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jeudi 19 août 2021

Fruits


C'était aujourd'hui la Transfiguration, une fête que j'aime beaucoup et que j'associe à celle de saint Séraphim de Sarov devant Motovilov. J'aime toutes les fêtes du Saint Esprit. Je me suis révéillée si ankylosée, si fatiguée, il m'a fallu vraiment lutter avec moi-même pour aller à l'église et communier. Mais je suis contente de l'avoir fait. Cela m'a fait du bien. Je me suis confessée au père Andreï, qui est chaleureux, intelligent et plein d'humour. Je lui ai dit que j'éprouvais une grande lassitude, peut-être pas de l'acédie, mais presque. La science-fiction de la covid, mes trop nombreuses activités, les différents vampires auxquels j'ai affaire. Et puis les poires...
- Ah oui, vous récoltez vos fruits à tour de bras, mais c'est bien d'en avoir.
- Certainement, mais ces fruits m'ont demandé beaucoup de travail!
- Pensez donc aux fruits amers que nous sommes pour notre Seigneur Jésus Christ!
Les gens venaient faire bénir fruits et miel. J'ai lu récemment un post d'un moine qui s'indignait de ces bénédictions, et des expressions populaires de "Sauveur des pommes " ou de "Sauveur du miel" pour caractériser la fête. C'est superstitieux, païen, il ne rêvait que de purifier l'orthodoxie de ces enfantillages. J'ai protesté contre cette vision des choses, disant que les catholiques l'avaient fait et que cela ne leur avait pas réussi, et j'ai pris une volée de bois vert de la part de dignes lettrés de la foi. Et pourtant, ces enfantillages mettent du sacré dans les périodes de notre vie et ses gestes quotidiens, et je regardais les prêtres répandre l'eau bénite avec bonhommie sur les récoltes de leurs paroissiens, en quoi cela dérange-t-il ces personnages, et pourquoi faut-il que des pisse-froids viennent toujours nous gâcher le goût du ciel avec celui de la terre?
J'ai vu avec joie que la belle église du métropolite Pierre, construite par Ivan le Terrible, allait enfin être plus ou moins réparée, je me demandais si cela allait arriver un jour...
La Transfiguration annonce l'automne. Il fait chaud, mais on commence à voir des rameaux jaunir, le temps est pluvieux, on sent que cela peut changer désormais assez vite. Je suis allée me baigner à la Vioksa, pour le cas où cela se produirait. Mais l'eau était basse, et pas très propre, contrairement à l'année dernière. J'ai nagé au milieu des canards. Rita m'attendait sur le ponton avec un air de martyre. J'aurais préféré la laisser. Mais la veille quand, j'ai voulu le faire, pour aller à Serguiev Possad retrouver mes amis, prévoyant qu'elle allait me gêner et souffrir de la chaleur et des allées et venues, je me suis aperçue, après ce moment de fermeté, que j'avais oublié mon téléphone, et revenant pour le prendre, j'ai vu, au milieu du portail ouvert, un spitz tragique, prêt à m'attendre la journée entière, le nez levé pour inspecter la route avec une résignation désespérée... comment ensuite laisser l'animal fou de joie de me voir revenir?

mercredi 11 août 2021

Les temps sont courts

 


Submergée par les poires, je n'ai plus le temps de rien faire, il en tombe autant que j'en ramasse; j'en distribue à tout le monde, je sèche, cuit, pèle, confit, et il faut aussi nettoyer la maison, qui ne ressemble à rien, entre les chats et les poires. Et entretenir le jardin. Et saler les concombres que m'a donnés Nadia la chevrière. Qui plus est, je suis harcelée de tous les côtés par des obligations, des entrevues, et j'ai du mal à organiser ce qu'il me reste de temps, à canaliser ce qu'il me reste de forces. Je traduis Parthène, parce que Natacha a besoin d'argent, et que mieux vaut faire les deux livres avec la même personne. Je traduis Epitaphe, parce que mon éditeur s'y est attelé et ne me lâche plus, c'est passionnant mais très long et très fatigant. Je fais de la musique pour ne pas perdre la main, et pour me reposer l'âme, heureusement, si je puis dire, Skountsev a de la tension et ne peut me donner de leçons. Je vais aux cours de balalaïka pour soutenir l'apprentissage de mon petit voisin Aliocha. Je tiens ma chronique, enfin j'essaie. Je n'arrive pas à écrire la suite de mes souvenirs d'enfance, ni à entreprendre de mettre de l'ordre dans mes journaux intimes; et j'ai cette impression constante que le temps presse, d'une part parce que je prends de l'âge et d'autre part, parce que l'ombre de Mordor gagne toute la terre. 

Hier, de façon impromptue, Olga et Oleg m’ont invitée avec deux moniales de Zadonsk. Je n’avais pas trop envie d’y aller, bien que Olga et Oleg fussent des gens très agréables, intelligents, et je ne les avais pas vus depuis longtemps. Je n’avais pas envie de parler avec des moniales de sujets élevés. Je n'avais même pas envie de parler du tout.

Elles étaient tout à fait adorables, la mère Dorothée et la mère Alexia. Elles ont raconté toutes sortes de miracles, enfin surtout la mère Dorothée, parce que la mère Alexia, en face de moi, priait profondément. Sa cordelette de prières filait entre ses doigts, et son visage aux yeux clos était imprégné d’une paix et d’une béatitude qui me fascinaient. Je racontais ma ma vie. Brusquement, la mère Alexia sort de son état de béatitude silencieuse et me dit : « Beaucoup trop de gens profitent de vous»

Elle a commencé à s’agiter, et elle a déclaré que nous devions aller absolument au monastère voisin de saint Nicolas, pour recevoir l’onction, au lieu de rester à bavarder sur une terrasse. Et je n’en avais pas envie, mais la mère Alexia était visiblement persuadée qu’elle devait jouer pour moi le rôle d’ange gardien.Yann Sotty, qui avait tourné avec moi l’émission « Davaï », était de passage à Pereslavl, il voulait me voir et me remettre de petits cadeaux. La mère Alexia, inflexible, pensait que l’église était plus importante que le Français. Et nous voilà parties, les deux moniales, Olga et moi. La mère Alexia ne me lâchait pas le bras, et avec un sourire maternel, m’expliquait qu’il fallait que ma religion devint plus intérieure, qu’il me fallait m’occuper de mon âme, car les temps étaient courts, et ne pas perdre mes forces avec toutes sortes de gens. Arrivées au monastère, elle m’a traînée jusqu’à l’higoumène, m’assurant qu’elle était très bonne et que je devais lui parler, mais si je veux bien aller exposer mes problèmes spirituels à quelqu’un, mon choix ne se porterait pas forcément sur l’higoumène de saint Nicolas. On m’a d’ailleurs déjà fait le coup avec l’higoumène de saint Nicétas. Et je me suis retrouvée à bafouiller des stupidités sans savoir comment m’en sortir.

La mère Alexia ne m’a pas lâchée avant que le prêtre ne m’eût tracé le signe de croix sur le front. « Maintenant, me dit-elle, tout va aller très bien ». Je suis allée retrouver Yann Sotty, sa famille, son nouveau-né, et les cadeaux, qui auraient dû m’être remis lors du tournage, des objets RT, tasse RT, parapluie RT, chope RT, plaid et coussin RT... joli design, d’ailleurs. Je lui ai fait part des compliments qu’on m’a fait sur son émission, sur lui, sur la façon dont tout cela a été tourné.

La mère Alexia n’a pas tort. Je ne m’occupe pas assez de mon âme, je me laisse submerger par toutes sortes de mondanités et d’obligations. Pourtant, aller tout le temps à l’église, je n’en éprouve pas le besoin non plus. J’en discutais avec mon éditeur, Slava, qui lui non plus, ne me lâche pas. Il a passé dix jours près d’un grand lac, et me dit qu’en barque sur ce lac, il avait davantage le sentiment du divin qu’à l’église mais que cependant, s’il n’allait pas à l’église, ne se confessait pas et ne communiait pas, il se sentait sale et déprimé. C’est exactement mon cas.

Pour ce qui est des gens qui profitent de moi ou me harcèlent, pour m’inviter, me rencontrer, me faire rencontrer quelqu’un, il faut quand même voir que certains d’entre eux me donnent une contrepartie importante. Skountsev est un très grand emmerdeur, et quand j’ai dit au conservateur du musée Krioukov que je prenais des cours online avec lui, parce qu’au début de la covid, il avait beaucoup de temps et pas d’argent, il m’a objecté sereinement : «Que Skountsev reste sans argent, excusez-moi, mais je ne crois pas cela possible...

