D'après l'assurance, je dois avoir un procès-verbal des flics pour faire réparer ma voiture que j'ai embugnée moi-même sur mon portail. Ils étaient venus une première fois, mais je ne les avais pas entendus. Je n'osais pas rappeler, c'était plus fort que moi, je remettais toujours au lendemain, cela devenait une phobie et voilà qu'Anastassia, rencontrée à la cathédrale, me propose son aide chrétienne, bien qu'elle soit aussi phobique que moi, ou peut-être pour cette raison, c'est parfois plus facile de le faire pour les autres que pour soi-même. Elle est venue, elle a appelé, et nous avons attendu jusqu'au soir, car ils étaient occupés avec un accident de la route énorme dont ils ne se sortaient pas. Ils sont arrivés à presque huit heures, deux jeunes flics épuisés, qui m'ont prise pour un folle, d'être Française, de vivre ici, et de ne pas avoir déclaré l’accrochage plus tôt, et avaient des accès de rire nerveux. Ils ne trouvaient pas mon assurance. C'est-à-dire qu'ici, on en a deux, une, obligatoire, pour la responsabilité civile du conducteur, et l'autre pour les dégâts matériels du véhicule. Ils avaient la seconde, mais pas la première, et comme j'étais paniquée, je ne la voyais pas non plus. Je commençais à me demander si on me l'avait prolongée, car les deux gamins ne la voyaient pas non plus dans la base de données. Pendant que nous cherchions des papiers et en remplissions d'autres, Rita et Georgette, chacune à leur tour, se glissaient avec impudence dans la bagnole de service, les gamins redoublaient de rire. Pour sortir de cette situation, et laisser les jeunes gens repartir dans leur Rostov natal, j'ai accepté la perspective de payer une amende de 800 roubles, mais après leur départ, j'ai retrouvé le fichu papier, qui était glissé derrière la facture que j'avais acquittée pour sa délivrance. C'est curieux comme les documents ont une infernale propension à quitter tout seuls leur pochette ou à se planquer sournoisement. Cette histoire aurait été beaucoup plus compliquée sans l'aide de Nastia, qui a passé la journée assise dans mon jardin, ce dont elle était paraît-il contente, car elle vit en appartement. Cette jeune femme a déjà des enfants adultes et même des petits-enfants! Je croyais que c'était une fille à marier... Elle est étonnamment calme, agréable, c'est drôle comme c'est surtout dans ma génération que je vois des dragons et des emmerdeuses infréquentables. Les quadragénaires et trentenaires sont beaucoup plus discrètes et je les vois volontiers, car elles sont très secourables sans essayer de redresser mes torts. Le poirier dispersait sur nous une neige parfumée de pétales blancs, emportés par un vent doux et tiède. Nastia est seule, son mari l'a quittée, mais me dit-elle: "Je ne me suis jamais sentie aussi seule que lorsque j'étais avec lui". Le mariage devrait être une consolation et une aide réciproques, et c'est assez rarement le cas, malheureusement.
Le lendemain, j'ai emmenée Nastia à une fête folklorique à laquelle m'avait inopinément conviée Dima Paramonov, à Serguiev Possad. Il y a là bas un centre de folklore assez actif. Je voulais emmener Katia, qui était prise par un concert à Moscou.
La fête se passait sur le territoire d'une église. Quand nous sommes arrivées, plusieurs personnes jouaient et chantaient dans un kiosque que le prêtre a bâti spécialement pour leur permettre de se réunir sans s'exposer aux intempéries. Il y a avait Yegor Strelnikov, passablement bourré, ce qui le rendait très sentimental, et il a évoqué avec émotion notre rencontre de cet été, quand j'étais avec Henri et Patricia. Et Dima, accroché à ses gousli. Et puis diverses personnes habillées à la russe. Ce n'était pas un concert, juste une réunion pour faire de la musique ensemble. On nous a demandé de nous rassembler devant l'église, car le prêtre allait sortir de l'office, c'était son anniversaire, et il fallait lui chanter "Longue vie". Ce que nous avons fait. Quel merveilleux prêtre... Je l'ai trouvé si touchant, si modeste et joyeux, et beau, avec un très charmant sourire.
Au dessus de l'église, refaite à neuf, je voyais la rituelle antenne internet que l'on place, pour une raison mystérieuse, TOUJOURS à côté des sanctuaires et monastères. Pourquoi? On pourrait les mettre un peu plus loin. Non, la maudite antenne est obligatoirement dans les parages des églises, et les guette de toutes ses ferrailles et de ses lumignons. Nastia y voit un réflexe hérité de l'Union Soviétique.
Les églises sont en bien meilleur état dans la région de Moscou que dans la région de Yaroslavl, ce qui confirme ce que nous a expliqué l'évêque.
