qu’ils n’étaient plus des péquenots, comme elle, mais des beaufs mal urbanisés avec un goût dégueulasse . Les gosses ne voulaient pas apprendre les chansons de la grand-mère, dès la maternelle, ils entendent et voient de la merde partout, et on leur donne en exemple les petits singes des shows télévisés qui se tortillent, maquillés et couverts de paillettes, avec des grimaces et des poses. On leur apprend, depuis des décennies, à avoir honte de leur culture populaire remarquable qui était, avec l’orthodoxie, l’essence même de l’âme russe . Comme quoi, on peut tuer les âmes... quoique pas sûr. Quelque chose reste. Des petites braises au milieu des cendres. C'est ce que disait une cinéaste dont j'ai déjà parlé, qu'après des décennies de rééducation, les gens ne savaient plus rien, mais que par un étrange miracle, ils gardaient le coeur russe. Ce n'est pas toujours vrai. Mais quand même, ce miracle existe.

Ces gens qu’on a dressés dans le reniement de leurs ancêtres sont souvent très agressifs avec ceux d’entre eux qui, par mémoire génétique ou disposition artistique, reviennent à ces sources oubliées et vilipendées. Ils mettent sous les vidéos de festivals folkloriques des commentaires atroces. J'ai vu par exemple ceux d'un imbécile qui disait des paysans qu'ils avaient autant de conscience que des lapins et se reproduisaient comme eux. Sans doute un de ceux qui considèrent que la famine des années trente était justifiée par le fait qu'il fallait nourrir les villes en priorité, on voit là toute l'affection que portait le régime à la Russie paysanne ancestrale, et le résultat est effroyable... 

Parfois, au contraire, pour certains d’entre eux, c’est une révélation. Ils avouent que cela touche en eux quelque chose de très profond et s’accusent d’avoir envoyé promener leur grand-mère quand elle chantait de pareilles choses. Ils peuvent, les malheureux, s'en repentir, il y a de quoi, mais qu'ils s'en repentent, c'est déjà bien. "Ils viendront un jour nous chercher, pour retrouver ce que nous aurons sauvé", me dit Sacha. Mais c'est que nous avons tellement perdu, et si vite. Et d'abord notre mode de vie. J'ai revu un documentaire que j'avais publié il y a quatorze ans, avec des chansons à rire, à danser et à pleurer, des chansons très anciennes qui sont des leçons de vie. Cette berceuse entrecoupée de sanglots. Et puis ce vieux couple, si lumineux. Et cette grand-mère: "Nous étions plus heureux, nous avions la vie plus gaie, nous chantions, nous faisions la fête ensemble". Dans un train des années soixante-dix, j'avais discuté avec une ouvrière à la retraite. Elle m'avait dit: "Je plains votre génération, nous avions la vie plus dure, mais plus joyeuse, et plus chaleureuse." 

Le résultat est que même la langue en souffre, devient moins musicale et moins savoureuse, comme en France, d’ailleurs. Dans les chansons de variété, ou les pubs, je reconnais à peine le russe, il devient précipité, désagréable, vulgaire, comme dans le rap, en fait, toutes les langues, à la surface du globe, prennent quelque chose de martelé, de mécanique et d'affecté. En réalité, cette guerre qu’on fait aux peuples a pour résultat de les casser en deux. La foule de la modernité universelle d’un côté, les Russes, ou bien les Français, ou autre nationalité, de l’autre. Les peuples encore plus ou moins enracinés, et puis les poissons de banc. Quand il ne restera plus que les poissons de banc, les requins s'en donneront à coeur joie. Avant de mourir d'une indigestion de plastique sur une grève empoisonnée. Et puis peut-être demeureront les résistants de tous horizons qui formeront une nouvelle humanité, ou bien se porteront à la rencontre du Christ, venu mettre fin à tout ce délire.

Heureusement que je suis ici, et pas en France, surtout en ce moment, je me répète cela depuis plusieurs années, mais j'ai de plus en plus de raisons de le penser. Et pourtant, la France me manque, celle qui n'existe plus. Est-ce que la Russie existe encore? Oui, quand même. Défigurée, hagarde, mais elle existe, et parfois redevient belle. La température remonte, et dans le vent fort et humide, je regarde les dernières fleurs, les derniers jeux de lumière à travers les feuillages jaunissants, et dire que tout cela sera bientôt sous la neige à tel point que l'été me deviendra irréel, un paradis perdu. Et quand la neige disparaîtra, elle finit quand même toujours par disparaître, j'aurai peine à imaginer que ce terrain marronnasse et boueux sera vite couvert d'une végétation luxuriante et difficile à discipliner. Je guetterai les premières miraculeuses étoiles des crocus, puis les trompettes des narcisses et des jonquilles, puis s'allumeront les lampes baroques des iris, les chapeaux de fée des héllébores et des ancolies, puis les aigrettes des astilbes... tout cela qui fait ma joie au bout du monde, dans l'espace boréal qui m'a aspirée.