- En effet, à ce moment-là, il a trouvé le mien ! Cependant, il m’a tellement appris, et sans lui, je en serais pas venue ici, je n’aurais pas vu tout cela, le Don, la rivière Khapior et votre musée ! »

J’ai eu une fois dans ma vie une intense expérience spirituelle qui s’est prolongée plusieurs jours. Mais je n’arrive pas à me trouver dans un perpétuel état de grâce. Parfois, quand je prie, j’éprouve du réconfort ou une certaine plénitude, je pleure beaucoup, aussi, surtout en ce moment, avec ce qui nous arrive à tous, le monde qu’on nous fait me fait vraiment horreur, ainsi que la vilenie et la fourberie de ceux qui nous l’imposent, la stupidité programmée de leurs troupes de mougeons hagards. Je pleure sur nous tous, sur les gens qui n’ont pas une lueur dans leur vie, sur ceux qui sont morts et qui me manquent, et sur ce qui nous attend probablement.. Parfois je n’ai pas le temps de prier, pas la disposition d’esprit, j’essaie, comme mon amie Dany, de garder au moins ma veilleuse allumée. Mais j’assume d’être avant tout quelqu’un de créateur et n’ai pas envie de me violenter pour me transformer en moniale.

Cependant, je ressens qu’il y a des stades à franchir, même en restant une créatrice solitaire, je stagne. J’aurais tendance à confier cela à Dieu. Il saura bien me les faire franchir, ces stades. Le père Placide, tout comme l’higoumène de Simonos Petra, disait qu’on ne pouvait rien faire par nous-mêmes, sinon consentir...

...



En France, pour savoir d’où vient la dictature, et dans le monde, pour savoir où nous entraîne l’opération covid, il suffit de regarder le scandale provoqué par une affiche qui se contente d’énumérer des noms. Tous impliqués dans cette opération et dans beaucoup d’autres affaires et manipulations grandioses et malfaisantes. Cette affiche provoque chez une certaine mafia les mêmes réflexes que la révélation par Soljénitsyne des vrais noms des principaux bourreaux bolcheviques. Et cette réaction est en elle-même un aveu. Pourtant, si il existe une mafia italienne ou tchetchène, il ne vient à l'idée de personne de hurler à l'anti italianisme quand l'on considère Al Capone comme un bandit...

Cependant, tous les représentants de cette communauté ne sont pas les complices de cette mafia. Ecoutez ce qu’expose le docteur Zelenko, avant que cette vidéo ne soit supprimée par la bande en question et ses « connards laquais », selon une heureuse expression que j’ai vue passer sur facebook. Ecoutez-le bien. Il n’est pas le seul à le dire. Et c’est la terrible vérité. Les temps sont courts.

https://www.facebook.com/marie.bars.7/posts/4396223833763402?__cft__[0]=AZUW5B2NvKKfgu0uDSBWvaTlmA-JlCd2geYFA_JpwMHNYZRxVHcn4nlcdAh0a0Dxzz6kM-VzpNKMG3AB5nrYCQlS8PU5rmZWbNjgR0PZwkJpJcIvkgve_38OepaVAnDLpqQsQ5F7mcfS2Jr3AEySxweT&__tn__=R]-R

https://odysee.com/@LeLibrePenseur.org:2/dr-zelenko:a?fbclid=IwAR1txchKdFz9mCd-k8WctHYxYOlE1894c4L3pu_tApKJ_VrFTHa-Oa3WKlA

dimanche 8 août 2021

Terpila

 


J'ai quitté le plein été torride du Don pour une sorte de pré automne. Il pleut à verse, et mon jardin est détrempé, résultat des terrassements du voisin, qui a vaguement consolidé son tuyau et fait tout son possible pour reconquérir mes bonnes grâces, parce que ma froideur le perturbe. Des milliers de poires dégringolent de mes arbres surmenés qui ont pourtant bien du mal à survivre. Je suis constemment en train de les ramasser, peler, cuire et sécher. 

Je pense souvent à mon récent voyage, à tous ceux que j'ai rencontrés, à Kolia le taulier, torse nu sur sa terrasse, avec ses pétunias, ses luminaires kitsch, ses clientes coquettes en robe de chambre, pareilles à de gros ballons souriants, prêts à s'envoler dans les airs, au bout d'une ficelle; à son pote le tatar Islam, beurré comme un petit lu. A ce cosaque à longue barbe grise, un anneau dans l'oreille, qui déambulait dans les bois en slip de bain jaune et vert avec une casquette d'uniforme sur la tête. Je revois la rivière Khapior, ses eaux douces et rapides, pleines de la lumière froissée des nuages brûlants, les chevaux qui s'y baignaient.avec les enfants, tandis que résonnaient des chants lyriques et virils. Le ciel nocturne si profondément noir, avec ses étoiles si nettes et brillantes, et si nombreuses. J'étais complètement dépaysée, là bas, et pourtant, j'y retrouvais quelque chose de familier, de méridional, avec une sorte de dinguerie slave joviale, le mauvais goût y prenait des accents felliniens, plus modeste que par ici, mais encore plus décomplexé, et tout cela au sein de cette steppe aride et illimitée, sous sa fourrure odorante de chardons, de fenouil et d'absinthe amère, soyeuse et argentée. Avec ce qui se passe en France, et qu'on cherche sournoisement à implanter en Russie, j'avais besoin de cette consolation. Chaque fois que je découvre une région de cet immense pays, l'envie me vient de déménager, la province russe me fascine et me donne une impression de liberté et de sécurité. Quelles que soient les séquelles du soviétisme, il s'y conserve quelque chose de vivant, de normal, et je dirais de résistant. Beaucoup de gens ne voient pas de mal à se faire vacciner, car ils restent dans l'idée que c'est pour le bien des populations, comme au temps de l'Union soviétique, quand personne ne se faisait des profits mafieux sur la santé des gens. Mais pour ce qui est de la suite du programme, les QR code et la dictature électronique mondiale, je pense que ce sera plus dur, je ne sens pas toute cette humanité très humaine, très anarchique, très capricieuse, incorrigiblement lyrique et follement idéaliste, prête à entrer dans le transhumanisme futuriste. A moins  de recourir à des procédés trotskystes de massacres à grande échelle. Je suis persuadée que le Don ne diffère pas beaucoup du Donbass, pour ce qui est de la mentalité. Tous les poteaux électriques sont bagués aux couleurs du drapeau russe. Une banderole, en travers de la rue principale de Koulmyjenskaïa proclame: "Rien ne nous est plus cher que notre pays natal..."

En face de la propagande hypnotique de la télé, on recourt ici aussi au discours sur la "théorie du complot" afin de discréditer ceux qui n'avalent pas cette bouillie à la louche. C'est surprenant, voici qu'au XXI° siècle, nous avons pour la première fois de l'histoire, des classes dirigeantes irréprochables qui ne complotent jamais, et des administrés ingrats qui voient le mal partout. Les romans historiques sont pleins des complots du passé, le XX° siècle nous a gavés de financiers retors, de politiciens pourris, d'idéologues tarés et sanguinaires et de savants fous, mais nous sommes invités à croire que le même genre de population, aujourd'hui, ne se soucie que de notre bien, et que le mettre en doute n'est pas raisonnable... Cette caste a pourtant plus de moyens de nuire qu'elle n'en a jamais eu, de sorte qu'on ne sait même pas comment se défendre, dans la guerre qu'elle nous fait. Le docteur Fouché nous présente ici quelques propositions:

 https://rumble.com/vksflu-louis-fouch-4-aout-2021.html?fbclid=IwAR1SyKNXVFt-PkW6W3Ow9FiWWCxmRtjZZzhrlhnfIwsPWnon5Fc1Yyl-O24

 A l'église, ce matin, le père Andreï nous a fait un sermon intéressant, à propos d'un nouveau mot à la mode, terpila, conçu d'après le mot terpenie, patience. Ce mot, dit-il envahit toutes les bouches. Il signifie un être dont on peut faire ce qu'on veut, le tondre et l'exploiter sans qu'il réagisse, et il est plein de mépris, un peu comme chez nous les sans-dents ou les mougeons. Mais, nous explique-t-il, c'est que la société nouvelle qu'on cherche à installer n'est pas seulement indifférente au christianisme, elle lui est profondément antagoniste. C'est une société de prédateurs impatients qui ne connaissent pas de frein à leur avidité. Antagoniste au christianisme et également à la Russie, dont la patience était la vertu principale, patience d'Alexandre Nevsky, par exemple, glorieux chef de guerre qui, pour le salut de son pays, allait trouver le khan mongol et s'humilier devant lui. Et cela m'a rappelé une vidéo de l'avocat DiVizio "en marche vers l'enfer", sur la société "en marche", dont l'avènement a été inauguré par le parti "en marche" du satrape Macron. Une société où ceux qui ne peuvent pas marcher sont laissés pour compte, achevés, voire exterminés. Une vidéo rapidement supprimée de youtube avec la chaîne de l'avocat, ce qui me prouve que c'est bien là le programme des mutants du nouvel ordre mondial qui essaient de prendre le pouvoir universel. Au XIX° siècle, Jack London décrivait les misérables sans logis de Londres, contraints de marcher sans trêve, car ils n'avaient le droit ni de s'asseoir ni de s'étendre, ni même de s'arrêter. 