Les jeunes gens se sont mis à danser, de façon complètement spontanée et informelle. Je me demandais si Nastia appréciait, car elle restait impassible dans son coin à observer tout cela: "Mais je suis ravie, je ne m'attendais pas à cela! Comme c'est naturel, comme les gens sont chaleureux et sans affectation, on voit que cela fait tout simplement partie de leur vie."
Nous nous sommes retrouvées auprès d'un feu de camp, avec Dima qui chantait des bylines, et qui m'a demandé aussi de chanter un peu. Beaucoup de gens me connaissaient déjà de réputation, car Dima avait parlé de moi en long, en large et en travers. Les gens faisaient rôtir des saucisses, les gosses jouaient et gavaient Rita d'offrandes. Ma voisine, qui allaitait son petit dernier, m'avait posé sur les épaules un châle en duvet de chèvre d'Orenbourg, car je commençais à avoir froid. Au dessus de cette scène russe brillait une demie lune brumeuse. Alentour s'alignaient des cottages affreux dans un style pseudo européen ou américain. Je me disais que dans chaque pays demeurerait une population résiduelle authentique tandis que les autres, les victimes de la télé et de l'uniformisation globaliste, se transformeraient de plus en plus en mutants hagards.
Nous avons pris rendez-vous pour la prochaine fête, la Trinité, dans un mois. Dima sera dans l'Oural, mais les autres nous attendent, cette fois avec Katia. En attendant, je me prépare à aller donner une conférence à Lipetsk, je vais faire 600 km pour 20 minutes de conférence, parce que je n'ai pas su me défiler!
Le lendemain, j'ai emmenée Nastia à une fête folklorique à laquelle m'avait inopinément conviée Dima Paramonov, à Serguiev Possad. Il y a là bas un centre de folklore assez actif. Je voulais emmener Katia, qui était prise par un concert à Moscou.
La fête se passait sur le territoire d'une église. Quand nous sommes arrivées, plusieurs personnes jouaient et chantaient dans un kiosque que le prêtre a bâti spécialement pour leur permettre de se réunir sans s'exposer aux intempéries. Il y a avait Yegor Strelnikov, passablement bourré, ce qui le rendait très sentimental, et il a évoqué avec émotion notre rencontre de cet été, quand j'étais avec Henri et Patricia. Et Dima, accroché à ses gousli. Et puis diverses personnes habillées à la russe. Ce n'était pas un concert, juste une réunion pour faire de la musique ensemble. On nous a demandé de nous rassembler devant l'église, car le prêtre allait sortir de l'office, c'était son anniversaire, et il fallait lui chanter "Longue vie". Ce que nous avons fait. Quel merveilleux prêtre... Je l'ai trouvé si touchant, si modeste et joyeux, et beau, avec un très charmant sourire.
Au dessus de l'église, refaite à neuf, je voyais la rituelle antenne internet que l'on place, pour une raison mystérieuse, TOUJOURS à côté des sanctuaires et monastères. Pourquoi? On pourrait les mettre un peu plus loin. Non, la maudite antenne est obligatoirement dans les parages des églises, et les guette de toutes ses ferrailles et de ses lumignons. Nastia y voit un réflexe hérité de l'Union Soviétique.
Les églises sont en bien meilleur état dans la région de Moscou que dans la région de Yaroslavl, ce qui confirme ce que nous a expliqué l'évêque.
Les jeunes gens se sont mis à danser, de façon complètement spontanée et informelle. Je me demandais si Nastia appréciait, car elle restait impassible dans son coin à observer tout cela: "Mais je suis ravie, je ne m'attendais pas à cela! Comme c'est naturel, comme les gens sont chaleureux et sans affectation, on voit que cela fait tout simplement partie de leur vie."
Nous nous sommes retrouvées auprès d'un feu de camp, avec Dima qui chantait des bylines, et qui m'a demandé aussi de chanter un peu. Beaucoup de gens me connaissaient déjà de réputation, car Dima avait parlé de moi en long, en large et en travers. Les gens faisaient rôtir des saucisses, les gosses jouaient et gavaient Rita d'offrandes. Ma voisine, qui allaitait son petit dernier, m'avait posé sur les épaules un châle en duvet de chèvre d'Orenbourg, car je commençais à avoir froid. Au dessus de cette scène russe brillait une demie lune brumeuse. Alentour s'alignaient des cottages affreux dans un style pseudo européen ou américain. Je me disais que dans chaque pays demeurerait une population résiduelle authentique tandis que les autres, les victimes de la télé et de l'uniformisation globaliste, se transformeraient de plus en plus en mutants hagards.
Nous avons pris rendez-vous pour la prochaine fête, la Trinité, dans un mois. Dima sera dans l'Oural, mais les autres nous attendent, cette fois avec Katia. En attendant, je me prépare à aller donner une conférence à Lipetsk, je vais faire 600 km pour 20 minutes de conférence, parce que je n'ai pas su me défiler!