A l'issue de ces réflexions, je conseille d'écouter Slobodan, qui marche un peu sur des oeufs, on le comprend. Le Présent éternel... Oui, l'amnésie rend stupide, l'humanité a la maladie d'Alzheimer. On l'a tellement manipulée "pour son bien" qu'elle est devenue complètement neuneu. Elle bave, elle pique des crises de nerfs, elle a des hallucinations. Soi-disant, seul le présent existe, le passé est mort, et le futur n'est pas encore. Bien que j'ai décidé depuis déjà longtemps de vivre selon le principe "à chaque jour suffit sa peine", je ne partage pas cette vision des choses, car j'en ai eu une, de vision, il y a des années, et le temps, ce mystère qui me fascine, m'est apparu d'une autre manière. J'ai vu qu'au contraire, c'était le présent qui n'existait pas. C'est juste l'écume de l'énorme masse du passé, de cet océan des destins, la Mémoire éternelle, celle qu'on ne perd jamais, parce que ce temps élastique comme la mer est sans cesse pénétré et renouvelé par Dieu, et par tous les destins qu'il dévore, les moments qu'il engloutit. Le présent est une transition, l'instant où ce qui a été s'éboule dans ce qui advient. Sans passé, pas de présent, et pas d'avenir. 

https://www.youtube.com/live/NhTvJ-EPnhs?si=38TsaaFFv6Zsq1cF

Ce matin, je suis allée communier pour la fête de la Protection de la Mère de Dieu, fête de la paroisse du père Valentin, de notre monastère de Solan, qui la célèbre selon le calendrier grégorien, protection dont nous avons tous bien besoin, la France et la Russie contre les robots, le monde entier contre les robots. J'ai avoué au père Andreï que j'étais victime d'un soupçon d'acédie. "Ah non, il ne faut pas avoir le cafard, le cafard russe est pire que le spleen anglais!

- Oui, mais voyez, la situation est telle... et puis on m'envoie des articles sur l'installation de la dictature électronique en Russie etc.

- Voyons, voyons, nous, nous savons bien d'où tout cela provient, et vous comprenez, en Russie, il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas au niveau du Kremlin que les choses se passent, mais beaucoup, beaucoup plus haut: priez!"

J'ai communié avec un sentiment de joie profonde, et l'eucharistie me paraît depuis quelques temps  avoir une saveur merveilleuse, réellement vivante, douce et bénéfique. De plus, à la cathédrale, je me sens quasiment en famille. au moment où je suis venue baiser la croix, le père Andreï l'a posée sur ma tête: "Maintenant que vous êtes vraiment russe, Laurence, ne désespérez pas, priez!"

l'Atlantide russe


mercredi 11 octobre 2023

De Kiev à Moscou

Depuis quatre jours, c'est le mois de novembre. Le mauvais temps est venu si brutalement que j'ai du mal à m'y faire. Les fleurs et les oiseaux ne s'y attendaient pas non plus. J'ai dû rouvrir le restaurant pour les mésanges, elles se donnaient beaucoup de mal pour me faire comprendre qu'il était temps, voletant avec insistance devant mes fenêtres ou autour de ma terrasse. J'en serai récompensée par de nombreux tournesols aux beaux jours, qui pousseront à des endroits inattendus, me faisant la surprise de leurs têtes d'or inégales.
Dimanche, monseigneur Théoctyste menait avec le père higoumène Pantaleimon une discussion sur l'Evangile de saint Jean au monastère de la Trinité saint Daniel. J'y suis allée, mais hélas, je comprends beaucoup moins dans une pièce que lorsque j'écoute une vidéo. 
J'avais apporté, pour la lui remettre, l'icône du métropolite Pierre que j'avais commencée pendant le grand Carême. Il m'a paru positivement terrorisé. Je le comprends, dans un sens, on voit vraiment de tout, dans le genre. Il a écarté la serviette qui la recouvrait et exprimé un visible soulagement: c'était une icône normale. J'éprouvais une certaine gêne de lui imposer mon oeuvre, je pensais à toutes les fois où j'ai dû moi-même accepter avec consternation des "souvenirs" que je n'avais pas trop envie de voir chez moi, et là, il s'agit de quelque chose qu'on met dans une église... je lui ai dit que s'il ne la voulait pas, je comprendrais mais que le père Valentin l'avait trouvée décente, et même plus que cela. Le métropolite Pierre, originaire de Kiev, a été le premier métropolite de Moscou, c'est à lui qu'est consacrée la superbe église que nous aimerions tous voir restaurer, et nous n'avions pas d'icône de lui. Il me paraît très symbolique que le premier métropolite de Moscou fût venu de Kiev, autrefois, on ne prêtait pas attention à ce détail, mais aujourd'hui, cela prend un nouveau sens, et je le prie pour la sainte Russie et ses trois composantes. C'est pourquoi j'ai décidé de me lancer. Et j'avais besoin de la faire pendant le carême, c'est ma meilleure façon de prier. J'ai eu beaucoup de problèmes en cours de route, des problèmes techniques, comme d'habitude. 
Dans la foulée, j'ai aussi réussi à expédier à Donetsk, avec les cosaques, celle que j'ai faite pour le père Nikita.



Pour ceux qui l'avaient demandé, voici le lien de l'enregistrement de ma soirée au musée d'Alexandrov, je ne l'ai pas encore regardé, parce qu'à vrai dire, je n'aime pas trop me voir, cela plaît aux autres plus qu'à moi.  

J'ai trouvé cette remarque sur la page d'un prêtre, c'est une citation qui date de 2015, l'après Maïdan: 
"Hier est venu chez nous un frère en Christ d'Ukraine et il nous a dit qu'il ne fallait pas prier pour la paix en Ukraine, mais pour le repentir! Ce qui se produit, Dieu veut l'utiliser pour le repentir! Les gens s'en sont mis jusque là, et l'Ukraine aurait pu devenir comme beaucoup de pays européens où les chrétiens ont disparu! ... L'Ukraine a besoin de repentir! Et les chrétiens russes aussi en ont besoin, sinon Dieu secouera la Russie de son hibernation! Réveillez-vous et appelez-en au Seigneur!"  