 https://odysee.com/@DiVizio:2/en-marche-vers-l%E2%80%99enfer:d?r=AJxNFrm3sD6g74HKCJUZqhLYnVrMJUYx&fbclid=IwAR1c4bp4lf1913mMB4pDLC-E94-tJjS8d4yOjiuB8oCHkWwEwueiu8q1T

Mais il convient de voler autant que faire se peut de beaux moments de vie à la nuit qui vient.





dimanche 18 juillet 2021

Un signe


Pendant que j'étais à Kourmych, j'ai reçu un appel de l'église des quarante Martyrs, à Pereslavl. A la suite de l'émission de Canal Spas, où j'avais été filmée en ces lieux, quelqu'un avait apporté et déposé quelque chose pour moi. Deux heures plus tard, j'avais été contactée par le jeune homme qui seconde Gilles au café français: quelqu'un avait apporté pour moi deux bouteilles de cidre.

Je me perdais depuis lors en conjectures. Aujourd'hui, j'ai décidé d'aller à la liturgie aux quarante Martyrs. Apparemment, c'est un paroissien de l'église de Vanves, la sainte Trinité, en laquelle je m'étais convertie à l'orthodoxie il y a cinquante ans, qui m'a laissé ce petit signe, il y avait une bougie "sainte Geneviève de Paris" et une carte représentant celle-ci et saint Nicolas le Thaumaturge, deux icônes du père Grégoire Kroug qui se trouvent à Vanves, et puis aussi un marque-pages du monastère de Polotsk, avec une phrase de saint Ignace de Briantchaninov: 

"La nature terrestre est pareille au paradis par ses beautés et nous le rappelle quand nous voyons les splendeurs de la terre et nous exclamaons involontairement "c'est le paradis". 

J'en ai éprouvé un véritable choc, et une sorte de bonheur, je dirais même de grâce, je suis restée les larmes aux yeux pendant tout l'office, qui était très fervent. Par la fenêtre latérale ouverte, on voyait le lac et le ciel. Ce rappel de ma première paroisse, cette visite de quelqu'un de là bas, me paraissaient pleins de sens, je voyais toute ma vie en perspective, aurai-je pensé quand j'allais à Vanves, et me sentais si exilée dans le Paris des années 70, qui m'était en réalité profondément étranger, qu'un jour je vivrais à Pereslavl Zalesski? Et puis cette phrase de saint Ignace semblait m'être personnellement adressée par quelqu'un qui me connaissait bien mais qui n'a pas laissé son nom. Et je le regrette. Quoique peut-être n'a-t-il été que le messager inconscient du signe que j'ai ainsi reçu, cela se produit aussi souvent.

Je rendais grâce à Dieu d'avoir orienté ma vie, toute indigne que je sois de cette sollicitude, et j'avais la certitude qu'Il continuait à le faire, qu'il y avait un Pilote dans l'avion. Je pensais à ce que m'avait dit mon balalaiker Sérioja: "Je ne me fais pas de souci pour vous, car votre bateau peut aller d'un côté, de l'autre, mais il est guidé par une étoile, alors que beaucoup de gens n'ont pas d'étoile  pour les guider, et leur capitaine est bourré". 

Après cela, je suis passée au café français. J'aurais pu deviner d'où venaient les deux bouteilles de cidre, c'était de la part de Kecha Keleinikov, que j'ai connu encore enfant, et qui avait découvert le cidre lors d'un séjour en France, chez maman. Kecha aurait dû me prévenir qu'il avait l'intention de passer par là... mais l'intention me touche beaucoup. Merci Kécha!


saint Nicolas et sainte Geneviève



 

jeudi 3 décembre 2020

OVNI


 En complément de mes réflexions d'hier, j'ai trouvé aujourd'hui cet aphorisme du starets Nicolas Gourianov: "Nos pensées et nos paroles ont une forte influence sur le monde environnant, les animaux, les plantes. Priez avec des larmes pour tous les malades, les faibles, les pécheurs, pour ceux pour lesquels personne ne prie. Pour les fleurs, les pierres, les plantes. Ne faites pas de mal aux oiseaux, faites leur la charité. Demandez à Dieu que nous restent sur la planète de l'air et de l'eau pure, et invoquez fermement le Très Doux Sauveur du monde: "Jésus, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur".

J'en suis persuadée et c'est d'ailleurs prouvé, je pense du reste que l'expérience spirituelle et l'expérience artistique humaines vont beaucoup plus loin dans l'appréhension de la véritable réalité du monde que l'approche scientifique matérialiste (car il existe aussi une approche scientifique que ne bornent pas les aprioris matérialistes) et évidemment que "l'intelligence artificielle", qui est l'intelligence du diable, la contrefaçon de l'intelligence. Cela est très sensible dans le plus beau livre que j'ai lu sur le moyen âge, "les quatre vies d'Arséni" de Evguéni Vodolazkine, sur un guérisseur russe qui finit dans la peau d'un starets.

Je ne prie pas assez, mais le peu que je prie, je le fais dans cet esprit, et avec des larmes. D'un seul coup, en lisant cela, j'ai d'ailleurs été réconfortée d'avoir un tel pensionnat d'emmerdeurs à quatre pattes, emmerdeurs au sens souvent propre du terme. Que serait-il advenu de chacun d'entre eux? Les mésanges et autres passereaux survivent en partie grâce à mon restau dans le poirier, à mon grand chagrin, monsieur Moustachon recueilli par pitié, lui aussi, est un chasseur démoniaque et me rapporte de petits cadavres ailés, mais malgré ces "prélèvements", comme disent les "défenseurs de la nature", cette nourriture est utile à une population que l'hiver décime plus que chez nous. Je pense que si la neige se décidait à tomber pour de bon, Moustachon deviendrait beaucoup plus visible et moins dangereux. Je prie pour les miens, pour ceux qui sont malades et malheureux, pour ceux qui ne connaissent que le malheur et meurent de façon atroce, pour les animaux que nous faisons vivre de cette manière, et pour la création que nous profanons sans arrêt.

Dans le même esprit, j'évite d'arracher des plantes, et mon voisin ne comprend pas du tout que ses propositions, qui consistent à recouvrir tout ce que j'ai planté ou laissé pousser d'une tonne de terre pour me mettre au niveau de sa digue ne me conviennent pas. Depuis trois ans, j'ai planté toutes sortes d'humbles choses, parfois déplacé de "mauvaises herbes" que je trouvais jolies, dans des endroits où elles ne gêneront pas et se mêleront harmonieusement aux autres ou entre elles. Lui n'envisage que le gazon ratiboisé avec régularité façon moquette, les fleurs en rang dans des massifs, bref, propre, banal, ennuyeux, comme on aime chez les extraterrestres.


Mon voisin d'en face, le vieil oncle Kolia, m'a dit que les constructeurs des quatre merdes prévues derrière son isba avaient fait la même chose. Il se retrouve un mètre plus bas que leur terrain artificiel bétonné sur le marécage. Evidemment qu'un tel poids de terre sur notre faible croûte flottant sur la nappe phréatique va provoquer des résurgences chez nous en premier lieu, cela me paraît clair.

Autrement l'OVNI me prive moins de lumière que prévu, sauf que bien sûr, un sapin devient impératif, si je ne veux pas contempler un mur de plastique quand je lève les yeux. Et d'autres arbres pour ne pas voir ça l'été et pour ne pas avoir l'impression de vivre dans un aquarium.

Les Russes voilent tellement leurs fenêtres qu'on ne voit plus rien à travers mais moi, quand je n'ai pas de voisins dont la vue plonge chez moi, je ne mets de rideaux que pour la nuit, car j'aime que ma maison soit emplie de lumière, et traversée de pans de ciel et de feuillages frissonnants. Evidemment, dans un cas comme cela, il ne reste plus que les doubles ou triples séries de voilages. Ou bien les écrans végétaux. S'enfermer derrière des rideaux, c'est aussi se couper du monde, et à force de se couper du monde, on devient un extraterrestre.




