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lundi 28 octobre 2019

Amours en cage

Chez le père Alexandre, à Rostov, j'étais au bord de l'évanouissement. Le soir même j'avais une poussée de fièvre, qui est passée le lendemain dans la journée, me laissant avec ce que je crois être non une grippe, comme je l'avais pensé, mais une migraine, une migraine comme je n'en avais pas eue depuis bien longtemps, la plongée dans un trou noir de deux où trois jours, en tête-à-tête, c'est le cas de le dire, avec sa douleur, sa faiblesse, et des médicaments qui marchent plus ou moins et vous crèvent encore plus. Mais si j'ai depuis longtemps, en association avec la migraine, des étourdissements et phénomène vasculaires divers, jamais eu de poussée de fièvre. Coup de bol, j'ai rendez-vous avec un généraliste ce soir. Sans confiance excessive, mais il faut bien essayer de se trouver un service médical sur place.
Dans le même temps, Dany avait une horrible sciatique et, sans doute à cause de la souffrance, une tension de folie, elle a fait venir les urgences trois ou quatre fois, et seul le quatrième médecin a fait preuve d'un peu de compétence et d'attention. Cela la déçoit, moi pas tellement, car je connais un peu le problème, j'ai eu affaire à de bons médecins, mais généralement sur recommandation dans des cliniques payantes. C'est même le point qui me faisait le plus hésiter à revenir ici.
Il est vrai que notre gouvernement de démolisseurs est en train de saboter l'excellente médecine française et de l'amener au niveau de la médecine russe des années 90 et c'est la conscience de cette pente fatale qui m'a décidée à passer par dessus mes appréhensions et à compter sur la divine providence.
Sur le soir j'ai reçu, abrutie par les médicaments et probablement la migraine elle-même, le père Constantin et la journaliste poétesse venue déjà m'interviewer, Natacha. Ils m'avaient apporté des amours en cage qui me permettent d'avoir pour l'hiver de beaux bouquets secs. Natacha nage dans le bonheur d'avoir quitté Ekaterinbourg pour Pereslavl-Zalesski, le vieux territoire plein de prières de la Russie médiévale, qui sombrera sans doute le dernier. Je n'avais pas grand chose à manger, j'ai entamé, pour accompagner le thé, un de mes pots de confiture de poires, comme la première fois, elle est sublime. Cela vient sans doute de la qualité des poires, et je ne sais pas si cela joue un rôle, mais j'y mets du fructose au lieu de sucre, et en quantité limitée.
Dans la nuit s'est levé un véritable ouragan, j'ai eu du mal à dormir, à cause de la migraine, et à cause des éléments déchaînés. Je n'étais pas tranquille. J'avais l'impression qu'un géant ivre et furieux sautait autour de la maison et allait en emporter le toit d'un coup de pied. Car depuis quelques temps on voit certains événements météorologiques prendre des proportions hallucinantes dans des régions du globe où c'était extrêmement rare. Je regardais par la fenêtres les arbres secoués et les nuages arrachés  qui faisaient place aux étoiles. Il paraît que la semaine va nous faire connaître un refroidissement jusqu'aux alentours de zéro. Accrochez-vous, on descend. Ces bouleversements agissent sans doute aussi beaucoup sur mon tempérament migraineux et climatodépendant.
Au matin, cela soufflait toujours, mais avec de la pluie. Je voyais la jeune chienne des voisins, qui n'allait même pas dans sa niche, probablement inondée. Ces gens, au demeurant très aimables, très bien disposés, l'ont enchaînée pour le restant de ces jours, avec le mauvais goût; c'est ce que je supporte le moins, ici, cette manie d'attacher les chiens. La chienne est un berger pyréennen, elle est visiblement douce et intelligente et ne comprend pas pourquoi on la punit. Elle est faite pour travailler en montagne, rassembler des brebis et coopérer avec son berger. Pas pour servir de sonnette et d'épouvantail, elle est d'ailleurs très gentille. A part ça, on la nourrit bien, on la caresse en passant, mais bon...
Et si par miracle, elle échappait à son sort, une autre la remplacerait aussitôt. Quand à en parler, je ne crois pas que ce soit possible. On me dirait que Rosie a probablement fort mal fini, mais à la limite, que vaut-il mieux? Vivre pleinement et brièvement, ou toute une existence à la chaîne?
Je prie Dieu pour elle. Et j'attends que mes thuyas poussent.
Même la gentille Liéna de Rostov garde sa chienne dans une cage, mais elle la laisse sortir dans le jardin, ce n'est pas permanent.

les amours en cage dans le vase 1900 de la tante Camille, qui aurait été bien surprise de savoir qu'il finirait en Russie!

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