Dans le même temps, Sacha Viguilianskaïa publiait une lettre de l'évêque de Zelenograd Savva qui portait la contradiction aux habituelles tentatives de Zakhar Prilepine pour blanchir les rouges. https://vk.com/wall551636728_11416 . Tentatives largement favorisée par les tentatives correspondantes des occidentaux pour blanchir les bruns, exclusivement dans les pays de l'est, et en particulier en Ukraine, où les chasseurs de quenelles et d'identitaires chez nous ne voient pas les croix gammées financées et soutenues par des oligarques juifs et leur président. Que l'on puisse encore s'accrocher avec sincérité à l'une ou l'autre de ces idéologies m'emplit d'une perplexité consternée. Il serait temps, sur tous les fronts, de considérer le conseil du frère en Christ ukrainien cité plus haut.

Mais en Ukraine, la chasse aux orthodoxes continue avec une rage plus trotskiste que nazie qui rappelle les premières décennies de la période communiste et tout ce que dénonce l'évêque de Zelenograd. Il est intéressant que pour justifier ses idoles communistes, Prilepine donne une citation de la lamentable Eglise rénovée, conçue par les bolcheviques avec la bénédiction du patriarche de Constantinople de l'époque, exactement comme récemment l'Eglise "autocéphale "de Bartholomée and CIA inc. associated, avec son métropolite de carnaval, conçue pour nuire à l'Eglise Orthodoxe installée là depuis 1000 ans, au prix de nombreux martyrs et d'infamies toujours plus répugnantes. Pourtant, Prilepine doit aujourd'hui soutenir précisément là bas l'Eglise originelle, qu'il voudrait intégrer dans sa saga communiste. Etonnant ce que la passion idéologique fait faire aux gens. S'ils mettaient la même constance et la même ferveur à prier Dieu et appliquer les conseils dont je viens de parler...
Avec ce qui s'est passé en Russie, il y aura toujours des gens ulcérés par le révisionnisme... La réconciliation nationale passe par la reconnaissance des crimes et le repentir. Et la lucidité.

le métropolite Théodose,
cinq ans de prison
pour avoir aimé la Russie... 
Les autorités ukrainiennes en viennent à faire la chasse aux saints russes, même les plus aimés, comme Matrona de Moscou ou Xénia de Saint-Pétersbourg. Comme dit une correspondante sur VK, bientôt, il ne leur restera plus qu'à canoniser Bandera pour les remplacer et l'Eglise "autocéphale" apparaîtra enfin pour ce qu'elle est, mais je ne suis pas sûre que chez les rhinocéros occidentaux, qu'ils soient ou non orthodoxes, on s'en apercevra.

https://vk.com/wall56269821_8138



Mais dans le même temps, la chaîne SPAS sort un documentaire en deux parties sur un célèbre starets ukrainien, l'archimandrite du grand schème Zossime, extrêmement vénéré et là bas, et ici. Je l'ai déjà plusieurs fois cité dans ces chroniques. Le père Zossime avait prédit, dès les années 90, tout ce qui arrive en ce moment dans son malheureux pays et exhorté les orthodoxes à se cramponner fermement à l'Eglise russe. Son monastère a été partiellement détruit depuis sa mort. Il avait demandé à être enterré très profond, pour que "les banderistes ne puissent pas venir le déterrer". Même sans comprendre les paroles, un oeil spirituel exercé peut voir que les visages de tous ces témoins, moines, moniales, prêtres ou laïcs, dégagent une lumière, une paix et une bienveillance qu'on ne trouve pas du tout en face. Ce sont des visages fermes et purs qui ne mentent pas. Leur foi est un exemple pour tous.






 

mardi 10 octobre 2023

Narratif obligatoire.

 L'irruption de Tsahal dans le secteur de Gaza va se produire dans peu de temps, et je ne vois pas comment le HAMAS pourrait le défendre. Maintenant, déjà, la ville est tout simplement rayée de la face de la terre par l'attaque aérienne, on lui a coupé l'électricité et autres communications; ce qui, pour cette enclave surpeuplée, est catastrophique. Le premier ministre Netanyahu a fièrement déclaré qu'Israël, par sa réponse à l'agression des membres du mouvement HAMAS, changerait le Moyen Orient. Et en effet, sont créées toutes les conditions politiques et médiatiques préliminaires pour qu'il puisse entièrement changer la carte politique et religieuse de la région, jusqu'à la destruction d'Al-Axa et la construction du Troisième temple (j'ai déjà écrit à ce sujet).

https://rossiyaplyus.info/война-в-израиле-начата-для-.. )

On dirait que tout est fait exprès pour que Netanyahu puisse exercer n'importe quelle violence sur les palestiniens, sans se soucier de la réaction de la communauté, ni la sienne, ni l'internationale. De la part du HAMAS, tout à été fait de merveilleuse façon pour que la Palestine paraisse agressive et barbare. Par exemple, les combattants du HAMAS sont tombés en premier sur le festival de rave et musique techno Nature Party Nova Festival, "consacré" en outre, comme le communiquent les médias, "à la paix". De tels concerts, d'habitude, ont lieu dans les grandes villes, pour qu'il soit plus simple de rassembler les spectateurs et les participants, mais celui-ci, on ne sait pourquoi, se déroulait dans un endroit désert, à 5 km de la frontière avec le secteur de Gaza, et en quelque sorte juste au bon moment, comme fait exprès pour la razzia planifiée, et dans un endroit plat où les participants ne pouvaient se cacher.