Cette vidéo apporte une réflexion différente et complémentaire, à voir avant qu'on ne la censure, en se demandant pourquoi on le fait si vite...

mercredi 2 décembre 2020

Harmonie



 Je fais beaucoup de progrès avec Skountsev; en même temps, je  vois à quel point tout cela demande d'investissement, quand on ne l'a pas sucé avec le lait de sa mère, pour ainsi dire déjà commencé à l'assimiler dans ses entrailles, comme c'était le cas autrefois. Il paraît que les enfants des cosaques Nekrasovtsi, qui avaient conservé leurs traditions 300 ans en Turquie, où ils s'étaient réfugiés après le schisme, les perdent depuis qu'ils sont dilués dans la Russie contemporaine, qui les perd également, avec sa paysannerie, bien que pas mal de jeunes y reviennent, en quête d'authenticité, en quête d'eux-mêmes. C'est déjà quelque chose, en France, ceux qui retournent à la terre sont loin de revenir à la tradition française. 

Apprendre ces chansons et jouer de ces instruments développe beaucoup de facultés, évidemment la mémoire, la concentration, la coordination, le sens de la place du détail dans l'ensemble, l'attention à ce qu'on fait, et à ce que font les autres, l'adaptation à un rythme, en dehors naturellement des aspects artistiques, mais ces aspects artistiques découlent eux-mêmes de l'harmonie de tout le reste. Et ceux qui pratiquent cela depuis l'enfance ont indéniablement quelque chose de plus que ceux qui n'en ont aucune idée, et aucune tablette, aucun ordinateur ne développera une personnalité et son intelligence de manière aussi complète, surtout si l'on y ajoute les interactions avec le milieu naturel, et la vie spirituelle, à laquelle tout ceci introduit. 

Je l'avais constaté sur les enfants que j'avais eu en maternelle deux ans de suite. Et pourtant, nous étions loin de pratiquer cela tout le temps, mais je crois que dans tout ce que je faisais avec eux, j'amenais précisément cet esprit qui relie les détails dans une harmonie supérieure, car c'est ainsi que bon an mal an, je me suis formée moi-même.

Je peux donc tranquillement assurer que notre éducation contemporaine, notre milieu contemporain servent principalement à fabriquer des crétins et des monstres. Ceux qui échappent à l'un et l'autre destin et restent normaux n'ont plus qu'à vivre plus ou moins comme des parias et à se trouver une niche écologique quand cela reste possible. Cela je l'ai toujours su. Dès qu'on m'a mise à l'école.

Ce milieu contemporain exerce d'énormes pressions sur les individus, même quand ils reçoivent une éducation normale. Il est très difficile de rester soi-même, de rester vrai, j'en faisais déjà l'expérience dans les années 70. Car on se retrouve dans une grande solitude. Et lorsqu'on est jeune, on a envie d'avoir des amis, d'avoir un compagnon ou une compagne.

Une jeune fille que j'avais eue en moyenne et grande section m'a retrouvée et m'envoie de temps en temps des lettres. Elle m'appelle toujours maîtresse... Elle m'avait dicté alors un ravissant petit poème, qui ressemblait à un haiku. C'était une petite fille avec de longs cheveux blonds, à moitié russe. Elle me dit qu'elle écrit toujours, grâce aux encouragements que je lui avais prodigués alors. J'ai beaucoup aimé tous ces enfants, ils avaient presque tous quelque chose, une espèce de grâce. Ceux de ces deux classes. Ils étaient de milieux dits privilégiés, ce qui ne rend pas forcément les choses plus faciles, car les parents ont souvent des attentes particulières...

Skountsev dit que les gousli ont un effet thérapeutique. C'est vrai, je le sens. A mon avis, ils font faire aux gouttes d'eau des cristallisations harmonieuses, et c'est un autre avantage du folklore, à un niveau qui n'est plus celui de l'apprentissage, mais de l'être. La musique traditionnelle exerce un effet bénéfique sur l'organisme de ceux qui la pratiquent et j'irais jusqu'à dire sur le milieu environnant. Mais elle déchaine souvent l'agressivité des pauvres décérébrés qui écoutent en boucle à tue-tête le tohu-bohu préfabriqué qu'on leur distille à longeur de radio et dans tous les restaurants et supermarchés. Ce sont ceux-là qui construisent des horreurs, scient des arbres séculaires, massacrent des animaux pour le plaisir, pataugent dans les tripes de la vie éventrée et profanée avec une sorte de frénésie grossière et sombre.

Un paysan et ses gousli. Quelle serenité et quelle dignité... né en 1904, contemporain de mon grand-père


Je suis ce matin allée faire une prise de sang, les analyses rituelles. J'ai trouvé une généraliste qui est en même temps cardiologue, dans un centre de diagnostic. Elle est sympathique, et cherche à soigner avant tout le terrain de son patient. Elle m'a confirmé que le masque à longueur de temps était une hérésie et tout, sauf une mesure médicale destinée à sauver les gens. Néanmoins, la pieuvre mondialiste empoisonne également la Russie, de gré ou de force, peut-être de force, car tout cela est moins oppressif que dans d'autres pays, où cela prend une tournure si inquiétante qu'il faut être extrêmement hypocondriaque ou complètement abruti pour ne pas soupçonner quelque chose de pas net.

J'ai noté que l'on ne faisait pas les tests covid sadiques qui se pratiquent en France, les gens doivent eux mêmes prélever dans le nez, le plus haut possible et dans la gorge, mais personne ne va les ramoner jusqu'au cerveau. En revanche, une vieille qui venait se faire tester, dûment masquée jusqu'aux yeux, me collait à la réception, m'interrompant pour demander des renseignements à la bonne femme de service, j'espère qu'elle n'était pas malade, car je ne comptais ni sur son masque à la con ni sur le mien pour éviter la contagion...

D'ailleurs le médecin m'a dit que je faisais bien de me tenir à l'écart des hôpitaux si ce n'était pas indispensable.  

La fille qui m'a fait le prélèvement n'était pas fort aimable, la parole brève, et je ne pouvais pas voir son visage à cause du masque, mais je le devinais très fermé. A l'issue du processus, je lui ai dit merci. J'ai vu son regard s'illuminer comme celui d'un enfant.

Je pense que dans ce genre d'endroits, beaucoup de Russes prennent un air rébarbatif pour faire sérieux. J'ai constaté cela aussi dans les services d'immigration.  

                                 




mardi 22 septembre 2020

Colchiques dans mes prés

 Je suis tombée sur une photo qui m'a poursuivie toute la soirée d'hier, une vache squelettique hors d'usage jetée vivante dans une benne à ordure, et son expression quasi humaine de désarroi horrifié. C'est à ce genre de détails que la malédiction de la modernité m'apparaît dans toute son évidence, car si l'on a le droit de manger des animaux, selon la loi naturelle, on n'a pas celui de les traiter de cette manière, c'est ce qu'Ernst Junger appelait un péché contre la terre. J'ai sans arrêt des appels au secours de divers refuges russes qui m'arrivent, des animaux abandonnés après la saison d'été, les gens laissent derrière eux des chats et des chiens sans défense qui ne comprennent pas et cherchent du secours auprès d'humains dépassés ou indifférents. Si même j'avais le courage de recueillir encore l'un d'eux, lequel? Il y en a tant, et chacun vous tire des larmes.

Sur les conseils de ma soeur, et les siens sont toujours avisés, j'ai fait une sousoupe à Rita, avec de la viande hachée et de la macédoine de légumes, cela lui plaît bien davantage que Royal Canin ou Purina, je passerais bien tous mes emmerdeurs à la sousoupe maison, mais l'enthousiasme n'est pas unanime. Bien sûr, quand je pense à la façon dont la viande hachée est obtenue, je ne me sens pas très bien, mais les boîtes et sachets de nourriture pour animaux, c'est pareil...

Dernièrement, je lisais sur Facebook que Frédéric de Hohenstoffen avait le goût des expériences et que pour savoir à quoi ressemblait la langue adamique, il avait ordonné à des nourrices de nourrir des bébés sans leur parler ni leur sourire et ceux-ci étaient tous morts. Je pense que n'importe quel être humain doué d'empathie, en phase avec la nature, sait sans vérification expérimentale, que tout être vivant, à part peut-être les amibes et les insectes, a besoin d'interactions affectueuses pour se développer et vivre, mais ce roi n'a pensé qu'à satisfaire sa curiosité, au mépris de toutes autres considérations, ce qui est déjà un trait typiquement moderne, et du reste, cette sinistre expérience a été répétée avec des singes à notre époque pour "prouver" l'importance de ces interactions. La chose me paraît si évidente, que je ne comprends pas le besoin de la démontrer en faisant vivre à de petits êtres innocents un abandon atroce. Je vois l'aboutissement de cette mentalité dans les expériences sociales du XIX et du XX° siècle, consécutives à la révolution anglaise, puis française, puis russe, et maintenant dans l'expérience transhumaniste à laquelle tentent de nous soumettre tous des créatures de cauchemar aux yeux de poissons morts.