Le massacre et la persécution d'une jeunesse sans défense qui s'était rassemblée "pour la paix", qu'est-ce qui pouvait mieux discréditer l'opération du HAMAS? Je comprends la prise de bases militaires et d'agglomérations, mais le festival, pourquoi?                                                                                                De plus, c'était en réalité une manifestation gauchiste dégénérée dans le style drogue party et, pour ainsi dire, de l'amitié muticulturelle de 666 peuples. Les juifs orthodoxes ne vont habituellement pas voir ce genre de choses, s'y rendent seulement leurs "idiots utiles". Et l'on n'a pas pitié de tels "idiots", non seulement chez la pègre islamiste, mais aussi chez les "hareddim"...Mais du point de vue de la possible mise-en-scène d'un spectacle grandiose, cette violence sanglante sur le "rameau sec" est très importante: elle met avec éclat Israël en position de victime des barbares. Et l'on oublie tout de suite les fusillades de quartiers d'habitation paisibles de Gaza par les troupes israéliennes, qui durent depuis des décennies, et même celles d'aujourd'hui ne sont pas perçues de façon si aiguë...  

On essaie de nous inculquer que la direction d'Israël n'aurait pas vu venir l'opération du HAMAS. Cependant,  des centaines, si ce n'est des milliers d'arabes étaient au courant du raid en préparation. Est-il pensable que parmi eux, il n'y eut parmi eux pas un seul agent des puissants services secrets israéliens? Que les pourparlers de grandes masses de combattants arabes n'aient pas été surpris par les services secrets au moyen de l'espionnage électronique, qui, à Gaza, scanne tout, depuis la téléphonie mobile jusqu'aux mails? Que les arabes aient franchi si facilement et sans être vus une frontière bine gardée, qu'ils aient réussi presque sans combat à prendre les bases militaires de Tsahal?  

Pour évoquer les associations que suscitent chez moi les événements en question, je peux dire que cela me rappelle beaucoup Pearl Harbor. Il est maintenant prouvé que le gouvernement des USA connaissait parfaitement bien le raid que préparaient les Japonais contre ses bases , mais sacrifia joyeusement les vies d'environ 2000 de ses soldats afin d'avoir le prétexte pour entrer dans la deuxième guerre mondiale, et le partage du monde à venir...  

Détail intéressant: au moment du début de l'opération du HAMAS, c'était samedi en Israël, et les tra,sports en commun n e marchaient pas, à cause de l'interdit religieux, mais même pendant la guerre, Netanyahu ne déclara pas la nécessité de le rétablir pour rassembler les réservistes. Cela témoigne, bine sûr, de l'énorme influence qu'ont dans ce pays les "hareddim", qui ne servent pas non plus dans l'armée, souvent ne travaillent pas, vivant des allocations sociales, ne respectent pas les "quarantaines" et autres vaccinations. Mais cela peut témoigner aussi d'une sorte de merveilleuse certitude, chez Netanyahu, que les opérations militaires n'iront pas trop loin, que tout est sous contrôle et que le chaos approchant est absolument gérable. S'il avait été fortement ébranlé par "l'agression soudaine", alors il aurait vraisemblablement levé l'interdiction de travailler des transports en commun pour rassembler les réservistes plus vite. 

Il est clair qu'en réponse à ce texte, quelques personnalités alternativement douées commenceront à bêler au "complotisme". Je ne prétends pas du tout à la vérité en dernière instance, mais je ne vois pas d'autres explications raisonnables à ce qui se produit. 

Igor Drouz.       

traduit par Laurence Guillon                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     https://vk.com/wall355949337_27888                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            A ces réflexions d'Igor Drouz, j'ajouterai cette vidéo d'Aldo Sterone:


             

Depuis la guerre du Golfe, j'ai cessé de croire à ce qu'on nous proposait partout comme narratif obligatoire. 




vendredi 6 octobre 2023

Perséphone

 


Ca y est, fini l'exceptionnel été indien, bientôt les gelées qui achèveront les dernières fleurs, la grisaille, les ténèbres. Je me donne un répit pour bricoler, terminer ma cuisine, refaire le "beau coin" des icônes, jardiner, et traduire, car joie, bonheur sans mélange, j'ai une commande, intéressante et littéraire. Comme je vieillis, je vais lentement en toutes choses, je fais des pauses. A divers signaux de la Providence, je me rends compte qu'il vaut mieux se résigner à supporter la radio et la terrasse des voisins, car déménager ne serait plus réaliste, surtout dans un de ces beaux coins de campagne dont j'aurais rêvé. J'aménage donc ce que j'ai, le mieux possible, pour m'abriter au maximum la vue de ce qui me fait cuire les yeux...

Je discutais avec Dany de la France, de la nostalgie que nous en avons, des assertions de Natacha sur ma qualité de vraie française et d'occidentale typique, larguée sur "l'autre planète". En fait si je me sens française, c'est jusqu'au XVII siècle, ou allez, pour les survivances que j'en ai connu, jusqu'au XIX°. Je me sens française de façon génétique, clanique, atavique, je vois toujours avec émotion des paysages de l'Ardèche, surtout la haute Ardèche, plus que la Drôme, dont mon père était pourtant originaire. Le midi de Giono, la ferme de mon beau-père. Mais j'ai raté, en quelque sorte, le lien spirituel. Dans mon enfance, le catholicisme progressiste ne me reliait pas à mon histoire, ne m'ouvrait pas la dimension éternelle. 

En réalité, j'ai du mal à m'expliquer moi-même ce qui m'est arrivé avec la Russie, notre Moyen Age me semble plus proche de moi que la même époque en Russie, par son art de vivre, sa poésie, sa fraîcheur, ses beaux sentiments courtois, sa merveilleuse fantaisie, son léger hédonisme transfiguré par la foi chrétienne, son élégance, son sens du panache et de l'honneur, sa relative liberté. Et pourtant, j'ai été aspirée par la Russie avec le sentiment de retrouver quelque chose qui m'était profondément familier, et indispensable, à un niveau inconscient, quelque chose qui échappait à mon contrôle et qui me réclamait. Oui, c'est cela, qui me réclamait... Et ce sentiment d'appartenance atavique, je l'ai à travers le folklore, par exemple, ou l'émotion que me procure tout ce qui touche au passé russe, les paysans, les cosaques, les marchands, toute cette vie colorée et patriarcale, et ces gens d'une grande beauté, d'une grande noblesse, quelle que fut leur origine.

Dany me disait que beaucoup de femmes russes sont des emmerdeuses finies, et qu'il y a chez les Russes un côté despotique. C'est vrai, et ni l'une ni l'autre nous ne sommes despotiques, nous avons horreur qu'on nous casse les pieds. Katia me dit aussi que les Russes "ne connaissent pas les limites". C'est également exact, il arrive souvent qu'ils ne nous laissent pas respirer. Les Français sont beaucoup plus respectueux de l'espace privé de chacun, mais aussi plus indifférents, en fait. Mais qu'ils soient ceci ou cela, nous les avons choisis, dans le contexte de la France contemporaine qui n'est même plus celui de notre enfance des années cinquante et soixante...

C'est sûr que lorsque je faisais les courses avec ma grand-mère à Annonay dans les années cinquante, dans chaque magasin, nous étions accueillies comme des membres de la famille, la ville était en soi une sorte de grosse famille, dont on commentait la vie à table, un tel est mort, un tel est né, un tel s'est marié, un tel est parti à Lyon, ou à Marseille. Cette ville-famille était subdivisée en différentes tribus, les Montgolfier, les Mercier, les Pleynet, les Malburet, les Rousselet, les Manin, les Bechetoille, les Diday, les Didier etc... Ces tribus se mélangeaient ou pas, se fréquentaient ou pas, ou disons qu'on se fréquentait tous par la force des choses, dans différents lieux publics, mais on était ou non invité, on épousait ou non le fils ou la fille, il y avait ce qui se faisait et ce qui ne se faisait pas, jusque dans le cimetière, on sentait les différences. Ce devait être un peu étouffant, mais c'est sans doute ce qui donnait à tous ces gens des vieilles photos une dignité paisible qu'on ne retrouve plus nulle part. Quand ma mère était malade, elle me disait qu'elle voulait rentrer à la maison. La maison, c'était cette époque de son enfance qui fut encore celle de la mienne. Si rassurante... 

Le fait d'être devenue orthodoxe à la fin de mon adolescence a sans doute donné à l'appel du nord-est la puissance d'un maelstrom. Et m'y voici. Malgré les différences d'éducation et de culture, les Russes continuent à me toucher souvent profondément. Hier, je vais acheter de la peinture, dans la quincaillerie du coin, où l'on me connaît bien, et la femme qui me sert me propose une couleur d'émail en me disant, avec un sourire attendri et rêveur: "Cela s'appelle Soir de Paris"; comme si ma seule présence transformait le magasin en parfumerie de la rue de la Paix... Récemment, dans un restaurant, je demande à la jeune serveuse la composition d'un plat du menu, et elle me répond simplement: "Je n'en sais rien, je viens juste de commencer à travailler", ce qu'un employé novice, en France, ne dirait certainement pas. Puis, au moment de mon départ, elle s'approche: "Cela ne vous fait rien que j'arrange votre capuchon? " Il était ratatiné par mon sac à dos, et il lui fallait intervenir, pas question de me laisser partir comme cela! Il y a deux jours, au marché, une femme me reconnaît avec émotion: "C'est vous qui veniez avec votre petit chien, votre voiture et ses numéros rouges, et votre parfum... Vous avez changé, mais pas beaucoup!"   Ce côté familier, spontané, chaleureux, m'a toujours beaucoup plu, et on le trouve dans les romans classiques, et même dans les témoignages d'étrangers au XVI¨siècle ou dans la vie de l'archiprêtre Avvakum, et les lettres d'Ivan le Terrible...

Principalement, c'est dans les folkloristes et les orthodoxes que je retrouve les Russes, ceux que je me représentais d'après leur littérature, leur musique et leur cinéma. J'espère qu'ils ne vont pas disparaître, que me resterait-il? Il est vrai que je disparaîtrai avant eux, ou avec eux... Un article de Karine Bechet Golovko vient réveiller mes inquiétudes: https://russiepolitics.blogspot.com/2023/10/conflit-en-ukraine-le-parti-globaliste.html

Si elle n'est pas excessivement pessimiste, c'est une bien mauvaise nouvelle. J'ai le vertige, quand je pense au mal que nous ont fait, depuis deux siècles, des créatures des ténèbres prédatrices et intrigantes qui trouvent toujours des traîtres pour sacrifier par millions leurs propres populations à leur Moloch. De jeunes hommes meurent pour nous délivrer d'une hydre qui toujours renaît sous une autre forme, de plus en plus hideuse, de plus en plus étouffante, et je songe à la ville invisible de Kitej, où disparaissent les héros d'Epitaphe, et dont je prendrais volontiers définivement le chemin. 