Je repensais à tout ceci à l'église, et je comprenais que même les plus grand saints s'accusent de tous les péchés de la terre, qu'ils ne commettent pas, et n'ont souvent jamais commis, parce que la toile d'araignée du mal nous englue tous plus ou moins, et que l'humanité est Une. Un mal qui n'existe pas dans la nature, un mal qui nous est spécifique, et qui laisse la vache horrifiée dans sa benne à ordure, les chats et les chiens incrédules et bouleversés, avec leurs yeux qui ressemblent à ceux des enfants. Car nous participons sans même le vouloir, nous sommes pris dans un engrenage très ancien qui peut à peu nous broie avec le merveilleux cosmos dont nous sommes indignes, ce temple de la vie que nous profanons tous les jours, je suis convaincue que le Christ n'est pas venu à n'importe quel moment, il est venu à la veille de ce processus "scientifique" qui est en train de détruire la vie, d'une façon particulièrement vile et abominable, et sans doute son premier avènement a-t-il donné à la création, à l'humanité le répit millénaire du moyen âge. Il m'apparaissait indispensable de nous associer à cet effort rédempteur de la prière, non seulement pour nous mêmes, mais pour tous, pour arrêter cette machine infernale, la machine infernale de la modernité qui est celle du démon, l'antique et plus que jamais actuelle statue de Moloch.

Je suis allée prier saint Pantaleimon d'intercéder pour que je survive à mes animaux et qu'aucun d'eux n'ait à subir le triste destin de ceux que le décès de leur maître jette à la rue. Chocha a dans les quinze ans, le jour où partira cette emmerdeuse qui porte sur moi un regard extatique, j'aurai certes beaucoup de peine, mais aussi le sentiment d'avoir rempli mon contrat et de ne plus avoir à me faire du souci pour elle. Après, j'ai la caractérielle Georgette, onze ans, qui me prouve son amour en détruisant les portes et le mobilier, et en pissant dans les endroits les plus bizarres. Les autres sont encore des jeunots.

Je me sentais honteuse de ne pas faire davantage d'efforts spirituels, car ainsi que le disait Dostoievski dans les frères Karamazov, si  notre goutte d'eau personnelle est pure, c'est toute la mer humaine qui s'en trouve purifiée. Et cela soulage aussi mystérieusement la souffrance générale. Or cette souffrance, et surtout la souffrance muette des innocents que personne ne plaint ni n'écoute, que personne n'a individuellement la force ni les moyens de soulager ni même de regarder en face, atteint des proportions si inimaginables qu'on a du mal à comprendre comment Dieu nous supporte encore.

Un chien jaune et craintif est venu rôder chez moi pour la deuxième fois. Il a un collier. La première fois, j'avais poussé des cris, car je craignais pour Rita et les chats, et il était parti épouvanté. Aujourd'hui, il est parti avant les cris. Je ne les ai pas poussés. Il s'est arrêté pour me regarder d'un air méfiant.

Je jardinais. C'est vraiment toute une histoire d'aménager un jardin. Il faut penser à tout, au volume que prendront les arbres, à l'ensoleillement, au sol... surtout un jardin comme le mien, ce marécage. Le fait navrant qu'on prévoie quatre maisons derrière celles de mes voisins d'en face induit la nécessité d'un écran de verdure, car ces constructions seront sûrement affreuses et possiblement énormes. Je laisse pousser les pruniers contre lesquels il est de toute façon inutile de lutter... Les constructions éventuelles sont ma terreur, on peut créer des protections naturelles, mais à moins de vivre dans un sous-bois, il est parfois difficile de se protéger des monstres, selon leur emplacement, l'ampleur de leur taille et de leurs difformités.

J'ai des colchiques ravissants, qui me rappellent la chanson préférée de mon enfance, "colchiques dans les prés" que je chantais avec ivresse dans la voiture de mon grand-père. C'est mon cadeau de l'automne, avec le sedum que je prenais pour une plante exclusivement méridionale avant de venir ici. Et aussi les asters. Les framboisiers m'offrent encore une baie de temps à autre. Et après la floraison inattendue de la dauphinelle, voici qu'une de mes clématites, qui fleurit au printemps, me prépare une dernière merveille qui aura sans doute le temps d'éclore, on annonce un été indien d'environ une semaine.





mercredi 2 septembre 2020

La dauphinelle du 1° septembre

 


J'ai publié une photo de la floraison remontante inattendue d'une des dauphinelles qui m'avaient émerveillée en juillet, le 1° septembre, début officiel de l'automne et de l'année scolaire en Russie. Des commentaires sur l'état de mon jardin m'ont poussée à procéder à une toilette de fin d'été, ce qui m'a pris deux jours. Je le fais le moins possible, c'est pénible, et je n'aime pas violer la nature et transformer un espace vivant en désert vert. Mais parfois il le faut, à cause de la berce du Caucase, ou pour retrouver la structure du jardin, dégager certaines plantes que l'on privilégie.

Mon potager me donne des courgettes, au début, je ne les avais pas vues, car je croyais avoir planté des courges, j'attendais de gros fruits oranges et n'ai pas repéré les gros fruits verts. Les grosses courgettes sont difficiles à cuisiner, mais elles ont beaucoup de goût, de même que les tomates qui sont arrivées à mûrir, il me faudrait garder des graines pour l'été prochain et faire une serre, car elles sont vraiment très bonnes.

Pour ce qui est des choux, le voisin d'en face m'a dit qu'il fallait couper les feuilles extérieures si on voulait obtenir la tête de chou classique, ce que j'ignorais totalement. Maintenant, ça commence à se produire, mais l'année prochaine, je m'y prendrai plus tôt.

Mes "boules d'or", cette année, forment une écume jaune qui retombe sur les asters et les "octiabrines" dont la vitalité et la taille leur permettent de soutenir leur assaut et de servir de tuteur, mais tout cela semble étouffer un peu les roses trémières, moins jolies que l'an dernier, mais il se peut aussi qu'elles atteignent la nappe, ce qui leur serait fatal. Cependant, elles se ressèment.

La journée était si belle que je suis allée m'installer dans mon hamac, dont je n'ai pas tellement profité, cette année. Le soleil était chaud, le vent déjà frais, l'air transparent et léger, pas de moustiques, des floraisons dorées, des corolles qui tremblaient dans la lumière et accueillaient papillons et bourdons, je contemplais ce mouvement hypnotique de la vie, et ces transparences éclatantes et subtiles qui m'enchantent profondément. Il est vrai que de pareilles journées sont rares en Russie, et en fin d'été, ou début d'automne, on sait qu'elles nous sont vraiment comptées, mais elles nous donnent un avant-goût du paradis.

J'en ai profité pour appeler mon amie Liouba. Elle m'a raconté que sa fille et son gendre, installés en Angleterre, n'arrivaient pas à quitter la France, pour revenir chez eux. A l'aéroport, des flics partout pour guetter les contrevenants au port de la muselière bien étanche, et comme l'un de leurs fils sortait le nez pour respirer, un pandore est venu agiter sa matraque avec un air menaçant.

Après, je suis allée faire des courses, et je suis tombée sur Gilles et Maxime, devant le café la Forêt, escale obligatoire! Ils étaient avec le comptable Ilya qui m'a bien aidée pour établir mon permis de séjour. J'ai eu de la chance de l'avoir fin janvier, car Maxime a toutes sortes de complications dues au Covid qui a tout arrêté. Et maintenant, la loi a encore changé, on lui demande un casier judiciaire, alors que moi, je n'ai pas eu à le fournir une deuxième fois. Or en France, cela a changé aussi, ils sont fournis uniquement sous forme électronique, il ne sait pas comment ça va passer au service d'immigration. Quand on n'a pas de conjoint russe, mieux vaut ne pas bouger d'ici, on ne sait pas trop si on ne resterait pas coincé entre deux pays. J'ai dit que j'avais la nostalgie de la France, des sortes de diapositives ou de films intérieurs, je vois des endroits, Pierrelatte, Cavillargues, la maison de mon oncle et ma tante à Marseille, les promenades que je faisais avec mon petit chien. "Oui, me dit Gilles, moi aussi, et avant, je partais tous les deux mois, mais là ça fait presque un an que cela ne m'est pas arrivé." C'est curieux ce phénomène des images intérieures qui surgissent avec insistance. Et pourtant, j'aime la Russie, et je m'y intéresse depuis mon plus jeune âge.