Les derniers reflets du bal de l'automne sont si mélancoliques... Puis il faudra attendre des mois sous la neige avant que la fête ne recommence. Je n'ai jamais autant qu'ici pensé au mythe de Perséphone.









jeudi 5 octobre 2023

Commissaire du peuple - народный комиссар

 



  Quelqu'un m’est tombé dessus, sur le fil de commentaires de Natacha, qui présentait mes chroniques de l’année 17. J’avais entendu parler de cette jeune femme, appelons-la Olga, malheureusement, elle habite Pereslavl, et je risque de la croiser un de ces jours. En écrivant Yarilo, j’ai empiété sur son territoire de chasse, soit la réhabilitation complète des Basmanov, qui étaient de magnifiques héros abominablement calomniés, elle en est sûre. Et pour cette raison, se montre fort critique envers l’Eglise orthodoxe, qui, dès l’époque où ils ont vécu, n’était pas du tout de cet avis, puisque le métropolite Philippe, qu’ils ont arrêté ensemble, avait refusé sa bénédiction au tsar et à l’Opritchnina dont ils faisaient partie. Les propos insultants et de mauvaise foi de cette personne ne laissent aucune possibilité de discussion normale. Et côté Natacha, le  soutien que j’ai eu, c’est « si Laurence comprenait que son livre pouvait corrompre la jeunesse, je suis sûre qu’elle le réécrirait ». Ou «Laurence est une vraie Française, c’est la mentalité occidentale », « la Russie est vraiment pour elle une autre planète ». « J’attends avec impatience le résultat de vos recherches et leur publication et organiserais volontiers un débat brûlant entre vous et Laurence ». Ce à quoi j’ai répondu que je n’étais pas d’accord et n’avais pas à me justifier devant un commissaire du peuple qui me ferait un procès. Après que j’ai parlé de ma présentation à Alexandrov et des compliments qu’on m’y a faits sur la qualité de ma documentation et l’amour que j’avais porté à la Russie et à mes personnages, elle a pour l'instant lâché l’affaire.

  En réalité, je ne doute pas moi-même que les Basmanov fussent des "héros", des hommes de guerre courageux, et alors? Gilles de Rais aussi était un brave, et il a aimé et défendu Jeanne d'Arc, rien n'est jamais si simple. On peut être brave et cruel, brave et intrigant. Sanguinaire et idéaliste. J'ai toujours à l'esprit la phrase de Dostoievski, à propos du père Karamazov, auquel il est difficile de trouver quelque chose de sympathique: "Il était méchant et sentimental". Que le père Basmanov eût été un bourreau d'enfant, c'est chez moi une hypothèse romanesque et psychologique, car je n'en suis absolument pas sûre. Mais j'ai lu en plusieurs endroits que le père et le fils ne pouvaient pas se voir en peinture, j'en ai conclu qu'il pouvait y avoir des raisons. Il y en avait dans la logique de mon roman, qui est un roman, et pas un ouvrage historique.

  Olga m’accuse, outre de salir ses idoles, et de faire l’apologie de l’homosexualité auprès de la jeunesse innocente de son pays, de glaner ma documentation dans les mangas et les poubelles d’internet, ce qui est si injuste et fantasmagorique que je ne sais même que dire. Loin de faire l'apologie de l'homosexualité, je célèbre l'amour conjugual salvateur et la famille, c'est un hymne à l'amour entre époux.

  Cependant, une amie orthodoxe, au vu de nos échanges, m'a envoyé la lettre suivante:

  Chère Laurence, c’est vraiment pour vous le baptême du feu et de la tentation, lié à la sortie du livre, l’achèvement du roman ! Surtout, gardez la paix intérieure, bien que ce soit difficile. On sent chez Olga une intolérance délibérée aux avis différents. On pourrait se réjouir d’une telle certitude dans la pureté de Fiodor, si elle distinguait la vraie calomnie de la colère, ou l'inclination pour la luxure de la supposition que le péché est possible et que le surmonter conduit au salut. Mais son problème consiste précisément en ce que, comme elle l’exprime elle-même dans ces commentaires, sa conscience ne lui permet pas de reconnaître l’orthodoxie, et de cette manière, elle se coupe tragiquement la voie de la compréhension de l’âme russe (et pas seulement russe), de la sainteté et du salut. Elle ne fait pas la différence entre la diffamation et la vie d’un pécheur. Comment comprendre Sonetchka Marmeladov si on ne comprend pas le saint brigand ?

Dans ma perception des choses, un Russe qui n’est pas orthodoxe n’est pas tout à fait russe, même s’il est très bon, et patriote. Justement parce que son coeur ne s'épuise pas, ne fond pas de la lamentation de repentir du pécheur, de la prière du saint, de la recherche de la ville invisible de Kitej autour de lui et en lui.

Il y a un merveilleux saint nordique, Tryphon de Petchenga, il a fondé un monastère sur la presqu’île de Kola, il est allé avec saint Théodorit de Kola trouver Ivan le Terrible, et avant cela, alors que leurs corps arrivaient à Moscou, ils apparurent en esprit au tsar et s’entretinrent avec lui. Or dans une rédaction tardive de sa vie, (il fut un temps où les vies des saints devaient toutes rendre un son pieux), il est dit qu’il avait des parents dévôts, qu’il était un enfant en dehors de ce monde... et tout dans le même style. Comment pouvait-il en être autrement !

Or en fait, c’était un brigand sauvage et un assassin. Tant qu’il ne se fut pas repenti.  Avec force et inspiration. Sa vie ultérieure étonnante et et sa mort sont liées à ce rachat du péché. Le métropolite Mitrophane Badanine en parle dans ses livres. 