Nous avons échangé des anecdotes sur l'invasion et la décadence, l'insécurité, la dictature sanitaire des satrapes haïssables qui ont pris le pouvoir et font tout pour le garder, les Ukrainiens et Biélorusses hagards qui se ruent vers une Europe que tous ses habitants indigènes commencent à fuir épouvantés. Intéressant chassé-croisé. Gilles et Maxime connaissent beaucoup de Français qui veulent partir.

J'ai mis deux jours à monter un fauteuil-lit IKEA que je trouve un peu gros, j'aurais préféré un fauteuil à bascule en osier, mais me voilà à nouveau pourvue de locataires, et je veux pouvoir éventuellement recevoir. J'héberge Nadia qui a trouvé l'amour sur un site de rencontre orthodoxe, déménagé un temps à Serguiev Posad, et qui veut maintenant revenir ici. Elle veut construire une maison avec une hypothèque et l'aide de sa mère. Je n'avais aucune envie de loger encore quelqu'un, et j'ai émis toutes sortes de réserves. Mais je dois dire que la cohabitation se passe bien. Je pensais à tort que son jules serait une espèce de bigot, parce qu'elle est une jeune femme orthodoxe sérieuse à jupe longue et fichu, mais pas du tout, c'est le prince Charmant. Grand, beau, intelligent, profond, avec une sorte de force tranquille virile. Il ne lui manque que d'être riche, mais on ne peut pas tout avoir. Discuter avec lui est un vrai bonheur.

J'ai trouvé aussi sur IKEA un tapis en solde pour une vingtaine d'euros, un tapis qui imite le vieux persan usagé, dans tons verts, gris et bleus en complète harmonie avec tout le reste et dans une matière qui n'est pas noble mais me permettra sans doute de le nettoyer plus facilement. Les animaux adorent ce tapis, j'espère qu'ils ne pisseront pas dessus et ne feront pas leurs griffes sur le fauteuil. Mon atelier salon est presque complètement aménagé, cela m'aura pris presque quatre ans.

Les chats sont toujours très excités par les livraisons et les déplacements de meubles. Et j'ai toujours l'impression de les avoir achetés pour eux, d'ailleurs, ils en prennent immédiatement possession.







mardi 25 août 2020

Un émigré

 Encore une magnifique journée, et je suis retournée à la Vioksa me baigner, car nous voici à la veille de l'automne, des arbres commencent à jaunir, le temps peut changer brusquement et plus de baignades jusqu'à l'année prochaine, à moins d'aller passer l'hiver à Cuba...

L'eau était meilleure que la dernière fois. J'ai longuement nagé dans cette fraîche douceur, en contemplant de jeunes bouleaux frissonnants que surveillaient de grands sapins noirs. Des canards m'accompagnaient avec une curiosité flegmatique. J'aurais presque pu les toucher, mais je ne voulais pas leur faire peur. Puis j'ai fait une aquarelle, assise sur un ponton. Sur le ciel voilé, une cascade de nuages brillants et froissés descendait en écumant jusqu'aux pins de la rive d'en face. La baignade reste associée pour moi au canyon desséché de l'Ardèche, avec son calcaire blanc et ses garrigues, à la mer Méditerranée, ses pins parasols et ses lauriers roses, et je suis toujours ébahie de nager dans ce décor nordique, où j'étais aujourd'hui la seule à le faire, jusqu'à l'arrivée d'un aimable moustachu qui m'a demandé si l'eau était bonne.

J'étais retournée à la rivière il y a deux ou trois jours, mais je ne m'étais pas baignée, car j'étais accompagnée d'un jeune Français qui n'avait pas de maillot. Nous avions déjeuné avec Gilles et sa femme, qui habitent dans ce coin de rêve, et nous avons fait un tour, en fin de journée, avec les Jack Russel des Walter, et ma Rita qui voulait se faire porter dans son sac. Je crois qu'elle craint les moustiques, et je les trouve pires qu'au mois de juin et juillet. Peut-être parce qu'il n'y a pas assez de vent.

Ce jeune Français est un ancien gilet jaune qui a décidé, comme le père Placide quand il m'a expédiée en Russie, que c'était fichu. Il est beau garçon, bien élevé, catholique. C'est aussi un traditionnaliste, partisan d'Alexandre Douguine. Grâce à ses talents d'informaticien, il gagne bien sa vie, mais ce métier, et la méconnaissance du russe l'isolent. Ce séjour à Pereslavl lui a permis de faire connaissance avec Gilles et aussi Olga, qui parle français et habite Moscou. 

A notre retour, il m'a dit que ce n'était pas toujours facile, pour lui. "J'ai le mal du pays. Cependant, quand je retourne en France, je ne me reconnais plus, et j'ai envie de repartir. Pour vous, c'est sans doute plus facile, dans la mesure où vous êtes orthodoxe, et russophone....

- Oui, mais j'ai le mal du pays quand même. A vrai dire, quand je suis retournée en France, j'avais la nostalgie de la Russie. A un moment, il faut choisir, et j'ai été aidée par le père Placide et les circonstances. Mais je pense souvent à la France, il m'en revient des images, c'est comme un cinéma intérieur. Le père Valentin me dit que nous sommes des exilés non dans l'espace, mais dans le temps. C'est très vrai, et valable aussi bien pour les Russes que pour les Français, nous sommes tous tombés dans une maison de fous planétaire, et nous avons la nostalgie d'un monde encore normal. Cela dit, pour l'instant, à Pereslavl, n'était l'enlaidissement irrésistible et fantasmagorique de cette pauvre ville, j'ai au moins l'impression d'être à l'écart de cette folie générale, les gens sont calmes, bienveillants, gentils, notre vie paisible....

- Parfois, on me reproche et je me reproche de ne pas être resté combattre en France...

- Oui, je vous comprends, et c'est un choix à faire. Cependant, vous avez eu juste le temps de partir, ce qui est peut-être le signe que c'était votre destin. Et puis je me demande s'il y aura même un combat, à vrai dire, je ne sens pas de grandes capacités de résistance. Pour moi, c'était en effet plus simple, car je me suis toujours sentie décalée dans la société française, j'ai vécu dans une grande solitude, un ennui profond, et je n'avais aucune perspective. J'étais marginalisée d'autant plus que j'étais orthodoxe et politiquement incorrecte, je cumulais les handicaps. C'est ici que j'ai commencé à vivre, si je fais exception de mon enfance heureuse. Ici, je connais beaucoup de gens qui partagent ma vision des choses, au moins pour l'essentiel. Mon enracinement français est génétique, sentimental mais pas spirituel ".

Gilles lui conseille de s'installer en province, où obtenir un permis de séjour est plus facile. A vrai dire, quand on travaille chez soi, il y a peu de raisons, à mes yeux, de rester en ville en ce moment, avec la covidomanie et les diverses menaces qui planent. Les capitales deviennent trop malsaines. Et puis ici, on trouve en province des relations intéressantes qu'on a le temps de rencontrer, d'une façon détendue et conviviale.



mercredi 12 août 2020

Déja la fin...

 

Cela sent fortement l'automne, les feuilles commencent à jaunir, les buissons n'en font plus de nouvelles. Je ne suis pas sûre de pouvoir encore une fois retourner me baigner. Et j'ai l'impression de ne pas avoir vu passer cet été que l'on attend neuf mois, comme les enfants. Je ne prendrai plus de locataires, car cela me prive de la jouissance de mon jardin, où je les trouve installées, se faisant bronzer, ou dans mon hamac. J'attends leur départ avec impatience, j'aurais besoin de me sentir un peu chez moi avant que l'hiver ne revienne. Mais elles ont décidé de prolonger jusqu'à vendredi, je leur ai dit que j'attendais des amis, ce qui est vrai. 

J'ai plein de travail, avec les pommes et les légumes. Et en plus, les chats, ou plus certainement Georgette, la seule qui se refuse à aller faire ses besoins dehors, souillent régulièrement l'espèce de petit sas qui précède mon entrée, et où je range des tas de trucs, si on peut appeler cela ranger. J'ai nettoyé trois fois, ce matin. La caisse à chats ne lui suffit pas, elle va sous une étagère, et nettoyer à cet endroit m'oblige à des acrobaties, c'est affreux à dire, mais je la prends quasiment en grippe, avec son affection tyrannique et jalouse, et ses manies de vieille. Si elle le fait pour m'emmerder, c'est vraiment réussi, et au sens propre. Je la traite de tous les noms.

J'ai vu que les chèvres de Nadia avaient bouffé les pousses qu'avait faites mon aubépine. Or, j'ai besoin de cette aubépine, car elle peut me cacher d'éventuelles constructions disgracieuses. Et depuis plus de quinze jours, une noria incessante de camions apporte de la terre dans la partie encore sauvage de notre marécage. Nous avons du bruit, de la poussière, des odeurs d'essence, et à mon avis, nous aurons aussi une perturbation de l'écosystème du lac, qui est déjà bien assez malmené. Mais quand on veut faire du fric, de nos jours, rien ne vous arrête... Ma voisine m'a dit qu'on allait construire quatre maisons, quatre monstres là où nous avions des saules et des roseaux, et le ciel derrière l'isba de l'oncle Kolia. Je lui ai transmis l'accordéon réparé par Skountsev, et son mari tout content en a tiré quelques mesures, devant leur palissade.

Le père Basile m'a appelée au téléphone, sans doute trouvait-il nécessaire de me remonter le moral avec les bretelles. Il m'a dit qu'ayant failli mourir du Covid, il avait relativisé bien des choses, et qu'il se fichait complètement de la dictature numérique et des sombres desseins de la caste satanique, car ce qui comptait, c'était notre relation avec le Christ, et son triomphe assuré sur les forces des ténèbres. Certes, nous avons devant nous des temps difficiles, certes, nous aurons à résister, peut-être jusqu'au martyr, mais peu importe car Dieu est avec nous. Le mot foi signifie fidélité, restons fidèles quoiqu'il advienne. C'est là ce que nous devons chercher à faire, et témoigner, car le chrétien n'est pas une nouille, le chrétien est un prophète qui doit parler haut et fort, sans craindre de déplaire, et non se répandre en discours complaisants et politiquement corrects. Je lui ai dit que j'avais du mal à prier, que je faisais tant de choses, écrire, jouer des gousli, et puis le jardin, le ménage. "Vous savez, un chrétien doit être actif, et être aussi présent à son prochain. Peut-être que prier, pour vous, c'est jouer des gousli, d'ailleurs, le roi David en jouait aussi, et puis contempler la nature, faire du bien aux créatures qui vous entourent, trouver de la joie dans les moments que vous passez avec des amis, tout cela, si vous en éprouvez la gratitude requise, vous met en relation avec Dieu. Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à prendre la vie spirituelle comme une fuite, et à l'aménager à son gré, à se faire une religion sur mesure, c'est un défaut qu'on rencontre assez souvent en France, d'ailleurs. Pour endurer les temps qui viennent, nous aurons besoin de communautés, d'entraide, de présence à l'autre".

C'est justement ce qui se dessine ici, et pas seulement ici, il se crée des communautés paysannes, mais même à l'intérieur de Pereslavl, les croyants se rassemblent, les cosaques... j'ai réfléchi à cela toute la journée et enfin réussi à finir mon roman Epitaphe, du moins son premier jet. 

 

mercredi 5 août 2020

Tryptique

Hier, j'ai vu arriver mon amie Yana, son mari Génia, et un ami à eux, Denis, tous trois artistes peintres. Nous nous sommes retrouvés au café la Forêt, et Génia m'a brusquement annoncé qu'il avait un cadeau pour moi. Il a sorti un paquet plat, qu'il a défait: c'était un ancien tryptique dont manque un volet, celui de saint Jean Baptiste, avec le Christ et la Mère de Dieu, en bronze émaillé. J'ai été si saisie que j'en ai eu les larmes aux yeux. N'était l'absence de saint Jean Baptiste, le tryptique est en parfait état, il est très beau. Ces icônes étaient en général des icônes de vieux croyants. J'ai pensé à mon ami belge Nicolas, qui les collectionne. Le cadeau provenait de la collection du père de Yana qui les recueillait à l'époque soviétique.
Puis nous sommes allés rejoindre Olga et Oleg, qui ont une datcha près du monastère saint Nicolas, et avec lesquels je m'entends très bien. Nous devions aller nous baigner au lac, avant de dîner. Par un raccourci, ce n'est pas très loin de chez eux. Nous sommes passés devant une énorme maison disgracieuse plantée dans un endroit qui aurait dû rester sauvage, à l'approche du lac, sur un terrain marécageux dont cette masse perturbe l'écosystème. C'est celle de la procureure, qui l'a imposée à la mairie, et s'est dédouanée en promettant d'aménager un parc avec des jeux pour les enfants, qui tombe en putréfaction au milieu du marécage, et dont personne n'avait vraiment besoin.
Cependant l'endroit où nous nous sommes baignées, nous les femmes qui avions un maillot, pendant que les hommes restaient pudiquement à fumer sur le ponton, était très beau, et nous nagions à la rencontre des nuages avec la vue sur le clocher des Quarante Martyrs, et au loin le monastère saint Nicétas, tout blanc sur la berge bleu foncé.
Olga nous a raconté qu'il y a des années, elle avait fait un rêve, sur cet endroit, elle nageait au dessus de pièces Napoléon en or, et voyait la Mère de Dieu qui lui faisait signe de venir à l'horizon du lac. Puis elle la précédait jusqu'à la colline d'Alexandre, lui indiquant d'aller y faire son salut, et dans la file de pèlerins qui s'élevait, un homme chauve l'attendait. Or par la suite, elle a rencontré Oleg, qui n'a plus de cheveux, comme l'homme du rêve. De plus, elle a appris qu'on soupçonnait dans le lac la présence d'un trésor laissé par les Français, et chaque année, les prêtres vont bénir les eaux en procession. J'ai trouvé ce rêve superbe.
Quand nous nous sommes rapprochées de la berge, j'ai entendu les cris déchirants de Ritoulia, qui guettait le large, car j'avais disparu derrière les roseaux. D'après nos hommes, elle s'était même jetée à l'eau, dont elle a peur, pour essayer de me rejoindre, mais elle n'était pas allée bien loin.

photo Génia
Nous avons beaucoup discuté ensuite sur la terrasse décorée par une abondante vigne vierge, façon vitrail art nouveau. Nous avons parlé de la Russie et de la France que tout le monde avait visitée, et Olga parle français et connaît pas mal notre pays. Nous étions tous d'accord sur les manipulations du covid et les tentatives d'installer une dictature mondiale et de faire disparaître les populations de civilisation chrétienne, qui gênent les corporations et leurs intérêts uniquement mercantiles. Pour le reste, mon slavophilisme n'agréait pas vraiment Denis, qui est certainement libéral et pense que les Russes n'auraient jamais rien fait de bien sans les étrangers. Olga disait qu'à Paris, discutant avec un ami sans précautions politiquement correctes, elle avait senti son malaise, et la désapprobation de l'entourage, elle avait senti qu'elle touchait à des tabous, qu'elle compromettait leur équilibre, car le programme inculqué avait tellement pénétré leur psychisme que de le remettre en question pouvait le faire exploser. C'est ce qu'un autre ami, dans une lettre, appelle les verrous psychologiques consécutifs à des décennies de conditionnement sournois. "Les gens pareillement programmés deviennent vite agressifs, parce que le programme leur sert de structure" a conclu Olga. En effet, et s'ils sont à ce point programmables, c'est qu'on a effacé leurs repères culturels et spirituels et brisé le lien transgénérationnel, la tradition. Elle m'a dit qu'une telle pression devait être éprouvante pour les gens qui ne partageaient pas le point de vue admis; car toute réelle discussion était impossible. C'est là d'ailleurs un des symptômes du totalitarisme. J'ai passé toute ma jeunesse sous cette pression qui était grande dans les milieux "culturels" dès les années 70, peut-être même avant.
Olga est très intelligente, très pénétrante, et c'est un vrai bonheur pour moi de m'entretenir avec elle.