Il m'effleure maintenant l’esprit que tout vient à temps et ce n’est pas un hasard. Votre livre peut être nécessaire précisément à notre époque de LGBT déchaîné ! Olga redoute une mauvaise influence sur la jeunesse. Mais la jeunesse qui manque de finesse ne lit pas, et un jeune qui pense et ressent discerne la lumière des ténèbres, et donc votre livre est nécessaire. Et la question n’est pas dans la vérité historique. D’ailleurs, l’image de Fiodor sodomite est déjà bien établie dans l’Histoire, qu’il l’eut ou non vraiment été, et en conséquence, il faut travailler non seulement sur le vrai Fiodor historique mais sur cette image qui vit depuis longtemps sa propre vie. Vous avez donné à cette image le repentir, vous l’avez conduite à Dieu et au salut. C’est votre apport à la lutte contre la sodomie contemporaine.

Pourquoi me vient-il à l’esprit que c’est vous qui avez raison et pas Olga? Non seulement par la vertu de ma profonde affection pour vous, mais parce que vous êtes orthodoxe, vous communiez, et elle, non. C’est plutôt par vous que Dieu accomplit sa volonté !  Et la colère ne porte pas la justice de Dieu. J’espère que le Seigneur dirrigera nos chemins, et celui d'Olga, vers le bien et le salut. 

Dans les chroniques médiévales, russe veut dire orthodoxe.

Voilà la question : qui est le plus russe, un Français orthodoxe ou un Russe ésotérique ?

  Je garde précieusement cette lettre, car ce n’est pas la dernière fois que j’ai affaire à ce genre de problèmes, entre ceux qui voient en Ivan le Terrible un précurseur de Staline, ceux qui en font un saint, et toute la cohorte des filles (et des garçons) que fascine le beau Fiodor. Il est dommage que Natacha, poétesse orthodoxe, n'ait opposé à celle-ci que ma qualité de « vraie Française » à la « mentalité occidentale », au lieu d'une réponse de cette élévation et de cette pénétration. Si j’avais été tant que ça l’occidentale typique, je ne serais pas venue ici, sur « l’autre planète », et je ne me serais pas hasardée à écrire sur un sujet pareil. Mais si je reste par certains côtés bien française, par d’autres, je suis peut-être plus russe que beaucoup de Russes, comme le voit cette amie. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis si fort intéressée au tsar Ivan et à son serviteur Fiodor, dont les âmes ont davantage besoin de salut que des justifications de gens qui les rejoignent dans ce qui les a perdus, par leur injustice expéditive et leur compréhension binaire des autres et d'eux-mêmes, symptômes infaillibles d'une mentalité totalitaire. C'est pour cela que je me suis permis de m'atteler à ce roman, qui répondait à une nécessité intérieure profonde et qui, à travers les personnages impliqués, parle de la Russie, de la sainte Russie, et de ce qu'elle représente pour des étrangers comme moiь ou mon personnage anglais Arthur. Il est d'ailleurs remarquable que beaucoup de "fols-en-Christ" russes, et cette forme de sainteté est profondément typique de la Russie, aient été des étrangers, le père Andreï Tkatchev a même fait un sermon à ce sujet. Le père Valentin m'a dit que la plus grande qualité de mon livre était son exceptionnelle compréhension de l'âme russe.

J'ai été particulièrement sensible à l'évocation de la ville invisible de Kitej, dont je suis en quête depuis que j'ai connaissance de la civilisation russe. Cette évocation fait de cette amie pour moi une âme soeur, envoyée par Dieu pour guetter avec moi les oiseaux messagers qui nous proviennent de cette dimension, qu'Olga ne connaît pas mais dont le tsar et son serviteur Fiodor étaient très probablement nostalgiques, malgré tous leurs péchés, car eux étaient vraiment russes.

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                                                                                                                                                                      На меня кто-то напал, на ленте Наташи, которая представляла мои хроники, "Другая планета 17 год". Я уже услышала об этой девушке, назовем ее Ольга, к сожалению, она живет в Переславле и возможно я когда-то наткнусь на нее. Писавшая роман Ярило, я наступила на ее охотничью территорию, то есть полная реабилитация Басмановых, прекрасных оклеветанных героев, она в этом уверенна. По этому, она критически относится к Церкви, которая уже при жизни этих самых не разделила ее взгляды, так как святой митрополит Филипп, которого они арестовали вместе, отказал свое благословение и Царю и делу Опричнины, к которому они были причастны.

Оскорбительные соображения по поводу меня и моего творчества не оставляют никакой возможности нормальному разговору. Со стороны Наташи, поддержка такая: "Если Лоранс знала, что ее книга могла извращать молодежь, она бы ее переписала." Или: " Лоранс же настоящая Француженка, западный человек", " Россия действительно для нее другая планета". "Я жду с нетерпением результат Ваших исследований и их публикацию, чтобы устроить между вами горячую беседу". К этому я ответила, что мне это не нужно и что не хотела оправдываться перед народным комиссаром устраивая на меня свой суд. После того как я сказала про презентацию в Александрове и мнение сотрудников музея по поводу моего знания об эпохе и тогдашнем быту, и мою любовь к России и к своим персонажам, она вроде пока меня опустила. 

В самом деле я и не сомневаюсь, что Басмановы "герои", храбрые воеводы, ну и что? Жиль де Рэ тоже храбрый, он любил и защищал Жанну Дарк, ничто никогда не так просто... Можно быть храбрый и жестокий, храбрый и хитрый, кровавый идеалист... У меня всегда на уме слово Достоевского по поводу отца Карамазова, которого трудно считать положительным: "Он был злой и сентиментален". Что Басманов отец был мучителем своего ребенка, я в этом совсем не уверенна, это у меня предположение литературное и психологическое. Но я читала  в разных книгах, что они друг друга не могли переварить, от чего заключила, что были причины. Были такие причины в логике моего романа, который художественный роман, а не историческая работа. 