vendredi 31 juillet 2020

Lapin rose

J'ai ramené Skountsev et sa femme à Podolsk, près de Moscou, et passé autant de temps sur le périphérique que dans le voyage depuis Pereslavl jusqu'à Moscou. En chemin, Marina m'a expliqué qu'après la maladie de Volodia, la famille, confinée pendant des temps, avait fait, avec l'aide d'un ami, provision de Plaquenil, l'équivalent russe de l'hydrochloroquine du professeur Raoult. Eux, ils ont confiance dans ce traitement et c'est sûrement celui qu'a pris Skountsev, mais comme partout ailleurs, les commis voyageurs de la mafia des laboratoires ont commencé à le dénigrer. Les deux fils de Skountsev sont très beaux garçons. L'aîné a une petite amie tatare ravissante.
Puis le soir, j'ai diné chez Xioucha avec le père Valentin. Elle semble prête à venir chez moi après le départ de mes deux locataires. Je l'en supplie depuis que j'ai cette maison, et que j'ai fait un appartement indépendant de la moitié que je n'occupe pas. Mon idée était, entre autres, de lui constituer une datcha, et aussi au besoin à ses soeurs, mais ses soeurs en ont une. C'est la justification d'une si grande maison pour moi toute seule.
Nous sommes allés à pied chez Xioucha. Au pied de l'immeuble du père Valentin, je vois une nouvelle boutique: le lapin rose, avec un animal stylisé de cette couleur sur toute la vitrine. "Qu'est-ce que cela, père Valentin?
- Ca? ça? Ah ne m'en parlez pas, c'est ce qu'il faudrait brûler, plutôt que les orgues françaises!"
C'est un sex-shop... On peut dire que rien n'aura été épargné à mon père Valentin!
Nous avons beaucoup discuté, de ce qui se passe en France, et ici aussi. Il m'a dit: "Notre exil n'est pas géographique, il est historique". Je lui ai expliqué que ma vie devenait parfois compliquée parce qu'on ne peut plus rien dire. Si je critique la France, on me reproche de cracher sur mon pays d'origine, si je critique la Russie de cracher sur mon pays d'accueil, et le problème, c'est que souvent, je me retiens de dire tout ce que je pense, non par rapport à Facebook ou autres censeurs de la pensée unique, mais pour ne pas blesser des gens que j'aime bien, et avec lesquels je n'ai pas envie d'avoir de polémiques. Je n'aime généralement pas les communistes, je les trouve agressifs, butés et de mauvaise foi, mais j'en connais de très gentils, qui ne comprennent pas que renier Charybde pour Scylla ou le contraire ne fait pas avancer les choses, ce qui dans ma conception, consiste en partie à les faire reculer. Je considère le mouvement LGBT comme un outil de destruction de la famille traditionnelle entre les mains de satanistes internationaux, mais j'ai peur de faire de la peine à tel ou tel homosexuel par ailleurs adorable qui ne voit pas où cela nous conduit. L'histoire du message de Fatima me fait grimper aux rideaux, mais je ne voudrais pas scandaliser des amis catholiques. Je suis persuadée que le covid et les masques constituent une escroquerie et un outil d'asservissement à la civilisation horrible que nous prépare la Caste, sur le modèle chinois de la fourmillière prédatrice dont on ne peut plus s'évader ni physiquement ni moralement, mais si j'en parle trop, j'ai peur de paniquer des personnes fragiles qui se cramponnent à la certitude que Big Brother est certes, incompétent, mais qu'il n'a pas les mauvaises intentions que je lui porte dans mon délire complotiste.
Le père Valentin s'est beaucoup intéressé au thème du roman que j'écris en ce moment: "Vous ne pourrez pas publier cela en France, me dit-il cependant.
- C'est que me dit ma tante Mano!
- Non seulement vous ne pourrez pas le publier, mais vous ne pourrez plus y remettre les pieds sans vous faire arrêter!
- Eh bien, c'est un peu étrange pour moi de l'admettre, mais tout semble indiquer que c'est probable. Cependant, même sans cela, je me demande si nous pourrons encore jamais circuler librement de l'un à l'autre pays.
- C'est une idée très intéressante. C'est "la ville invisible de Kitej".
- En effet, c'est là toute la direction de l'ouvrage.
- Et les précédents, la traduction avance?
- Petit à petit..."
J'ai remis à plus tard une démarche que je voulais faire, car je redoutais de tomber dans les embouteillages du week-end, et je pourrai la faire dans quelques jours, car je vais revenir pour l'anniversaire de mon père spirituel bien aimé, et cela, après avoir pris conseil d'une personne compétente. Mais pas moyen de m'en aller car je n'avais pas les clés de l'appartement, et le père Valentin n'émergeait résolument pas de son antre. Voyant l'heure avancer, j'ai fini par appeler Xioucha. "Mon père est revéillé depuis longtemps, mais il attend pour se manifester que j'arrive avec le petit-déjeuner, car il a honte de ne rien avoir à vous offrir!
- Mais Xioucha, c'est complètement idiot, je ne déjeune plus jamais le matin, je comptais le faire à mon arrivée, et je vais tomber dans des embouteillages épouvantables!"
Xioucha m'a répondu en hurlant de rire qu'elle allait en aviser son père, et j'ai pu prendre la route qui, à ma grande surprise, est restée libre tout le long.
                                                     
                                           Skountsev chez moi avec les chats

Skountsev chez moi avec les chats





dimanche 26 juillet 2020

Les cosaques de Pereslavl

Les cosaques de Pereslavl attendaient aujourd'hui Volodia et Marina dans le "parc russe" où ils ont leur quartier général. Ce parc russe, à l'entrée de Pereslavl, est une sorte de complexe touristique à thème patriotique, avec une architecture pseudo-typique du mauvais goût fantasmagorique habituel. Mais il faisait un temps délicieux, à vrai dire déjà un peu automnal, tiède, venté, et nous avons été reçus avec une chaleur touchante. Volodia est une célébrité dans le domaine du folklore cosaque. Avec Marina, ils ont chanté, et expliqué toutes sortes de traditions, donné des conseils. Les cosaques et leur progéniture ont montré ce qu'ils savaient faire, la danse du sabre et autres jeux guerriers, les chants. Je les trouvais tous gentils, purs, et pleins de bonne volonté. Le petit Gricha Rimm prenait son air sévère et viril, et restait collé contre l'ataman qui dirige tout cela, mais il est quand même allé danser avec les hommes!
J'ai rencontré un Français dont j'entendais parler depuis longtemps et qui habite Rostov, Iakov. En réalité, ce Français a des origines russes, ses grands-parents étaient cosaques du Don, et ont quitté la Russie au moment de la révolution. Sa mère venait de Suisse allemande et il a grandi à Nancy. Il y a 20 ans, il a opéré son retour en Russie, où il est marié avec plein d'enfants. C'est un ferronnier d'art. Nous avons commenté le mauvais goût qui nous consterne autant l'un que l'autre. "Je me retiens de plus en plus souvent de le souligner, bien que ce soit la chose qui m'indispose le plus, ici, cela me rend malade de les voir saccager ce que le pouvoir soviétique avait encore épargné. Mais j'ai peur de les agacer en  insistant trop.
- C'est vrai, moi aussi, mais quand même je ne me gêne pas trop pour le dire. Vous savez, il me semble que le plus souvent, les Russes ne savent plus qui ils sont, ils se cherchent, ils cherchent à se retrouver, comme nos cosaques, ici. Le pays a été terriblement abîmé culturellement, ils sont en quête de leur savoir-faire et de leurs traditions perdues. Ils sont en train d'essayer de sortir du processus dans lequel les Français sautent à pieds joints. Quand ils se rendent compte des pertes subies, évidemment. Ce que je ne supporte pas, ce sont ceux qui sont obnubilés par l'occident et méprisent leur propre pays...
- En France, les gens qui contestent le système et veulent effectuer un retour à la terre, ce qui est en soi une saine démarche, n'ont pas le désir de retrouver leurs racines culturelles et spirituelles, comme ici, au contraire, ils se lancent dans le shamanisme, le bouddhisme, l'hindouisme, l'islam, ils font de la musique exotique, africaine, indienne, iranienne, et s'ils font de la musique traditionnelle, ils ne manquent pas de souligner qu'ils ne revendiquent pas un tel adjectif pour eux-mêmes. A vrai dire, contrairement à l'orthodoxie, l'Eglise romaine me parait elle-même déracinée et déconnectée et je ne vois pas comment la France pourrait y puiser la force de se rétablir, alors que j'ai encore de l'espoir pour la Russie."
Cette impression d'avoir affaire à un peuple d'amnésiques à la recherche de leur passé, je l'avais eue fortement quand j'étais revenue la première fois en Russie, en 1990. et j'avais aussi découvert qu'avec des approches un peu différentes, nous avions subi ou subissions tous le même lavage de cerveau.
Skountsev pense que la pieuvre mondialiste est infiltrée partout, quand on cherche à l'expluser d'un côté, elle revient de l'autre, sous un autre label, une autre apparence. Et en effet, c'est ce que me disait déjà il y a 20 ans un ancien officier du KGB que j'avais rencontré lors d'une croisière sur les fleuves et les lacs du nord.
J'ai vu aussi le Suisse Benjamin, ou Veniamine, je ne sais même pas si on peut encore dire qu'il est suisse d'ailleurs, tellement il est naturalisé. Il était avec son bébé Savva. Il est heureux comme un roi, au milieu de son équipe de cosaques, dont l'aumônier est le père Andreï, ancien vieux-croyant, et ami du père Andreï de notre cathédrale..








Des cosaques de passage ont laissé derrière eux quelques cadavres