Ольга помимо того, что обливаю грязью его кумиров, меня обвиняет в том, что я рекламирую гомосексуализм перед невинной молодежи ее страны, в том, что я собираю свои информации в мангах, комиксах и интернетском мусоре. Это мне кажется до такой степени несправедливо и фантасмагорическое, что даже не знаю, что сказать. Скорее чем гомосексуализм, я тут прославляю спасительную супружескую любовь и семью. Это гимн любви между супругами.

Однако, при чтении этого обмена комментариев, православная подруга мне пишет:

Дорогая Лоранс, у Вас прямо боевое крещение - искушение, связанное с выходом книги, с завершением романа! Главное, сохраните мир в душе, хотя это и тяжело. У Олги сразу звучит нарочитая нетерпимость к инакомыслию. Можно было бы порадоваться такой ее уверенности в непорочности Фёдора, если бы она различала действительную клевету со злостью или сладострастием от предположения, что грех возможен и преодоление его ведёт к спасению. Но проблема её заключается именно в том, что как она сама выразилась в тех комментариях, принять Православие ей совесть не позволяет - таким образом она трагически обрубает сама себе путь к пониманию русской (и не только русской) святости и спасению. Не чувствует разницу между пасквилем и житием грешника. Как понять Сонечку Мармеладову, не понимая благоразумного разбойника?

По моему ощущению не православный русский - это не совсем русский, даже если хороший очень и патриот. Именно потому что не изнемогает, не тает его сердце от покаянного плача грешника, от молитв святого, от поиска града Китежа вовне и в себе.

Есть дивный северный святой Трифон Печенгский, основал монастырь на Кольском полуострове, он ходил со св. Феодоритом Кольским к Ивану Грозному и еще до того, как телом они пришли в Москву, они духом явились Царю и беседовали с ним. Так вот в поздней редакции его жития (было время, когда житии подгонялись под благочестивое звучание) сказано, что он родился от благочестивых родителей, был не от мира сего ребенком... и всё в таком духе. Ну как же иначе!

А на самом деле он был диким разбойником и убийцей. Пока не покаялся. Сильно и вдохновенно. И удивительная дальнейшая жизнь и смерть его связана с этим искуплением греха. Об этом пишет митрополит Митрофан Баданин в своих книгах.

Сейчас пришла мысль - ведь всё вовремя и не случайно. Ваша книга может быть именно в наше время озверевшего лгбт и нужна! Ольга боится за плохое влияние на молодёжь. Но не чуткая молодежь книг не читает, а думающий и чувствующий вьюнош различит свет и тьму, значит Ваша книга очень нужна! И дело тут не в исторической достоверности. И, кстати, образ Федора содомита уже прочно обосновался в истории, не зависимо от того было это или нет, и, получается, что нужна работа не только с реальным историческим Фёдором, но и с этим образом, который давно живёт уже своей жизнью. Вы дали этому образу покаяние, вывели его к Богу и спасению. Это Ваш вклад в борьбу и с современной содомией.

Почему думается, что правы Вы, а не Ольга? Не только из-за моего к Вам глубочайшего расположения, но и из-за того, что Вы Православная, Вы причащаетесь, а она - нет. Скорее Бог через Вас творит волю Свою! А гнев правды Божией не соделывает. Надеюсь, что Господь и наши пути управит, и Ольгины ко благу и спасению.

в летописях русский - это православный

вот вопрос: кто более русский - православный француз или эзотерический русский? 

Я бережно сохраняю это письмо, потому что не последний случай когда мне придется иметь дело с таким родом проблем, между теми, кто видит в Иване Грозном предшественника Сталина, теми, кто делает его святым, и целым рядом девушек (и мальчиков), очарованных красавцем Федором. Жаль, что Наташа, православная поэтесса, вместо ответа такой возвышенности и проникновения, противопоставила этому нападению лишь качество "истинной француженки" с "западным менталитетом". Если бы я была настолько типичным западным человеком, я бы не приехала сюда, на "другую планету", и не рискнула бы писать на такую тему. Если в чем-то осталась очень французской, то в других, как видит моя подруга, я более русской, чем многие русские. Именно по этой причине, меня так заинтересовал царь Иван и его слуга Федор, души которых нуждаются больше в спасении, чем в оправданиях людей, присоединившихся к ним в том, что их погубило, своей скоротечной несправедливостью и бинарным пониманием других и самих себя, безошибочные симптомы тоталитарного склада ума. Вот почему я позволила себе взяться за этот роман, который откликнулся на глубокую внутреннюю потребность и который, через действующих лиц, говорит о России, о святой Руси и о том, что она представляет для таких иностранцев, как мой английский герой Артур.  Примечательно также, что многие русские юродивые, а такая форма святости глубоко характерна для России, были иностранцами; отец Андрей Ткачев даже произнес проповедь на эту тему. Отец Валентин мне сказал, что величайшим достоинством моей книги является исключительное понимание русской души. 

Особенно меня тронуло упоминание о невидимом городе Китеже, который я ищу с тех пор, как узнала о русской цивилизации. Это обращение делает эту подругу мне родственной душой, посланной Богом, чтобы вместе со мной наблюдать за птицами-посланниками, прилетевшими к  нам из этого измерения, о котором Ольга наверно не знает, но по которому, весьма вероятно, тосковали царь и его слуга Федор, несмотря на все их грехи, потому что они были истинно русские.